Rapport n° 836 (2015-2016) de M. Éric DOLIGÉ , fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 septembre 2016
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LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES
FINANCES
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PREMIÈRE PARTIE : LA PREMIÈRE
CONVENTION FISCALE ENTRE LA FRANCE ET LA COLOMBIE
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SECONDE PARTIE :
UN ACCORD ÉQUILIBRÉ ET AMBITIEUX
AU REGARD DES STANDARDS INTERNATIONAUX
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I. UN CADRE FAVORABLE ET SÉCURISÉ
POUR ENCOURAGER LES ÉCHANGES ET LES INVESTISSEMENTS
CROISÉS
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1. Un traitement des dividendes largement conforme
au standard international
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2. Un traitement des intérêts
particulièrement favorable
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3. Une retenue à la source sur les
redevances, dérogatoire mais néanmoins fréquente
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4. De multiples précisions visant à
garantir un haut niveau de sécurité et de stabilité
juridique
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1. Un traitement des dividendes largement conforme
au standard international
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II. LA PRÉSERVATION DE LA CAPACITÉ
DES ÉTATS À IMPOSER SUR LEUR TERRITOIRE CERTAINES
ACTIVITÉS IMPORTANTES
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1. Une définition de l'établissement
stable durcie au profit du pays de la source
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2. Le traitement particulier des activités
extractives, au bénéfice de la Colombie
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3. L'imposition à la source des plus-values
de cession de participations substantielles
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4. La prise en compte des
spécificités du droit fiscal français, notamment en
matière immobilière
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5. Une imposition de la fortune par les deux
pays
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1. Une définition de l'établissement
stable durcie au profit du pays de la source
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III. UNE EXIGENCE PARTICULIÈREMENT
ÉLEVÉE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET
L'ÉVASION FISCALES
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I. UN CADRE FAVORABLE ET SÉCURISÉ
POUR ENCOURAGER LES ÉCHANGES ET LES INVESTISSEMENTS
CROISÉS
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EXAMEN EN COMMISSION
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ANNEXE :
LA FISCALITÉ COLOMBIENNE
N° 836
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2015-2016
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 septembre 2016 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie en vue d' éviter les doubles impositions et de prévenir l' évasion et la fraude fiscales en matière d' impôts sur le revenu et sur la fortune ,
Par M. Éric DOLIGÉ,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel . |
Voir le(s) numéro(s) :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : |
3797 , 3877 et T.A. 780 |
|
Sénat : |
750 et 837 (2015-2016) |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES
Réunie le 21 septembre 2016 sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a examiné le rapport de M. Éric Doligé, rapporteur, sur projet de loi n° 750 (2015-2016) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune. Ce projet de loi a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 30 juin 2016. La commission a relevé que : 1° Le présent accord est la première convention fiscale signée par la France et la Colombie. Actuellement, les contribuables sont donc soumis à un risque de double imposition , qu'il s'agisse des particuliers ou des entreprises - ces dernières ayant parfois fait le choix de réaliser leurs investissements via l'Espagne, liée à la Colombie par une convention fiscale depuis 2005, mais au prix d'importantes complications ; 2° Largement conforme au dernier modèle de l'OCDE et même plus ambitieux sur certains points , cet accord devrait donc permettre de favoriser les investissements et les échanges entre les deux pays, et de sécuriser les acteurs ; 3° Les revenus passifs bénéficient d'un traitement favorable : 5 % ou 10 % pour les dividendes, 10 % pour les intérêts et 10 % pour les redevances . Le choix des seuils et le champ des exonérations aboutissent, globalement, à un régime plus favorable que le modèle de l'OCDE ou le « passage par l'Espagne », et en tout état de cause préférable à la retenue à la source de 33 % appliquée par la Colombie en l'absence de convention fiscale ; 4° La souveraineté fiscale des États est toutefois préservée sur certains revenus, et notamment sur les activités extractives , d'une grande importance pour la Colombie. Celles-ci sont présumées constituer un « établissement stable » dès lors qu'elles dépassent deux mois, contre six mois pour le droit commun. En outre, des dispositions permettent à la France d'appliquer ses régimes fiscaux spécifiques, notamment en matière d'investissements immobiliers ; 5° La France et la Colombie partagent un haut niveau d'exigence dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, qui fait du présent accord un texte particulièrement abouti en la matière . Il prévoit deux clauses anti-abus générales et plusieurs clauses sectorielles. Le dispositif relatif à la coopération fiscale est la base juridique de l'échange automatique d'informations, que la France comme la Colombie se sont engagées à mettre en oeuvre dès 2017 . La Colombie est d'ailleurs jugée pleinement « conforme » par le Forum mondial de l'OCDE sur la transparence fiscale. Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances a adopté le projet de loi. |
PREMIÈRE PARTIE : LA PREMIÈRE CONVENTION FISCALE ENTRE LA FRANCE ET LA COLOMBIE
I. LA FRANCE ET LA COLOMBIE : DES ÉCHANGES DYNAMIQUES...
1. La Colombie : une croissance dynamique et résiliente
Avec 47 millions d'habitants et un produit intérieur brut (PIB) de 412 milliards de dollars en 2015, la Colombie est, après le Brésil et l'Argentine, la troisième puissance économie d'Amérique du Sud .
Sa croissance économique, assez soutenue depuis plusieurs années (20 % entre 2009 et 2013, puis 4,4 % en 2014, 3,1 % en 2015 et une prévision de 2,5 % pour 2016 1 ( * ) ), repose des activités diversifiées, contrairement par exemple au Venezuela voisin, mais son commerce extérieur reste très largement dominé par les ressources minières et énergétiques : le pays est le dixième producteur mondial de charbon, et a produit environ un million de barils de pétrole par jour en 2015, celui-ci représentant plus de la moitié de ses exportations chaque année, ainsi qu'un tiers des investissements directs étrangers (IDE) et un sixième des recettes budgétaires 2 ( * ) . Dans leur ensemble, les énergies fossiles constituent une part prépondérante des exportations colombiennes - jusqu'à 71 % en 2013 , un chiffre en légère baisse depuis. La Colombie est également un producteur important de minerais (or, fer, nickel, cuivre, émeraudes). Il est vrai que l'agriculture présente aussi un potentiel de développement élevé mais celui-ci demeure encore inhibé par la poursuite jusqu'à récemment des combats avec les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC). Le pays est par exemple le deuxième exportateur de fleurs coupées, avec 15 % du marché 3 ( * ) , derrière les Pays-Bas (40 % du marché).
Assez soutenue, la croissance économique de la Colombie est aussi particulièrement résiliente , notamment en comparaison de celle des autres grands pays d'Amérique du Sud. En dépit de l'effondrement du cours des matières premières en 2015 (- 47,8 % pour les hydrocarbures, et - 17,4 % pour les autres matières premières), le pays a maintenu une croissance largement positive. Le peso colombien, habituellement stable, s'est certes déprécié de 35,8 % en un an par rapport au dollar, mais cette volatilité, peu surprenante compte tenu du contexte, ne doit pas occulter la solidité des fondamentaux de l'économie.
Cette résilience s'explique avant tout par une bonne gouvernance , le gouvernement du président de la République Juan Manuel Santos, réélu en 2014, faisant preuve d' une volonté de continuité et de stabilité sur les plans économique, juridique et financier - tout autant d'ailleurs que sur les plans diplomatique et militaire.
