CHAPITRE V - DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT DE L'ARMEMENT
Article 25 - (art. L2331-1, L. 2332-1, L. 2335-3, L. 2335-18, L.2339-2 du code de la défense) - Adaptation du droit de l'armement aux évolutions économiques et au droit de l'Union européenne
L'article 25 comprend un certain nombre de dispositions techniques relatives au droit de l'armement, relevant de trois domaines distincts.
I. DROIT EN VIGUEUR ET
MODIFICATIONS PROPOSEES
PAR LE PROJET DE LOI
1. L'extension de l'application du régime européen des transferts de produits liés à la défense aux flux d'armement à destination ou en provenance d'Islande ou de Norvège
a) Le droit en vigueur
Depuis la transposition, en 2011 102 ( * ) , de la directive 2009/43/CE du Parlement et du Conseil du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté, le code de la défense distingue le régime des importations et exportations des matériels de guerre et assimilés vers des Etats non membres ainsi que les territoires exclus du territoire douanier de l'Union européenne (article L. 2235-1 à L. 2335-7), du régime des transferts de produits liés à la défense au sein de l'Union européenne (article L. 2335-8 à L. 2335-18).
Ces régimes, similaires en ce qu'ils soumettent importations, exportations et transferts à autorisation préalable sous forme de licences délivrées par l'autorité administrative, en l'espèce le Premier ministre, et dans leur organisation, comportent des différences s'agissant notamment :
• de la liste des matériels de guerre et matériels assimilés qui est définie par l'autorité administrative s'agissant des importations et des exportations, alors que, s'agissant des transferts, la liste des produits liés à la défense doit se conformer à l'annexe à la directive 2009/43/CE ;
• du périmètre des licences de transfert qui inclut l'autorisation d'entrée et de passage au sein de la Communauté, sous certaines réserves, alors que des autorisations d'importation ou des autorisations de transit sont souvent nécessaires pour les exportations et les importations. En revanche, selon le principe de réciprocité qui prévaut au sein de l'Union européenne, la licence délivrée par l'Etat d'origine suffit, sauf circonstances particulières ;
• du régime des capacités pour l'autorité administrative de déroger à l'obligation d'autorisation préalable (art. L. 2335-11) ;
• du délai minimum de déclaration, au ministre de la défense, de première utilisation d'une licence générale et du délai d'examen par le ministre, fixé à 30 jours avant la date envisagée de début des opérations de transferts (R. 2335-22-II), contre 3 mois s'agissant des exportations (R. 2235-10-II) ;
• de la limitation à 30 jours ouvrables de la durée de suspension d'une licence individuelle ou d'une licence globale de transfert par le Premier ministre en cas d'urgence (R. 2335-27), alors qu'elle n'est limitée, s'agissant de l'exportation, que lorsque l'opération d'exportation concerne des matériels de guerre ou des matériels assimilés provenant d'un autre Etat membre de l'Union européenne au titre d'une licence de transfert et incorporés dans un autre matériel de guerre ou matériel assimilé (R. 2335-15).
b) Les modifications proposées par le projet de loi
En 2013, le comité mixte de l'Espace économique européen a intégré la directive 2009/43/CE dans le corpus des règles applicables à l'ensemble des Etats parties à cet accord, à l'exclusion du Liechtenstein 103 ( * ) . Cette décision étend ainsi l'application de ce dernier texte à l'Islande et à la Norvège, alors même que ces deux Etats ne sont pas membres de l'Union européenne.
En application de l'article 9 du règlement (CE) n° 2894/94 du Conseil du 28 novembre 1994 104 ( * ) , les Etats membres de l'Union européenne sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour assurer la mise en oeuvre des obligations qui découlent de l'accord sur l'Espace économique européen 105 ( * ) .
En conséquence, les opérations d'exportation et d'importation à destination ou en provenance d'Islande et de la Norvège portant sur des matériels figurant sur la liste commune des équipements militaires de l'Union européenne devront être régies par le régime spécifique des transferts au sein de l'Union européenne.
Tel est l'objet des alinéas 2, 3 et 25 à 27 de l'article 25.
