EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Moins de deux ans après sa généralisation par le législateur, le déploiement de caméras mobiles au bénéfice des agents de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des polices municipales a démontré toute son utilité.

Mises en oeuvre afin de sécuriser les interventions des forces de l'ordre, au bénéfice des agents et de la population, les caméras mobiles, petits dispositifs portés par les agents et susceptibles d'être déclenchés manuellement au cours d'une intervention, constituent en effet un vecteur efficace d'apaisement des tensions et de prévention des incidents.

Les difficultés croissantes rencontrées par d'autres agents publics conduisent aujourd'hui à s'interroger sur les possibilités d'extension de l'utilisation des caméras mobiles.

La proposition de loi n° 337 (2017-2018) relative à l'harmonisation de l'utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique, déposée sur le bureau du Sénat par Jean-Pierre Decool et plusieurs de nos collègues, vise ainsi à étendre l'usage des caméras mobiles à deux catégories d'agents publics, les sapeurs-pompiers et les surveillants de l'administration pénitentiaire, confrontés à une agressivité croissante dans l'exercice de leurs missions.

En effet, en 2016, 2 280 sapeurs-pompiers ont déclaré avoir été victime d'une agression au cours d'une intervention, soit une augmentation de près de 20 % par rapport à l'année précédente. Ce chiffre, inquiétant, conduit les sapeurs-pompiers à revendiquer, de manière légitime, un renforcement de leur protection.

Quant aux surveillants pénitentiaires, confrontés à une population carcérale de plus en plus nombreuse et de plus en plus violente et victimes d'agressions trop régulières, ils sont, de la même manière, en quête d'une meilleure sécurisation de leurs interventions, comme en ont encore récemment témoigné les manifestations du mois de janvier dernier.

Bien qu'il doive faire l'objet d'une attention particulière du législateur au regard de ses conséquences en termes de respect de la vie privée, le recours aux caméras mobiles, s'il ne résoudra pas à lui seul l'ensemble des difficultés soulevées, paraît, à tout le moins, constituer un outil intéressant de sécurisation de l'intervention des agents publics.

I. LES CAMÉRAS MOBILES : DES DISPOSITIFS RÉCENTS POUR PRÉVENIR LES ATTEINTES À LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET RENFORCER LA PROTECTION DES AGENTS

A. UNE EXTENSION PROGRESSIVE DE L'USAGE DES CAMÉRAS INDIVIDUELLES EN PARALLÈLE DE LA VIDÉOPROTECTION

Déployé à compter de 2013 à titre expérimental, au bénéfice des agents de police intervenant dans les zones de sécurité prioritaire, le dispositif des caméras individuelles, également appelées « caméra-piétons », répond à un besoin nouveau de « sécurisation » des interventions des forces de l'ordre , tant pour les agents eux-mêmes que pour la population, auquel les dispositifs classiques de vidéo-protection sur la voie publique ne permettaient pas de répondre.

La mise en cause de plus en plus régulière, au cours des dernières années, des agents des forces de l'ordre par le biais d'enregistrements vidéo a renforcé la nécessité pour les forces de l'ordre de se prémunir contre des accusations parfois excessives . En cas de contentieux ou de contestation des conditions dans lesquelles s'est déroulée une intervention, les enregistrements vidéo permettent de constituer des éléments de preuve objectifs, susceptibles d'être utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire.

En parallèle, face à la dégradation des relations entre les forces de l'ordre et une partie de la population, l'usage de l'enregistrement audiovisuel est également apparu comme un moyen d'apaiser les tensions à l'occasion des interventions, en incitant les citoyens et les agents à une plus grande modération.

L'usage des caméras individuelles a été pérennisé et étendu à l'ensemble des agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale. Comme le relevait notre ancien collègue Michel Mercier, dans son rapport sur le projet de loi, « un bilan positif a en effet été tiré de cette expérimentation : le comité [interministériel à l'égalité et à la citoyenneté] a ainsi observé que ce dispositif permet de collecter des éléments de preuve objectifs, qu'il a également un effet préventif et qu'il facilite en général les interventions des agents » 1 ( * ) .

A l'occasion de cette même loi a par ailleurs été autorisé, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, soit jusqu'au 3 juin 2018 , l'usage de dispositifs d'enregistrement vidéo mobile par les agents de police municipale , à deux conditions : d'une part, la conclusion d'une convention de coordination entre la commune et l'État quant à l'articulation des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l'État, d'autre part, l'autorisation du préfet, sur demande préalable du maire.

Enfin, la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, répondant aux mêmes objectifs de sécurisation des interventions, a autorisé la conduite d' une expérimentation d'une durée de trois ans en vue d'autoriser les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP , dans le cadre de leurs missions de prévention des atteintes à l'ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens, à procéder à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions à l'aide de caméras individuelles. Cette expérimentation prendra fin au 1 er janvier 2020.


* 1 Rapport n° 491 (2015-2016) de M. Michel Mercier, fait au nom de la commission des lois, déposé le 23 mars 2016. Le rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l15-491-1/l15-491-1.html .

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