EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 18 avril 2018, la commission a examiné le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi visant à instaurer un régime transitoire d'indemnisation pour les interdictions d'habitation résultant d'un risque de recul du trait de côte .
M. Hervé Maurey , président . - Nous examinons à présent la proposition de loi déposée par notre collègue Françoise Cartron visant à instaurer un régime transitoire d'indemnisation pour les interdictions d'habitation résultant d'un risque de recul du trait de côte, qui sera examinée dans l'espace réservé du groupe socialiste et républicain le mercredi 16 mai.
Ce texte reprend à l'identique un article de la proposition de loi de notre collègue Michel Vaspart, que le Sénat a adoptée en janvier dernier, et que nous avons peu d'espoir de voir inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. J'ai écrit à ce sujet au Président du Sénat pour attirer son attention sur l'absence de prise en considération par le Gouvernement des initiatives sénatoriales.
L'initiative de nos collègues du groupe socialise repose sur la volonté de faire avancer rapidement la législation sur le cas particulier de l'immeuble du Signal, en renonçant à légiférer de manière globale sur la prise en compte du recul du trait de côte, comme le faisait le texte de notre collègue Vaspart, dans l'espoir que cette proposition de loi soit plus rapidement inscrite à l'Assemblée nationale.
Mme Nelly Tocqueville , rapporteure . - J'ai l'honneur d'avoir été désignée par notre commission pour rapporter cette proposition de loi qui a été déposée le 16 février dernier au Sénat par notre collègue Françoise Cartron et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ce texte doit sembler familier à certains d'entre vous, puisque son article unique figurait déjà dans la proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique, déposée à l'Assemblée nationale en juillet 2016 et adoptée par le Sénat en première lecture en janvier 2017. Ce texte n'avait pas pu aboutir en deuxième lecture compte tenu de la suspension des travaux parlementaires.
Les mêmes dispositions figuraient dans la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux, déposée en septembre 2017 au Sénat par Michel Vaspart, Bruno Retailleau, Philippe Bas et de nombreux collègues des groupes Les Républicains et Union Centriste et adoptée en séance en janvier dernier.
Dans le cadre de l'ancienne mission interministérielle pour l'aménagement de la côte aquitaine (MIACA), active des années 1960 à la fin des années 1980, un grand ensemble de constructions était prévu à Soulac-sur-Mer en Gironde sur 19 hectares de terrain : environ 1 200 logements devaient être construits le long du front de mer, ainsi qu'un boulevard de deux fois trois voies, une thalassothérapie et un hôtel de luxe. Ce projet n'a jamais vu le jour et l'aménageur retenu par les pouvoirs publics a déposé le bilan. Seul le Signal, immeuble de 78 logements, a été construit in fine .
À l'époque, en 1967, il se situait à plus de 200 mètres du rivage et les habitants qui sont présents depuis l'origine rapportent même que l'on peinait à voir l'océan. Aujourd'hui, le Signal est à moins de 10 mètres de l'océan et menace de tomber. Les propriétaires, expulsés depuis 2014, demandent à être indemnisés pour leur bien.
La nécessité d'apporter une réponse à cette situation est partagée par l'ensemble des parties prenantes du sujet, mais la formalisation de la solution tarde à arriver.
La proposition de loi que nous examinons vise à rendre éligibles les propriétaires de l'immeuble du Signal à une indemnisation par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), c'est-à-dire le fonds Barnier, créé en 1995. Je suis tout à fait favorable à cette proposition.
Le dossier du Signal est très spécifique, car il présente un double caractère ubuesque et kafkaïen. Ubuesque d'abord, parce que c'est l'État qui a décidé de lancer une opération d'aménagement de grande ampleur à Soulac-sur-Mer, c'est l'État qui a accordé le permis de construire et c'est l'État qui, à cette époque, ne pouvait ignorer que plusieurs immeubles du front de mer étaient déjà tombés de la falaise dunaire à Soulac-sur-Mer en 1928 et dans les années 1930. La situation actuelle relève donc de la responsabilité de l'État. Or les propriétaires se sentent abandonnés et nous ont rapporté avoir cruellement manqué d'informations de la part tant des services de l'État que de la mairie au sujet de l'évolution de l'érosion et de la réalité des initiatives conduites pour leur apporter une solution. Ils n'ont pris connaissance, par exemple, des rapports d'expertise que plusieurs années après leur écriture !