Le dernier obstacle - majeur - au développement économique du pays est sur le point d'être levé : le 24 août 2016, le Gouvernement et les FARC ont conclu un accord de paix à La Havane , après plus de quatre ans de négociations et un conflit de 62 ans qui aura fait près de 300 000 morts et six millions de déplacés. L'accord doit toutefois être validé par le référendum du 2 octobre prochain, dont l'issue est encore incertaine.
2. Une volonté d'ouverture aux échanges internationaux
La politique volontariste d'ouverture aux échanges internationaux et aux investissements étrangers menée par la Colombie lui vaut d'être classée 54 e sur 189 dans l'étude Doing Business 2016 de la Banque mondiale , après Israël et avant la Turquie 4 ( * ) . Ce classement place même le pays au 2 e rang mondial dans la facilité d'obtention des prêts, et au 14 e rang mondial pour la protection des investisseurs minoritaires. On notera tout de même que parmi les points faibles figurent le paiement des impôts (136 e rang) et le commerce transfrontalier (110 e rang), ce qui est très directement lié à la question des conventions fiscales actuellement négociées par le pays, dont fait partie le présent accord.
Afin de poursuivre l'ouverture économique du pays et d'encourager le développement des échanges, la Colombie s'est donc lancée dans la conclusion d'une série d'accords internationaux :
- sur le plan fiscal, la convention multilatérale du 4 mai 2004 au sein de la Communauté andine des nations (qui compte la Colombie, le Pérou, l'Équateur et le Chili), ainsi que des conventions fiscales bilatérales avec dix États (Espagne, Chili, Suisse, Canada, Mexique, Portugal, Corée du Sud, Inde, République Tchèque et France) ;
- sur le plan commercial, l'accord de libre échange du 26 juin 2012 entre l'Union européenne et ses États membres d'une part, et la Colombie et le Pérou d'autre part , qui permet un abaissement des barrières tarifaires et surtout non tarifaires entre les deux zones 5 ( * ) .
La Colombie est par ailleurs en voie d'accession depuis 2013 à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui l'a d'ailleurs jugée « conforme » sur le plan fiscal (cf. infra ).
3. Les échanges avec la France : des fondements solides et des perspectives importantes
Les principaux partenaires commerciaux de la Colombie sont les États-Unis, la Chine et les pays de l'Union Européenne. Si les premiers rangs sont occupés par l'Allemagne et l'Espagne, les échanges entre la France et la Colombie s'élèvent tout de même à 1,34 milliard d'euros en 2014 , en progression continue (ils n'étaient que de 490 millions d'euros en 2004).
La Colombie est ainsi le 17 e excédent commercial français en 2014, mais surtout le 2 e excédent commercial français et le 2 e partenaire commercial de la France en Amérique du Sud , derrière le Brésil. Les exportations françaises sont notamment constituées de matériel de transport (56 %), de produits pharmaceutiques (9,5 %), et de produits chimiques ou cosmétiques (8,5 %). Les importations françaises sont quant à elles dominées par la houille (43 %), le pétrole brut (12 %) et les produits agricoles (21 %) 6 ( * ) .
Sur le plan des investissements directs étrangers, la Colombie est également un partenaire important : la Banque de France évalue le stock d'IDE français en Colombie à 685 milliards d'euros fin 2013, mais celui-ci s'élèverait en réalité à 2,5 milliards de dollars , d'après les statistiques colombiennes, une différence qui s'explique par le recours à des filiales espagnoles (cf. infra ).
De fait, de nombreuses entreprises françaises sont implantées en Colombie, à commencer par le groupe Casino , premier employeur du pays , qui à travers le groupe de distribution Exito dont il contrôle la majorité du capital représente 100 000 emplois directs et 200 000 emplois indirects. Signe de l'évolution positive des choses, cette réussite contraste avec la décision de Carrefour de se retirer du pays en 2012, sa filiale ayant été revendue près de 2 milliards d'euros à un groupe chilien. Au total, on compte à ce jour plus de 150 filiales d'entreprises françaises implantées en Colombie , parmi lesquelles Renault-Sofasa , deuxième sur le marché automobile local, le groupe de services Sodexo qui y emploie 10 000 personnes, le fabricant d'électroménager Seb qui y exploite deux usines, le groupe Schneider Electric ou encore Veolia , qui détient plusieurs concessions d'eau dans le pays. Récemment, plusieurs groupes français ont par ailleurs réalisé des investissements importants , parmi lesquels Saint-Gobain (construction d'une usine de verre), Axa (rachat de l'assureur Colpatria Seguros ), L'Oréal (rachat de Vogue ), Sanofi (rachat de Genfar ) ou encore Vinci , via une prise de participation dans un groupe colombien de travaux publics, dans un contexte où de grands chantiers d'infrastructure sont attendus.
Les entreprises françaises peuvent par ailleurs bénéficier de l'appui de l'antenne locale de Business France, qui compte cinq experts du marché local dans différents secteurs, ainsi que de la Chambre de commerce et d'industrie France Colombia (CCFIC), créée en 1917. On ajoutera que le code civil et le droit administratif colombiens sont rédigés sur le modèle du droit français.
Par comparaison, les IDE colombiens en France sont nettement plus modestes . Ils sont estimés à 20 millions d'euros fin 2013, l'année 2014 ayant été marquée par le rachat, pour 50 millions d'euros, des Ciments guyanais par le groupe colombien Argos auprès de Lafarge .
S'agissant des personnes physiques, 5 246 ressortissants français étaient inscrits à l'Ambassade de France en Colombie fin 2014 7 ( * ) , un chiffre encore relativement modeste mais en augmentation. La plupart des expatriés se trouvent dans la région de Bogota, et travaillent pour des filiales françaises. Le pays compte en outre quatre lycées français (Bogota, Cali, Pereira, Medellin) et treize centres de l'Alliance Française.
II. ... MAIS ENTRAVÉS PAR L'ABSENCE DE CONVENTION FISCALE ENTRE LES DEUX PAYS
1. En l'absence de cadre fiscal bilatéral, un risque permanent de double imposition
La croissance des échanges commerciaux et des investissements est toutefois entravée par l'absence de convention fiscale entre la France et la Colombie , une situation très rare 8 ( * ) et source d'insécurité juridique pour les acteurs concernés.
Les personnes physiques peuvent ainsi être soumises à une double imposition sur leurs salaires, leurs traitements, leurs pensions, leurs revenus mobiliers etc . Or celle-ci n'est qu'imparfaitement corrigée par les mécanismes internes de chaque pays. En France, aucun dispositif de portée générale n'est prévu pour éliminer la double imposition des revenus de source étrangère en l'absence de convention fiscale. Il est toutefois de règle de déduire, pour le calcul du revenu imposable, les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation de celui-ci, et donc les impôts payés à l'étranger ; en conséquence, c'est le revenu mondial net, diminué de l'impôt payé à l'étranger, qui demeure imposable en France 9 ( * ) . En Colombie, les personnes physiques résidentes sont imposables sur leurs revenus de source mondiale , et non pas sur leurs seuls revenus de source colombienne. Les non-résidents subissent quant à eux une retenue à la source de 33 % sur leurs revenus passifs, identique à celle des entreprises.