Cette mesure n'aura toutefois qu'un impact limité au regard du nombre restreint d'opérations à destination de la Norvège. En 2016, l'Etat a en effet accepté 38 licences d'exportation, portant sur un total de plus de 4,2 milliards d'euros. Quant à l'Islande, seule une licence a été délivrée au cours de cette même période, d'un montant de 7 182 euros.
Les alinéas 2 et 3 modifient le chapitre premier du titre III du livre III de la partie du code de la défense portant dispositions générales relatives aux matériels de guerre, armes et munitions en ajoutant un alinéa de principe à l'article L. 2331-1 prévoyant que : « IV. - Les dispositions relatives aux importations, aux exportations et aux transferts à destination ou en provenance des États membres de l'Union européenne sont applicables à l'Islande et à la Norvège. »
Les alinéas 25 à 27 excluent une application rétroactive du nouveau régime aux autorisations d`exportation et d'importation accordées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, lesquelles conserveront donc leur validité jusqu'à leur terme.
2. L'extension du périmètre des autorisations de fabrication et de commerce des armes et des matériels de guerre aux prestations de service
a) Le droit en vigueur
Le code de la défense (article L. 2332-1-I) soumet la fabrication et le commerce des matériels de guerre, d'armes et munitions de défense des catégories A et B 106 ( * ) à la délivrance d'une autorisation de l'Etat. Il soumet également la création, ou l'utilisation d'un établissement « pour se livrer à la fabrication ou au commerce, autre que de détail, des matériels de guerre, armes, munitions ou de leurs éléments essentiels des catégories A, B, C ainsi que des armes de catégorie D énumérées par décret en Conseil d'Etat » à une déclaration préalable au préfet du département où est situé l'établissement (Article L. 2332-1-II).
S'agissant des matériels de la catégorie A2, l'autorisation adressée au ministre de la défense est soumise à des conditions (article R. 2332-6) de capacités, de nationalité française des propriétaires, associés ou gérants, commandités, membres des conseils d'administration, directoire et conseil de surveillance et pour les sociétés par actions ou à responsabilité limitée) à la détention majoritaire du capital par des Français, à la réalisation de travaux nécessaires au respect des modalités de conservation des matériels de guerre, d'absence de condamnation pénale. L'autorisation peut être refusée ou retirée pour des raisons d'ordre public ou de sécurité nationale.
Ces règles peuvent faire l'objet de contrôle sur place et sur pièces par des agents habilités de l'Etat (article L. 2332-4) qui porte sur les opérations techniques et comptables. Les manquements aux obligations peuvent faire l'objet de sanctions administratives allant jusqu'au retrait de l'autorisation.
Le titulaire est tenu de tenir un registre (articles R. 2332-17 et R. 2332-18) dans lequel sont consignées toutes les opérations de fabrication, réparation, transformation, achat, vente, location, conservation, destruction et pour les opérations d'intermédiation, dès les premiers contacts, le nom des entreprises mises en relation et des participants à l'opération, le contenu et les étapes de celles-ci, les opérations d'achats et de ventes de matériel à l'étranger...et de compte rendu semestriel pour certaines catégories (article R. 2332-20). Il est tenu de respecter un certain nombre de conditions pour la cession de matériels (articles R. 2332-21 et R. 2332-22).
Cette autorisation est également requise pour obtenir une licence d'exportation des matériels de guerre et matériels assimilés définis par ce code hors du territoire de l'Union européenne (articles L. 2335-2 et L. 2335-3-V) ou de transfert au sein de l'Union européenne sous réserves que le matériel figure sur la liste des produits liés à la défense établie conformément à l'annexe à la directive 2009/43/CE.
Dès lors, le titulaire peut solliciter une autorisation d'exportation ou de transfert, s'il répond aux conditions fixées par les articles L. 2335-2 à L. 2335-18 du code de la défense et respecte les obligations afférentes d'informations, de tenue de registre, et les restrictions à l'exportation qui lui sont imposées.
