EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
ARTICLE 63 - Évolution de la prime d'activité
(Art. L. 842-8 du code de la sécurité sociale)
Commentaire : le présent article vise d'une part à supprimer, à partir du 1 er janvier 2018, la prise en compte des pensions d'invalidité et des rentes AT-MP, en tant que revenus professionnels dans le calcul de la prime d'activité et d'autre part à modifier les conditions de prise en compte de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) comme revenu professionnel dans le calcul de la prime.
I. LE DROIT EXISTANT
La prime d'activité , créée par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, a remplacé au 1 er janvier 2016 la part « activité » du revenu de solidarité active (RSA) ainsi que la prime pour l'emploi (PPE).
Cette prime est versée aux personnes en activité professionnelle dont les ressources sont inférieures à un certain montant garanti - pour une personne célibataire sans enfant, ce montant est environ égal à 1 500 euros net par mois.
Son montant est calculé sur la base d'un montant forfaitaire variable 32 ( * ) , en fonction de la composition du foyer (dont le nombre d'enfants à charge), auquel s'ajoutent les revenus professionnels pris en compte à hauteur de 62 % afin de favoriser l'activité . Un bonus individuel est également ajouté pour chaque personne en activité, membre du foyer, dont les revenus d'activité sont compris entre 0,5 SMIC et 1,2 SMIC. Ce bonus atteint son maximum dès 0,8 SMIC (soit 67,25 euros). De ce total est déduit l'ensemble des ressources du foyer (notamment les prestations sociales, les revenus de remplacement).
Formule de calcul de la prime d'activité Montant forfaitaire (montant forfaitaire majoré en fonction de la composition du foyer + 62 % des revenus professionnels + bonifications individuelles) - les ressources prises en compte du foyer Exemple : pour une personne seule sans enfant avec un salaire de 1 300 euros net et une aide au logement, le montant de la prime d'activité est égal à 36,37 euros soit (526,25 euros + 806 euros (62 % des revenus) + 67,27 euros (bonification) - (1300 euros + 63,15 euros). Source : site service public |
La prime d'activité est ouverte aux jeunes actifs dès 18 ans , ainsi qu'aux étudiants et aux apprentis ayant perçu, au cours des trois derniers mois, un salaire mensuel supérieur à 78 % du SMIC (soit environ 890 euros).
Elle a également été ouverte à compter du 1 er juillet 2016 33 ( * ) aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) qui travaillent en établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ou en milieu ordinaire et, depuis le 1 er octobre 2016, aux bénéficiaires d'une pension d'invalidité ainsi qu'aux personnes bénéficiant d'une rente d'accident du travail/de maladie professionnelle en raison d'une incapacité permanente partielle, exerçant une activité professionnelle rémunérée.
C'est l'article 99 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels qui a intégré l'allocation aux adultes handicapés, certaines pensions d'invalidité et la rente allouée aux personnes victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles dans les revenus d'activité qui entrent dans le calcul de la prime d'activité . Ces dispositions ont été codifiées à l'article L. 842-8 dans le code de la sécurité sociale.
Il s'agissait ainsi de considérer ces prestations non plus comme des prestations sociales venant en déduction du montant de la prime , mais comme des revenus professionnels afin d'inclure dans le dispositif leurs bénéficiaires souvent non-éligibles en raison de ressources trop importantes et de favoriser l'activité professionnelle de ces publics plus éloignés de l'emploi.
Il a ainsi été décidé et codifié - sous l'impulsion de l'APF et l'UNAPEI - l'ouverture de la prime d'activité dès lors que les bénéficiaires de ces prestations perçoivent un salaire mensuel équivalent à 29 SMIC brut horaire, c'est-à-dire lorsqu'ils travaillent au moins un quart de temps rémunérés au SMIC. Si cette condition d'activité est remplie, l'AAH, la pension d'invalidité ou la rente AT/MP sont assimilés à des revenus professionnels dans le calcul de la prime d'activité.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article vise à supprimer, à partir du 1 er janvier 2018, la prise en compte des pensions d'invalidité et des rentes AT-MP, en tant que revenus professionnels, dans le calcul de la prime d'activité.
Le I de l'article modifie la rédaction de l'article L. 842-8 du code de la sécurité sociale en excluant la prise en compte des revenus suivants, comme revenus professionnels dans le calcul de la prime d'activité :
- les pensions et rentes d'invalidité, ainsi que les pensions de retraite à jouissance immédiate liquidées à la suite d'accidents, d'infirmités ou de réforme, servies au titre d'un régime de base légalement obligatoire de sécurité sociale ;
- les pensions d'invalidité servies au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la rente allouée aux personnes victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles .
Cette modification, qui permettrait une économie de 20 millions d'euros, est proposée par le Gouvernement qui la justifie par le faible nombre de bénéficiaires actuels, estimé à 10 000.
Le I de l'article 63 modifie également les conditions de prise en compte de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) comme revenu professionnel dans le calcul de la prime d'activité, qui, bien que maintenue, est assortie d'une mention nouvelle faisant référence à un montant défini par décret. Est, en effet, proposé, au I de l'article, que l'AAH soit « prise en compte en tant que revenu professionnel sous réserve que les revenus professionnels mensuels du travailleur handicapé, hors prise en compte de cette allocation, atteignent un montant fixé par décret », alors que le montant actuel était actuellement inscrit à l'article L. 842-3 du code de la sécurité sociale, à savoir un salaire mensuel équivalent à 29 fois le SMIC brut horaire.