Les entreprises et autres personnes morales supportent en principe le même risque de double imposition. En France, les entreprises peuvent déduire de leur bénéfice les impôts acquittés à l'étranger 10 ( * ) , mais cette disposition ne remplace pas une convention fiscale, qui permet de définir dans quel État les bénéfices sont imposables. Or, en l'absence de convention fiscale, la Colombie applique des retenues à la source pouvant aller jusqu'à 33 % sur les dividendes, les intérêts et les redevances , sous réserve de certaines exonérations (cf. infra et annexe).
Toutefois, en pratique, plusieurs sociétés françaises fait le choix de réaliser leurs investissements via des entreprises espagnoles, afin de bénéficier des clauses de la convention fiscale entre le Royaume d'Espagne et la République de Colombie du 31 mars 2005 11 ( * ) , puis de « remonter » les revenus vers la France en application de la convention franco-espagnole du 10 octobre 1995 12 ( * ) . La convention entre la Colombie et l'Espagne, relativement récente, permet en effet de traiter les différents types de revenus (salaires, bénéfices, intérêts, dividendes, redevances etc.) conformément aux standards internationaux en vigueur.
Si cet expédient a permis le développement des IDE français en Colombie, il demeure toutefois regrettable que les entreprises françaises et colombiennes ne puissent pas réaliser ces investissements directement , non seulement en raison d'éventuels surcoûts fiscaux mais aussi en raison des contraintes financières, réglementaires et administratives qui découlent de l'interposition d'une structure intermédiaire 13 ( * ) . Cette remarque est particulièrement valable pour les PME, qui n'ont pas toujours la possibilité de créer facilement une filiale espagnole à cette fin.
L'absence de convention fiscale entre la France et la Colombie n'implique pas, toutefois, que les échanges et investissements entre les deux pays ont lieu dans un vide juridique complet. Ceux-ci sont en effet régis, certes partiellement, par deux autres textes :
- premièrement, l'accord précité du 26 juin 2012 entre l'Union européenne et ses États membres d'une part, et la Colombie et le Pérou d'autre part, dont l'article 296 précise cependant qu'il n'est pas applicable aux questions fiscales ;
- deuxièmement, l'accord du 10 juillet 2014 entre la France et la Colombie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements , dont l'approbation a été autorisée par la loi n° 2016-946 du 12 juillet 2016. Cet accord vise à accorder un traitement équitable et non-discriminatoire aux investissements réalisés d'un pays à l'autre ainsi qu'aux revenus qui en résultent. Là encore, l'article 2 exclut les questions fiscales du champ de l'accord.
2. Pourtant, une communauté de vues en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales
Au-delà de l'élimination des doubles impositions, l'absence de convention fiscale entre la France et la Colombie empêche la mise en oeuvre d'un échange de renseignements entre les administrations fiscales des deux pays , et donc de conduire avec efficacité la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.
Si cette situation est par principe problématique dès lors qu'il s'agit d'assurer le juste traitement fiscal des contribuables des deux pays, il est cependant vraisemblable que la France n'en soit pas la première victime. En effet, la Colombie n'offre pas un traitement complaisant à certains actifs financiers ou revenus , ni un secret bancaire particulièrement inviolable. Aussi cette situation n'a-t-elle pas débouché sur un recours à ce pays par des contribuables français (ou autres) désireux de dissimuler leur situation.
Du point de vue de la Colombie, en revanche, la situation est plus préoccupante, dans la mesure où le pays est confronté à un grave problème d'évasion fiscale, notamment de la part de ses contribuables fortunés . D'après les informations transmises à votre rapporteur, 80 000 ressortissants colombiens disposeraient de plus de 100 milliards de dollars non déclarés à l'étranger, représentant une perte annuelle de 6 milliards de dollars pour l'État 14 ( * ) . Afin d'inciter les contribuables indélicats à déclarer leurs avoirs placés à l'étranger, une « cellule de régularisation » a été instituée en 2014 , sur un modèle proche de celui du service de traitement des déclarations fiscales rectificatives (STDR) institué en France en 2013. L'« amnistie » est toutefois plus généreuse, puisque les actifs ainsi régularisés sont imposés à 11,5 %, au lieu de 200 % en application du droit commun. En moins de deux ans, 21 121 contribuables auraient ainsi régularisé leur situation. En outre, la Colombie est, comme les autres pays émergents, confrontée à l'optimisation fiscale agressive des entreprises multinationales , dont les montages ont été bien identifiés par l'OCDE dans le cadre de son projet « BEPS » sur l'érosion des bases fiscales et le transfert de bénéfices ( Base Erosion and Profit Shifting , cf. infra ).
Pour l'ensemble de ces raisons , la Colombie est, comme la France, très mobilisée au niveau international dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales . Cette communauté de vues a constitué une incitation supplémentaire à la signature d'une convention fiscale, qui se trouve être particulièrement ambitieuse sur le sujet.
3. Le long chemin vers la signature d'une convention fiscale
Les négociations de la présente convention fiscale bilatérale ont débuté en 2009, une durée assez longue - près de six ans -, notamment en raison d'un blocage persistant sur la question de la définition du territoire colombien, finalement levé en 2012 15 ( * ) . L'accord a finalement été signé le 25 juin 2015 à Bogota.
Aux termes de son article 30, l'accord entrera en vigueur le premier jour du mois suivant l'échange des instruments de ratification , mais ses dispositions seront applicables aux revenus perçus au cours de l'année civile suivant celle de son entrée en vigueur. Vraisemblablement, les dispositions seront applicables au mieux à compter du 1 er janvier 2018 , dans la mesure où la Colombie n'a pas encore ratifié l'accord. Cette procédure, d'ailleurs assez longue 16 ( * ) , devrait être reportée au moins à 2017, la législature actuelle (juillet-décembre 2016) étant exclusivement consacrée au processus de paix.
SECONDE PARTIE :
UN
ACCORD ÉQUILIBRÉ ET AMBITIEUX
AU REGARD DES STANDARDS
INTERNATIONAUX
La présente convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune a été signé le 25 juin 2015 à Bogota, par le Président de la République colombienne, Juan Manuel Santos Calderón, et par le Premier ministre de la République française, Manuel Valls.
D'une manière générale, cette convention fiscale est largement conforme au dernier modèle de l'OCDE, qui date du 15 juillet 2014, et même plus ambitieuse sur plusieurs points , notamment en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.
Les stipulations d'une convention fiscale étant par définition réciproques, les bénéfices qu'en retireront la France d'une part, et la Colombie d'autre part, dépendent de la structure des relations économiques et financières qu'entretiennent les deux pays. Puisque les investissements français en Colombie excèdent très largement les investissements colombiens en France 17 ( * ) , et que la balance commerciale est excédentaire en faveur de la France, on peut supposer que, toutes choses égales par ailleurs , ce sont les entreprises françaises qui bénéficieront le plus, sur le plan fiscal, de la présente convention fiscale (et notamment des retenues à la source limitées sur les revenus passifs tels que les dividendes, intérêts et redevances). En retour, l'incitation à investir en Colombie sera renforcée, au bénéfice de toute l'économie colombienne et de l'emploi - l'enjeu pour le pays étant de conserver malgré tout des bases taxables « stratégiques » sur son territoire, notamment en ce qui concerne les activités extractives.
C'est le sens du compromis trouvé dans le présent accord, qui constitue un texte équilibré, ambitieux, qui préserve les intérêts des deux parties tout en permettant aux échanges et aux investissements de se développer .
