PREMIÈRE PARTIE : LA PREMIÈRE CONVENTION FISCALE ENTRE LA FRANCE ET LA COLOMBIE
I. LA FRANCE ET LA COLOMBIE : DES ÉCHANGES DYNAMIQUES...
1. La Colombie : une croissance dynamique et résiliente
Avec 47 millions d'habitants et un produit intérieur brut (PIB) de 412 milliards de dollars en 2015, la Colombie est, après le Brésil et l'Argentine, la troisième puissance économie d'Amérique du Sud .
Sa croissance économique, assez soutenue depuis plusieurs années (20 % entre 2009 et 2013, puis 4,4 % en 2014, 3,1 % en 2015 et une prévision de 2,5 % pour 2016 1 ( * ) ), repose des activités diversifiées, contrairement par exemple au Venezuela voisin, mais son commerce extérieur reste très largement dominé par les ressources minières et énergétiques : le pays est le dixième producteur mondial de charbon, et a produit environ un million de barils de pétrole par jour en 2015, celui-ci représentant plus de la moitié de ses exportations chaque année, ainsi qu'un tiers des investissements directs étrangers (IDE) et un sixième des recettes budgétaires 2 ( * ) . Dans leur ensemble, les énergies fossiles constituent une part prépondérante des exportations colombiennes - jusqu'à 71 % en 2013 , un chiffre en légère baisse depuis. La Colombie est également un producteur important de minerais (or, fer, nickel, cuivre, émeraudes). Il est vrai que l'agriculture présente aussi un potentiel de développement élevé mais celui-ci demeure encore inhibé par la poursuite jusqu'à récemment des combats avec les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC). Le pays est par exemple le deuxième exportateur de fleurs coupées, avec 15 % du marché 3 ( * ) , derrière les Pays-Bas (40 % du marché).
Assez soutenue, la croissance économique de la Colombie est aussi particulièrement résiliente , notamment en comparaison de celle des autres grands pays d'Amérique du Sud. En dépit de l'effondrement du cours des matières premières en 2015 (- 47,8 % pour les hydrocarbures, et - 17,4 % pour les autres matières premières), le pays a maintenu une croissance largement positive. Le peso colombien, habituellement stable, s'est certes déprécié de 35,8 % en un an par rapport au dollar, mais cette volatilité, peu surprenante compte tenu du contexte, ne doit pas occulter la solidité des fondamentaux de l'économie.
Cette résilience s'explique avant tout par une bonne gouvernance , le gouvernement du président de la République Juan Manuel Santos, réélu en 2014, faisant preuve d' une volonté de continuité et de stabilité sur les plans économique, juridique et financier - tout autant d'ailleurs que sur les plans diplomatique et militaire.
Le dernier obstacle - majeur - au développement économique du pays est sur le point d'être levé : le 24 août 2016, le Gouvernement et les FARC ont conclu un accord de paix à La Havane , après plus de quatre ans de négociations et un conflit de 62 ans qui aura fait près de 300 000 morts et six millions de déplacés. L'accord doit toutefois être validé par le référendum du 2 octobre prochain, dont l'issue est encore incertaine.
2. Une volonté d'ouverture aux échanges internationaux
La politique volontariste d'ouverture aux échanges internationaux et aux investissements étrangers menée par la Colombie lui vaut d'être classée 54 e sur 189 dans l'étude Doing Business 2016 de la Banque mondiale , après Israël et avant la Turquie 4 ( * ) . Ce classement place même le pays au 2 e rang mondial dans la facilité d'obtention des prêts, et au 14 e rang mondial pour la protection des investisseurs minoritaires. On notera tout de même que parmi les points faibles figurent le paiement des impôts (136 e rang) et le commerce transfrontalier (110 e rang), ce qui est très directement lié à la question des conventions fiscales actuellement négociées par le pays, dont fait partie le présent accord.
Afin de poursuivre l'ouverture économique du pays et d'encourager le développement des échanges, la Colombie s'est donc lancée dans la conclusion d'une série d'accords internationaux :
- sur le plan fiscal, la convention multilatérale du 4 mai 2004 au sein de la Communauté andine des nations (qui compte la Colombie, le Pérou, l'Équateur et le Chili), ainsi que des conventions fiscales bilatérales avec dix États (Espagne, Chili, Suisse, Canada, Mexique, Portugal, Corée du Sud, Inde, République Tchèque et France) ;
- sur le plan commercial, l'accord de libre échange du 26 juin 2012 entre l'Union européenne et ses États membres d'une part, et la Colombie et le Pérou d'autre part , qui permet un abaissement des barrières tarifaires et surtout non tarifaires entre les deux zones 5 ( * ) .
