TITRE VIII - DISPOSITIONS RELATIVES AU DÉVELOPPEMENT DURABLE
Article 22 (art. L. 541-10 du code de l'environnement) - Objectifs nationaux en matière de gestion des déchets
Le présent article a été introduit à l'Assemblée nationale, en commission des lois, à l'initiative de M. Philippe Naillet, avec un avis de sagesse du rapporteur Victorin Lurel.
L'article 46 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement fixe les objectifs nationaux en matière de gestion des déchets - réduire la production d'ordures ménagères et augmenter le recyclage - et les moyens mis en place par l'État pour atteindre ces objectifs.
L'un de ces objectifs était d'orienter 75 % des déchets d'emballages ménagers et des papiers vers les filières de recyclage en 2012. Selon les éléments transmis à votre rapporteur par les services du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, si le taux de recyclage atteint était de 67 % pour l'ensemble du territoire en 2012, il était beaucoup plus faible outre-mer. Ces difficultés résultent notamment de l'isolement d'un certain nombre d'habitants, principalement en Guyane, la faiblesse des taux de recouvrement d'impôts locaux servant à financer la gestion de la collecte des déchets, de la très grande modestie des revenus des habitants de certaines communes ainsi que de l'absence d'industries locales capables d'assurer un débouché aux matériaux collectés, ce qui impose de transporter les déchets valorisables vers d'autres territoires, et en premier lieu vers la métropole.
C'est pourquoi, dans sa rédaction issue des travaux de la commission des lois, le présent article prévoyait la mise en place d'un dispositif spécifique permettant un accompagnement renforcé de la filière de collecte et de tri des emballages ménagers et des papiers dans ces territoires. Ainsi, la couverture des coûts de collecte, de tri et de traitement des emballages ménagers et papiers, assumée par le producteur de produits générant des déchets, était fixée à 80 % des coûts nets du service communal ou intercommunal de collecte et de tri.
Cette disposition renforçait le principe de la responsabilité élargie du producteur (REP), qui consiste à mettre à la charge du producteur de produits générant des déchets la gestion de ces déchets. Ce principe de REP a été introduit en droit français par le décret du 1 er avril 1992 32 ( * ) . L'article 4 de ce décret, abrogé depuis, disposait que « tout producteur, tout importateur, dont les produits sont commercialisés dans des emballages [...] est tenu de contribuer ou de pourvoir à l'élimination de l'ensemble de ses déchets d'emballage ».
Désormais, l'article L. 541-10 du code de l'environnement prévoit qu'« en application du principe de responsabilité élargie du producteur, il peut être fait obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs de ces produits ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ».
Cette obligation peut se traduire par la mise en place par les producteurs, importateurs et distributeurs de systèmes individuels de collecte et de traitement des déchets issus de leurs produits ou par la mise en place d'éco-organismes, auxquels ils versent une contribution financière et transfèrent leur obligation et dont ils assurent la gouvernance.
Les éco-organismes sont agréés par l'État pour une durée maximale de six ans renouvelable s'ils établissent qu'ils disposent des capacités techniques et financières pour répondre aux exigences d'un cahier des charges, fixé par arrêté interministériel, et après avis de l'instance représentative des parties prenantes de la filière.
En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement, modifié par un sous-amendement rédactionnel du rapporteur de la commission des lois, qui a réécrit cet article.
Désormais, celui-ci prévoit un dispositif reposant sur l'action des éco-organismes.
Dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, le cahier des charges de ces organismes devrait prévoir un soutien spécifique des producteurs de déchets pour le développement de la filière de gestion des déchets.
Ce soutien spécifique pourrait se traduire, selon l'objet de l'amendement du Gouvernement, par l'allocation d'un montant forfaitaire minimal par habitant, à dépenser par ces éco-organismes au cours de leur période d'agrément.
En outre, ces éco-organismes pourraient assurer temporairement, en lieu et place des collectivités ultramarines en difficultés financières qui le demandent, les activités de collecte et de tri des emballages ménagers.
Dans ce cas, l'éco-organisme devrait proposer à la collectivité territoriale concernée « une option spécifique de reprise de l'ensemble des déchets d'emballages ménagers », c'est-à-dire que l'offre de soutien devrait être globale, et ne pas viser uniquement certaines catégories de déchets d'emballage, pour que la collectivité n'ait pas à recourir à plusieurs organismes différents en fonction du type de déchets.
Votre rapporteur observe que les cahiers des charges peuvent d'ores et déjà prévoir des mesures de ce type. En effet, l'article L. 541-10 du code de l'environnement prévoit, de manière générale, que dans les départements et régions d'outre-mer, ces cahiers des charges « peuvent être adaptés aux spécificités de ces territoires ».
Ainsi, par exemple, le cahier des charges annexé à l'arrêté du 29 novembre 2016 relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets d'emballages ménagers prévoit une prise en charge par les éco-organismes de la gestion des déchets d'une collectivité territoriale ultramarine qui en fait la demande 33 ( * ) .
