CHAPITRE V - PROCÉDER AUX AJUSTEMENTS NÉCESSAIRESAU BON FONCTIONNEMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION INTERCOMMUNALE
Votre commission, à l'initiative de notre collègue Patrick Chaize et de plusieurs de nos collègues, a adopté un amendement COM-9 afin que les établissements publics de coopération intercommunale soient mentionnés dans le titre du chapitre V, par coordination avec d'autres amendements adoptés.
Article 21 (art. L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales) - Assouplissement des conditions de mise en oeuvre des délégations de compétences
L'article 21 de la proposition loi vise à assouplir les conditions de mise en oeuvre des délégations de compétences entre les différentes collectivités territoriales.
1. Les délégations de compétences entre collectivités territoriales : un dispositif peu utilisé
1.1. Des délégations possibles entre collectivités territoriales
Si la délégation de compétences entre collectivités territoriales était déjà consacrée dans des domaines déterminés, la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales lui a donné une assise nouvelle et générale.
• Des dispositifs anciens et circonscrits
Des dispositifs de délégations de compétences entre collectivités territoriales concernant des domaines spécifiques sont depuis longtemps prévus par la loi. Par exemple :
- les articles L. 5215-20 et L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales prévoient depuis 1999 122 ( * ) la possibilité pour le département de déléguer aux communautés urbaines et d'agglomération tout ou partie de ses compétences en matière d'aide sociale, possibilité étendue depuis à la voirie ;
- de manière plus générale, l'article L. 5210-4 du même code prévoit depuis 2004 123 ( * ) qu'un établissement public de coopération intercommunale puisse, si ses statuts l'y autorisent expressément, se voir déléguer une partie de leurs compétences par la région ou le département ;
- un peu différent, le dispositif de l'appel de compétence permet à la commune propriétaire ou à la commune siège d'un collège ou d'un lycée d'obtenir de plein droit la responsabilité de la construction et de l'équipement de ce bâtiment, ainsi que la responsabilité du fonctionnement de l'établissement (articles L. 216-5 et 216-6 du code de l'éducation).
• L'introduction d'un dispositif général par la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales
La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a introduit un mécanisme général de délégation des compétences entre les collectivités territoriales , en même temps qu'elle prévoyait la suppression, à la date du 1 er janvier 2015, de la clause de compétence générale des régions et des départements. Il s'agissait alors, selon le ministre de l'intérieur, « de conjurer tout risque de rigidité » dans le nouveau régime des compétences 124 ( * ) .
• La délégation de compétences telle que prévue par l'article L. 1111-8
L'article 1111-8 du code général des collectivités territoriales prévoit ainsi la possibilité pour une collectivité territoriale de déléguer à une collectivité territoriale relevant d'une autre catégorie ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre une compétence dont elle est attributaire. Un EPCI ne peut cependant, dans le cadre de cet article, déléguer ses compétences.
La délégation est dans ce cadre une délégation d'exercice : les compétences déléguées restent exercées au nom et pour le compte de la collectivité territoriale délégante. Elle est régie par une convention qui en fixe la durée et les objectifs, ainsi que les modalités du contrôle de l'autorité délégante sur l'autorité délégataire.
La délégation de compétences se distingue du transfert de compétences, où une autorité est dessaisie d'une compétence au bénéfice d'une autre autorité qui l'exerce en lieu et place du précédent titulaire, pour une durée illimitée.
• L'obligation de déléguer la compétence dans son ensemble
Il est précisé qu' il n'est pas possible de déléguer une compétence de manière partielle 125 ( * ) afin que le dispositif ne concerne que des blocs homogènes de compétences. Or, les compétences des collectivités territoriales sont définies de manière large et parfois peu claire.
La compétence « voirie », par exemple, représente un bloc insécable comprenant obligatoirement trois volets : la création, l'aménagement et l'entretien. Dans le cadre d'une délégation sur la base de l'article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales, celle-ci doit concerner la compétence dans son ensemble. Il n'est donc pas possible de déléguer seulement l'entretien de la voirie.
1.2. Un dispositif in fine peu utilisé
Malgré les encouragements du législateur, les possibilités de délégations de compétences entre collectivités territoriales restent peu utilisées.
La principale crainte des élus est celle d'une forme de tutelle puisque l'autorité délégataire agit au nom et pour le compte de la collectivité délégante et sous son contrôle étroit.
La faible utilisation du dispositif résulte également des contraintes liées à sa mise en place . De fait, des dispositions règlementaires détaillées sont venues préciser le régime de délégation de compétences entre collectivités territoriales. La convention détermine ainsi la ou les compétences déléguées, la durée de la délégation, les modalités de son renouvellement, les objectifs à atteindre et les indicateurs de suivi, les modalités de contrôle, le cadre financier, les moyens de fonctionnement et les services et personnels éventuellement mis à disposition de l'autorité délégataire. Sont ainsi critiquées la lourdeur et la longueur de la procédure, l'exigence de détails excessifs, etc .
2. Assouplir des conditions de mise en oeuvre des délégations de compétences
2.1. L'article 21 de la proposition de loi
L'article 21 de la proposition de loi vise à assouplir les conditions de mise en oeuvre des délégations de compétences entre les collectivités territoriales prévues à l'article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales. Serait désormais autorisée la délégation partielle d'une compétence, comme par exemple la délégation de l'entretien de la voirie.
2.2. La position de votre commission
Les délégations de compétences apparaissent comme une solution d'avenir que le Parlement cherche à encourager. La loi « MAPTAM » a en effet conservé la faculté de délégation entre collectivités territoriales, et en a étendu la portée par trois dispositions principales :
- cette faculté de délégation peut désormais également porter sur certaines compétences de l'État à la demande des collectivités territoriales ou des établissements publics de coopération intercommunale, à l'exception des matières mettant en cause des intérêts nationaux (article L. 1111-8-1 du code général des collectivités territoriales). Ces délégations restent aujourd'hui faiblement développées, en raison notamment du délai existant entre la demande, la réponse de l'État, et la mise en oeuvre de la délégation et du contrôle que l'État continue à exercer sur l'exercice des compétences déléguées ;
- dans le cadre de la métropole de Lyon, une « stratégie de délégation de compétences » doit être adoptée (article L. 3633-3) ;
- au sein des conférences territoriales de l'action publique, les projets de conventions territoriales d'exercice concerté d'une compétence portent notamment sur les « délégations de la région ou du département à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre » (article L. 1111-9-1).
