B. UNE HAUSSE PRÉOCCUPANTE DE LA MASSE SALARIALE DE 4 % EN 2017
Plus de 40 % de la hausse des dépenses est portée par la masse salariale , pour un montant de 3,2 milliards d'euros, portant la masse salariale totale à 84,9 milliards d'euros (périmètre des crédits de titre 2 hors contributions au CAS « Pensions »).
Graphique n° 37 : Évolution des dépenses de l'État par titre entre la loi de finances initiale pour 2016 et le projet de loi de finances pour 2017
(en milliards d'euros et en %)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général
Cette augmentation, extrêmement importante au regard des années passées, annule presque l'intégralité des efforts de maîtrise réalisés depuis dix ans. Elle s'explique par un relâchement manifeste des efforts de maîtrise budgétaire, à la fois en matière d'effectifs et de mesures salariales . Elle entraînera des conséquences budgétaires pérennes, bien au-delà du seul exercice 2017.
1. Une hausse très importante qui annule presque les efforts de maîtrise réalisés lors du précédent quinquennat
L'augmentation est d'une ampleur considérable quel que soit le référentiel choisi : qu'il s'agisse des objectifs fixés par la dernière loi de programmation des finances publiques, des exercices précédents ou même des quinze dernières années, la hausse de près de 4 % de la masse salariale témoigne d'une rupture avec tout objectif de maîtrise des dépenses de personnel de l'État.
Le plafond d'évolution de la masse salariale fixé par la loi de programmation des finances publiques est ainsi largement dépassé. En effet, le budget triennal associé à la loi de programmation des finances publiques du 29 décembre 2014 prévoyait une croissance de 0,3 % par an de la masse salariale de l'État entre 2014 et 2017 , soit 250 millions d'euros par an - une évolution dix-huit fois inférieure à l'augmentation prévue par le Gouvernement sur la période .
Il faut remonter quinze ans en arrière, en 2002 , pour retrouver une hausse aussi importante des dépenses de titre 2.
La forte progression des dépenses de personnel prévue en 2017 conduira à ce que l'augmentation totale des dépenses de personnel, sur l'ensemble du quinquennat, s'élève à 5,1 % . À titre de comparaison, la masse salariale avait décru de 6,6 % de 2007 à 2012 et elle était restée stable de 2002 à 2007.
Graphique n°
38
: Taux
annuel d'évolution de la masse salariale de l'État
depuis
2001
(en %)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général et les données de la Cour des comptes
Graphique n° 39 : Évolution de la masse salariale de l'État depuis 2006
(en milliards d'euros et en %)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général et les données de la Cour des comptes
Comme le montre le graphique ci-dessus, cette augmentation, qui devrait porter la masse salariale de l'État à 84,9 milliards d'euros en 2017, annule une part importante des efforts réalisés de 2007 à 2012 . Ceux-ci avaient permis de ramener les dépenses de personnel de l'État à 80,8 milliards d'euros, contre 86,5 milliards d'euros en 2007.
Le quinquennat qui s'achève marque donc une rupture nette avec la décennie passée en matière de maîtrise de la masse salariale de l'État.
2. Une augmentation qui s'explique par un relâchement manifeste des efforts en matière d'effectifs et de mesures catégorielles
La hausse des dépenses de personnel est liée à plusieurs facteurs : outre l'accroissement des effectifs, elle est portée par l'augmentation du point d'indice et les mesures catégorielles, en particulier celle découlant du PPCR d'un montant de près de 700 millions d'euros hors contribution au CAS « Pensions ».
a) Près de 14 000 postes devant être créés en 2017, pour un coût de 560 millions d'euros
D'après les éléments transmis par le Gouvernement, les schémas d'emplois contribuent à hauteur de 560 millions d'euros à l'augmentation de la masse salariale . En effet, les 16 368 créations de postes prévues sur le budget général ne sont que très partiellement compensées par la suppression de 2 521 emplois équivalents temps plein (ETP).