L'application de l'ensemble de ces règles peut faire l'objet de contrôle par des agents de l'Etat habilités qui disposent de larges pouvoirs d'enquêtes et de contrôles (articles L. 2339-1 et L. 2339-1-1) pouvant porter sur les procédures de contrôle interne mises en oeuvre par les exportateurs et fournisseurs (article L. 2339-1-1). Les carences, défaillances ou inexécutions de mise en demeure, sont des sanctions pouvant aller jusqu'au retrait des autorisations ou des licences et le fait de contrevenir à certaines règles peut donner lieu à de lourdes sanctions pénales (articles L. 2939-2 à L. 2339-12).
b) Les modifications proposées par le projet de loi
(1) Une couverture complète du périmètre des prestations commerciales proposées par les entreprises du secteur de l'armement
Or, ces dispositions ne permettent plus de couvrir l'ensemble du périmètre des prestations commerciales proposées par les entreprises du secteur de l'armement en rapport avec les armes et les matériels de guerre.
D'abord, le régime des autorisations de fabrication et de commerce ne s'applique pas à l'ensemble des éléments de la liste des matériels de guerre et matériels assimilés dont l'exportation est soumise à autorisation préalable de l'Etat , ce qui crée des difficultés d'articulation entre les deux dispositifs dans la mesure où, par principe, la délivrance d'une licence d'exportation suppose l'existence d'une autorisation de fabrication et de commerce. Ainsi, le périmètre des autorisations de fabrication et de commerce défini à l'article L. 2332-1 du code de la défense ne couvre aujourd'hui que les matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments des catégories A et B de la nomenclature nationale, à l'exclusion de tous les autres « matériels de guerre et matériels assimilés » figurant en annexe de l'arrêté du 27 juin 2012 107 ( * ) pris en application du second alinéa de l'article L. 2335-2. En outre, si les formations opérationnelles figurent parmi les matériels assimilés aux matériels de guerre, en application du 4 de la deuxième partie de l'annexe précitée, elles n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 2332-1.
Il convient dès lors d'ajuster les deux dispositifs.
Ensuite, la rédaction des dispositions de l'article L. 2332-1 issue d'un décret-loi du 18 avril 1939 ne correspond plus aux exigences contemporaines du secteur de l'armement. La simple référence au « commerce » ne semble pas permettre de régir l'ensemble des prestations commerciales fondées sur l'exploitation ou sur l'utilisation de matériels de guerre 108 ( * ) .
Enfin, ces dispositions ne couvrent pas l'activité des entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD) qui proposent, le cas échéant dans un cadre international, des prestations commerciales qui ne correspondent ni à la fabrication d'armes, ni à leur commerce , telles que :
• la fourniture de services de défense reposant sur la délivrance directe d'une capacité opérationnelle impliquant la mise en oeuvre de matériels de guerre ou sur la transmission d'un savoir-faire opérationnel. Il peut s'agir en l'espèce de prestations de formation opérationnelle et d'entraînement, d'exploitation ou de maintenance d'un équipement, de la transmission de méthodes ou de techniques militaires.... dans la limite des dispositions de la loi n° 23003-240 du 14 avril 2003 relative à la répression de l'activité de mercenaire.
• les activités de sous-traitance liées au stockage ou au transport de matériels de guerre. Les sous-traitants des exportateurs d'armement seront désormais soumis au régime des exportations.
Ces services et activités ne font pas aujourd'hui l'objet d'un contrôle de la part de l'Etat.
Néanmoins, on observera, que nombre de ces entreprises sont déjà soumises aux dispositions de droit commun concernant l'acquisition et la détention de matériels de guerre (détention d'une autorisation d'acquisition, de commerce et d'intermédiation, les possibilités d'acquisition de matériels de guerre de la catégorie A2). Cependant, l'exercice de ces activités ne nécessite pas forcément l'acquisition et la détention de matériels de guerre. Dès lors, de telles sociétés ne sont soumises à aucun contrôle de l'Etat.
