EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 15 novembre 2016 sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Éric Doligé et Richard Yung, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Éric Doligé , rapporteur spécial . - La mission « Action extérieure de l'État » est au coeur des missions régaliennes de l'État, puisqu'elle rassemble les moyens de la diplomatie, de l'action culturelle et d'influence, de la diplomatie économique et des services rendus aux Français résidant ou de passage hors de France. Elle comprend trois programmes : le programme 105 portant les crédits du réseau diplomatique ; le programme 185 portant les crédits de la diplomatie culturelle et d'influence ; le programme 151 portant les dépenses des consulats et en faveur des Français de l'étranger.

Ses crédits de paiement, à 3 milliards 28 millions d'euros, affichent une baisse de l'ordre de 5 % par rapport à 2016 pour deux raisons principales. Tout d'abord, l'année 2016 a été marquée par une bosse de crédits de paiement liée au paiement des dépenses de la COP 21, qui ont représenté environ 180 millions d'euros sur deux ans dont 140 millions en 2016. Si on neutralise cette bosse, les crédits ne baissent que de 0,84 %. Ensuite, les contributions payées par la France aux organisations internationales, en particulier l'Organisation des Nations Unies (ONU), baissent d'environ 100 millions d'euros sur un an : en raison d'une réduction du budget de certaines opérations de maintien de la paix et d'une révision du barème des contributions, la contribution de la France passe de 7,2 % en 2015 à 6,28 % en 2018. Il s'agit là d'une économie structurelle pérenne.

La mission connaît, comme les autres missions régaliennes, des dépenses exceptionnelles liées à la sécurité dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Plusieurs enveloppes exceptionnelles sont prévues pour la sécurisation de nos emprises à l'étranger : 22 millions d'euros pour les ambassades, en particulier en sécurité passive ; 14,7 millions d'euros pour nos collèges et lycées à l'étranger ; 2 millions d'euros pour les alliances françaises. Ensuite, les dépenses de coopération en matière de sécurité hors dépenses de personnel augmentent de 9,5 millions d'euros en 2017, pour financer notamment des formations d'élites et cadres militaires étrangers à la lutte contre le terrorisme.

Le programme 105, consacré au financement du coeur de la présente mission, à savoir l'action diplomatique, dépenses de personnel et de fonctionnement, est marqué par une diminution de 5,3 % des crédits de paiement hors dépenses de personnel. Cette tendance découle principalement de la baisse de près de 100 millions d'euros des crédits consacrés aux contributions internationales et aux opérations de maintien de la paix par rapport à 2016.

Les dépenses de fonctionnement des postes à l'étranger connaissent une diminution de 4 %, pour s'établir à 83,3 millions d'euros. Cette évolution s'explique notamment par la poursuite de la restructuration du réseau et la maitrise des dépenses relatives aux voyages et aux missions statutaires. Les frais de représentation restent cependant stables, à environ 9,5 millions d'euros, à compléter par du mécénat, à hauteur de 2,4 millions d'euros.

Nous nous sommes intéressés plus particulièrement à la question de l'immobilier à l'étranger. Vous savez que le ministère des affaires étrangères bénéficie, comme le ministère de la défense, d'un mécanisme particulier de retour intégral du produit des cessions d'immeubles à l'étranger. En contrepartie, le ministère doit prendre en charge les dépenses d'entretien lourd de ces biens ; une ligne de 12,2 millions d'euros est prévue à cet effet, mais elle devra être encore complétée par une prise en charge par le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Par ailleurs, le ministère verse une contribution volontaire - si l'on veut... - au compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », d'au moins 25 millions d'euros. En 2017, il versera 60 millions d'euros. Ce mécanisme dérogatoire vient à échéance en 2017. Dans un contexte de tarissement du produit des cessions immobilières - les pépites ont toutes été vendues - la question de sa reconduction doit être posée : il n'est pas certain qu'il reste avantageux pour le ministère. En outre, une normalisation pourrait obliger le ministère à professionnaliser sa gestion immobilière, alors que France Domaine nous a indiqué qu'il se caractérisait par une sous-consommation des crédits demandés en début d'année.