Tableau n° 40 : Répartition des créations et des suppressions de postes prévues en 2017
(en ETP et en %)
Plafonds d'emplois |
SE PLF 2017 |
En % du total |
Affaires étrangères et développement international |
-48 |
1,9% |
Affaires sociales et santé |
-80 |
3,2% |
Agriculture, agroalimentaire et forêt |
0 |
0,0% |
Aménagement du territoire, ruralité et collectivités territoriales |
-3 |
0,1% |
Culture et communication |
0 |
0,0% |
Défense |
464 |
2,8% |
Économie et finances |
-1 540 |
62,1% |
Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche |
11 712 |
71,6% |
Environnement, énergie et mer |
-500 |
20,2% |
Intérieur |
1 746 |
10,7% |
Justice |
2 100 |
12,8% |
Logement et habitat durable |
-160 |
6,4% |
Outre-mer |
196 |
1,2% |
Services du Premier ministre |
150 |
0,9% |
Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social |
-150 |
6,0% |
Total des créations de postes sur le budget général |
16 368 |
100,0% |
Total des suppressions de postes sur le budget général |
-2 481 |
100,0% |
Total net budget général |
13 887 |
|
Contrôle et exploitation aériens |
0 |
0,0% |
Publications officielles et information administrative |
-40 |
100,0% |
Total des suppressions de postes sur les budgets annexes |
-40 |
|
Total général des créations de postes |
16 368 |
|
Total général des suppressions de postes |
-2 521 |
|
Total général |
13 847 |
Note de lecture : la colonne « % du total » est calculée par rapport au nombre de suppressions et de créations de postes. Par exemple, le ministère de l'économie et des finances porte 62,1 % des suppressions de postes. Le ministère de l'éducation nationale représente 71,6 % des postes créés.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du ministère du budget au questionnaire du rapporteur général
Plus de 70 % des 13 847 créations de postes prévues en 2017 portent sur le secteur de l'enseignement, dans le cadre de l'objectif de 60 000 créations de postes dans ce domaine sur le quinquennat . Comme le note Gérard Longuet, rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire », la création de postes budgétaires ne signifie pas que ces postes seront effectivement pourvus . Ainsi, selon la Cour des comptes, sur 31 627 postes nouveaux créés entre 2012 et 2015, seuls 27 668 ont été pourvus. En outre, ces créations de postes, comptabilisées en équivalents temps plein (ETP), ne veulent rien dire du temps effectivement passé devant les élèves . Plutôt qu'une création tous azimuts de postes budgétaires, il conviendrait de réorganiser l'école afin de fournir aux enseignants comme aux élèves un cadre de travail stable, à rebours de la réforme des rythmes scolaires.
Par ailleurs, le ministère de l'intérieur représente 10,7 % des créations de postes et celui de la justice, 12,6 %. Le ministère de la défense ne porte quant à lui que 3,4 % des postes qui devraient être créés en 2017 .
Il faut noter que, sur l'ensemble du quinquennat est constatée une diminution et non une augmentation des postes alloués à la Défense : si la baisse est finalement, à la suite des attentats de 2015 et 2015, bien moindre qu'initialement prévue en loi de programmation militaire, il n'en reste pas moins que la présentation du Gouvernement de 2 764 créations nettes sur le quinquennat (cf. tableau reproduit ci-après) ne correspond pas à la réalité, qui est celle d'une réduction de 12 415 postes sur la période 2012-2017 .
Figure n° 41 : Présentation des créations de postes par « priorité gouvernementale » dans le projet de loi de finances pour 2017
Source : exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2017
Graphique n° 42 : Réalité des schémas d'emplois prévus de 2012 à 2017 sur les secteurs marqués comme « priorité gouvernementale » dans le projet de loi de finances pour 2017
(en ETP)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les projets de loi de finances de 2012 à 2017
Au total, l'objectif de stabilisation des effectifs fixés en loi de programmation des finances publiques est largement dépassé . Ceux-ci auront crû de 3,3 % sur l'ensemble du quinquennat.
Graphique n° 43 : Évolution des effectifs de l'État de 2012 à 2017 et objectif de stabilisation fixé en loi de programmation des finances publiques
(en ETPT)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général
b) Des mesures catégorielles qui représentent 1,3 milliard d'euros
Le plan de lutte contre le terrorisme et l'actualisation de la loi de programmation militaire n'expliquent qu'une faible partie de l'augmentation de la masse salariale prévue en 2017, qui est surtout liée au dégel du point d'indice et aux mesures du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR).