De même, la loi « NOTRe » a poursuivi l'encouragement de ces délégations, par deux dispositions principales :
- l'instruction et l'octroi d'aides ou de subventions peuvent être délégués par l'État, les collectivités territoriales et les EPCI à l'une de ces personnes publiques. Cela permet aux demandeurs d'aides, en réponse à une proposition de la mission du Sénat sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la République 126 ( * ) , de disposer d'un interlocuteur unique sur le terrain (article L. 1111-8-2 du code général des collectivités territoriales) ;
- l'État peut déléguer à la région la mission de veiller à la complémentarité et de coordonner l'action des différents intervenants du service public de l'emploi (L. 5311-3-1 du code du travail).
De ce fait, votre commission salue l'effort des auteurs de la proposition de loi pour répondre à l'une des difficultés expliquant le faible nombre de délégations observés : en introduisant la possibilité de déléguer une compétence de manière partielle, elle devrait faciliter les délégations en les rendant plus souples.
Pour que ce dispositif rencontre son plein succès, il conviendra cependant de réfléchir à un allègement du contrôle que la collectivité délégante exerce sur la collectivité délégataire. On pourrait même imaginer un transfert temporaire de compétences, qui doive être périodiquement renouvelé par convention. Votre commission attend également du Gouvernement qu'il simplifie la procédure de délégation prévue par voie réglementaire.
Par ailleurs, votre commission a souhaité étendre aux EPCI à fiscalité propre la possibilité de déléguer leurs compétences à une collectivité territoriale ( amendement COM-56 du rapporteur). L'interdiction faite aux EPCI de procéder à de telles délégations était, traditionnellement, le corollaire du principe d'attribution qui les régit : les établissements publics n'ont pas la compétence de leurs compétences, ils ne peuvent ni s'attribuer eux-mêmes de nouvelles compétences, ni se défaire de compétences qui leur ont été confiées. Toutefois, cette règle a perdu de sa pertinence, à présent que les EPCI à fiscalité propre exercent un grand nombre de compétences qui, par la volonté du législateur, leur sont obligatoirement transférées par leurs communes membres. Les autoriser à déléguer leurs compétences serait un facteur de souplesse dans les relations internes entre les communes et leurs groupements, comme dans les relations entre ces groupements et les collectivités départementales et régionales.
Votre commission a adopté l'article 21 ainsi modifié .
Article 21 bis (nouveau) (art. L. 5211-4-4 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) - Participation des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre à des groupements de commandes
Introduit par votre commission à l'initiative de notre collègue Patrick Chaize et de plusieurs autres de nos collègues, par l'adoption d'un amendement COM-3 complété par un sous-amendement COM-66 de son rapporteur, l'article 21 bis de la proposition de loi a pour objet de permettre la participation des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre à des groupements de commandes.
1. Une participation restreinte des EPCI aux groupements de commandes
1.1. Les groupements de commandes
La coordination et la mutualisation des achats permettent aux acheteurs publics de réaliser des économies d'échelles en raison du volume des commandes, de réduire les coûts de procédure, ou encore de développer une expertise dans le domaine de la commande publique.
Deux possibilités sont aujourd'hui offertes aux personnes publiques : la centrale d'achat et le groupement de commandes.
Désormais prévus à l'article 28 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, les groupements de commandes permettent à plusieurs acheteurs publics ou privés, parmi lesquels les collectivités territoriales et leurs groupements, de passer conjointement un ou plusieurs marchés publics . Afin de constituer un groupement de commandes, il est nécessaire que chaque membre du groupement soit intéressé à la conclusion d'un ou des marchés publics passés dans ce cadre.
L'intérêt principal pour les acheteurs est le lancement d'une consultation unique pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services.
1.2. La participation limitée des EPCI aux groupements de commandes
Comme tout établissement public, les EPCI sont régis par les principes de spécialité et d'exclusivité. Ils ne peuvent participer à un groupement que dans l'hypothèse où ils sont compétents dans le domaine pour lequel il est constitué.
Pourtant, les EPCI peuvent, depuis la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales , se doter de biens qu'ils partagent avec leurs communes membres (article L. 5211-4-3 du code général des collectivités territoriales).
La restriction de la participation des EPCI aux groupements de commandes pose question, car ils rassemblent parfois des petites communes qui n'ont ni la taille critique ni l'ingénierie nécessaire pour participer à un tel groupement.
2. L'introduction de la possibilité pour les EPCI de participer à tout groupement de commandes
L'article 21 bis de la proposition de loi tend à permettre la participation des EPCI à fiscalité propre aux groupements de commandes, quelles que soient leurs compétences.
Un tel EPCI pourrait ainsi participer à un groupement de commandes au bénéfice de ses communes membres, afin de mettre à leur disposition les travaux, biens ou services ainsi acquis. Cela encouragerait la rationalisation de la commande publique par une plus grande mutualisation des achats.
Il importe de préciser que l'EPCI, pour participer au groupement de commandes, serait toujours tenu de justifier d'un besoin, de la même manière que les autres membres du groupement.
Votre commission a jugé nécessaire de préciser que la participation d'un EPCI à un groupement de commandes n'était possible que si ses statuts le prévoyaient expressément, afin de ne pas déroger aux principes de spécialité et d'exclusivité qui président à son fonctionnement ( sous-amendement COM-66 de son rapporteur).
Votre commission a adopté l'article 21 bis ainsi rédigé .
Article 21 ter (nouveau) (art. L. 2122-8 du code général des collectivités territoriales) - Élection du maire et de ses adjoints par un conseil municipal incomplet
Introduit par votre commission, à l'initiative de notre collègue Patrick Chaize, par l'adoption d'un amendement COM-4 , sous-amendé par votre rapporteur, l'article 21 ter de la proposition de loi tend à autoriser, dans les communes de 1 000 habitants et plus, l'élection du maire ou de ses adjoints par un conseil municipal incomplet, à condition que celui-ci ait perdu moins d'un dixième de ses membres, arrondi à l'entier supérieur.
1. La règle de complétude du conseil municipal pour l'élection du maire et les difficultés qu'elle provoque
L'article L. 2122-8 du code électoral impose, pour l'élection du maire et de ses adjoints, que le conseil municipal soit complet. Cette règle a d'évidentes vertus : il s'agit notamment d'éviter qu'en cours de mandature, s'il y a lieu de procéder à l'élection d'un nouveau maire, le résultat issu des élections municipales ne soit faussé par les vacances survenues entre-temps.