En outre, en 2014, le ministre de l'écologie, Philippe Martin, s'était rendu sur place avec le préfet et avait promis « un règlement rapide et équitable ». Ces deux objectifs, la rapidité et l'équité, ne sont toujours pas atteints quatre ans plus tard.
Ensuite, le dossier est kafkaïen parce que la situation juridique des propriétaires est absurde ! Une procédure contentieuse a été menée par les propriétaires depuis : d'abord, pour demander au maire et au représentant de l'État dans le département de mettre en place un enrochement autour de l'immeuble, ce qui a été refusé au motif que le coût de protection s'élevait à 17 millions d'euros, ce qui dépassait largement la valeur de l'immeuble estimée à 10 millions d'euros, le tout sans prendre en compte le risque de recul du trait de côte ; ensuite, pour contester le refus d'une indemnisation par le fonds Barnier.
Les propriétaires ont appris que le sujet d'une indemnisation par le fonds Barnier était sur la table depuis plus de dix ans alors que la collectivité n'a jamais constitué un tel dossier ! À l'heure actuelle, la situation est inextricable : un arrêté portant ordre d'évacuation et interdiction d'occupation de l'immeuble a été publié le 24 janvier 2014 par le maire de Soulac-sur-Mer au titre de ses compétences de police administrative. Les habitants sont donc privés de la jouissance de leur bien et des fruits de leur propriété tout en restant propriétaires ! S'ils n'ont pas été expropriés de jure ils le sont de facto ! Ils pourront par ailleurs voir leur responsabilité engagée en cas d'accident consécutif à la chute de l'immeuble.
L'affaire du règlement de cette procédure est pendante devant le Conseil d'État. Le Conseil constitutionnel ayant rendu sa décision sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les propriétaires le 6 avril dernier, le Conseil d'État devrait se prononcer en juin. Deux moyens étaient soulevés : d'une part, l'atteinte au principe d'égalité devant la loi, entre le propriétaire d'un bien situé sur un terrain exposé au risque d'érosion et le propriétaire d'un bien situé sur un terrain menacé par l'un des risques mentionnés à l'article L. 561-1 du code de l'environnement ; d'autre part, l'atteinte au droit de propriété. Le Conseil constitutionnel a écarté ces deux moyens et jugé conformes à la Constitution les dispositions contestées.
Une fois la décision du Conseil d'État rendue, les propriétaires pourront ultimement saisir la Cour européenne des droits de l'homme.
À ce stade, l'administration refuse toujours d'accéder à la requête des propriétaires visant à obtenir une indemnisation via le fonds Barnier pour deux motifs. D'abord, parce que l'érosion dunaire n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 561-1 du code de l'environnement, qui définit le champ d'intervention du fonds Barnier. Ensuite, parce que l'une des conditions d'éligibilité au fonds, « la menace grave à la vie humaine » ne serait pas remplie en l'espèce.
M. Benoît Huré . - Ah bon ?
Mme Nelly Tocqueville , rapporteure . - Oui, les occupants ont été évacués...
Cette position est d'autant plus étonnante que l'arrêté d'interdiction d'habitation de 2014 mentionne un péril grave et imminent pour la sécurité des personnes et des biens, considérant la probable survenue de perturbations météorologiques exceptionnelles de nature à accentuer l'érosion dunaire devant le Signal et à entraîner une submersion marine.
Selon l'Observatoire de la côte d'Aquitaine, le trait de côte recule de 2,5 mètres en Gironde chaque année et de 1,7 mètre dans les Landes. Des perturbations météorologiques exceptionnelles pourraient encore amplifier ce phénomène d'érosion dunaire dans des proportions importantes !