Pour autant, en imposant dans la loi un certain nombre de mesures concrètes qui devraient figurer dans ces cahiers des charges, et notamment un soutien financier des éco-organismes pour la gestion des déchets ménagers et des papiers graphiques, le présent article renforce sensiblement le développement outre-mer de la filière de collecte et de tri des emballages ménagers et de papier graphiques.
Pour améliorer l'efficacité et la lisibilité du dispositif, votre commission a adopté un amendement COM-115 de son rapporteur, déplaçant ces dispositions de l'article 46 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement vers l'article L. 541-10 du code de l'environnement qui détermine le contenu des cahiers des charges des éco-organismes.
Votre commission a adopté l'article 22 ainsi modifié .
Article 22 bis (supprimé) (art. L. 327-3 du code de la route) - Interdiction du transfert et de la circulation de véhicules endommagés
Introduit à l'Assemblée nationale, en séance publique, à l'initiative de M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, cet article complète la procédure relative aux véhicules économiquement irréparables définie par le code de la route, dans le but de renforcer la lutte contre les épaves de véhicules.
• Les procédures de gestion des véhicules endommagés
À des fins de renforcement de la sécurité routière, sont définies, aux articles L. 327-1 à L. 327-6 du code de la route, des procédures de gestion des véhicules endommagés :
- la procédure des véhicules économiquement irréparables , prévue aux articles L. 327-1 à L. 327-3, s'applique aux véhicules endommagés, à la suite d'un accident ou de tout autre évènement (intempéries par exemple), pour lesquels le montant des réparations expertisé est supérieur à la valeur du véhicule au moment du sinistre.
En vertu de l'article L. 327-1, les entreprises d'assurance sont tenues de proposer le rachat du véhicule, pour un prix qu'elles déterminent, proposition à laquelle le propriétaire doit répondre dans un délai de trente jours.
En cas d'acceptation, le véhicule est cédé à l'assurance et confié à un acheteur professionnel pour destruction, réparation ou récupération des pièces.
En cas de refus du propriétaire, ou de silence dans le délai précité, la préfecture, après information de l'assureur, procède, en application de l'article L. 327-3, à l'inscription d'une opposition à tout transfert du certificat d'immatriculation - c'est-à-dire à la cession du véhicule - qui ne peut être levée que sur présentation, par le propriétaire, d'un rapport d'expertise certifiant que le véhicule a été réparé. Cette inscription n'entraîne pas, en elle-même, interdiction pour le véhicule de circuler ;
- la procédure des véhicules gravement endommagés , prévue aux articles L. 327-4 et L. 327-5, consiste à procéder à une immobilisation de tout véhicule qui ne peut, en raison de son état, circuler dans des conditions normales de sécurité.
Peuvent y procéder les officiers et agents de police judiciaire à l'occasion d'un accident de la circulation, lorsque le véhicule a subi des dommages importants, en application de l'article L. 327-5. Le préfet peut également prononcer une interdiction de circulation du véhicule lorsqu'une expertise automobile conclut à l'existence de dommages induisant un risque pour la sécurité, en vertu de l'article L. 327-4.
Dans les deux cas, la remise en circulation du véhicule ne peut être autorisée que sur présentation d'un rapport d'expertise certifiant que les réparations ont été effectuées.
• Les modifications proposées par le projet de loi
L'article 22 bis tend à modifier l'article L. 327-3 du code de la route, relatif à la procédure des véhicules économiquement irréparables, sur deux points.
En premier lieu , il tend à compléter le panel des réponses possibles en cas de refus d'une offre de rachat d'un véhicule économiquement irréparable, en permettant à la préfecture d'inscrire, outre l'opposition à la cession du véhicule, une interdiction de circulation lorsque celui-ci présente des risques de sécurité.
Une telle disposition apparaît toutefois redondante avec la procédure relative aux véhicules gravement endommagés prévue à l'article L. 327-4 du même code, qui prévoit d'ores et déjà cette option. En effet, les procédures précédemment mentionnées ne sont pas exclusives l'une de l'autre, un même véhicule pouvant faire l'objet à la fois d'une interdiction de circuler au titre de l'article L. 327-4 et d'une opposition à tout transfert du certificat d'immatriculation au titre de l'article L. 327-1.
En second lieu , l'article introduit, en cas de refus par le propriétaire d'une offre de rachat de son véhicule économiquement irréparable par l'assurance, une obligation de cession du véhicule si les réparations nécessaires à sa remise en service n'ont pas été effectuées dans un délai de six mois. Le véhicule devrait alors être cédé à un centre de véhicules hors d'usage agréé.
Selon l'exposé des motifs de l'amendement, cette disposition vise à lutter contre la multiplication des épaves de véhicules, dont les conséquences pour l'environnement sont extrêmement néfastes.