Par ailleurs, les II et III de l'article 63 traitent du cas particulier de Mayotte pour lequel - comme pour le droit commun - le montant de l'AAH pris en compte comme revenu professionnel ne sera plus fixé par la loi . L'article 99 de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels avait fixé ce montant à quatorze fois et demie le montant du salaire horaire minimum interprofessionnel garanti spécifique à Mayotte.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Ce ne sont pas 10 000 mais 250 000 personnes qui seraient potentiellement concernées par cette disposition , à savoir des personnes qui exercent une activité professionnelle souvent à temps partiel avec un niveau de ressources compatible avec une prime d'activité.
Par ailleurs, le Gouvernement ne peut pas justifier la suppression de cette mesure par le nombre restreint de bénéficiaires alors qu'aucune campagne d'information n'a été réalisée par le Gouvernement et les caisses (CPAM et MSA) et que ce dispositif n'existe que depuis le 1 er octobre 2016.
Par ailleurs, la rédaction proposée de l'article précité laisse craindre la possible exclusion d'une partie des allocataires de l'AAH qui bénéficiaient de la prime d'activité , en modifiant les conditions de prise en compte de l'AAH comme revenu professionnel dans le calcul de la prime d'activité. La nouvelle rédaction de l'article L 842-3 du code de la sécurité sociale prévoit, en effet, que le montant de l'AAH pris en compte en tant que revenu professionnel sera fixé par décret alors que la loi n ° 2016-1088 du 8 août 2016 avait défini comme montant un salaire mensuel équivalent à 29 SMIC brut horaire. Ce montant avait été légitimement fixé afin de rendre effectif l'accès à la prime à des populations qui subissent majoritairement le sous-emploi et le travail à temps partiel.
En proposant, au I l'article 63 , que l'AAH soit « prise en compte en tant que revenu professionnel sous réserve que les revenus professionnels mensuels du travailleur handicapé, hors prise en compte de cette allocation, atteignent un montant fixé par décret », le montant correspondant au salaire mensuel équivalent à 29 SMIC brut horaire n'est plus assuré, et le maintien dans le dispositif de certaines personnes handicapées non plus. Il en est de même, pour le cas particulier de Mayotte ( II et III de l'article 63) , dont le montant équivalent à quatorze fois et demie le montant du salaire horaire minimum interprofessionnel garanti spécifique à Mayotte n'est plus garanti.
Les modifications de la prime d'activité proposées par le Gouvernement vont à l'encontre de l'objectif d'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, condition de la société inclusive souhaitée par le Gouvernement.
Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer le présent article.
ARTICLE 64 (nouveau) - Complément au contenu du document de politique transversale concernant la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes (Article 128 de la loi de finances rectificative pour 2015)
Commentaire : le présent article vise à compléter le document de politique transversale (DPT) concernant la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes afin d'assurer le suivi de trois dispositifs visant à sanctionner des comportements contrevenant à l'égalité femmes-hommes .
I. LE DROIT EXISTANT
Les documents de politique transversale (DPT), également appelés « oranges budgétaires » - introduits par l'article 128 de la loi de finances rectificative pour 2015 - sont des documents annexés chaque année au projet de lois de finances.
Ils portent sur des politiques publiques interministérielles, associant plusieurs programmes relevant de plusieurs missions budgétaires. Ils ont été instaurés afin d'améliorer la coordination et l'efficacité de l'action publique. 21 DPT ont ainsi été annexés au projet de loi de finances pour 2018.
Chaque DPT comprend :
- une présentation stratégique de la politique transversale, comprenant les objectifs et les moyens mis en oeuvre pour cette politique ;
- une présentation détaillée des crédits de l'État à la politique transversale pour l'année à venir, l'année en cours, et l'année précédente, y compris en matière de dépenses fiscales ;
- une présentation de la manière dont chaque programme budgétaire participe à la politique transversale ;
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article vise à compléter le I de l'article 128 de la loi de finances rectificative pour 2015 - qui prévoyait la remise par le Gouvernement de ces DPT sous forme d'annexes générales au projet de loi de finances de l'année - afin que le DPT relatif à la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes comprenne une présentation détaillée des montants annuels de trois dispositifs visant à sanctionner des comportements contrevenant à l'égalité femmes-hommes .
Cette présentation détaillée concernerait les montants annuels :
- des pénalités mises en oeuvre pour les entreprises d'au moins cinquante salariés en l'absence d'accord ou de plan d'action relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes , en application de l'article L. 2242-8 du code du travail ;
- de la contribution - dont le montant est égal au nombre d'unités manquantes en termes de nomination - prévue cas de non-respect de l'obligation de nominations équilibrées (au moins 40 % de personnes de chaque sexe) dans les emplois d'encadrement supérieur de la fonction publique, en application de l'article 6 quater modifié de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- des amendes punissant le recours à la prostitution en application de l'article 611-1 du code pénal.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Vos rapporteurs spéciaux considèrent que toutes les actions visant à promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes doivent être encouragées .
Le présent article permet ainsi l'instauration d'un nouvel indicateur de suivi de la politique relative à l'égalité entre les femmes et les hommes. Il s'agit ainsi, pour vos rapporteurs spéciaux, d'un outil intéressant, qui sera utile aux parlementaires pour juger de la mise en oeuvre de cette politique.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 32 Le montant de base de la prime d'activité pour une personne seule équivaut à 526,25 euros.
* 33 Mais avec effet rétroactif au 1 er janvier 2016.