Les avantages que procure une convention fiscale ne peuvent être appréciés qu'à l'aune de ceux des autres conventions fiscales , qu'il s'agisse de l'accord entre la Colombie et l'Espagne précité, ou des conventions « complètes » récemment négociées par la France - de tels traités demeurent en vigueur plusieurs décennies, aussi les comparaisons ne sont-elles pertinentes qu'avec les accords les plus récents, conformes aux nouvelles normes internationales, tels que les accords signés avec la Chine le 26 novembre 2013 18 ( * ) et avec Singapour le 15 janvier 2015 19 ( * ) .
I. UN CADRE FAVORABLE ET SÉCURISÉ POUR ENCOURAGER LES ÉCHANGES ET LES INVESTISSEMENTS CROISÉS
1. Un traitement des dividendes largement conforme au standard international
Conformément au modèle de l'OCDE, l'article 10 du présent accord pose le principe d'une taxation des dividendes dans l'État de résidence de leur bénéficiaire, sous réserve d'une retenue à la source appliquée dans certaines limites et sous certaines conditions.
Aujourd'hui, en l'absence de convention fiscale, le taux de retenue à la source appliqué par la Colombie sur les dividendes est de 33 %.
Dans le présent accord, ce taux est au maximum de 5 % du montant brut des dividendes « remontés » vers le bénéficiaire lorsque celui-ci détient directement ou indirectement une part significative du capital de la société versante, et à 10 % dans les autres cas . Ces taux sont identiques à ceux du modèle de l'OCDE, et à ceux des autres conventions fiscales récemment signées par la France.
La « variable d'ajustement » est le seuil de détention du capital requis pour bénéficier de la retenue à la source de 5 %. Celui-ci est fixé à au moins 20 % du capital de la société versante, soit un taux inférieur au seuil de 25 % préconisé par le modèle de l'OCDE . Ceci fait de la convention franco-colombienne un accord favorable à l'investissement 20 ( * ) .
Les entreprises françaises devraient largement profiter de cette disposition , dans la mesure où les dividendes versés depuis la Colombie à des entreprises françaises sont supérieurs aux dividendes de source française versés à des entreprises de Colombie. La « remontée » des dividendes étant rendue plus aisée , cela devrait encourager les investissements entre les deux pays, et par voie de conséquence bénéficier aux finances publiques.
La « remontée » des
dividendes de la Colombie vers la France
|
Retenues à la source applicables sur les dividendes en vertu des conventions fiscales actuellement en vigueur (Colombie-Espagne et Espagne-France), et en vertu du présent accord (Colombie-France). Ces taux sont exprimés toutes choses égales par ailleurs , et ne tiennent pas compte d'éventuels régimes fiscaux particuliers prévus par le droit interne (ex : régime mère-fille) ou le droit conventionnel, ni de stratégies fiscales plus complexes de la part des contribuables (ex : conserver une partie des revenus en Espagne, transiter par un autre État, etc.). Source : commission des finances du Sénat |
Certes, les dispositions du présent accord sont parfois moins favorables que celles que permet le recours à la convention fiscale entre l'Espagne et la Colombie , tel que pratiqué par certains acteurs économiques. En effet, comme l'illustre le schéma ci-dessus, il est possible de ne subir aucune retenue à la source en cas de participation significative dans le capital (le seuil de détention étant par ailleurs fixé à seulement 10 % entre l'Espagne et la France, et à 20 % entre la Colombie et l'Espagne). En l'absence de participation significative, en revanche, le présent accord apparaît plus favorable, toutes choses égales par ailleurs.
Toutefois, il faut souligner que cet éventuel surplus de fiscalité, au demeurant modeste, s'accompagne d'avantages importants en termes de sécurité juridique et de simplification organisationnelle .
2. Un traitement des intérêts particulièrement favorable
Aujourd'hui, en l'absence de convention fiscale, le taux de retenue à la source appliqué par la Colombie sur les intérêts est de 14 %, un taux porté à 33 % pour les intérêts de prêts de court terme (moins d'un an). Il existe néanmoins des exonérations, notamment pour les prêts à court terme dans le cadre d'opérations d'importation ou d'exportation.
Le présent accord fixe le taux de retenue à la source à 10 % de leur montant brut , un taux conforme au modèle OCDE et aux autres conventions fiscales récemment signées par la France.
Le présent accord se distingue toutefois du modèle OCDE par l'ajout d'un paragraphe 3, qui permet d' exonérer de retenue à la source plusieurs catégories d'intérêts, formant un ensemble particulièrement large , qui ne seraient donc imposables que dans le pays de résidence du bénéficiaire. Ces exonérations, que l'on retrouve dans la plupart des conventions fiscales sous des formes proches, sont les suivantes :
- premièrement, les intérêts versés par des personnes publiques ou reçus par celles-ci , plus précisément définies comme « un État contractant, une de ses collectivités territoriales ou l'une de ses personnes morales de droit public, y compris la banque centrale de cet État » ;
- deuxièmement, les intérêts payés au titre d'une créance ou d'un prêt garanti, assuré ou aidé par un État contractant ou toute autre personne agissant pour son compte. Ceci permet notamment d'exonérer les garanties publiques à l'exportation octroyées par Bpifrance , qui reprendra d'ici fin 2016 les activités de la Coface (Compagnie française d'assurance et de commerce extérieur) 21 ( * ) ;
- troisièmement, les intérêts payés à raison de la vente à crédit d'équipements, de biens ou de marchandises par une entreprise à une autre entreprise. Cette clause, de portée très large , devrait être particulièrement favorable à la France , en raison de la place qu'occupe le crédit inter-entreprises dans notre économie 22 ( * ) ;
- quatrièmement, les intérêts payés au titre d'un prêt ou d'un crédit de quelque nature que ce soit accordé par une banque , mais seulement si celui-ci est accordé pour une période d'au moins trois ans . Cette dernière réserve, spécifique à l'accord franco-colombien, revient à exclure les prêts à court terme, qui peuvent relever de stratégie d'optimisation fiscale (cf. infra ), et à concentrer les effets de la disposition sur les prêts à long terme, c'est-à-dire liés à des investissements durables ou à des échanges réguliers ;
- cinquièmement, les intérêts payés par une institution financière de l'un des États contractants à une institution financière de l'autre État .
Au total, ces différentes exonérations rendent ce dispositif au moins aussi favorable que le « passage » par la convention entre la Colombie et l'Espagne, puis entre l'Espagne et la France, qui prévoient un même taux de retenue à la source de 10 % mais des exonérations moins détaillées.
3. Une retenue à la source sur les redevances, dérogatoire mais néanmoins fréquente
Aujourd'hui, en l'absence de convention fiscale, le taux de retenue à la source appliqué par la Colombie sur les redevances est de 33 %. Le modèle de l'OCDE préconise quant à lui une suppression totale des retenues à la source, et une imposition exclusive des redevances dans l'État de résidence de leur bénéficiaire.
L'article 12 du présent accord prévoit la possibilité d'une retenue à la source de 10 % du montant brut de ces redevances . Cette disposition devrait être plutôt favorable à la Colombie, qui en a fait la demande, dans la mesure où les entreprises françaises détiennent davantage de brevets et autres droits de propriété intellectuelle que les entreprises colombiennes.
Il convient toutefois de ne pas surestimer le caractère dérogatoire de cette disposition . En effet, si celle-ci n'est pas prévue par le modèle de l'OCDE, elle demeure très courante dans les conventions fiscales, y compris dans les nouvelles conventions fiscales signées par la France - et notamment avec la Chine 23 ( * ) .