(2) La néce s sité d'instaurer un contrôle sur les entreprises de services de sécurité et de défense
La présence croissante de ces sociétés sur le marché national, dont le nombre est estimé à 130 109 ( * ) , impose de mettre en place un encadrement permettant tout à la fois leur développement économique (par la sécurisation juridique de leur activité) et leur contrôle par l'Etat, ainsi que le préconisaient, dès 2012, un rapport d'information de l'Assemblée nationale sur les sociétés militaires privées 110 ( * ) .
(3) Une intervention en cohérence avec l'évolution du droit international
Cette intervention législative est, en outre, cohérente avec les développements du droit international. Le « Document de Montreux » 111 ( * ) , aujourd'hui signé par 54 États, dont la France, les États-Unis et le Royaume-Uni, et trois organisations internationales (l'Union européenne, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe/OSCE et l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord /OTAN), constitue l'une des démarches multilatérales de régulation les plus abouties. Bien que non contraignant, il rappelle les obligations et responsabilités incombant à chacun, présente des pratiques de référence permettant de les respecter et préconise des modalités de surveillance et de contrôle stricts de l'activité de ces entreprises. Selon ce texte, il appartient aux États de s'assurer que les sociétés avec lesquelles ils contractent respectent les règles du droit international humanitaire et des droits de l'homme, en adoptant les mesures nécessaires afin de prévenir ou de punir toute violation de ces règles.
Dans la continuité de ce document, un Code de conduite international des entreprises de sécurité privées a été signé par 58 entreprises du secteur, le 9 novembre 2010 112 ( * ) . En septembre 2013, après avoir été négocié entre toutes les parties prenantes, un mécanisme de gouvernance et de contrôle indépendant, l'Association du Code de conduite international des entreprises de sécurité privée 113 ( * ) , a été créé. Les Etats, organisation internationales et entreprises qui contractent avec des entreprises de sécurité privées exigent de plus en plus l'adhésion de leurs prestataires à cette association.
En cohérence avec ce cadre multilatéral, plusieurs Etats dont les États-Unis 114 ( * ) et le Royaume-Uni 115 ( * ) ont institué des procédures détaillées, soumises au contrôle des autorités publiques, afin de réguler l'activité des « Private security companies ».
(4) Une évolution souhaitable de la législation existante
Pour répondre à ces nouveaux enjeux, une évolution législative est indispensable afin de garantir un contrôle effectif du secteur économique de l'armement, selon des considérations de sécurité nationale et de respect des engagements internationaux de la France. Plutôt que d'opérer par la création d'un statut spécifique, comme il a été procédé antérieurement pour les activités privées de sécurité (Livre VI du code de la sécurité intérieure) ou pour les activités privées de surveillance des navires (article L. 5441-1 du code des transports et L. 616-1 du code de la sécurité intérieure) qui sont exercées sur le territoire national ou en haute mer sur des navires battant pavillon français, il a paru préférable d'élargir le périmètre des activités commerciales couvertes par le régime des autorisations de fabrication et de commerce des armes et des matériels de guerre.
A cette fin, il est proposé de soumettre les entreprises en cause à un régime d'autorisation, à l'instar de celles qui se livrent à la fabrication ou au commerce de matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments relevant des catégories A, B, C et qui emportent un certain nombre d'obligations ( voir supra ).
Les nouvelles dispositions législatives créeront, à la charge de ces entreprises, l'obligation de solliciter une autorisation préalable afin d'exercer ce type d'activités et de respecter les obligations qui en découlent. A l'heure actuelle, la plupart des sociétés qui proposent ce type de services comptent parmi les plus grosses entreprises du secteur et bénéficient d'ores et déjà d'autorisations de fabrication et de commerce accordées au titre d'autres activités. Il suffira alors d'actualiser le champ de ces autorisations pour se conformer à la nouvelle législation, ce qui limitera la charge de travail résiduelle induite. En outre, si la création d'un cadre juridique sécurisé devrait permettre le développement de ce secteur économique, celui-ci devrait principalement concerner des industriels déjà détenteur d'autorisations souhaitant diversifier leur offre. En contrepartie, les entreprises bénéficieront, d'une forme de reconnaissance qui élèvera leur réputation sur un marché en croissance mais fortement concurrentiel et d'une forme d'accompagnement juridique et prudentiel de l'Etat à travers l'examen des demandes d'autorisation et de licences. On peut en effet s'attendre à ce que l'Etat assure un contrôle exigeant sur la nature et la destination des prestations exportées évitant à ces entreprises de se porter sur des marchés à haut risque ou sous sanctions.