M. Richard Yung , rapporteur spécial . - Le programme 185 rassemble les crédits de la diplomatie culturelle et d'influence, à 712,8 millions d'euros, soit une légère baisse de 1,2 % par rapport à 2016. Il porte en particulier les subventions aux opérateurs de la politique d'influence française : Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), Atout France, Campus France et Instituts français.

Ces subventions sont globalement stables en apparence, mais la situation est plus complexe à y regarder de plus près.

La stabilité de la dotation à l'AEFE masque en effet une enveloppe spécifique de 14,7 millions d'euros pour des dépenses de sécurisation des lycées et collèges. À périmètre constant, la subvention à l'AEFE - 394 millions d'euros - est en baisse et pose la question, soulignée par la Cour des comptes, du maintien de l'ambition et de l'excellence du réseau : elle a perdu 40 à 50 millions d'euros sur quatre ou cinq ans. Je crois que nous arrivons au terme de cette phase de baisse des crédits publics et d'augmentation des frais de scolarité. Il faut désormais stabiliser les ressources de l'État pour assurer la pérennité du réseau de près de 500 établissements accueillant environ 330 000 élèves dont près de 130 000 Français.

De même, la stabilité de la subvention à Atout France masque la disparition, en 2017, d'une recette exceptionnelle de 5 millions d'euros dont l'opérateur a bénéficié en 2016. Un mécanisme d'attribution de produits de visas a été mis en place en 2016, suite à une recommandation de notre rapport d'information de l'an passé. Ce mécanisme repose malheureusement sur l'hypothèse d'une augmentation des recettes de visa d'une année sur l'autre. Or, à la suite des attentats de novembre 2015, la demande de visas s'est légèrement tassée, en particulier en provenance de Chine et de Russie où elle baisse de 30 %. Les recettes devraient reculer d'environ 3 millions d'euros. C'est un paradoxe que nous regrettons, à un moment où nous aurions au contraire besoin de moyens pour rassurer les touristes chinois et russes.

À côté des subventions aux opérateurs, le programme 185 porte également les crédits d'influence pilotables, en particulier les bourses aux étudiants et chercheurs étrangers. Ces crédits sont en baisse, de façon quasi-continue depuis 2012. En outre, les dotations initiales sont systématiquement rognées en cours d'exercice, car elles sont facilement mobilisables pour des annulations ou redéploiement de crédits. Ce sont des variables d'ajustement, mais toujours à leur détriment, car aucun lobby ne les protège...

Les crédits du programme 151, consacré aux dépenses de l'administration consulaires et en faveur des Français à l'étranger, à 386,7 millions d'euros en 2017, augmentent de 4,4 % par rapport à 2016. Cela s'explique principalement par l'organisation des élections présidentielles et législatives, qui nécessitent une enveloppe de 15,3 millions d'euros, en particulier pour le développement d'un module informatique pour le vote électronique disponible pour les seules élections législatives. Le parallélisme des formes impose en effet aux Français de l'étranger le vote à l'urne pour l'élection présidentielle, tandis que le vote électronique est possible pour les législatives.

Par ailleurs, les moyens destinés à l'instruction des visas augmentent également de 3,5 millions d'euros et de 5 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Cependant, comme je l'ai rappelé, l'instruction des visas va perdre également la cinquantaine de vacations hors plafond dont elle disposait en 2016 grâce au mécanisme d'attribution de produits.

Enfin, j'en viens à une enveloppe hautement sensible pour les Français de l'étranger : les bourses scolaires pour les élèves français inscrits dans le réseau français à l'étranger. Ce point a également été abordé par la Cour des comptes dans son rapport présenté devant nous il y a quelques semaines. L'analyse des dotations initiales en matière de bourses scolaires apporte peu d'éclairage : en effet, le montant des dotations initiales n'a, depuis 2012, que peu de rapport avec la réalité des versements aux parents d'élèves. Ce tableau est d'une grande utilité, car il rend enfin intelligible un secteur auquel, de mise en réserve en coups de rabot, on ne comprend rien. Il reste aujourd'hui une trésorerie d'une dizaine de millions d'euros au sein de l'AEFE pour les bourses : cette réserve permettra de compenser la réserve de précaution pour obtenir un niveau de bourses effectif de 110 millions d'euros. Mais à la fin de cet exercice, il faudra revoir la dotation.