Dans les communes de moins de 1 000 habitants , si le conseil municipal est incomplet, il est procédé à des élections partielles afin de pourvoir les sièges vacants.
Dans les communes de 1 000 habitants et plus , les suivants de liste sont appelés à remplacer les conseillers municipaux manquants. S'il n'y a plus de suivants sur la liste, il est procédé au renouvellement intégral du conseil municipal. Cette règle provoquait des difficultés récurrentes là où tous les candidats d'une liste avaient été élus. Elles ont été en partie résolues par la loi n° 2018-51 du 31 janvier 2018 relative aux modalités de dépôt de candidature aux élections , qui a permis que les listes aux élections municipales comportent deux noms de plus que le nombre de sièges à pourvoir.
Le droit en vigueur comporte d'autres aménagements à la règle de la complétude du conseil municipal .
En effet, lorsqu'il y a lieu à l'élection d'un seul adjoint, le conseil municipal peut décider, sur proposition du maire, qu'il y sera procédé sans élections complémentaires préalables, sauf si le conseil a perdu plus du tiers de son effectif légal 127 ( * ) .
En outre, l'article L. 2122-9 du code électoral dispose que, dans les communes de 1 000 habitants et plus, lorsqu'il y a lieu de procéder à l'élection d'un nouveau maire, le conseil municipal est réputé complet si les seules vacances sont le résultat de démissions données lorsque le maire a cessé ses fonctions et avant l'élection de son successeur, ou encore d'une décision de justice annulant l'élection de conseillers municipaux sans proclamation concomitante d'autres élus.
Toutefois,
ces aménagements ne sont pas
toujours suffisants
. Au cours d'une mandature, les démissions
et les décès peuvent malheureusement être nombreux. Des
manoeuvres politiciennes peuvent aussi, exceptionnellement, obliger à
procéder à de nouvelles élections. Selon les informations
recueillies par votre rapporteur, à la suite de l'entrée en
vigueur de l'interdiction du cumul d'un mandat parlementaire et d'une fonction
exécutive locale, on a vu dans certains conseils municipaux les
élus de l'opposition démissionner en bloc après le
dépôt de candidature du maire aux élections
législatives ou sénatoriales, mais avant son élection
éventuelle et sa démission de ses fonctions de maire. Dans les
communes
de 1 000 habitants ou plus, ces démissions
coordonnées ont obligé à renouveler intégralement
le conseil municipal après l'élection du maire au Parlement.
2. L'assouplissement proposé
Afin de remédier à de telles situations, l'amendement COM-4 soumis à l'examen de votre commission prévoyait de mettre fin, dans toutes les communes, à la règle de complétude du conseil municipal pour l'élection du maire et de ses adjoints. L'élection aurait pu avoir lieu valablement à condition que le conseil ait perdu moins d'un dixième de ses membres, arrondi à l'entier supérieur .
Votre rapporteur a cependant observé que, dans les plus petites communes, cette nouvelle règle aurait permis de procéder à l'élection du maire ou de ses adjoints par un conseil municipal amputé d'une proportion non négligeable de ses membres : un sur sept (soit 14 %) dans les communes de moins de 100 habitants, deux sur onze (soit 18 % ) dans les communes de 100 à 499 habitants, deux sur quinze (soit 13 %) dans les communes de 500 à 1 499 habitants 128 ( * ) .
En outre, dans les communes de moins de 1 000 habitants, il est possible de procéder à des élections partielles pour pourvoir les sièges vacants.
Par l'adoption du sous-amendement COM-67 de son rapporteur, votre commission a donc choisi de réserver l'assouplissement proposé aux communes de 1 000 habitants et plus.
Votre commission a adopté l'article 21 ter ainsi rédigé .
Article 21 quater (nouveau) (art. L. 2122-8 du code général des collectivités territoriales) - Coordination
Introduit par votre commission, à l'initiative de notre collègue Patrick Chaize, par l'adoption d'un amendement COM-6 , l'article 21 quater de la proposition de loi procède à une coordination à l'article L. 270 du code électoral, rendue nécessaire par l'adoption de l'article 21 ter .
Votre commission a adopté l'article 21 quater ainsi rédigé .
Article 21 quinquies (nouveau) (art. L. 5212-26-1 et L. 5722-12 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) - Fonds de concours entre un syndicat de communes ou un syndicat mixte de gestion forestière et ses membres
Introduit par votre commission, à l'initiative de notre collègue Patrick Chaize, par l'adoption d'un amendement COM-11 , sous-amendé par votre rapporteur et par notre collègue Arnaud Bazin, l'article 21 quinquies de la proposition de loi a pour objet d'autoriser le versement de fonds de concours entre les syndicats de communes et leurs communes membres, ainsi que le versement aux syndicats mixtes de gestion forestière de fonds de concours et subventions par leurs membres.
1. Un assouplissement aux principes qui régissent les relations financières entre les communes et leurs groupements
Les relations financières entre les communes et leurs groupements sont longtemps restées régies par des principes stricts :
- le principe de spécialité , qui interdit à tout établissement public, y compris un EPCI, d'agir en dehors du cadre de ses compétences statutaires ;
- le principe d'exclusivité , selon lequel les communes sont intégralement dessaisies des compétences transférées à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI).
Ces principes, loin d'être de pures constructions
doctrinales, sont
un gage de bon fonctionnement de
l'intercommunalité
: ils empêchent notamment qu'un
EPCI intervienne dans un domaine où il n'a pas été
habilité à le faire et où l'intérêt de
l'ensemble des communes regroupées n'est pas en jeu - au
bénéfice, le cas échéant, de certaines communes
plutôt que d'autres - ou encore qu'une commune qui aurait plus que ses
voisines les moyens de cofinancer un projet n'attire tous les investissements
de l'établissement.
Toutefois, il s'est avéré nécessaire d'apporter à ces principes quelques amodiations, afin de faciliter l'action conjointe des communes et de leurs groupements .
C'est ainsi que la loi d'orientation n° 92-125 du 6
février 1992
relative à l'administration territoriale de la
République
a introduit la possibilité pour un EPCI de verser
des
fonds de concours
à ses communes membres
pour
financer la réalisation ou le fonctionnement d'équipements
«
d'intérêt communautaire
».