En revanche, le dispositif n'impose aucune mesure de certification ou d'agrément par une instance professionnelle interne ou internationale, ni la délivrance de cartes professionnelles attestant la qualification des personnels, ni de règle concernant les tenues du personnels, distinctes de celle des forces armées par exemple, comme cela avait été le cas pour les activités privées de surveillance des navires. S'agissant de prestations délivrées hors du territoire national, il appartient plutôt à l`importateur de s'assurer de ces éléments attestant la qualité du service.
On rappellera cependant que l'Etat n'est pas dépourvu de moyens d'investigation, de contrôle et de sanction notamment à travers les dispositifs renforcés par l'ordonnance n° 2016-982 du 20 juillet 2016, dont la ratification est proposée à l'article 36 du présent projet de loi.
(5) Le dispositif proposé
Les alinéas 4 à 7 de l'article 25 procèdent, par une nouvelle rédaction du I relatif au principe de l'autorisation ( alinéa 6 ) et un complément du II relatif à l'obligation de déclaration d'établissement ( alinéa 7 ), à l'élargissement du périmètre d'application de l'article L. 2332-1 du code de la défense à certains « matériels de guerre et matériels assimilés ce qui permet de couvrir les prestations de transmission d'un savoir-faire opérationnel menées par les entreprises de services de sécurité et de défense. De même, pour clarifier la portée des prestations commerciales couvertes par ce régime d'autorisation, cet article est modifié pour faire référence aux entreprises « qui utilisent ou exploitent » de tels matériels, « dans le cadre des services qu'elles fournissent ».
Ces termes sont repris à l'article L. 2335-3 du même code, qui conditionne l'octroi d'une licence d'exportation de matériels de guerre et matériels assimilés à la détention d'une autorisation de fabrication et de commerce de matériels de guerre, armes et munitions des catégories A ou B ( alinéa 8 à 10 ). Cette disposition n'est pas applicable aux transferts au sein de l'Union européenne qui est soumise à un dispositif particulier en application de la directive 2009/43/CE précitée.
Les entreprises seraient alors soumises au dispositif de contrôle sur pièces et sur place défini aux articles L. 2339-1 et L. 2339-1-1 du code de la défense et en cas de non-respect des règles au même régime de sanctions pénales (articles L. 2339-2 et suivants). Il est proposé, à cette fin, de modifier les articles L. 2339-2 et L. 2339-4-1 de ce code. L'alinéa 21 procède à une coordination à l'article L. 2339-2 du code de la défense relatif aux sanctions pénales applicables en cas de méconnaissance des obligations posées par L. 2332-1 du même code. Dès lors que, en vertu des alinéas 7 et 8, cet article encadrera l'activité de fourniture de services fondés sur l'utilisation ou l'exploitation de matériels de guerre et assimilés, il est normal que les mêmes sanctions s'appliquent à toute personne qui se livrerait à une telle activité en méconnaissance du cadre légal 116 ( * ) . L'alinéa 24 opère une coordination de même objet au sein de l'article L. 2339-4-1 du code de la défense s'agissant des sanctions applicables en cas de défaut de tenue du registre spécial dans lequel devront être enregistrées les prestations de services fondées sur l'utilisation ou l'exploitation de matériels de guerre et assimilés 117 ( * ) . L'alinéa 23 supprime, au même article, la référence aux « armes et munitions » afin d'étendre le champ de ces mêmes sanctions aux activités couvrant l'ensemble des produits dorénavant visés par la nouvelle rédaction de l'article L. 2332-1 du code de la défense 118 ( * ) , telles que prévue par l'alinéa 6 du présent article (soit la fabrication ou le commerce « de matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments relevant des catégories A et B mentionnées à l'article L. 2331-1 » et non des seules « armes et munitions »).