La Colombie est par ailleurs en voie d'accession depuis 2013 à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui l'a d'ailleurs jugée « conforme » sur le plan fiscal (cf. infra ).
3. Les échanges avec la France : des fondements solides et des perspectives importantes
Les principaux partenaires commerciaux de la Colombie sont les États-Unis, la Chine et les pays de l'Union Européenne. Si les premiers rangs sont occupés par l'Allemagne et l'Espagne, les échanges entre la France et la Colombie s'élèvent tout de même à 1,34 milliard d'euros en 2014 , en progression continue (ils n'étaient que de 490 millions d'euros en 2004).
La Colombie est ainsi le 17 e excédent commercial français en 2014, mais surtout le 2 e excédent commercial français et le 2 e partenaire commercial de la France en Amérique du Sud , derrière le Brésil. Les exportations françaises sont notamment constituées de matériel de transport (56 %), de produits pharmaceutiques (9,5 %), et de produits chimiques ou cosmétiques (8,5 %). Les importations françaises sont quant à elles dominées par la houille (43 %), le pétrole brut (12 %) et les produits agricoles (21 %) 6 ( * ) .
Sur le plan des investissements directs étrangers, la Colombie est également un partenaire important : la Banque de France évalue le stock d'IDE français en Colombie à 685 milliards d'euros fin 2013, mais celui-ci s'élèverait en réalité à 2,5 milliards de dollars , d'après les statistiques colombiennes, une différence qui s'explique par le recours à des filiales espagnoles (cf. infra ).
De fait, de nombreuses entreprises françaises sont implantées en Colombie, à commencer par le groupe Casino , premier employeur du pays , qui à travers le groupe de distribution Exito dont il contrôle la majorité du capital représente 100 000 emplois directs et 200 000 emplois indirects. Signe de l'évolution positive des choses, cette réussite contraste avec la décision de Carrefour de se retirer du pays en 2012, sa filiale ayant été revendue près de 2 milliards d'euros à un groupe chilien. Au total, on compte à ce jour plus de 150 filiales d'entreprises françaises implantées en Colombie , parmi lesquelles Renault-Sofasa , deuxième sur le marché automobile local, le groupe de services Sodexo qui y emploie 10 000 personnes, le fabricant d'électroménager Seb qui y exploite deux usines, le groupe Schneider Electric ou encore Veolia , qui détient plusieurs concessions d'eau dans le pays. Récemment, plusieurs groupes français ont par ailleurs réalisé des investissements importants , parmi lesquels Saint-Gobain (construction d'une usine de verre), Axa (rachat de l'assureur Colpatria Seguros ), L'Oréal (rachat de Vogue ), Sanofi (rachat de Genfar ) ou encore Vinci , via une prise de participation dans un groupe colombien de travaux publics, dans un contexte où de grands chantiers d'infrastructure sont attendus.
Les entreprises françaises peuvent par ailleurs bénéficier de l'appui de l'antenne locale de Business France, qui compte cinq experts du marché local dans différents secteurs, ainsi que de la Chambre de commerce et d'industrie France Colombia (CCFIC), créée en 1917. On ajoutera que le code civil et le droit administratif colombiens sont rédigés sur le modèle du droit français.
Par comparaison, les IDE colombiens en France sont nettement plus modestes . Ils sont estimés à 20 millions d'euros fin 2013, l'année 2014 ayant été marquée par le rachat, pour 50 millions d'euros, des Ciments guyanais par le groupe colombien Argos auprès de Lafarge .
S'agissant des personnes physiques, 5 246 ressortissants français étaient inscrits à l'Ambassade de France en Colombie fin 2014 7 ( * ) , un chiffre encore relativement modeste mais en augmentation. La plupart des expatriés se trouvent dans la région de Bogota, et travaillent pour des filiales françaises. Le pays compte en outre quatre lycées français (Bogota, Cali, Pereira, Medellin) et treize centres de l'Alliance Française.
* 1 Source : Fonds monétaire international (FMI), World Economic Outlook , Avril 2016.
* 2 Source : étude d'impact. Sauf mention contraire, les autres chiffres cités dans la présente partie sont également tirés de l'étude d'impact.
* 3 Source : chambre de commerce et d'industrie France Colombia.
* 4 Source : Banque mondiale, Doing Business 2016. Classement arrêté pour le mois de juin 2015.
* 5 Cela ne va pas pour autant sans heurts : le 13 janvier 2016, l'Union européenne a par exemple engagé une procédure de règlement des différends devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) contre la Colombie, au sujet des mesures affectant les exportations de spiritueux vers le pays. Source : OMC.
* 6 Source : direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).
* 7 Source : ministère des affaires étrangères et du développement international. Le nombre de ressortissants colombiens en France n'est pas disponible.