De plus, le taux de 10 % apparaît in fine plus avantageux que la fiscalité qui résulte du « passage » par l'Espagne , dans la mesure où les redevances sont frappées d'une retenue de 10 % à la sortie de la Colombie vers l'Espagne, puis de 5 % à la sortie de l'Espagne vers la France 24 ( * ) .
4. De multiples précisions visant à garantir un haut niveau de sécurité et de stabilité juridique
Favoriser la croissance des échanges et des investissements suppose non seulement de trouver le « bon » équilibre dans la répartition des droits de chaque État à taxer telle ou telle activité, mais aussi, tout simplement, de garantir aux personnes physiques et aux entreprises un haut niveau de sécurité et de stabilité juridique s'agissant de leurs obligations fiscales .
Le présent accord constitue à cet égard un exemple relativement abouti : la « base » fournie par le modèle de l'OCDE a été enrichie de nombreuses précisions, simplifications ou encore adjonctions, tirées de l'expérience récente de la France et de la Colombie à l'occasion d'autres négociations, ou encore des commentaires les plus récents du modèle de l'OCDE, et qui tiennent compte des spécificités des deux pays et de l'évolution de la fiscalité internationale. Le fait que ce texte soit la première convention fiscale entre la France et la Colombie explique en partie cette réussite : les négociations sont parties d'une « page blanche », il n'a pas été nécessaire de se fonder sur un accord plus ancien, dont il aurait fallu rediscuter une à une chacune des dispositions, plus ou moins inadaptée, plus ou moins sédimentée.
Parmi ces précisions, on peut notamment citer :
- à l'article 7, la mention du fait que les bénéfices à imputer à un établissement stable (cf. infra ) « sont déterminés chaque année selon la même méthode , à moins qu'il n'existe des motifs valables et suffisants pour procéder autrement » ;
- à l'article 16, une mesure de simplification prévoyant que les gains d'un artiste, sportif ou mannequin sont imposables dans son État de résidence si ceux-ci ne dépassent pas 15 000 euros par an - les règles de droit commun sont en effet plus complexes, puisqu'elles reposent sur une imposition à la source sauf en cas de financement public prépondérant de l'autre État, et qu'elles opèrent une distinction en fonction de l'attributaire des revenus (l'artiste, sportif ou mannequin, ou bien une autre personne) ;
- à l'article 19, la fixation d'une durée maximale de six années consécutives de présence dans le pays pour qu'un étudiant ou stagiaire qui y suit des études ou une formation puisse être exonéré d'impôt sur les subsides qu'il reçoit de l'étranger. Le modèle de l'OCDE ne prévoit pas de durée, ce qui peut aboutir à une certaine insécurité juridique ; le régime prévu par le présent accord, plus détaillé, n'est toutefois pas aussi complet que celui prévu par la convention signée avec Singapour, les échanges universitaires avec la cité-État étant d'une toute autre importance ;
- à l'article 23, un ensemble de clauses de non-discrimination, issues du modèle de l'OCDE et reprises dans les conventions signées par la France , qui font obligation à un État de traiter une personne physique, une entreprise ou tout autre contribuable de l'autre État de la même façon que ses propres citoyens, entreprises et contribuables. En outre, et afin d'assurer la primauté de la convention fiscale sur tout autre traité ou accord signé par les deux États, notamment un accord commercial , le paragraphe 6 précise que les éventuelles clauses de non-discrimination ou de la nation la plus favorisée que pourraient contenir de tels accords ne s'appliquent pas aux impôts visés par la convention fiscale ;
- à l'article 24, enfin, la possibilité d'un recours à l'arbitrage dans le cas où une procédure amiable entre les deux États engagée à la demande d'un contribuable pour résoudre une difficulté fiscale n'aboutirait pas. Le recours à l'arbitrage, prévu par le modèle de l'OCDE, mérite d'être signalé dans la mesure où cette possibilité est loin d'être toujours ouverte par les conventions signées par la France - elle est par exemple absente des accords avec la Chine et Singapour 25 ( * ) . Toutefois, par rapport au modèle de l'OCDE, qui prévoit un arbitrage obligatoire si le contribuable en fait la demande, le présent accord repose sur un dispositif facultatif et plus flexible, inspiré du modèle de l'ONU , en vertu duquel l'arbitrage ne peut être demandé que « si les deux autorités compétentes et la personne en conviennent », et « à condition que la personne consente par écrit à être liée par la décision de la commission d'arbitrage ».
II. LA PRÉSERVATION DE LA CAPACITÉ DES ÉTATS À IMPOSER SUR LEUR TERRITOIRE CERTAINES ACTIVITÉS IMPORTANTES
1. Une définition de l'établissement stable durcie au profit du pays de la source
Les conventions fiscales élaborées conformément au modèle OCDE attribuent le droit d'imposer les bénéfices à l'État dans lequel l'entreprise à son siège, plutôt qu'à celui dans lequel elle exerce son activité, sauf en présence d'un « établissement stable » situé dans l'autre État. Aux termes de l'article 5 du présent accord, repris du modèle OCDE, la notion d'établissement stable correspond à « une installation fixe d'affaires dans laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité » , ce qui suppose généralement la présence de locaux et de personnels. Sont notamment couverts les cas suivants : un siège de direction, une succursale, un bureau, une usine, un atelier ou encore un lieu d'extraction de ressources naturelles (cf. infra sur ce dernier point).
Par rapport au modèle de l'OCDE, la définition de l'établissement stable retenue par le présent accord est toutefois plus large, ce qui permet à l'État de la source de « retenir » sur son territoire une base taxable sensiblement plus importante . Cette extension de la notion d'établissement stable porte sur deux points précis : les chantiers et les prestations de services.
Premièrement, les chantiers de construction, d'assemblage ou de montage , ainsi que les activités de supervision y afférentes, constituent des établissements stables dès lors qu'ils ont une durée supérieure à 183 jours, c'est-à-dire six mois, contre une durée de douze mois dans le modèle de l'OCDE . Le droit d'imposer les bénéfices tirés des chantiers passe donc plus « rapidement » à l'État de la source, ce qui n'est pas sans conséquences pour des groupes français présents en Colombie, tels que Vinci (cf. supra ). Il faut toutefois préciser que le délai « standard » de douze mois est loin d'être systématiquement accepté par les partenaires de la France lors de la négociation des conventions fiscales : s'il a bien été obtenu avec la Chine et Singapour, il ne figure pas dans les accords signés avec Hong Kong le 21 octobre 2010, ou avec Taiwan le 24 décembre 2010. D'ailleurs, la convention fiscale entre l'Espagne et la Colombie prévoit également un délai de six mois .
En outre, on notera que la définition retenue par présent accord (et les autres accords récents) inclut les activités de supervision afférentes au chantier , ce qui constitue un autre élargissement par rapport à la définition retenue par l'OCDE ;
Deuxièmement, l'article 5 du présent accord introduit la notion d'établissement stable de services , définie comme « la fourniture de services, y compris les services de consultants, par une entreprise, par l'intermédiaire de salariés ou d'autre personnel présent dans un État contractant à cette fin ». Comme pour les chantiers, les établissements stables de services sont caractérisés dès lors que les activités sont exercées pendant une ou des périodes représentant un total de plus de 183 jours, c'est-à-dire six mois , au cours d'une période quelconque de douze mois.