(6) Un travail réglementaire important nécessaire à sa mise en oeuvre effective
Les dispositions réglementaires du code de la défense devront être modifiées afin de tenir compte de cette nouvelle définition et d'étendre les obligations de traçabilité des opérations menées à la charge des industriels. Les entreprises dont les activités entreront dans le nouveau périmètre d'application de l'article L. 2332-1 du code de la défense seront soumises aux formalités et aux obligations prévues aux articles R. 2332-4 à R. 2332-23. Cela supposera notamment l'adaptation des articles R. 2332-5 et R. 2332-17 pour tenir compte de l'extension du champ du contrôle de l'Etat. Cela conduira également à compléter l'annexe de l'arrêté du 27 juin 2012 pris en application du second alinéa de l'article L. 2335-2.
Afin de ne pas alourdir inutilement la charge de cette disposition pour l'administration et pour les entreprises, un décret en Conseil d'Etat devra affiner le périmètre des matériels dont l'utilisation ou l'exploitation serait ainsi soumise à autorisation, en excluant les éléments dont la mise en oeuvre par des acteurs privés ne présente pas, par elle-même, un risque pour l'ordre public ou la sécurité nationale.
Compte tenu de l'importance de ce travail réglementaire 119 ( * ) , l'entrée en vigueur effective de cette mesure sera différée jusqu'à la publication d'un texte réglementaire, conformément aux dispositions du V de l'article L. 2332-1 du code de la défense.
3. Actualisation du régime de contrôle des transferts au sein de l'Union européenne de certains matériels sensibles soumis à une procédure spécifique
a) Le droit en vigueur
Afin de protéger les moyens stratégiques de la France et de maîtriser certaines technologies proliférantes, le législateur a inclus dans le champ du contrôle des transferts de produits liés à la défense certains matériels ne figurant pas sur la liste commune des équipements militaires de l'Union européenne précitée 120 ( * ) .
Le nouvel article L. 2335-18 du code de la défense 121 ( * ) prévoit que le transfert vers des pays de l'Union européenne des satellites de détection ou d'observation, des véhicules spatiaux et satellites spécialement conçus ou modifiés pour un usage militaire, des fusées à capacité balistique militaire ainsi que leurs composants et moyens de production et d'essai, demeure également soumis à une autorisation préalable spécifique.
A titre indicatif, en 2016, 23 licences de transfert ont été délivrées sur ce fondement pour des opérations à destination d'autres États européens, pour un montant total de près de 150 milliards d'euros.
Par ailleurs, cet article dispose que les articles précédents relatifs au retrait de l'autorisation, ou encore à l'obligation de tenue d'un registre sont applicables aux transferts intervenant dans le domaine spatial.
L'examen des demandes de licences de transfert spécifiques de matériels spatiaux obéit aux règles du droit commun des transferts au sein de l'Union européenne, décrites aux articles L. 2335-8 à L. 2335-16 et R. 2335-39 à R. 2335-41-1 du code de la défense. La demande d'autorisation de transfert, dénommée licence, est ainsi déposée auprès du ministre des armées, avant d'être examinée par la commission interministérielle pour l'étude de l'exportation des matériels de guerre (CIEEMG), qui rend un avis sur la base duquel le Premier ministre peut autoriser la délivrance de cette licence. Cette autorisation peut, en outre, comporter des conditions et restrictions de mise en oeuvre. Les opérations menées dans le cadre de ces licences sont ensuite soumises au contrôle de l'Etat, dans les mêmes conditions que les autres activités soumises à autorisation ( voir supra ).
