B. DES CRÉDITS D'INVESTISSEMENT EN LÉGER RECUL MALGRÉ DES BESOINS TOUJOURS AUSSI ÉLEVÉS DANS LE CADRE DU CIEL UNIQUE EUROPÉEN
De 2013 à 2015, les dépenses d'investissement de la DGAC avaient connu une forte augmentation , passant de 195,5 millions d'euros en 2013 à 257,5 millions d'euros en 2014 comme en 2015. Pour mémoire, ce montant n'était que de 150 millions d'euros en 2010.
Pour l'année 2016, la direction générale de l'aviation civile avait dû consentir une légère réduction de 1,9 % de son effort d'investissement, puisque celui-ci était passé à 252,6 millions d'euros . En 2017, le niveau des investissements fera de nouveau l'objet d'une diminution de 1,0 % à 250,0 millions d'euros . Sur ce montant, 110 millions d'euros sont consacrés à la modernisation des systèmes , 47 millions d'euros à la modernisation des infrastructures et 95 millions d'euros au maintien en condition opérationnelle des systèmes actuels .
Le programme 612 « Navigation aérienne » du budget annexe porte 88,4 % de la dotation d'investissement du BACEA, avec 221,1 millions d'euros en AE et en CP.
En dépit du léger recul prévu pour 2016 et pour 2017, la hausse très forte des investissements consentis ces dernières années par la DGAC doit permettre à sa direction des services de la navigation aérienne (DSNA) d'assurer le respect des engagements européens souscrits le 2 décembre 2010 lors de la signature du traité du FABEC (bloc aérien fonctionnel Europe central), qui a pour objet la gestion commune du trafic européen .
Ce Ciel unique européen s'appuie sur un important volet technologique et de R&D baptisé SESAR (Single european sky ATM research ) , qui doit permettre aux États européens de bénéficier d'une nouvelle génération de système de gestion du trafic pour pouvoir faire face aux futurs besoins en matière de capacité et de sécurité du trafic aérien à l'horizon 2020 .
Dans cette perspective, la DGAC développe plusieurs programmes techniques :
- « CO-FLIGHT », système de traitement automatique des plans de vol de nouvelle génération ;
- « 4-FLIGHT », nouveau système de contrôle complet , qui permettra d'intégrer les nouvelles fonctions de contrôle SESAR ;
- « ERATO », système d'assistance au contrôleur lui permettant de se passer d'aides papiers (les « strips ») et de gérer les vols dans un environnement exclusivement électronique . Ce nouveau système a été mis en service fin 2015 à Brest et devrait prochainement être testé dans le centre en-route Bordeaux ;
- « SYSAT », qui oeuvre à la modernisation des systèmes des tours de contrôle et centres d'approche .
Le FABEC Le premier paquet législatif pour la réalisation du Ciel Unique Européen a été adopté en 2004. Les États membres de la Communauté européenne ont à cette occasion engagé la restructuration de leur espace aérien en blocs d'espace aérien fonctionnels (FABs), avec pour objectif une gestion de l'espace aérien plus intégrée, afin que la définition des routes et la fourniture des services ne soient plus contraintes par les frontières nationales. Le second paquet du « Ciel Unique Européen » a renforcé le concept des FABs et prévu leur mise en oeuvre au plus tard en 2012. Depuis la signature le 2 décembre 2010 à Bruxelles du traité créant le FABEC (ce traité a été ratifié en 2012), la France fait partie du bloc fonctionnel d'espace aérien « Europe central » (FABEC) avec l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse, parmi huit autres blocs fonctionnels européens qui regroupent les espaces supérieurs de pays mitoyens pour optimiser le trafic international. Le FABEC représente à lui seul 50 % du trafic aérien européen. À terme, le traité FABEC prévoit la gestion commune des espaces aériens nationaux sur la base des flux de trafic en vue de gains en termes de sécurité, de ponctualité et de performance environnementale et économique. Il doit permettre l'absorption de la croissance du trafic attendue avec un meilleur niveau de sécurité et de ponctualité et la diminution de l'impact environnemental des vols.
Le programme de R&D SESAR
Fondé par la Commission européenne et Eurocontrol, il a pour objet de développer pour les 30 prochaines années une nouvelle génération du système de gestion du trafic aérien européen sûre et performante, moins coûteuse et respectant les conditions d'un développement durable. SESAR est un enjeu majeur car il constitue le cadre européen où seront développés et validés les futurs concepts opérationnels et techniques pour la navigation aérienne et permettra de synchroniser les mises en service opérationnelles de systèmes techniques ou de procédures. À l'issue d'une première phase de travaux de R&D et démonstrations menées entre 2008 et 2014, le déploiement des fonctionnalités validées se fera progressivement entre 2015 et 2025. En parallèle, les travaux de R&D se poursuivront dans le cadre de SESAR 2020 à partir de 2016 ; des démonstrations à grande échelle seront organisées pour préparer le déploiement opérationnel. La DGAC y participera afin de profiter des financements et des synergies européennes. Source : projet annuel de performances pour 2017 |
Entendu par votre rapporteur spécial, Patrick Gandil, directeur général de l'aviation civile, a insisté sur le caractère crucial des investissements dans les années à venir (le programme SESAR représenterait un montant d'un milliard d'euros pour la France). Il a également indiqué qu'une situation de « sous-investissement » serait contraire à nos engagements européens et pourrait dès lors faire l'objet de sanctions de la part de la Commission européenne .