L'introduction de la notion d'établissement stable de services, qui ne figure pas dans le modèle de l'OCDE, constitue en elle-même un élément bienvenu de la convention fiscale franco-colombienne : l'application quotidienne d'autres conventions fiscales signées par la France montre en effet qu'en son absence, les prestations de services sont parfois imposées à la source sur le fondement de l'« installation fixe d'affaires » (cf. supra ), et parfois non, en fonction des secteurs d'activités, des fonctionnaires de l'administration fiscale en charge du dossier etc. Cette insécurité juridique est problématique pour les entreprises concernées. C'est pourquoi la France s'efforce d'introduire l'établissement stable de services dans l'ensemble de ses nouvelles conventions fiscales , afin d'apporter un surcroît de sécurité juridique aux prestataires de services, que ceux-ci soient indépendants ou salariés.
Il n'en demeure pas moins que, sur le plan du partage des droits des États à prélever l'impôt, la reconnaissance de l'établissement stable de services modifie l'équilibre en faveur de l'État de la source, c'est-à-dire plus fréquemment en faveur de la Colombie que de la France . Le seuil de six mois est d'ailleurs assez peu élevé, et permet donc un « basculement » rapide vers la taxation à la source : de fait, ce seuil est identique à celui retenu par l'accord avec la Chine, mais bien moins avantageux que le seuil de douze mois sur quinze applicable entre la France et Singapour. En outre, un alinéa spécifique a été inséré afin de préciser que les activités de prestation de services exercées par deux entreprises liées doivent être cumulées pour calculer le délai de 183 jours, dans le cas où les activités des deux entreprises sont liées au même projet.
Ce relatif durcissement de la notion d'établissement stable contraste avec la convention fiscale entre l'Espagne et la Colombie, qui ne fait pas référence à l'établissement stable de services : là encore, l'éventuelle « perte » fiscale que pourraient subir les entreprises devrait être plus que compensée par le surcroît de sécurité juridique résultant à la fois d'une convention « directe » et d'une définition plus claire.
2. Le traitement particulier des activités extractives, au bénéfice de la Colombie
La convention fiscale franco-colombienne se caractérise par une attention particulière portée aux activités extractives, visant à garantir que celles-ci soient bien imposées là où elles ont lieu . Il s'agit d'une demande expresse de la Colombie, dont les ressources naturelles contribuent de façon importante à l'économie et aux recettes budgétaires - les difficultés rencontrées au sujet de la définition du territoire colombien et des droits souverains y afférents (cf. supra ) ne sont d'ailleurs pas étrangères à cette question. Il est vrai qu'aucun traitement spécifique de ce type n'existe dans la convention fiscale qui lie la Colombie avec l'Espagne, mais la France est le siège d'acteurs majeurs du secteur pétrolier , ce qui justifie la présence de ces dispositions. On retrouve des clauses du même type dans la convention qui lie la France à la Norvège et au Royaume-Uni, qui possèdent également des ressources extractives, ou encore dans la convention multilatérale de la communauté andine du 4 mai 2004 (cf. supra ).
Le traitement particulier des activités extractives se manifeste dans le texte de l'accord par des dispositions d'importance variable , certaines étant de simples précisions, d'autres ayant un effet juridique direct. Ainsi, au paragraphe 2 de l'article 5, au nombre des installations susceptibles d'être qualifiées d'établissement stable, le modèle de l'OCDE vise « une mine, un puits de pétrole ou de gaz, une carrière ou tout autre lieu d'extraction de ressources naturelles ». Dans l'accord avec la Colombie, le terme « extraction » est remplacé par les mots « exploration ou exploitation » , lesquels couvrent un éventail plus large d'activités 26 ( * ) , et notamment la prospection, pratiquée par plusieurs entreprises françaises.
La plus importante et la plus dérogatoire de ces dispositions concerne elle aussi la définition de l'établissement stable : le paragraphe 7 de l'article 5 institue une forme de présomption dérogatoire d'établissement stable pour les activités extractives de plus de deux mois . Plus précisément, ce paragraphe introduit à la demande de la partie colombienne permet de réputer l'existence d'un établissement stable dans un État lorsqu'une personne résidente de l'autre État y exerce « des activités en lien avec l'exploration ou l'exploitation de ressources naturelles [...] pendant une ou des périodes représentant un total de plus de 60 jours au cours d'une période quelconque de douze mois ». Cette durée est toutefois moins exigeante que celle prévue par les accords signés par la France avec la Norvège et avec le Royaume-Uni, qui prévoient une durée de 30 jours.
Sur le fond, il fait peu de doute que la conduite d'une activité extractive, même d'ampleur relativement modeste, aurait in fine vocation à être qualifiée d'établissement stable en application du droit commun 27 ( * ) . Il n'en demeure pas moins que cette disposition devrait constituer un outil efficace à la disposition de l'État de la source pour imposer avec plus de sécurité, et surtout plus de rapidité , les activités minières et pétrolières qui sont conduites sur son territoire.
3. L'imposition à la source des plus-values de cession de participations substantielles
L'article 13 du présent accord contient à son paragraphe 4 une autre dérogation au principe d'imposition à la résidence des gains en capital, donc au niveau des actionnaires. Celle-ci permet à chaque État d'imposer à la source les plus-values de cession d'une « participation substantielle » dans le capital d'une société , et donc de conserver sur son territoire une partie de la base taxable. Une participation substantielle est caractérisée « lorsque le cédant, seul ou avec des personnes apparentées, dispose directement ou indirectement d'actions, parts ou autre droits dont l'ensemble ouvre droit à 25 % ou plus des bénéfices de la société ».
Toutefois, à la différence des autres conventions récemment signées, qui comportent la plupart du temps une clause similaire et le même taux de 25 %, la convention fiscale franco-colombienne ajoute une « dérogation à la dérogation » : les plus-values de cession d'une participation substantielle sont imposables à la résidence dans le cas où le cédant bénéficie, conformément à la législation de son État de résidence, d'un avantage fiscal prévu en cas de réorganisation d'entreprise , ou plus précisément « un report d'imposition [...] dans le cadre d'un régime fiscal spécifique aux sociétés d'un même groupe ou aux fusions, scissions, apports en société ou échanges d'actions ». Pour la France, il s'agit du régime de report d'imposition en cas de fusion ou d'apport partiel d'actif, prévu par les articles 210 A à 210 C du code général des impôts (CGI).
4. La prise en compte des spécificités du droit fiscal français, notamment en matière immobilière
Le présent accord contient également une série de dispositions permettant à la France d'appliquer certaines particularités de son droit fiscal interne , et dont elle sollicite l'introduction dans toutes les conventions fiscales qu'elle - a priori sans conséquence substantielle pour l'autre partie.
S'agissant de la notion de résidence fiscale, le paragraphe 4 de l'article 4 permet de traiter le cas des sociétés dites « translucides » . Une société translucide 28 ( * ) est dotée d'une personnalité juridique distincte et exerce une activité qui lui est propre, mais les bénéfices qu'elle réalise sont toutefois imposables au niveau de ses membres, actionnaires ou porteurs de parts, à proportion de leurs droits dans celle-ci. Or, en l'absence de prise en compte dans les conventions fiscales, l'existence de telles structures « hybrides » est susceptible de conduire à des situations de double non-imposition , dans le cas où l'entité serait établie dans un État qui la regarde comme « transparente » (c'est-à-dire imposable au niveau de ses associés), et où ses associés seraient résidents fiscaux d'un État qui la regarde comme « opaque » (c'est-à-dire imposable au niveau de son activité). Afin de résoudre ce problème, le présent accord précise donc explicitement qu'en application de la législation fiscale française, les membres d'une telle société translucide établie en France doivent être considérés comme des résidents fiscaux français.