Dans le cas du Signal, néanmoins, le recul du trait de côte est de 5 à 7 mètres par an en moyenne, accentué notamment par la présence d'une digue à proximité, qui protège le quartier de l'Amélie à Soulac-sur-Mer et qui a tendance à accélérer les courants et à empêcher le sable de se déposer.
La dimension humaine du sujet est essentielle et insuffisamment relevée dans le débat public. On a entendu beaucoup de choses sur les propriétaires du Signal : ils seraient nantis, privilégiés et devraient assumer sans se plaindre les conséquences de leur désir de vivre au bord de l'eau... Je souhaiterais couper court à ces représentations.
D'abord, parce que la majorité d'entre eux sont des personnes de condition modeste, éprouvées moralement et physiquement par la longueur des procédures et l'absence de réponse. Certains ont investi toutes leurs économies et doivent, en plus, continuer à rembourser leurs dettes jusqu'en 2020, en 2025 ou en 2030.
Les propriétaires ont dû se reloger et acquitter un loyer ; ils continuent d'assumer les frais de syndic de copropriété, les assurances et une procédure longue et coûteuse pour se défendre : 100 000 euros de frais d'avocat depuis 2012, d'après leurs représentants.
Depuis quatre ans, date de l'évacuation, 11 propriétaires sont décédés. La question des successions est d'ailleurs apparue comme un nouveau problème pour leurs descendants, qui sont en contact avec l'administration fiscale pour estimer la valeur de la transmission...
L'immeuble est dans un état piteux. Il a été vandalisé et occupé de façon irrégulière en dépit de nombreuses plaintes des propriétaires.
Enfin, ce dossier a un caractère exceptionnel. Si le recul du trait de côte s'impose comme un phénomène commun à de nombreux territoires et s'il nécessite une approche intégrée et globale, sans doute davantage dans une logique d'acquisition que d'indemnisation, le cas du Signal reste très spécifique. Cette affaire est injuste et inédite. Elle a trop duré et une réponse exceptionnelle, ad hoc , s'impose pour traiter un problème lui-même exceptionnel.
Si nous sommes d'accord sur la nécessité de régler le problème de l'indemnisation et de la propriété de l'immeuble, le Gouvernement doit maintenant prendre ses responsabilités.
Nous devrons également éviter qu'une telle situation se reproduise, c'est pourquoi il est fondamental d'inscrire rapidement dans nos textes une obligation d'information préalable à l'acquisition d'un bien proche du rivage pour que les futurs propriétaires de ce type de bien aient pleinement conscience du risque et des conséquences du recul du trait de côte.
Un mot, enfin, concernant l'attitude du maire de Soulac-sur-Mer. Les auditions ont révélé que tant sa mobilisation que son écoute ont été insuffisantes pour les propriétaires. La protection de l'immeuble demeure également perfectible, alors même que la commune pourrait voir sa responsabilité engagée en cas d'accident.
J'attire votre attention sur le fait qu'un amendement du Gouvernement serait nécessaire pour établir clairement un transfert de propriété. En l'état, le dispositif permettra uniquement d'indemniser les propriétaires, mais les charges de démolition, de désamiantage ou autres incomberont légalement aux propriétaires. Il conviendrait donc d'amender légèrement la rédaction du texte pour prévoir explicitement que le fonds Barnier « finance l'acquisition par l'État » de l'immeuble. L'article 40 de la Constitution nous interdit malheureusement de déposer nous-mêmes cet amendement. J'espère sincèrement que nous pourrons trouver collectivement une solution qui apportera une réponse rapide aux copropriétaires. Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter le présent texte sans modification.
M. Hervé Maurey , président . - Il est stupéfiant qu'une telle situation, ubuesque et kafkaïenne, qui dure depuis des années, n'ait toujours pas trouvé de solution. Nous ne demandons pas à l'État d'agir en super assureur, mais d'assumer ses responsabilités.