Cette faculté, initialement réservée aux
communautés urbaines, a été étendue en
1999
129
(
*
)
aux
communautés d'agglomération et de communes. Les conditions du
versement de fonds de concours ont été élargies en
2002
130
(
*
)
, quand le
législateur a substitué à la notion
d'équipements
d'intérêt communautaire celle
d'équipements «
dont
l'utilité dépasse
manifestement l'intérêt communal
». Enfin, la loi
n° 2004-809 du 13 août 2004
relative aux
libertés et responsabilités locales
a encore assoupli le
mécanisme, d'une part, en l'étendant à tout
équipement sans autre précision, d'autre part, en le rendant
bidirectionnel, puisque les communes ont été à leur tour
habilitées à verser des fonds de concours à l'EPCI dont
elles sont membres.
En revanche, la même loi a soumis le versement de fonds de concours à deux nouvelles conditions :
- il doit faire l'objet de délibérations concordantes du conseil communautaire et du ou des conseils municipaux concernés : ils ne peuvent donc être imposés comme le craignaient certains élus ;
- le montant total des fonds de concours ne peut excéder la part du financement assurée, hors subventions, par leur bénéficiaire.
Comme l'écrivait alors le Gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de loi, « les fonds de concours ne doivent pas, d'une part, servir à financer des dépenses de fonctionnement récurrentes qui doivent rester financées par la collectivité concernée et, d'autre part, à remettre en cause le principe de spécialité qui régit les relations entre les établissements publics et leurs communes membres. Le versement de fonds de concours ne peut donc intervenir, en fait, qu'à titre exceptionnel pour des besoins ponctuels d'investissement qui ne seraient pas couverts par les seules ressources de l'EPCI ou de la commune concernée 131 ( * ) . »
La technique des fonds de concours reste, par ailleurs, réservée aux relations entre les communes et les EPCI à fiscalité propre. Elle n'est pas autorisée au sein des syndicats de communes, à l'exception des syndicats d'électricité 132 ( * ) , non plus qu'au sein des syndicats mixtes « fermés » ou « ouverts ».
2. Une extension contrôlée du mécanisme des fonds de concours
L' amendement COM-11 , présenté par notre collègue Patrick Chaize, avait pour objet d'étendre à l'ensemble des syndicats de communes et à leurs communes membres la possibilité de se verser réciproquement des fonds de concours, dans les conditions très libérales prévues pour les syndicats d'électricité. Au sein de ces derniers, en effet, le montant total des fonds de concours peut atteindre les trois quarts du coût hors taxe de l'opération financée.
Dans le principe, votre commission n'a vu aucune objection à ce que les relations financières au sein des syndicats de communes soient assouplies comme elles l'ont été au sein des groupements à fiscalité propre. Néanmoins, elle a estimé que le versement de fonds de concours devait y être soumis au même plafonnement ( sous-amendement COM-68 du rapporteur).
Votre commission a également adopté le sous-amendement COM-60 présenté par notre collègue Arnaud Bazin, qui tend à autoriser les syndicats mixtes de gestion forestière à recevoir de leurs membres des subventions et fonds de concours pour la réalisation d'aménagements ou d'équipements, sans que leur montant total puisse excéder la part du financement assurée, hors autres subventions, par le syndicat mixte.
Votre commission a adopté l'article 21 quinquies ainsi rédigé .
Article 22 (art. L. 3111-7 du code des transports) - Subdélégation par les départements de la compétence en matière de transports scolaires
L'article 22 de la proposition loi vise à permettre la subdélégation en matière de transport scolaire par les départements auxquels cette compétence aurait été déléguée par les régions, conformément à la proposition de loi n° 587 (2015-2016) tendant à clarifier les conditions des délégations de compétences en matière de transports scolaire s de nos collègues Bruno Sidé, Benoît Huré, Jean-Jacques Lasserre et François Bonhomme, adoptée par le Sénat le 6 décembre 2016
1. La compétence des transports scolaires : un cadre juridique complexe
Les transports scolaires constituent des « services réguliers publics routiers créés pour assurer à titre principal à l'intention des élèves la desserte des établissements d'enseignement » (article R. 213-3 du code de l'éducation). Ils représentent aujourd'hui une dépense publique de 4 milliards d'euros, et permettent à 2 millions d'élèves de se rendre quotidiennement aux écoles, collèges et lycées.
1.1. La décentralisation des transports publics scolaires par la loi d'orientation des transports intérieurs de 1982
La loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, dite « LOTI » constitue « l'acte fondateur de l'organisation des transports publics locaux en France » 133 ( * ) . Les compétences d'organisation et de gestion des transports publics locaux sont réparties entre les différents niveaux de collectivités territoriales.
Les transports scolaires , qui sont qualifiés de services réguliers publics au sens de l'article L. 3111-7 du code des transports, sont intégrés dans le droit commun des transports. Ils comprennent, d'une part, les transports organisés pour les élèves des écoles, des collèges et des lycées qui empruntent les lignes régulières ou des circuits spéciaux et, d'autre part, l'organisation du transport des élèves et étudiants handicapés.
Les transports scolaires ont été attribués en 1983 aux départements (articles L. 213-11 du code de l'éducation et L. 3111-7 à L. 3111-10 du code des transports). En application de l'article L. 3111-7 du code des transports cependant, les transports scolaires au sein des périmètres de transports urbains existant au 1 er septembre 1984 (date du transfert de la compétence) relevaient des autorités compétentes pour l'organisation de la mobilité (autorités organisatrices de la mobilité [AOM]), sauf délégation au département.
Les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) Les autorités organisatrices de la mobilité remplacent les anciennes autorités organisatrices de transport urbain (AOTU) depuis l'adoption de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite « MAPTAM ». Elles exercent leur compétence dans leur ressort territorial, qui correspond au périmètre de l'intercommunalité qui dispose de la compétence mobilité. Celle-ci est attribuée de manière obligatoire aux métropoles, aux communautés urbaines et aux communautés d'agglomération, et de manière optionnelle aux communautés de communes. |
L'article L. 3111-9 du code des transports prévoyait la possibilité, pour les départements et les AOM, de déléguer par convention tout ou partie de l'organisation des transports scolaires à des autorités organisatrices dites de second rang, qualifiées d' AO2 : communes, établissements publics de coopération intercommunale, syndicats mixtes, établissements d'enseignement, associations de parents d'élèves ou associations familiales.
