II. L'INTÉRÊT DE « RELAYER » CETTE DÉMARCHE AU NIVEAU EUROPÉEN
A. UNE COMPÉTENCE PARTAGÉE, OU D'APPUI, DE L'UNION EUROPÉENNE IMBRIQUÉE AVEC CELLES DES ÉTATS MEMBRES
La question des produits phytosanitaires nécessite d'être appréhendée au regard de la politique en faveur de l'environnement, d'une part, mais également de la protection et de l'amélioration de la santé humaine, d'autre part.
Or, s'agissant de la première, l'Union européenne détient une compétence partagée avec les États membres : ces derniers sont donc compétents pour ce que l'Union n'a pas décidé de régler elle-même.
En ce qui concerne la santé humaine, il s'agit d'une simple compétence d'appui : l'Union européenne n'intervient, en l'espèce, que pour soutenir, coordonner ou compléter l'action des États membres, sans pour autant exercer un rôle législatif, ni limiter leurs compétences.
On rappellera également que l'exercice des compétences de l'Union européenne est soumis aux deux principes fondamentaux exposés à l'article 5 du traité sur l'Union européenne :
- le principe de subsidiarité, impliquant que dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union européenne intervient seulement si, et dans la mesure où, l'objectif d'une action envisagée ne peut pas être atteint de manière suffisante par les pays de l'Union européenne, mais peut l'être mieux au niveau de l'Union européenne ;
- le principe de proportionnalité, prévoyant que le contenu et la forme de l'action de l'Union européenne n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités.
Sous le bénéfice de ces observations, la proposition de résolution rappelle d'ailleurs opportunément les bases juridiques de cette répartition des compétences, à savoir les articles 4 (paragraphe 2), 11 et 191 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Se fondant sur tous ces éléments, les institutions européennes ont manifesté, d'une façon générale, leur intérêt pour les problématiques de biodiversité 10 ( * ) et de préservation des ressources en eau 11 ( * ) qui, « par ricochet » sont inévitablement affectées par les produits phytosanitaires. Ces références sont soulignées par l'auteur de la proposition de résolution européenne.
En ce qui concerne plus particulièrement les produits phytosanitaires, le socle actuel de la réglementation européenne repose sur deux textes : la directive 2009/128/CE du 21 octobre 2009, ainsi que sur le règlement CE n° 1107/2009 adopté le même jour. Cet ensemble, communément appelé « paquet pesticide », a permis la révision de la directive 91/414/CEE, qui était entrée en vigueur en 1993. Les objectifs recherchés en 2009 étaient les suivants :
- renforcer le niveau de protection de la santé humaine, des animaux et de l'environnement, tout en préservant la compétitivité de l'agriculture communautaire ;
- harmoniser et simplifier les procédures au sein de l'Union européenne, et réduire les délais d'examen des dossiers ;
- accroître la libre circulation des produits et leur disponibilité sur le territoire des États membres.
Le cadre général d'utilisation et d'homologation des produits phytosanitaires est désormais défini par les dispositions du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.
L'économie générale du processus d'homologation d'un pesticide distingue deux phases : l'approbation de la substance active intervient au niveau de l'Union européenne, avant que l'autorisation de mise sur le marché du produit phytopharmaceutique comprenant la substance active ne soit approuvée au niveau des États membres.
Si la décision d'approbation relève de la Commission européenne, elle nécessite un vote des États membres. Cette décision est préparée par la direction générale de la santé, en s'appuyant sur l'avis scientifique de l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) laquelle se fonde à son tour sur les travaux des autorités compétentes au niveau national, à savoir, pour la France, l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail).
Les dispositions du règlement précité s'appliquent aux produits utilisés pour protéger ou préserver les plantes, exerçant une action sur leur croissance ou détruisant et repoussant les végétaux indésirables.
Afin d'obtenir une approbation, la « substance active (toute substance chimique, extrait végétal, micro-organisme exerçant une action contre les organismes nuisibles ou sur les plantes) ne doit pas avoir d'effets nocifs sur la santé des êtres humains, y compris les groupes vulnérables, ou d'effet inacceptable sur l'environnement ».
Les produits phytopharmaceutiques « doivent être efficaces, ne pas avoir d'effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine ni d'effet inacceptable sur les plantes ou l'environnement et ne pas provoquer de souffrances ni de douleurs inutiles chez les animaux vertébrés ».
Les autorités nationales compétentes dans chaque pays de l'Union peuvent fixer des critères et des restrictions concernant, par exemple, le degré minimal de pureté, le type de préparation, ainsi que le mode et les conditions d'utilisation, lors de l'approbation du pesticide.
Les titulaires d'une autorisation accordée dans un pays de l'Union peuvent utiliser la procédure de reconnaissance mutuelle pour demander l'utilisation du produit dans un autre pays.
À ce règlement s'ajoutent les dispositions de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.
Pour ce faire, les États membres de l'Union sont tenus :
- d'adopter des plans nationaux visant à fixer des objectifs, des cibles, des mesures, des calendriers permettant de réduire les risques de l'utilisation des pesticides sur la santé humaine et l'environnement. À titre d'illustration, dans le cas de la France, il s'est agi du plan « Écophyto II »;
- de veiller à ce que les utilisateurs professionnels, les distributeurs et les conseillers reçoivent une formation appropriée ;
- d'informer le public par la promotion de programmes de sensibilisation concernant les risques potentiels des pesticides ;
- de veiller à ce que les matériels avec lesquels sont appliqués les pesticides fassent l'objet d'inspections à intervalles réguliers (au moins une fois en 2016, puis tous les cinq ans jusqu'en 2020 et tous les trois ans par la suite) ;
- d'interdire la pulvérisation par voie aérienne ;
- de protéger l'eau, en particulier l'eau potable, contre l'incidence des pesticides ;
- de veiller à ce que l'utilisation des pesticides soit limitée ou interdite dans des zones telles que les parcs, les aires de jeux et les terrains de sport publics ou à proximité des établissements de soins ;
- d'exiger que les utilisateurs professionnels respectent les mesures de sécurité lors de la manipulation et du stockage des pesticides, ainsi que pour le traitement de leurs emballages et des restes de produits.
Enfin, la directive 2009/128/CE encourage le recours aux productions à faible apport en pesticides, et les moyens non chimiques alternatifs.
* 10 Communication de la Commission européenne du 3 mai 2011 intitulée « La biodiversité, notre assurance-vie et notre capital naturel - stratégie de l'UE à l'horizon 2020 » (COM(2011) 0244).
* 11 Conclusions du Conseil, réuni le 17 décembre 2012, sur le Plan d'action pour la sauvegarde des ressources en eau de l'Europe.