M. Christophe Priou . - Les ministres passent, les sujets demeurent. Nous avons de plus en plus souvent affaire non pas à une vente à la découpe, mais à une loi à la découpe : de nombreux sujets sont retoqués par l'Assemblée nationale avec l'aval du Gouvernement et des amendements surgissent de-ci de-là, comme l'amendement « éolien ». Nous regrettons que le texte de Michel Vaspart n'ait pas été repris dans son ensemble. Le rôle de notre commission est d'ouvrir une vision globale sur la stratégie maritime, d'autant que nous serons prochainement appelés à émettre des avis sur les documents stratégiques de façade, qui précisent les conditions de mise en oeuvre des objectifs définis par l'État en matière d'urbanisme pour chacune des façades. Il existe également un gros volet européen, avec des strates environnementales. Il est regrettable que l'on ne mette pas davantage l'accent sur la dimension économique.
L'État a tendance à confier toutes les compétences aux communes : plans de prévention des risques littoraux, compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI). Pourtant, l'État gère l'estran où se trouve implantée la plus grande partie de l'activité, qu'elle soit économique ou touristique. On devrait pousser l'État et le Gouvernement à nous présenter une stratégie globale. On parle très peu des risques liés à l'élévation du niveau des océans, et de l'impact que cela aura sur les bâtiments et les infrastructures. Qui prendra en compte ces risques ? Qui payera ? Les marais salants de Guérande, par exemple, sont protégés par une digue de 20 kilomètres ; des travaux de rehaussement coûteraient environ 1 million d'euros le kilomètre. Si nous continuons à légiférer à la découpe, nous ne serons pas à la hauteur des enjeux. L'État a été vigoureux sur certains sujets : je pense au naufrage de l'Erika qui s'est produit il y a bientôt vingt ans et pour lequel des mesures européennes ont été prises. Il serait bien qu'il en aille de même en matière de stratégie du trait de côte, et de protection des habitants et des habitations.
M. Claude Bérit-Débat . - La situation est kafkaïenne. La dimension humaine du sujet est effectivement essentielle : des gens de condition modeste ont investi toutes leurs économies. La proposition de Françoise Cartron est une proposition de bon sens et d'humanité ; j'espère qu'elle sera adoptée.
Se pose la question de la responsabilité de l'État, mais aussi des collectivités locales qui ont mis en place une opération ayant des conséquences importantes au niveau de l'érosion des dunes. Quid également de la prise en compte de l'avancée de la mer sur le sable ? Jusqu'à présent le fonds Barnier n'intervient que sur les effondrements de rochers. Or un certain nombre de stations balnéaires des Landes vont être confrontées également à des problèmes d'effondrement. Dans quelques années, l'une d'entre elles sera envahie par la mer et 2 000 ou 3 000 maisons devront être reconstruites à l'intérieur des terres. Nous n'avons pas réussi à régler le problème ; il se reposera demain, au sujet des dunes. Toute la côte landaise et girondine est concernée, et même plus loin jusqu'en Charente-Maritime. Au Signal, le problème est kafkaïen du point de vue humain et matériel. Celui des dunes ne sera pas moins compliqué.
M. Michel Vaspart . - Je soutiens ce texte avec force. Les mesures qu'il propose figuraient déjà dans le texte qu'avait préparé Pascale Got, lorsqu'elle était députée de la Gironde, et qui visait à anticiper le recul du trait de côte, qu'il s'agisse des falaises ou des dunes. L'indemnisation du Signal était prévue, à hauteur de 75 %. Le texte n'a pas abouti à cause des échéances électorales. Nous l'avons repris au Sénat, l'été dernier, sous la forme d'une proposition de loi dans laquelle j'avais intégré l'indemnisation du Signal.