Selon les informations recueillies par votre rapporteur, 82 % des départements ont eu recours à des AO2 pour l'exercice de leur compétence en matière de transport scolaire, tandis que les 18 % restants en ont conservé la responsabilité directe . Au 1 er janvier 2015, il existait 3 345 AO2 134 ( * ) , dont les deux tiers étaient des communes et EPCI.
1.2. L'attribution récente de cette compétence aux régions
La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République , dite « NOTRe », a transféré la compétence du transport scolaire aux régions à compter du 1 er septembre 2017 , parallèlement au transfert des transports interurbains à compter du 1 er janvier 2017. Le département conserve néanmoins la compétence du transport des élèves et étudiants handicapés (articles R. 213-13 et R. 213-16 du code de l'éducation).
Le transfert de cette compétence aux régions a soulevé plusieurs difficultés pratiques.
Le premier était l'harmonisation des politiques tarifaires pratiquées .
Le deuxième concernait la pertinence de deux dates différentes pour le transfert de la compétence transport . Les transports interurbains et les transports scolaires sont en effet fortement imbriqués sur certains territoires : un tiers des élèves n'utilisent pas les lignes départementales dédiées mais les lignes régulières. De nombreuses régions ont donc eu recours à des délégations temporaires de compétences des transports interurbains aux départements jusqu'au 1 er septembre 2017, afin de pouvoir exercer ces compétences de manière concomitante à partir du 1 er septembre 2017. Cela a notamment été le cas de la région Nouvelle Aquitaine, de la Normandie, de la Bretagne, ou encore de l'Occitanie. A l'inverse, dans la région Grand Est, l'application de la loi a été anticipée et des conventions de délégation ont été conclues entre les départements et la région, permettant à cette dernière d'exercer la compétence d'autorité organisatrice des transports scolaires pendant la période du 1 er janvier 2017 au 1 er septembre 2017.
Le troisième enjeu concernait la nécessité de proximité pour organiser les transports scolaires . La compétence transports est caractérisée par une organisation complexe nécessitant une connaissance fine du territoire et un maillage territorial précis. De ce fait, l'article L. 3111-9 du code des transports a été conservé, et les régions peuvent déléguer tout ou partie de l'organisation des transports scolaires à des AO2 , qui comprennent désormais les départements. L'autorité compétente pour l'organisation des transports urbains peut également confier, dans les mêmes conditions, tout ou partie de l'organisation des transports scolaires à la région.
De nombreuses régions envisageaient à l'origine de restituer conventionnellement aux départements l'organisation et la gestion des transports scolaires. Cependant, seuls 18 % des départements géraient avant le 1 er septembre 2017 cette compétence en régie, les autres ayant eu recours à des autorités organisatrices des transports infra-départementales. Or, en l'état du droit, la subdélégation à des AO3 n'est pas autorisée . Par conséquent, le modèle de la délégation conventionnelle des régions vers les départements n'a été adopté que par quelques régions. La plupart d'entre elles a préféré conclure des conventions directement avec les AO2 infra-départementales afin de leur confier, sur une partie du territoire régional, l'organisation des transports scolaires.
1.3. Le modèle particulier des transports scolaires en Île-de-France
L'organisation des transports scolaires en Île-de-France est régie par l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France et le décret n° 59-157 du 7 janvier 1959 du même nom.
Depuis le 1 er juillet 2005, en application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales , le syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) est en charge de l'organisation et du fonctionnement de l'ensemble des transports publics en Île-de-France , y compris les transports scolaires. Il est autorisé à déléguer ses compétences, à l'exception de la politique tarifaire, aux départements dans les conditions prévues par l'article L. 3111-9 du code des transports. En l'absence de texte autorisant la subdélégation, il n'était pas possible pour les départements délégataires de déléguer ces compétences à un échelon inférieur.
Pour pallier cette difficulté, la loi n° 2008-643 du 1 er juillet 2008 relative à l'organisation des transports scolaires en Île-de-France autorise les départements exerçant une compétence en matière d'organisation et de fonctionnement des transports scolaires par délégation du STIF à subdéléguer à leur tour tout ou partie de ces attributions . Effectuée par convention, cette subdélégation peut concerner d'autres collectivités territoriales, des intercommunalités, ou des personnes morales de droit public ou de droit privé. Cette possibilité a été utilisée par les départements de la Seine-et-Marne et de l'Essonne, ce dernier y ayant renoncé depuis 2015.
2. Clarifier les conditions des délégations de compétences en matière de transport scolaire
2.1. L'article 22 de la proposition de loi
L'article 22 de la proposition de loi vise à étendre à tous les départements la possibilité de subdélégation en matière de transports scolaires . Sur le modèle actuellement en vigueur pour l'Île-de-France, les départements ayant reçu délégation d'une région pour l'organisation et/ou la gestion des transports scolaires pourraient passer des conventions d'exécution avec les AO2 actuelles (communes, intercommunalités, établissements d'enseignement, associations de parents d'élèves et associations familiales).
Ce mécanisme permettrait au département d'exercer au nom et pour le compte de la région la responsabilité du transport scolaire. Celui-ci aurait la possibilité de s'appuyer sur des prestataires extérieurs pour l'exécution des compétences déléguées. Les conventions conclues étant des conventions d'exécution, le présent article n'aboutirait pas à la création d'AO3.
2.2. La position de votre commission
Le présent article de la proposition de loi reprend la proposition de loi adoptée par le Sénat le 6 décembre 2016 à l'initiative de nos collègues Bruno Sidé, Benoît Huré, Jean-Jacques Lasserre et François Bonhomme.
Votre commission est consciente que, depuis le 1 er septembre 2017, les régions ont dû organiser la compétence des transports scolaires sans subdélégation, ce qui a souvent conduit à évincer les départements de son organisation et de sa gestion. Elles ont dû passer des centaines de conventions avec des autorités de second niveau : lourde et non-optimale, cette procédure a néanmoins été menée à bien dans la majorité des territoires. S'il semble que le système, après quelques hésitations, fonctionne de manière satisfaisante dans la majorité des cas, les dispositions de cet article n'en restent pas moins opportunes pour certaines régions.
Votre commission a adopté l'article 22 sans modification .
