B. UN PROJET DE LOI FORTEMENT ENRICHI À L'ASSEMBLÉE NATIONALE PAR DES DISPOSITIONS DIVERSES
L'Assemblée nationale a fortement enrichi le projet de loi. Si l'objet initial de ce dernier était circonscrit aux contrats et aux plans de convergence et à des dispositions sociales et économiques, le texte transmis recouvre désormais un champ beaucoup plus vaste, incluant des dispositions fiscales notamment. Ses 116 articles ne présentent guère de lien entre eux, non plus qu'une cohérence d'ensemble. Ils forment désormais un catalogue de propositions hétéroclites, certaines ne présentant qu'une portée normative limitée, d'autres, sous couvert de ne s'appliquer qu'aux territoires ultramarins, auraient des effets sur l'ensemble du territoire national. Il apparaît ainsi difficile de hiérarchiser les nombreux ajouts adoptés par l'Assemblée nationale.
Tout d'abord, on peut constater - et regretter - le nombre élevé de demande de rapports - 20 demandes dont 5 émanant du Gouvernement lui-même - sur des sujets parfois très techniques qui ne justifient pas toujours la remise de rapports du Gouvernement au Parlement.
Votre rapporteur, par souci de lisibilité, ne présentera que les principaux articles relevant de la compétence de votre commission, invitant le lecteur à se reporter aux rapports des commissions pour avis pour les articles délégués au fonds.
• Au titre I er , l'Assemblée nationale a procédé à une réécriture globale de l' article 1 er afin de rendre sa rédaction « plus prescriptive et plus complète que celle du projet de loi initial » : il reconnaît désormais aux populations d'outre-mer le droit à l'égalité réelle et précise que l'État et les collectivités concernées s'engagent, et non plus contribuent, à mettre en oeuvre ce droit. A également été élargi le contenu des politiques publiques destinées à atteindre l'égalité réelle.
Afin de répondre aux difficultés rencontrées par les habitants de certains territoires ultramarins ne disposant pas d'une desserte aérienne directe entre leur territoire et l'hexagone, a été inséré l' article 3 bis prévoyant le maintien ou la mise en place de liaisons territoriales continues entre les différentes composantes du territoire de la République, à travers une offre de transports continus et réguliers. Cette continuité territoriale devrait être assurée « indépendamment de l'obtention d'une quelconque autorisation préalable émanant d'un État tiers ».
• S'agissant des contrats et des plans de convergence, prévus au titre II , l'Assemblée nationale a complété leur contenu, en prévoyant notamment qu'ils devraient comprendre un diagnostic portant sur les inégalités de revenus, de patrimoines, les discriminations et les inégalités entre les femmes et les hommes, ainsi que des actions opérationnelles de lutte contre l'illettrisme. Par ailleurs, les plans devraient être conclus au plus tard le 1 er juillet 2018 et les autres documents de planification rendus compatibles avec ces plans. À l' article 8 , les députés ont énoncé le principe d'une association des chambres régionales ou territoriales des comptes au suivi de la mise en oeuvre des stratégies de convergence : elles seraient chargées d'examiner l'exécution de la programmation financière du plan de convergence et l'économie des moyens mis en oeuvre, ainsi que d'évaluer les résultats atteints par rapport aux objectifs fixés par le plan de convergence.
• Au sein du titre III , l' article 10 bis A , introduit par l'Assemblée nationale, tend à modifier le contentieux des décisions d'éloignement des étrangers en situation irrégulière en Guadeloupe, en Guyane, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. Ces modifications poursuivent un double objet : d'une part, la tenue de l'audience du juge administratif statuant en référé liberté en dehors du tribunal administratif ; d'autre part, le rétablissement de l'intervention du juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la rétention à cinq jours sur le seul territoire de Mayotte.
• Au sein du titre IV , a été inséré l' article 11 B prévoyant la création de deux nouvelles aides au titre de la politique de continuité territoriale : une aide au voyage pour obsèques et une aide au transport des corps.
Le projet de loi issu des travaux de l'Assemblée nationale a été en outre enrichi de neuf nouveaux titres.
• Parmi les articles relevant de votre commission, on relèvera, au titre VI ,
- l' article 14 bis qui prévoit, en cas d'inexécution par les sociétés commerciales de l'obligation qui leur est faite de déposer divers documents, notamment leurs comptes annuels au registre du commerce et des sociétés, que le greffier du tribunal de commerce informe le représentant de l'État dans le département de ce manquement ;
- l' article 17 , qui propose l'introduction d'un nouveau critère de discrimination à raison de la domiciliation bancaire ;
- l' article 19 , qui propose, à titre expérimental, pour une durée de cinq ans, un Small business act consistant à donner la faculté aux pouvoirs adjudicateurs, aux entités adjudicatrices et aux acheteurs publics, de réserver jusqu'à un tiers de leurs marchés aux petites et moyennes entreprises (PME) locales. Le montant total des marchés ainsi conclus ne pourrait excéder 15 % du montant annuel moyen des marchés du secteur économique concerné conclus par l'entité visée.
• Au sein du titre VII , l' article 20 A vise à consolider la politique mémorielle de l'esclavage. Il inscrit à cet effet, dans la loi, la date du 10 mai comme journée nationale de commémoration de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions, et crée une nouvelle journée nationale de commémoration en hommage aux victimes de l'esclavage colonial, fixée au 23 mai.