b) Les modifications proposées par le projet de loi
La mesure proposée à l'article 25 poursuit un double objectif :
• d'une part, un objectif d'harmonisation et de coordination, en adaptant la liste des matériels spatiaux soumis à la procédure spécifique de transfert au sein de l'Union européenne prévue au nouvel article L. 2335-18 à la liste des matériels assimilés aux matériels de guerre mentionnée au second alinéa de l'article L. 2335-2 du code de la défense 122 ( * ) . En effet, la liste des matériels spatiaux dont l'exportation hors du territoire de l'Union européenne est soumise à autorisation sur le fondement de l'article L. 2335-2 a récemment évolué afin de tenir compte des considérations techniques liées à l'utilisation concrète des technologies considérées. Tel est l'objet des alinéas 11 à 19 qui complètent et précisent la liste des matériels et connaissances soumis à ce régime spécifique de contrôle. Ainsi, les satellites de renseignement ou de télécommunication, de même que les sous-ensembles relatifs à ces différents équipements satellitaires seront dorénavant couverts par le dispositif alors que dans la rédaction actuelle, seuls les satellites de détection ou d'observation étaient mentionnés. L'alinéa 19 vise à inclure dans ce champ du contrôle des transferts les prestations de nature intellectuelle, à savoir « les connaissances requises pour le développement, la production ou l'utilisation » de ces matériels sensibles , « transmises sous la forme de documentation ou d'assistance technique » ce qui constitue une nouvelle catégorie d'éléments soumis à ce régime particulier.
• d'autre part, la correction d'une référence erronée qui a exclu du champ d'application de cet article les dérogations au régime des transferts prévus à l'article L. 2335-11 du code de la défense 123 ( * ) . En effet, pour traiter efficacement ces transferts spécifiques, le législateur a institué des dérogations à l'obligation de licence pour les matériels les moins sensibles, dans les cas limitativement énumérés. Afin d'assurer la sécurité juridique de ces dérogations, il convient d'inclure l'article L. 2335-11 dans le champ des dispositions applicables aux transferts soumis à une procédure spécifique.
B. LA POSITION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a apporté en commission plusieurs amendements rédactionnels.
C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Une lecture attentive du texte proposé a révélé une contradiction entre la rédaction de l'alinéa 13 et celle de l'alinéa 20. L'objet de l'article 25 est l'harmonisation d'une liste des matériels soumis à une procédure de transfert intracommunautaire avec celle des mêmes matériels soumis à autorisation d'exportation en dehors de l'Union européenne. Cette liste est limitée, pour ce qui concerne le champ des connaissances requises pour le développement, la production ou l'utilisation de matériels, à certains matériels limitativement énumérés à l'alinéa 20. En étendant le champ des connaissances concernées à d'autres matériels, l'alinéa 13 s'écarte de l'objectif recherché.
Votre commission a adopté un amendement de suppression de l'alinéa 13.
Votre commission a adopté l'article 25 ainsi modifié.
* 102 Loi n° 2011-702 du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l'Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité
* 103 Décision n o 111/2013 du Comité mixte de l'EEE du 14 juin 2013 modifiant l'annexe II (Réglementations techniques, normes, essais et certification) de l'accord EEE.
* 104 Règlement (CE) n° 2894/94 du Conseil, du 28 novembre 1994, relatif à certaines modalités d'application de l'accord sur l'Espace économique européen.
* 105 Espace économique européen, qui réunit les 28 pays membres de l'Union Européenne ainsi que trois des quatre pays membres de l'Association européenne de libre-échange (AELE) - Islande, Liechtenstein et Norvège - au sein d'un marché commun européen. La Suisse est membre de l'AELE, mais ne fait pas partie de l'EEE.
* 106 Il s'agit des catégories A1 (armes et éléments d'armes interdits à l'acquisition et à la détention), A2 (armes relevant des matériels de guerre, les matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu, les matériels de protection contre les gaz de combat) et B (armes soumises à autorisation pour l'acquisition et la détention) visées à l'article L. 2331-1 du code de la défense.
* 107 Arrêté du 27 juin 2012 modifié relatif à la liste des matériels de guerre et matériels assimilés soumis à une autorisation préalable d'exportation et des produits liés à la défense soumis à une autorisation préalable de transfert.
* 108 Il apparaît nécessaire d'actualiser cet article en se conformant à la position de la Cour de cassation, qui considère, sur le fondement du 6° de l'article L. 110-1 du code de commerce, que toute opération consistant dans la fourniture d'un service doit être considérée comme un acte de commerce (Cass. Com., 5 décembre 2006, n° 04-20039).