La présence d'une telle clause, visant à prévenir d'éventuels conflits de qualification juridique, est d'autant plus bienvenue qu'en dépit de son importance, elle ne figure pas dans toutes les conventions fiscales récentes - elle a ainsi été omise dans l'accord signé avec Singapour.
Les autres dispositions méritant d'être signalées concernent toutes les revenus immobiliers , qui font en France l'objet d'un traitement fiscal particulier.
Aux termes des articles 6 et 13 du présent accord, les revenus et gains en capital provenant de biens immobiliers sont imposables dans l'État où sont situés ces biens , par dérogation au principe d'imposition à la résidence, et conformément au modèle de l'OCDE. Ces deux articles permettent en outre à la France d' appliquer sa législation en matière de revenus immobiliers réalisés par des sociétés immobilières transparentes. En application du paragraphe 5 de l'article 6, les revenus tirés de biens immobiliers par une société transparente ne sont pas imposés au niveau de cette société, mais au niveau de ses associés. Il en va de même pour les gains en capital : en application du paragraphe 1 b) de l'article 13, les plus-values de cession de titres d'une « société à prépondérance immobilière » sont imposées au niveau de ses associés. Une société, fiducie, institution ou entité est considérée comme « à prépondérance immobilière » lorsque son actif est constitué ou tire plus de 50 % de sa valeur de biens immobiliers.
Des clauses similaires se retrouvent dans la plupart des accords récemment signés - la convention fiscale avec Singapour faisant une fois de plus exception, dans la mesure où la clause relative aux revenus immobiliers est omise (bien que celle relative aux plus-values y figure).
En outre, la France a introduit dans plusieurs conventions fiscales récentes une clause spécifique concernant les véhicules d'investissement immobilier qui bénéficient d'une exonération d'impôt sur les sociétés en contrepartie d'une obligation de distribution des résultats sous forme de dividendes. Il s'agit des sociétés d'investissement immobilier cotées (SIIC) et des organismes de placement collectif investis en immobilier (OPCI) prenant la forme de sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV).
Cette clause spécifique, présente au paragraphe 6 de l'article 10 du présent accord, stipule que les dividendes distribués par ces véhicules d'investissement immobilier établis dans un État à des non-résidents établis dans l'autre État sont imposés au taux prévu par la législation de l'État des véhicules , en lieu et place de la retenue à la source de 5 % ou 15 %, et sous réserve que le bénéficiaire effectif de ces dividendes détienne au moins 10 % du capital de la société. En pratique cela signifie que la législation française pourra s'appliquer sans restriction : les dividendes distribués par des véhicules d'investissement immobilier établis en France à des non-résidents feront donc l'objet d'une retenue à la source au taux de droit commun de 30 % , en application du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts. Ce point est d'ailleurs précisé par le paragraphe 2 du protocole annexé au présent accord.
On retrouve une clause de portée similaire dans les conventions signées avec le Royaume-Uni, le Panama, Andorre, Singapour ou encore la Chine, ainsi que dans l'avenant du 31 mars 2015 à la convention fiscale franco-allemande. En revanche, comme l'avait regretté notre collègue Albéric de Montgolfier, rapporteur général 29 ( * ) , cette clause ne figure pas dans l'avenant du 5 septembre 2014 avec le Luxembourg, dont les conditions demeurent trop favorables.
Une particularité du présent accord, toutefois, est la présence au paragraphe 7 d'une sorte de clause « symétrique » pour la Colombie, à la demande de Bogota , ce qui témoigne de la volonté de ce pays de prévenir les pratiques d'optimisation fiscale abusive (cf. infra ). Cette clause permet à la Colombie d'opérer une retenue à la source, au taux maximal de 15 %, sur le transfert de bénéfices d'un établissement stable situé en Colombie vers un résident fiscal français, assimilable à un versement de dividende, lorsque ces bénéfices n'ont pas été imposés en application de la législation colombienne 30 ( * ) .
5. Une imposition de la fortune par les deux pays
La présente convention porte non seulement sur les impôts sur le revenu (salaires, bénéfices, revenus passifs, etc.) mais aussi sur les impôts sur la fortune , ce qui est le cas du modèle de l'OCDE et de la plupart des conventions signées par la France, mais pas, par exemple, des accords récemment signés avec la Chine ou avec Singapour, qui ne possèdent pas d'impôt sur la fortune.
Au moment de la négociation de l'accord, la Colombie n'avait pas institué d'imposition de la fortune, mais cette possibilité avait été envisagée à raison : un impôt « temporaire » sur la fortune des particuliers a été institué pour les années 2015 à 2018 , après une première expérience en 2011. En sont redevables les personnes physiques résidentes de Colombie dont le patrimoine excède un milliard de pesos colombiens (environ 300 000 euros), ainsi que les particuliers non-résidents détenant en Colombie un patrimoine de plus d'un milliard de pesos. L'impôt est calculé en application d'un barème progressif en quatre tranches (de 0,125 % à 1,5 % pour un patrimoine au-delà de 5 milliards de pesos).
L'article 21 du présent accord, relatif à la fortune, sera donc applicable . Conformément à la pratique habituelle de la France, il prévoit non seulement une imposition de la fortune constituée de biens immobiliers dans l'États où ces biens sont situés, mais étend également ce principe aux actions, parts et autres droits confèrent à leur détenteur la jouissance de biens immobiliers . Cette dérogation par rapport au modèle de l'OCDE est similaire à celles prévues pour les revenus et les plus-values tirés de bien immobiliers détenus via des personnes morales (cf. supra ).
III. UNE EXIGENCE PARTICULIÈREMENT ÉLEVÉE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L'ÉVASION FISCALES
1. Une série de clauses anti-abus générales et sectorielles à la portée très large
Davantage encore que les autres conventions fiscales récemment signés, le texte du présent accord témoigne d' un fort engagement des États, qu'il s'agisse de la France comme de la Colombie, dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales internationales .
Les négociateurs ont ainsi opté pour une « double sécurité », en introduisant à la fois des clauses anti-abus de portée générale, et des clauses anti-abus sectorielles, par type de revenu , proposées par la France.
Les clauses anti-abus de portée générale sont prévues à l'article 26, intitulé « Limitation des avantages de la convention » . Celui-ci dispose tout d'abord qu'un contribuable « ne peut bénéficier des réductions et exonérations d'impôt accordées [...] en vertu de la convention si le principal objectif ou l'un des principaux objectifs de la conduite des opérations par ce résident ou par une personne liée à ce résident est de bénéficier des avantages prévus par la convention ». En d'autres termes, cette clause permet d'écarter l'application de la convention fiscale lorsqu'un contribuable cherche à tirer indûment bénéfice de ses stipulations , contrairement à leur objet ou à leur motif. Le point 7 du protocole confirme que cette limitation s'applique aux opérations visant à éviter artificiellement la qualification d'établissement stable.