De fait, la France a pris du retard , ainsi que le relevait la Cour des comptes dans sa communication « L'État et la compétitivité du transport aérien » réalisée à la demande de votre commission et ce n'est que depuis quelques années qu'elle a retrouvé un niveau d'investissements satisfaisant .
La Cour des comptes constate ainsi que « la France a pris du retard dans des investissements de modernisation des systèmes de navigation qui auraient dû être réalisés dans les années 1990 et 2000. La DGAC disposait depuis les années 1970 d'outils à la pointe de la technique existante, mais la prise de conscience de la nécessité d'investissements lourds à réaliser afin de moderniser ces outils a eu lieu alors que la crise économique réduisait fortement les recettes disponibles , et donc la capacité d'investissement, à la fin de la première décennie des années 2000 ».
La Cour note également que les différents programmes cités plus haut - « CO-FLIGHT », « 4FLIGHT », « ERATO », etc. - « ont pris du retard dans leur déploiement , que leur interdépendance a amplifié , et ont connu des surcoûts ».
Néanmoins, la DGAC estime que le niveau d'investissements consenti depuis 2014 devrait permettre la réalisation de l'essentiel de ces programmes , ce qui permettrait, selon elle, d'obtenir des gains de productivité de 20 % sur le contrôle en route et le contrôle d'approche . Elle a d'ailleurs transmis à la Commission européenne un échéancier des mises en service opérationnelles majeures d'ici 2021 , s'engageant ainsi à ce que l'essentiel de leur déploiement soit réalisé pour 2020 .
Les dépenses d'investissement des programmes 613 et 614, qui bénéficieront de crédits identiques en 2017 par rapport à 2016 , concernent essentiellement :
- les domaines de la sûreté et de la sécurité de l'aviation civile , avec la construction d'un laboratoire de détection des explosifs artisanaux liquides sur le site du service technique de l'aviation civile à Biscarosse, le développement d'une nouvelle application de gestion des habilitations et titres d'accès aux zones réservées des aéroports baptisée « STITCH » et la mise en oeuvre du Passenger name record (données des dossiers passagers - PNR) en partenariat avec d'autres ministères 21 ( * ) ;
- le soutien général à l'aviation civile : investissements informatiques, avec notamment le développement de nouveaux systèmes d'information financière et des ressources humaines, maintien en conditions opérationnelles des systèmes actuels et investissements immobiliers, la DGAC étant implantée sur plus de trente sites en métropole et en outre-mer.
Une réduction préoccupante des
subventions
Au cours de ses auditions, votre rapporteur spécial a été alerté par les représentants du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) sur les risques qui pèsent actuellement sur le financement des futurs projets de recherche et développement dans le domaine de l'aéronautique civile . Alors que le Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC) avait pu bénéficier de crédits substantiels dans le cadre des deux premiers programmes d'investissements d'avenir pour financer des plateformes de recherche destinées à r éduire l'empreinte environnementale du transport aérien , à inventer l'usine aéronautique du futur ou à concevoir un cockpit adapté aux nouvelles techniques de gestion du trafic aérien , il ne s'est vu garantir aucune enveloppe dans le cadre du troisième programme d'investissements d'avenir . Les enjeux de recherche et développement des années à venir sont pourtant considérables , en particulier dans les domaines des économies d'énergie , de la cybersécurité ou bien encore de la digitalisation et du Big Data : les crédits consacrés à ces problématiques par la DGAC ne sauraient suffire. Alors que tous les grands pays subventionnent massivement leur industrie aéronautique , en particulier les États-Unis et la Chine, notre pays ne peut laisser s'affaiblir une filière qui constitue l'un de ses fleurons industriels. D'autant plus que certains centres de recherche pourraient être tentés de déménager en Allemagne ou en Grande-Bretagne , deux pays qui se sont engagés à soutenir leur industrie aéronautique de manière très significative . Le président du GIFAS a écrit au Premier ministre le 9 mai dernier pour lui faire part de ses inquiétudes sur ce dossier : votre rapporteur spécial estime qu'il est temps que le Gouvernement lui réponde et apporte des garanties aux acteurs du secteur . |
* 21 Il s'agit des ministères des finances et des comptes publics, de l'intérieur et de la défense.