* 109 Même si 95 % du chiffre d'affaires du secteur des services de défense semblent être réalisés par quelques grandes entreprises, le principal opérateur français est la société Défense conseil international (dont l'Etat détient 49,9% du capital) qui réalisait en 2015 un chiffre d'affaires de 227,5 millions d'euros. Parmi les autres sociétés françaises, on compte les sociétés Amarante international, Erys Group, Gallice, GEOS, Risk § Co, Scutum security first et la filiale Sovereign global France, qui réalisaient en 2015 un chiffre d'affaires cumulé d'environ 130 millions d'euros. La majorité d'entre elles proposent des services de sécurité (protection des biens, personnes et informations) ou de soutien aux forces armées (soutien logistique et en matière de formation notamment). Une minorité commercialise des services de défense, c'est-à-dire correspondant à la délivrance directe de capacité opérationnelle impliquant la mise en oeuvre de matériels de guerre ou la transmission de savoir-faire opérationnel.
* 110 Assemblée nationale - 13 ème législature - Rapport n° 4350 de MM. Christian Ménard et Jean-Claude Viollet, députés au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.
* 111 Document de Montreux du 17 septembre 2008 sur les obligations juridiques pertinentes et les bonnes pratiques pour les États en ce qui concerne les opérations des entreprises militaires et de sécurité privées pendant les conflits armés. Document initié par la Suisse et le Comité international de la Croix Rouge (CICR).
* 112 Il engage les signataires à faire un usage approprié de la force, à respecter le droit international humanitaire, les droits de l'homme et les législations en vigueur, y compris les lois locales, régionales et nationales, et établit des principes de gestion destinés à garantir que le personnel de ces entreprises respecte le code, par la mise en place de bonnes pratiques en matière de recrutement et de formation et par l'instauration de rapports et de systèmes de surveillance internes.
* 113 Son comité directeur est composé de représentants des sept Etats membres (Australie, Canada, Etats-Unis, Norvège, Royaume-Uni, Suède et Suisse), de l'industrie et de la société civile. 98 entreprises ont adhéré à l'association, dont 4 ont leur siège social en France, et 22 organisations de la société civile.
* 114 Contractor accountability bill, adopté en 2004
* 115 Qui prévoient, lorsque les activités sont menées en dehors du territoire, l'application des règles prévues pour l'exportation des matériels sensibles, sans règles spécifiques aux services de défense.
* 116 Soit, à titre principal, une peine d'emprisonnement de sept ans et une amende de 100 000 euros, peines portées à dix ans d'emprisonnement et à 500 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée.
* 117 Soit six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende pour la personne titulaire de l'autorisation d'exercer l'activité concernée.
* 118 Telle que prévue par l'alinéa 6 du présent article (soit la fabrication ou le commerce « de matériels de guerre, armes, munitions et leurs éléments relevant des catégories A et B mentionnées à l'article L. 2331-1 » et non des seules « armes et munitions »).
* 119 Les modalités pratiques de mise en oeuvre de cette réforme, elles seront fixées par voie réglementaire et devront être définies conjointement avec les autres services de l'Etat concernés, notamment avec le service central des armes du ministère de l'intérieur et avec la direction générale des douanes et des droits indirects du ministère de l'action et des comptes publics.
* 120 Projet de loi relatif au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l'Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité. Sénat - Rapport n° 306 (2010-2011) de M. Josselin de Rohan au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. http://www.senat.fr/rap/l10-306/l10-30610.html#toc252
* 121 Créé par la loi n° 2011-702 du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l'UE et aux marchés de défense et de sécurité.
* 122 Figurant à la deuxième partie de l'annexe de l'arrêté du 27 juin 2012 précité.
* 123 Une telle dérogation est par exemple applicable lorsque le transfert est nécessaire pour la mise en oeuvre d'un programme de coopération en matière d'armements entre États membres de l'Union européenne, ou encore lorsqu'il est lié à l'aide humanitaire en cas de catastrophe, ou réalisé en tant que don dans le contexte d'une situation d'urgence.