Votre rapporteur relève que l'objectif poursuivi est d'ores et déjà couvert par le droit existant .
Les véhicules hors d'usage constituent des déchets selon la définition donnée à l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement, à savoir « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire », et sont classifiés dans la catégorie des déchets dangereux 34 ( * ) . Ils doivent faire, à ce titre, l'objet d'un traitement obligatoire de dépollution et être remis à cet effet à des centres de traitement agréés.
La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a récemment renforcé les procédures de traitement des véhicules hors d'usage. Ainsi, en vertu des articles L. 541-21-3 et L. 541-21-4 du code de l'environnement, lorsque des véhicules sont déposés dans des conditions de nature à porter atteinte à la santé de l'homme ou de l'environnement, sur un terrain public comme dans une propriété privée, il revient au maire, au titre de son pouvoir de police, de mettre en demeure le titulaire du certificat d'immatriculation dans le premier cas, le propriétaire du terrain privé dans le second cas, de les remettre en état de circuler ou de les transférer dans un centre de véhicules hors d'usage agréé. Si cette mise en demeure n'est pas suivie d'effets, le maire peut faire procéder d'office à l'évacuation des véhicules concernés, aux frais des titulaires des certificats d'immatriculation ou des propriétaires des terrains privés.
Par ailleurs, aux termes de l'article L. 541-46 du même code, l'abandon « d'un véhicule privé des éléments indispensables à son utilisation normale et insusceptible de réparation immédiate à la suite de dégradations ou de vols sur le domaine public ou le domaine privé de l'État ou des collectivités territoriales » est puni de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
En conséquence, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté l' amendement de suppression COM-116 .
Elle a supprimé en conséquence l'article 22 bis .
Article 23 (introduit en commission et supprimé en séance à l'Assemblée nationale) - Rapport sur la qualité des réseaux publics d'électricité
Issu d'un amendement du rapporteur adopté en commission, cet article tendait à prévoir la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi, sur l'application dans les départements d'outre-mer du décret n° 2007-1826 relatif aux niveaux de qualité et aux prescriptions techniques en matière de qualité des réseaux publics de distribution et de transport de l'électricité.
Il a été supprimé en séance publique par l'Assemblée nationale, sur un amendement du Gouvernement, pour les motifs mentionnés à l'article 13 quinquies .
Article 24 (introduit en commission et supprimé en séance à l'Assemblée nationale) - Rapport sur l'extension de la contribution au service public de l'électricité en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française
Issu d'un amendement de M. Philippe Gomes adopté en commission, cet article tendait à prévoir la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, sur l'extension de la contribution au service public de l'électricité en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
Il a été supprimé en séance publique par l'Assemblée nationale, sur un amendement du Gouvernement, pour les motifs mentionnés à l'article 13 quinquies .
Article 24 bis (supprimé) (art. L. 541-13 du code de l'environnement) - Plan régional de prévention et de gestion des déchets
Le présent article, introduit à l'Assemblée nationale, en séance publique, par l'adoption d'un amendement du Gouvernement, complète l'article L. 541-13 du code de l'environnement, qui prévoit actuellement la mise en place de plans régionaux de prévention et de gestion des déchets, dans certaines collectivités limitativement énumérées : les régions d'Île-de-France, de Guadeloupe, de La Réunion, les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique ainsi que les collectivités territoriales à statut particulier exerçant les compétences d'une région.
Il ajoute que, dans les collectivités territoriales ultramarines, ces documents comprendraient un plan de développement de la valorisation énergétique des déchets. Il décline ainsi au niveau régional le plan national de prévention et de gestion des déchets prévu à l'article L. 541-11 du code de l'environnement.
Votre rapporteur s'est interrogé sur la plus-value du présent article au regard des dispositions d'ores et déjà prévues par l'article L. 541-13 du code de l'environnement.
En effet, le 3° du II de cet article dispose que les plans régionaux de prévention et de gestion des déchets comprennent « des objectifs en matière de prévention, de recyclage et de valorisation des déchets , déclinant les objectifs nationaux de manière adaptée aux particularités territoriales ainsi que les priorités à retenir pour atteindre ces objectifs ».
Dès lors, votre commission a adopté l' amendement de suppression COM-117 de son rapporteur.
Elle a ainsi supprimé l'article 24 bis .
* 32 Décret n° 92-377 du 1 er avril 1992 portant application pour les déchets résultant de l'abandon des emballages de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 modifiée relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux.
* 33 Arrêté du 29 novembre 2016 relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets d'emballages ménagers en application des articles L. 541-10 et R. 543-53 à R. 543-65 du code de l'environnement p. 39. Cet arrêté est consultable à l'adresse suivante :
http://www.bulletin-officiel.developpement-durable.gouv.fr/fiches/BO201622/met_20160022_0000_0009.pdf.
* 34 Décret n° 2002-540 du 18 avril 2002, relatif à la classification des déchets.