Article 23 (art. L. 1613-5-1 A [nouveau] et L. 1613-5-1 du code général des collectivités territoriales) - Délai de notification des attributions individuelles au titre de la dotation globale de fonctionnement
L'article 23 de la proposition de loi a pour objet d'imposer à l'État de notifier aux collectivités territoriales et à leurs groupements le montant de leur attribution au titre de la dotation globale de fonctionnement (DGF) avant le 1 er mars de chaque année.
1. Des retards qui privent les collectivités de toute visibilité
Le retard pris par l'État pour notifier aux collectivités territoriales et à leurs groupements le montant annuel de leur attribution individuelle au titre de la DGF ne cesse de s'aggraver . Comme le remarquait notre collègue Daniel Laurent en 2014, alors que cette notification intervenait naguère au mois de février pour les communes et début mars pour les intercommunalités, l'échéance est désormais reportée au mois d'avril. En 2017, les communes et EPCI ont dû attendre jusqu'au 11 avril la publication du montant de leur attribution sur le site Internet du ministère de l'intérieur, en 2018 jusqu'au 3 avril. La notification officielle a même été publiée le 1 er juin 135 ( * ) .
Il en résulte un préjudice certain pour les collectivités territoriales et leurs groupements qui, eux, sont tenus d' adopter leur budget avant le 15 avril , faute de quoi le préfet de département règle lui-même le budget, après avoir saisi la chambre régionale des comptes 136 ( * ) . Certes, ces dispositions ne s'appliquent pas si les éléments indispensables à l'établissement du budget, parmi lesquels le montant des diverses composantes de la DGF, n'ont pas été communiquées à l'organe délibérant avant le 31 mars. Alors, celui-ci dispose de quinze jours à compter de cette communication pour régler le budget. Il n'en est pas moins regrettable que les élus locaux doivent attendre le mois d'avril pour connaître les moyens alloués à la collectivité ou à l'EPCI pour l'année en cours . Ce ne sont pas là des conditions satisfaisantes pour établir un budget, planifier l'action publique locale et procéder aux arbitrages nécessaires.
2. Instituer une date butoir pour la notification des attributions au titre de la DGF
Afin de renverser cette tendance, l'article 23 de la proposition de loi tend à fixer au 1 er mars de chaque année la date butoir à laquelle l'État devra avoir notifié aux communes, aux EPCI et aux départements le montant de leur attribution au titre de la DGF. Au nom du parallélisme des formes, et puisque les collectivités territoriales et leurs groupements sont, de leur côté, soumis à un délai légal pour adopter leur budget, il a semblé juste à votre commission que l'État se voie, lui aussi, imposer certaines obligations.
À défaut de notification avant le 1 er mars, les auteurs de la proposition de loi avaient prévu que le montant de l'attribution individuelle d'une commune, d'un EPCI ou d'un département ne puisse être inférieur à la moyenne de ses attributions au titre des trois années précédentes. L'objectif était que les élus puissent, à compter du troisième mois de l'année, compter sur des ressources sûres.
Toutefois, votre rapporteur a relevé que le surplus de ressources qui en résulterait, le cas échéant, pour la collectivité ou le groupement viendrait en diminution du montant total de la DGF. L'enveloppe globale des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales étant plafonnée, il n'est pas possible d'augmenter le montant total de la DGF pour que l'éventuel avantage qu'une collectivité ou un groupement tirerait de la mesure proposée ne pèse pas sur les autres.
En revanche, puisque l'article 23 impose à l'État un délai fixe pour notifier les attributions individuelles au titre de la DGF, tout retard serait susceptible d'engager la responsabilité de l'État et, partant, de l'obliger à indemniser les collectivités qui en auraient subi un préjudice . Sur proposition de son rapporteur, votre commission a estimé souhaitable d'inscrire expressément dans la loi cette possibilité ( amendement COM-57 rectifié du rapporteur).
Par le même amendement, votre commission a reporté au 1 er avril de chaque année la date butoir imposée à l'État, ce qui paraît plus réaliste, si l'on souhaite que le Gouvernement se fonde, pour calculer le montant des attributions individuelles, sur les données les plus récentes relatives à la population des collectivités et aux divers indicateurs de richesse, d'effort fiscal et d'intégration intercommunale pris en compte pour le calcul des différentes fractions de la DGF.
Votre commission a adopté l'article 23 ainsi modifié .
Article 24 (art. L. 422-8 et L. 423-2 [nouveau] du code de l'urbanisme) - Droit de timbre en matière d'autorisations d'urbanisme
L'article 24 de la proposition de loi a pour objet, d'une part, de permettre à un plus grand nombre de communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de disposer gratuitement des services déconcentrés de l'État pour l'instruction des demandes d'autorisations et déclarations préalables en matière d'urbanisme, d'autre part, de permettre aux communes et établissements de moins de 20 000 habitants d'instaurer un droit de timbre pour l'enregistrement de telles demandes d'autorisations et déclarations.
1. L'instruction des actes d'urbanisme, une lourde charge dont l'État s'est délesté sur le bloc communal
La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové , dite « ALUR », a procédé à un important transfert de charges de l'État aux communes et à leurs groupements pour l'instruction des demandes d'autorisations et des déclarations préalables en matière d'urbanisme :
- d'une part, le nombre de communes ou de groupements compétents susceptibles de bénéficier de la mise à disposition gratuite des services de l'État a été considérablement réduit : alors que toutes les communes de moins de 10 000 habitants pouvaient jusque-là en bénéficier, ainsi que les EPCI compétents de moins de 20 000 habitants, cette mise à disposition gratuite a été réservée aux communes de moins de 10 000 habitants qui ne font pas partie d'un EPCI de plus de 10 000 habitants, ainsi qu'aux EPCI de moins de 10 000 habitants lorsque cette compétence leur a été déléguée ;
- d'autre part, à compter du 1 er janvier 2017, toutes les communes dotées d'une simple carte communale (à défaut d'un plan local d'urbanisme ou d'un document en tenant lieu) se sont vu transférer la compétence pour se prononcer sur les demandes d'autorisations et déclarations préalables , alors qu'elles n'exerçaient auparavant cette compétence que sur décision du conseil municipal. Il s'agit bien là d' un transfert de compétence au sens de l'article 72-2 de la Constitution, qui n'a fait l'objet d'aucune compensation financière , en méconnaissance des règles constitutionnelles.