Si les besoins ne sont pas supérieurs à 110 millions d'euros, c'est en partie parce que les critères applicables se sont durcis et que les familles s'autocensurent ; le nombre d'enfants scolarisés croît en effet de 4 % par an. Un niveau suffisant d'aide à la scolarité est pourtant nécessaire pour maintenir une certaine mixité sociale au sein du réseau d'enseignement français à l'étranger. C'est pourquoi nous présentons ensemble un amendement pour abonder de 5 millions d'euros les aides à la scolarité, financés par les dépenses de fonctionnement des ambassades, en particulier les frais de représentation pour inciter ces dernières à solliciter des partenaires privés. Sous réserve de l'adoption de cet amendement, nous vous proposons d'adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Vous avez souligné à juste titre le paradoxe de la situation faite à la promotion du tourisme : au moment où Atout France devrait reconquérir des publics, on diminue ses moyens. La baisse du nombre des demandes de visas entraînera-t-elle une baisse du délai de délivrance ? Quel est-il aujourd'hui ? C'est un élément essentiel d'attractivité de notre pays.

M. Jacques Legendre , rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères (programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ») . - Notre commission fait les mêmes constats que les rapporteurs spéciaux. La situation de l'action culturelle extérieure de la France nous préoccupe beaucoup. Année après année, les moyens baissent, au point que l'instrument pourrait ne plus fonctionner correctement. Le regroupement des services au sein de l'Institut français n'empêche pas qu'il soit contre-performant d'entretenir des services n'ayant pas les moyens d'assurer leurs missions. La diminution avérée du nombre de touristes asiatiques à Paris et sur la Côte d'Azur appellerait un effort financier ; son absence démoralise les services chargés de la promotion touristique de la France.

M. Daniel Raoul . - Je suis d'accord avec les rapporteurs spéciaux sur la question du tourisme. Au moment où il faudrait mettre le turbo, les dotations baissent ! Je soutiens par ailleurs son amendement sur les bourses - nous aurions d'ailleurs aimé en débattre dans l'hémicycle...

M. Richard Yung , rapporteur spécial . - D'après mes informations, les demandes de visas ont baissé de 30 % à Shanghai ; les Chinois ont peur, même si cela semble en train de s'estomper. Ce phénomène ne s'est pas produit dans le monde entier : d'autres pays n'ont pas connu de baisse significative. Le ministre précédent avait fixé l'objectif d'un délai de délivrance des visas à 48 heures. Nous sommes aujourd'hui, en moyenne, à trois jours ; ce n'est déjà pas si mal.

M. Éric Doligé , rapporteur spécial . - N'oublions pas qu'une partie importante des visas est gérée par des entreprises privées. Aux deux ou trois jours d'instruction de la demande, il faut ajouter le délai pour obtenir un rendez-vous pour déposer sa demande auprès de ces entreprises. Je crois qu'un ministre a parlé récemment au Sénat d'une situation touristique meilleure cette année que les années précédentes. Mais cela ne se traduit pas dans le nombre de visas. Un ministre chinois aurait invité Jean-Marc Ayrault à faire des efforts pour la sécurité des touristes chinois. L'agression dans un car à Roissy a semble-t-il fait le tour de la Chine ! Ce genre d'incidents a un effet terrible.

De façon générale, cette année, nous avons eu la chance que des économies aient pu être faites sur les contributions internationales. Nous avons aussi bénéficié de bons achats de devises, notamment de francs suisses. Mais nous sommes au bout d'un système : nous ne pourrons pas mobiliser les réserves une année de plus. L'année prochaine, nous devrons reposer des questions de fond.

L'amendement présenté par les rapporteurs spéciaux est adopté.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de la France » ainsi modifiés.

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Réunie à nouveau le jeudi 24 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de proposer au Sénat d'opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2017.

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