À l' article 21 bis , l'Assemblée nationale a prévu la transformation du conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge en un grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinenges, afin notamment de donner une plus grande visibilité à cet organe. Cet article propose également de renforcer le statut et d'étendre les compétences de l'actuel conseil consultatif.
• Les articles 22 et 24 bis , insérés dans le titre VIII , traitent des mesures spécifiques à l'outre-mer en matière de gestion des déchets. L' article 22 bis , complète la procédure relative aux véhicules économiquement irréparables définie par le code de la route, dans le but de renforcer la lutte contre les épaves de véhicules. L' article 25 , quant à lui, tend à ériger la justification du centre de ses intérêts matériels et moraux outre-mer en priorité légale d'affectation pour tous les fonctionnaires de l'État, qu'ils appartiennent ou non à un corps régi par un statut spécial ou à un corps où sont dressés des tableaux périodiques de mutation.
L' article 26 vise à permettre l'expérimentation, durant cinq ans, d'une mutualisation des politiques de ressources humaines des agents de l'État sur les territoires de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et dans les îles Wallis et Futuna, sous la forme d'une direction des ressources humaines unique placée, dans chaque collectivité, sous l'autorité du représentant de l'État et chargée de la gestion des emplois et carrières des agents de l'État.
• Le titre X regroupe des dispositions portant sur des sujets juridiques, institutionnels et judiciaires très hétérogènes.
Ainsi, les articles 29 bis , 29 ter et 30 prévoient diverses dispositions applicables principalement en Guyane et destinées à faciliter la recherche et la constatation des infractions au code minier et à lutter contre l'orpaillage illégal. L' article 29 bis vise à conférer aux officiers de police judiciaire, ainsi qu'aux agents de police judiciaire dans le seul cadre du dispositif de lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane, le pouvoir de procéder à des confiscations et destructions de biens ayant servi à une exploitation minière illégale. L' article 29 ter tend à étendre les pouvoirs de constatation des infractions au code minier aux inspecteurs de l'environnement, sur le territoire du Parc amazonien de Guyane. Enfin, l' article 30 a pour objet d'étendre les restrictions aux conditions de détention et d'utilisation de matériels et de substances utilisés dans l'activité minière à tout le territoire guyanais.
Les articles 30 bis, 30 ter, 30 quater et 30 quinquies ont pour objet d'étendre à différentes catégories d'agents publics, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, le pouvoir de rechercher et de constater des infractions édictées localement en matière environnementale, de sécurité routière et sanitaire. Ils tendent à remédier à l'incapacité du Gouvernement à prendre, dans le délai de six mois qui lui était imparti, comme l'y autorisait l'article 79 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer, les ordonnances visant à étendre et à adapter, dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, les dispositions permettant aux agents publics de rechercher et de constater par procès-verbal certaines infractions.
Afin de donner une base symbolique et juridique forte à l'existence des délégations parlementaires aux outre-mer, l' article 31 vise à conférer à ces dernières une consécration législative tout en renforçant certaines de leurs prérogatives.
L' article 33 tend à proroger de trois ans le délai pour achever la transformation des plans d'occupation des sols (POS) en plans locaux d'urbanisme (PLU) dans les seules communes d'outre-mer, par dérogation à la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », qui a imposé l'achèvement de la conversion des POS en PLU en déclarant les POS caducs au 31 décembre 2015.
L' article 34 prévoit l'expérimentation, pendant une durée de trois ans, dans les départements et régions d'outre-mer qui en font la demande, d'un dispositif d'attraction des talents étrangers. L' article 34 ter propose quant à lui d'étendre la zone dans laquelle il pourrait être procédé à un contrôle d'identité en Guadeloupe, à toutes les routes nationales sauf deux.
L' article 34 quater est relatif à la durée d'exercice des fonctions de notaire outre-mer : si la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi « Macron », a fixé à 70 ans la limite d'âge pour l'exercice des fonctions de notaire mais prévu que les intéressés peuvent continuer à les exercer, sur autorisation du ministre de la justice, jusqu'au jour où leur successeur prête serment, pour une durée qui ne peut excéder douze mois ; cette période serait portée à deux ans pour les seuls notaires exerçant outre-mer.
• Le titre XI est composé du seul article 35 qui propose de créer, à titre expérimental, des observatoires des violences faites aux femmes, mis en place pour une durée de cinq ans, dans les collectivités ultramarines qui en font la demande. Ces structures seraient chargées, outre de l'étude des violences faites aux femmes, de proposer aux victimes une prise en charge globale et pourraient conclure des partenariats avec les acteurs intervenant dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
• Au sein du titre XII , seul l'examen de l' article 48 relève de votre commission. Il tend à préciser qu'en Guyane, le cadastre doit couvrir l'ensemble du territoire et que le suivi de son établissement est assuré par des réunions régulières de la commission communale et de la commission intercommunale des impôts directs. Cette disposition vise à remédier aux carences du cadastre en Guyane et, ainsi, à améliorer les bases de fiscalité directe locale des collectivités guyanaises.
• Enfin, au titre XIII , le nouvel article 52, introduit à l'Assemblée nationale, a cherché à remédier à l'absence de statistiques fiables et à jour concernant la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie Française, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, qui constitue un obstacle important à la mise en place de politiques publiques efficaces et à leur évaluation. Ainsi, lorsque l'État ou l'un de ses établissements publics réaliserait une enquête statistique sur l'ensemble des départements d'outre-mer, celle-ci devrait également concerner ces territoires.