L'état du droit, en ce qui concerne la répartition des compétences et les modalités d'instruction des dossiers, est récapitulé dans le tableau ci-après.
Répartition des compétences et modalités d'instruction des dossiers en matière d'urbanisme
Lieu du projet |
Autorité compétente |
Services chargés de l'instruction |
|||
Droit commun |
Communes dotées d'un plan local d'urbanisme, d'un document en tenant lieu ou d'une carte communale |
Le maire, au nom de la commune (La commune peut déléguer sa compétence à un EPCI ; elle est alors exercée par le président de l'EPCI au nom de celui-ci.) |
Dans le cas où la commune conserve sa compétence |
Si elle compte moins de 10 000 habitants et ne fait pas partie d'un EPCI de plus de 10 000 habitants |
Les services de l'État peuvent être mis gratuitement à disposition de la commune. |
Sinon |
Les services de la commune ou, par convention, les services d'une autre personne publique |
||||
Dans le cas où la compétence est déléguée à un EPCI |
Si l'EPCI compte moins de 10 000 habitants |
Les services de l'État peuvent être mis gratuitement à disposition de l'EPCI. |
|||
Sinon |
Les services de l'EPCI ou, par convention, d'une autre personne publique |
||||
Communes soumises au règlement national d'urbanisme |
Le maire ou (par exception) le préfet, au nom de l'État |
Les services de l'État |
|||
Projets mentionnés à l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme |
Toutes les communes |
L'autorité administrative de
l'État
|
Les services de l'État |
Source : commission des lois du Sénat
Les nouvelles règles issues de la loi « ALUR » ont eu pour effet d'inciter fortement, voire de contraindre les petites et moyennes communes de moins de 10 000 habitants à déléguer leur compétence en matière de droit des sols à un EPCI, puisque, à défaut, elles doivent assumer elles-mêmes le coût de l'instruction des dossiers, à moins d'appartenir à un EPCI qui compte lui-même moins de 10 000 habitants 137 ( * ) . Ces règles sont donc une nouvelle manifestation de l'intercommunalité forcée , alors même que le droit des sols est une des rares compétences importantes que conservent les maires. Le pouvoir de délivrer les permis de construire, d'aménager ou de démolir est le corollaire indispensable du contrôle que les communes doivent continuer à exercer sur leur territoire . Son exercice exige une connaissance fine de ce territoire, et nos concitoyens y sont particulièrement attentifs.
En outre, on ne peut voir là qu' un nouveau signe du désengagement de l'État , qui se déleste sur les collectivités territoriales et leurs groupements de missions coûteuses, sans leur donner les moyens de les exercer.
2. Des moyens supplémentaires pour les petites et moyennes communes et communautés de communes
Face à ce constat, les auteurs de la proposition de loi recommandent :
- d'une part, de faire bénéficier de la mise à disposition gratuite des services de l'État toutes les communes demeurées compétentes de moins de 20 000 habitants qui ne font pas partie d'un EPCI de plus de 20 000 habitants, ainsi que les EPCI compétents de moins de 20 000 habitants ;
- d'autre part, d'autoriser les communes de moins de 20 000 habitants à percevoir un droit de timbre pour l'enregistrement des demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir, ainsi que des déclarations préalables. Le montant de ce droit de timbre serait fixé chaque année par le conseil municipal dans la limite de 150 euros, et pourrait varier selon la catégorie de demande ou de déclaration assujettie. Les EPCI disposeraient de la même faculté.
Par rapport au droit en vigueur, la première mesure bénéficierait aux communes membres des 108 communautés de communes dont la population est comprise entre 10 000 et 20 000 habitants. Votre commission y a souscrit sans réserve.
S'agissant de l'instauration d'un droit de timbre, votre rapporteur relève qu'il s'agit effectivement d'une solution plus pertinente que celle d'une redevance pour service rendu que semblait naguère envisager le ministère du logement, puisque l'octroi ou le refus d'une autorisation d'urbanisme, de même que l'opposition ou la non-opposition à une demande préalable, ne peuvent être assimilés à un service public administratif : il s'agit de l'exercice d'un pouvoir de police administrative des sols 138 ( * ) .
Les droits de timbre ayant un caractère fiscal, il appartient au législateur d'en fixer le régime et d'encadrer le pouvoir reconnu à l'organe délibérant d'en déterminer le montant.
En vertu du principe d'égalité entre contribuables, d'une part, entre collectivités territoriales, d'autre part, il n'a pas paru possible à votre commission de limiter cette possibilité aux seules communes de moins de 20 000 habitants.
Par ailleurs, il lui a paru légitime que les communes et EPCI qui feraient le choix d'instituer un tel prélèvement ne puissent avoir recours gratuitement aux services de l'État pour l'instruction des demandes et déclarations ( amendement n° COM-58 du rapporteur).
Ces deux réserves mises à part, votre commission a approuvé l'initiative des auteurs de la proposition de loi. Il est plus que temps de donner aux communes et à leurs groupements les moyens d'exercer la compétence que le législateur leur a confiée .
Votre commission a adopté l'article 24 ainsi modifié .
Article 25 (nouveau) (art. L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales) - Modification du seuil minimal de participation d'une petite commune maître d'ouvrage à une opération d'investissement
Introduit par votre commission à l'initiative de notre
collègue
Jean-Pierre Grand, par l'adoption d'un
amendement
COM-31
, l'article 25 de la proposition de loi a pour objet de
réduire le seuil minimal de participation d'une petite commune
maître d'ouvrage d'une opération d'investissement
cofinancée par d'autres personnes publiques.
1. Un seuil minimal de participation récent qui soulève des difficultés pratiques
1.1. L'obligation de participation minimale d'une collectivité territoriale maître d'ouvrage à une opération d'investissement
Introduit par la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales , l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales dispose que toute collectivité territoriale ou tout groupement de collectivités territoriales, maître d'ouvrage d'une opération d'investissement, assure une participation minimale au financement de ce projet . Celle-ci est fixée à 20 % des financements apportés par d'autres personnes publiques à ce projet.
Ce seuil minimal avait fait l'objet de débats : il était initialement prévu un seuil de 20 % pour les communes de moins de 3 500 habitants et de 30 % au-delà. Un accord a néanmoins été trouvé en commission mixte paritaire autour d'une harmonisation du seuil à 20 %.