Ainsi, l'augmentation du point d'indice renchérit de 850 millions d'euros le coût des effectifs.
Les mesures catégorielles représentent un coût supplémentaire de 1,3 milliard d'euros , dont 687 millions d'euros au titre de la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » dit PPCR.
Au total, le protocole « Parcours professionnel, carrières et rémunérations » fait peser une charge budgétaire supplémentaire de près de 1,2 milliard d'euros en 2017 , car il faut ajouter à la masse salariale proprement dite les effets sur le compte d'affectation spéciale « Pensions », pour un montant d'environ 500 millions d'euros. L'impact du « PPCR » sur le compte spécial « Pensions » sera plus que doublé à horizon 2020 pour atteindre plus de 1 milliard d'euros.
Graphique n° 44 : Répartition du coût prévisionnel des mesures catégorielles en 2017
(en millions d'euros et en %)
Note de lecture : EAP = extension en année pleine. PPCR = accord « Parcours professionnels, carrières et rémunérations ».
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général
Les mesures catégorielles intègrent également 300 millions d'euros d'extension en année pleine (EAP) de mesures intervenues en 2016, dont 237 millions d'euros pour la mission « Enseignement scolaire » en lien avec la revalorisation au 1 er septembre 2016 de la prime versée aux professeurs des écoles (indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves ou ISAE). Doivent aussi être signalés 134 millions d'euros au titre d'autres mesures statutaires , dont 99 millions d'euros sur la mission « Défense » et 18 millions d'euros sur la mission « Sécurités », et 141 millions d'euros de mesures indemnitaires , dont 20 millions d'euros en faveur de la mission « Justice ». Enfin, le reliquat, soit 11 millions d'euros, provient de transformations d'emplois , c'est-à-dire de la titularisation d'emplois contractuels.
La création de mesures catégorielles n'est pas négative en elle-même : le tassement des grilles et le gel prolongé du point d'indice avaient dégradé l'attractivité de la fonction publique.
En revanche, une telle politique doit nécessairement s'accompagner d'une maîtrise résolue des autres facteurs d'évolution de la masse salariale , afin d'en contenir le coût.
Dans le prolongement des pistes ouvertes par la Cour des comptes dans son enquête sur les enjeux et les leviers de la maîtrise de la masse salariale de l'État 82 ( * ) , votre rapporteur général rappelle donc que la mise en oeuvre de mesures d'économies sur la masse salariale de l'État est possible . Elle peut être articulée autour de quatre axes : une réduction des effectifs résultant d'une rationalisation des missions de l'État, d'un accroissement du temps de travail (lutte contre l'absentéisme, réexamen des régimes dérogatoires) et d'un effort supplémentaire demandé aux opérateurs de l'État ; la simplification du régime des primes ; la fin de l'automaticité des avancements grâce à une plus grande prise en compte du mérite et au recours plus fréquent aux examens professionnels et enfin le développement de la mobilité dans l'intérêt du service.
À titre d'exemple, si la durée légale de travail était portée à 37,5 heures par semaine , ce qui correspond à la durée habituelle hebdomadaire de travail déclarée par les salariés du secteur privé, l'économie réalisée s'élèverait à 5 milliards d'euros pour les trois fonctions publiques dont 2,2 milliards d'euros pour la seule fonction publique d'État .
Par ailleurs, l'économie budgétaire qui résulterait de l'instauration de trois jours de carence peut être estimée à environ 200 millions d'euros pour la fonction publique d'État , et à environ 500 millions d'euros pour l'ensemble des trois fonctions publiques. Le ralentissement du glissement vieillesse-technicité positif, ou GVT, permettrait également de faire des économies significatives, s'élevant à plus de 1 milliard d'euros sur la fonction publique d'État.
Au total, force est de constater que les moyens d'une maîtrise de la masse salariale existent . Le Gouvernement refuse de les mettre en oeuvre : un tel choix n'est pas soutenable pour nos finances publiques et fera peser un lourd héritage sur 2018 et au-delà .
* 82 Réalisée à la demande de la commission des finances du Sénat en application de l'article 58-2° de la loi organique n° 20018692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.