À l'époque, le Gouvernement envisageait de mettre en place un autre fonds pour garantir les indemnisations. Nous en avions débattu avec Emmanuelle Cosse, car rien n'était dit sur la manière dont ce nouveau fonds serait alimenté. Il n'a jamais été créé, et c'est donc à raison que nous avions insisté, avec Pascale Got, sur la nécessité de financer les indemnisations par le fonds Barnier. Ce fonds, très excédentaire, est prélevé chaque année par les gouvernements successifs. Il a été plafonné à 131 millions d'euros dans le cadre du budget 2018.
J'ai eu l'occasion de rencontrer le groupe d'études sur le littoral, à l'Assemblée nationale. Mme Panonacle a repris le sujet de l'indemnisation du Signal et plus généralement celui du recul du trait de côte. Elle a mentionné l'utilité du fonds Barnier, qui est bien l'unique et seule solution, incontournable, pour ce type d'indemnisation.
La proposition de loi qui a été votée au Sénat confortait un certain nombre d'éléments, dont le recul du trait de côte tel qu'acté par l'Assemblée nationale et le Sénat. Plutôt que de le traiter comme un risque, le Gouvernement l'intègre dans sa politique d'aménagement du territoire. Cela change la donne, car les collectivités locales devront prendre des responsabilités supplémentaires, notamment en matière de financement. Il faudra rester très vigilant.
Le Gouvernement souhaite dissocier les deux sujets, avec d'un côté un texte sur le recul du trait de côte et l'indemnisation du Signal, et de l'autre les dispositions visant à alléger les conséquences de la jurisprudence relative à l'application de la loi Littoral, tel qu'elles figurent à l'article 9 de la proposition de loi.
M. Didier Mandelli . - Je ne peux que soutenir les propos de Michel Vaspart : il était l'auteur du texte et j'en étais le rapporteur. L'article 3 de la proposition de loi traitait le cas du Signal, à la fois emblématique et récurrent. Le texte que nous examinons permettrait de résoudre rapidement le problème. Si l'on attend la constitution du groupe de travail sur l'érosion du trait de côte que nous a proposé Brune Poirson, si l'on attend la création d'un autre fonds, et ainsi de suite, cela prendra encore quatre à cinq ans. D'où l'importance de ce texte.
J'avais déposé un amendement sur le plafonnement du fonds Barnier, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018. Il n'a pas été repris à l'Assemblée nationale. Ce fonds est pourtant l'unique solution pour garantir les indemnisations. Le gouvernement précédent l'a prélevé à hauteur de 55 millions d'euros, dans sa dernière année de mandat. Il a été prélevé cette année à hauteur de 71 millions d'euros, avec un plafond à 139 millions d'euros. Malgré tous les événements liés au transport maritime et malgré les tempêtes successives, notre pays tarde à développer une culture de la prévention, de sorte que nous le payons très cher. J'assistais la semaine dernière à une réunion de la Caisse centrale de réassurance (CCR) : il existe des cotisations, des prélèvements et des fonds pour compenser les catastrophes naturelles. Quant à la prévention, elle ne dispose que de moyens très limités.
M. Charles Revet . - La situation est inacceptable. Il faut trouver des solutions. En Seine-Maritime, une tonnelle de marnière s'est effondrée, à un mètre d'une maison. Le maire a pris un arrêté de péril interdisant d'habiter, de louer ou de vendre cette maison. C'était il y a quinze ou vingt ans. La maison est désormais complètement délabrée. Dans ce genre de cas, le fonds Barnier devrait intervenir. Il intervient de moins en moins. Les prélèvements que l'État opère sur le fonds Barnier n'ont pas d'autre objet que de renflouer son budget. Il y a cinquante ans, Étretat subissait régulièrement des inondations. La digue a été renforcée, ce qui a réglé le problème. C'est un modèle à imiter.
On sait bien que le Parlement ne compte plus beaucoup pour l'administration centrale. On peut penser que cette proposition de loi aura du mal à aboutir. De temps en temps, il faut marquer le coup. Si la commission organisait un déplacement en force, à votre initiative, Monsieur le président, cela aurait un effet considérable sur les responsables locaux, et cela contribuerait peut-être à faire évoluer la situation.