Il est assorti de plusieurs exceptions sectorielles, qui concernent les projets d'investissement :
- dans le cadre du programme national de rénovation urbaine ;
- destinés à réparer les dégâts causés par des calamités publiques ;
- en matière d'eau potable et d'assainissement, d'élimination des déchets, de protection contre les incendies de forêt et de voirie communale ;
- financés par les fonds européen de développement régional dans le cadre d'un programme de coopération territoriale européenne.
1.2. Des difficultés pratiques
Le seuil minimal de participation pour les collectivités territoriales et leurs groupements, maîtres d'ouvrage d'une opération d'investissement, pose des difficultés pratiques aux petites communes, principalement rurales .
Certains projets importants sont aujourd'hui bloqués car la commune ne dispose pas des ressources financières suffisantes pour financer 20 % du coût de ces projets.
De plus, la participation apportée par l'État est souvent calculée de manière résiduelle à celles des autres financeurs afin de ne pas dépasser 80 % des financements nécessaires au projet. S'agissant souvent de petits montants, l'État aurait cependant les moyens d'apporter un soutien supplémentaire.
2. La réduction du seuil pour les petites communes
L'article 25 de la proposition de loi vise donc à réduire le seuil minimal de participation des communes de moins de 1 000 habitants maitres d'ouvrage d'un projet à 5 % du montant total des financements apportés par les personnes publiques .
Ce seuil, qui concerne donc 25 500 communes (72,2% des communes françaises) permettrait aux communes en difficulté de financement de mener des petits investissements sur leur territoire. La participation financière des autres collectivités ou de l'État étant nécessaire, cette disposition ne devrait pas aboutir à des investissements inconséquents.
Au cours de l'examen de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 , le Sénat avait adopté une disposition comparable (article 59 ter ), qui a été supprimée lors de la commission mixte paritaire, le Gouvernement ayant auparavant fait valoir qu'une telle proposition ne relevait pas de la loi de finances.
Votre commission a adopté l'article 25 ainsi rédigé .
*
* *
Votre commission a adopté la proposition de loi relative à l'équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale ainsi modifiée .
* 122 Loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.
* 123 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales .
*
124
Cette faculté de
délégation, devait, elle aussi, entrer en vigueur au
1
er
janvier 2015.
La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014
de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des
métropoles
, dite «
MAPTAM
» est
provisoirement revenue sur la suppression de la clause de compétence
générale, mais non sur l'introduction d'une faculté
générale de délégation, dont elle a même
prévu l'entrée en vigueur immédiate.
* 125 Précision apportée par la DGCL.
* 126 « Des territoires responsables pour une République efficace », rapport d'information n° 49 (2013-2014) sur la mission d'information sur l'Avenir de l'organisation décentralisée de la République , réalisé par notre ancien collègue Yves Krattinger.
* 127 L'article L. 258 du code électoral impose en effet, dans les communes de moins de 1 000 habitants, de procéder à des élections complémentaires lorsque le conseil municipal a perdu le tiers de ses membres (proportion portée à la moitié au cours de l'année précédant le renouvellement général des conseils municipaux). Dans les communes de 1 000 habitants et plus, la même situation impose de renouveler intégralement le conseil (article L. 270 du même code).
*
128
L'effectif des conseils municipaux est fixé, en fonction de la
population des communes, à
l'article L. 2121-2 du code
général des collectivités territoriales.
* 129 Loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale .
* 130 Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité .
* 131 Exposé des motifs du projet de loi n° 4 (2003-2004) relatif aux responsabilités locales , consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/leg/pjl03-004.html .
*
132
Cette faculté a été
offerte aux syndicats d'électricité et à leurs communes
membres (ainsi qu'aux EPCI membres s'il s'agit de syndicats mixtes
«
fermés
») par la loi n° 2010-1488
du 7 décembre 2010
portant nouvelle organisation du
marché de l'électricité
, dite
loi «
NOME
».
* 133 Rapport d'information n° 319 (2011-2012) « Les transports publics locaux en France : mettre les collectivités territoriales sur la bonne voie » de notre collègue Yves Krattinger, fait au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Le rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2011/r11-319-notice.html .
* 134 Source : Association nationale pour les transports éducatifs de l'enseignement public (ANATEEP).
* 135 La publication en ligne, en effet, ne constitue qu'une simple information et ne vaut pas notification. En revanche, depuis l'adoption de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 , la publication au Journal officiel d'un arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales constatant les attributions individuelles au titre de la DGF vaut notification (art. L. 1613-5-1 du code général des collectivités territoriales). Cette possibilité sera appliquée dès 2018 : la publication de l'arrêté a été effectuée le 1 er juin 2018 (voir la note d'information NOR INTB1813007J du directeur général des collectivités territoriales datée du 18 mai 2018, consultable à l'adresse suivante : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/finances_locales/fiscalite_locale/fiches_fdl/note_dinformation_notification_dgf.pdf ).
* 136 Art. L. 1612-2 du même code. Plus précisément, le préfet saisit la chambre régionale des comptes qui formule dans le mois des propositions pour le règlement du budget, après quoi le préfet règle le budget - en pouvant s'écarter des propositions de la chambre régionale des comptes par une décision motivée. L'échéance est reportée au 30 avril l'année du renouvellement des organes délibérants.
* 137 Ou d'être une commune isolée, cas aujourd'hui résiduel.
* 138 Dans sa réponse à une question de notre ancien collègue député Hervé Gaymard, en 2017, le ministre du logement écrivait : « Si l'instruction des autorisations d'urbanisme est bien considérée comme un service public administratif, le paiement d'une redevance pour service rendu n'est pas incompatible avec la notion de service public administratif. En revanche, il n'apparaît possible de répercuter tout ou partie de cette redevance sur les pétitionnaires que si une disposition législative l'autorise expressément dans le respect du principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques. » Cette réponse est doublement fragile juridiquement, puisque l'exercice du pouvoir de police des sols n'est pas assimilable à un service public administratif, et puisque, s'il l'était, aucune disposition législative ne serait nécessaire pour soumettre ce service à une redevance. Il est de jurisprudence constante, en effet, que l'institution de redevances pour service rendu relève du pouvoir règlementaire national ou local (CE Ass., 21 novembre 1958, n os 30693 et 33969, Syndicat national des transporteurs aériens ).