M. Michel Dennemont . - Mon groupe s'était opposé à la révision de la loi Littoral en janvier dernier. Votre proposition a notre assentiment et nous voterons en faveur de ce texte.
Mme Nelly Tocqueville , rapporteure . - Nous sommes tous d'accord : le fonds Barnier est le seul recours possible dans cette situation. La direction générale de la prévention des risques nous a précisément expliqué que la création d'un nouveau fonds allongerait encore les délais de quatre ou cinq ans. Ce n'est pas la bonne solution. Il faut que le Gouvernement dépose un amendement pour débloquer le fonds Barnier, car l'article 40 nous interdit de le faire.
Madame Poirson souhaite diluer la problématique du Signal dans une réflexion plus globale qui porterait sur le recul du trait de côte. Nous devons résister, car si nous la suivons, nous risquons de devoir attendre encore quatre ou cinq ans de plus. L'État est responsable de la situation. Les collectivités territoriales doivent s'engager pour soulager la détresse des habitants. Ils ont fait une grève de la faim et ils s'apprêtent à aller devant la Cour européenne des droits de l'homme. Il serait dommage que nous ne soyons pas capables de régler la situation au niveau national.
Monsieur Bérit-Débat , les risques d'érosion rocheuse sont inscrits dans le fonds Barnier, mais l'érosion sableuse ou dunaire n'a pas été envisagée. Certains propriétaires sont indemnisés en cas d'effondrement de falaise ; dans les autres cas, ils n'ont droit à rien. À Lacanau, on prévoit d'organiser le déplacement de 1 200 personnes dans les 20 à 30 ans à venir. Les techniciens travaillent en concertation avec les habitants et les propriétaires, car la partie de Lacanau qui est en bordure de la côte est en train de disparaître. Les habitants ont exactement la même réaction que ceux du Signal qui ne voyaient pas le danger, car ils ne voyaient pas l'océan, en 1967. S'engager dans l'information et dans la prévention est une question de responsabilité morale. Tant mieux si l'on indemnise les victimes. Cependant, le système a ses limites.
Même constat à Biscarosse, où la commission s'était déplacée : il va falloir déménager un camping. Au Signal, la situation est d'urgence, du point de vue humain. Plus largement, il est indispensable que nous engagions une réflexion avec les élus locaux et les organisations territoriales.
Monsieur Vaspart, le Gouvernement souhaite effectivement dissocier la question du trait de côte et la réflexion sur la loi Littoral, ce qui ne correspond pas à la démarche que nous envisagions. J'ai cru comprendre que la problématique du Signal serait traitée dans le cadre d'une réflexion plus globale. Nous devrons nous y opposer fermement.
L'indemnisation du Signal coûterait entre 7 et 10 millions d'euros. En 2015, les négociations engagées par l'État n'avaient pas abouti par manque de volonté des collectivités territoriales. L'immeuble a désormais perdu de sa valeur.
La direction générale de la prévention des risques a insisté sur la nécessité de développer une culture de la prévention.
Monsieur Revet, les falaises tombent tout le temps en Seine-Maritime. Cependant, le fonds Barnier fonctionne bien et s'applique aussi aux éboulements de falaises qui se produisent au milieu des terres. Nous ne pouvons que nous en féliciter tout en comprenant d'autant mieux l'insatisfaction des propriétaires du Signal.
Au Signal, la solution de l'enrochement est désormais trop tardive. La municipalité a fait le choix d'enrocher le quartier de l'Amélie, pas très éloigné du Signal. Je n'ai pas à commenter ce choix qui soulève des regrets et des protestations au niveau local. En effet, l'enrochement de ce quartier détourne l'eau, de sorte que l'espace du Signal est encore plus agressé et que la dune est laminée par la base. Si l'immeuble tombe et blesse, voire tue des promeneurs, sa responsabilité sera engagée.
La proposition de loi est adoptée sans modification à l'unanimité.