Par rapport à la rédaction des clauses similaires introduites dans les autres conventions récentes, celle-ci est particulièrement exigeante , en ce qu'elle vise non seulement « le principal objectif » mais aussi « l'un d'un principaux objectifs » afin d'éviter un possible détournement, et en ce qu'elle mentionne non seulement le contribuable concerné mais aussi « une personne liée » - ce qui n'est pas le cas de tous les autres accords récents. Il est précisé que deux personnes sont considérées comme liées « si l'une détient au moins 50 % des intérêts effectifs dans l'autre, ou si une autre personne détient directement ou indirectement au moins 50 % des intérêts effectifs dans chacune d'elle », et, dans tous les cas, « si en prenant en compte l'ensemble des faits et circonstances propres à ce cas, l'une est sous le contrôle de l'autre, ou si elles sont toutes les deux sous le contrôle d'une même personne ou de plusieurs autres personnes ».
Le même article 26 contient une seconde clause générale qui permet aux États de refuser le bénéfice des avantages de la convention lorsque le récipiendaire d'un revenu n'en est pas le « bénéficiaire effectif » , et que « l'opération permet au bénéficiaire effectif de supporter une charge fiscale moindre que celle qu'il aurait eu à supporter » s'il n'avait pas eu recours à ce montage faisant intervenir un tiers. Issue des travaux du Groupe d'action financière (GAFI), la notion de « bénéficiaire effectif » désigne la personne qui, en dernier ressort, possède ou contrôle une entité juridique , ou pour le compte de laquelle une transaction ou une activité est réalisée. Cette notion, reprise à l'article 13 de la quatrième directive anti-blanchiment du 20 mai 2015 31 ( * ) , figure aussi dans le modèle de convention fiscale de l'OCDE.
Ces deux clauses générales sont complétées par plusieurs clauses anti-abus sectorielles, par catégorie de revenu , qui figurent aussi dans les conventions récentes, à l'exception notable de celle avec Singapour. Ces clauses sectorielles concernent les dividendes (article 10), les intérêts (article 11), les redevances (article 12) et les autres revenus (article 20). Celles-ci visent, là encore, à écarter la convention lorsque l'objectif ou l'un des principaux objectifs est de tirer indûment avantage de ses stipulations, ainsi qu'à en limiter les avantages au seul montant qui aurait été constaté en l'absence de « relations spéciales » entre le débiteur et le bénéficiaire effectif des revenus - une notion a priori équivalente à celle de « personne liée » évoquée ci-dessus.
Ces clauses font partie des recommandations présentées par l'OCDE le 5 octobre 2015 dans le cadre du projet « BEPS » sur l'érosion des bases fiscales et le transfert de bénéfices ( Base Erosion and Profit Shifting ). Son Action 6 « Empêcher l'octroi des avantages des conventions fiscales lorsqu'il est inapproprié d'accorder ces avantages » vise précisément à introduire dans le futur modèle OCDE, et dans l'instrument multilatéral en préparation, une série de règles anti-abus de portée générale et de portée sectorielle. Le rapport final de l'OCDE souligne d'ailleurs que « ces dispositions de limitation des avantages figurent actuellement dans des conventions conclues par quelques pays et se sont avérées efficaces pour prévenir de nombreuses stratégies de chalandage fiscal ».
Toutes ces clauses anti-abus, aux formulations très larges et qui peuvent sans nul doute trouver à s'appliquer de manière concurrente à de mêmes situations, visent à garantir qu'aucun montage fiscal abusif ne puisse y échapper , quelle qu'en soit sa subtilité, et que les administrations fiscales puissent choisir parmi plusieurs qualifications juridiques celle qui sera la plus « efficace » pour le remettre en cause. D'après les éléments fournis à votre rapporteur, toutefois, la France s'orienterait de plus en plus vers l'insertion d'une clause unique et générale, jugée suffisante.
Par ailleurs, et comme l'a déjà relevé votre rapporteur à plusieurs reprises 32 ( * ) , l'articulation des mécanismes anti-abus conventionnels avec la procédure interne de l'abus de droit pourrait être problématique . Prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et modernisée en 2008 33 ( * ) , la procédure de l'abus de droit permet de sanctionner - par une majoration de 80 % - les actes qui « n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales » de l'intéressé. En d'autres termes, l'abus de droit vise les opérations dont le motif est exclusivement fiscal, tandis que les conventions bilatérales visent les opérations dont le motif est principalement fiscal. L'enjeu, à ce jour non tranché par la doctrine et la jurisprudence, est donc de savoir si l'administration fiscale peut faire usage des stipulations des conventions fiscales si l'abus de droit interne, plus restrictif et plus difficile à prouver , n'est pas avéré.
2. De multiples dispositifs visant à prévenir l'évasion fiscale
Au-delà de ces clauses anti-abus stricto sensu , le présent accord contient une série d'autres dispositifs et précisions qui permettent d'éviter le détournement des avantages qu'il offre, et qui font là encore de la convention fiscale franco-colombienne un texte particulièrement exigeant en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.
En fait, plusieurs des dispositions ajoutées par rapport au modèle de l'OCDE et évoquées supra par votre rapporteur constituent des dispositifs anti-abus lato sensu . Pour mémoire, on citera la prise en compte des sociétés de personnes transparentes et translucides, le traitement spécifique accordé à certains véhicules d'investissement immobilier (SIIC, SPPICAV), la notion d'établissement stable de services et les précisions relatives aux industries extractives, etc.
Plusieurs autres dispositifs peuvent être mentionnés, par exemple :
- à l'article 8, une clause visant à éviter les doubles non-impositions des bénéfices provenant de l'exploitation de navires ou d'aéronefs en transport international : si ceux-ci sont exonérés dans l'État de siège où ils sont en principe imposables, ils sont alors imposables dans l'autre État ;
- au point 3 du protocole, une clause limitant les avantages conventionnels accordés aux SIIC et SPPICAV (cf. supra ) à hauteur des seuls droits détenus dans ces structures par des résidents de l'autre État, qu'il s'agisse des dividendes ou des intérêts ;
- au point 4 du protocole, une clause permettant aux fonds de pension de bénéficier des avantages conventionnels pour les dividendes et les intérêts, mais à la condition que plus de la moitié de leurs bénéficiaires soient des personnes physiques résidentes de l'un ou l'autre des États contractants.
En outre, et cela doit être souligné, le paragraphe 2 de l'article 10 relatif aux dividendes contient un dispositif anti-abus proposé par la Colombie . Celui-ci précise que le taux réduit de 5 % de retenue à la source (cf. supra ) sur les dividendes versés par une société colombienne n'est pas applicable lorsque les bénéfices faisant l'objet de la distribution n'ont pas été soumis à l'impôt sur les sociétés colombien, conformément aux lois de ce pays. Dans ce cas, la retenue à la source de 15 % est applicable, quel que soit le seuil de détention du capital de la société par l'actionnaire.
Pour conclure, la présence de nombreux dispositifs anti-abus dans le texte de l'accord n'implique pas une mise en oeuvre irréprochable : au-delà de ces incontestables avancées sur le plan juridique, l'implication réelle de la Colombie et de la France dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales se mesurera à l'aune de l'utilisation concrète qui sera faite de ces multiples outils , ce qui pose la question de la capacité et de la volonté des administrations fiscales de chaque État à en faire usage. Dans la mesure où il n'existe pas à ce jour de convention fiscale entre les deux États, et où les clauses anti-abus ont une histoire relativement récentes en droit fiscal international, il est prématuré de se prononcer sur ce point. D'après les informations transmises à votre rapporteur, toutefois, la direction générale des finances publiques (DGFiP) fait d'ores et déjà un large usage de ces clauses pour établir des redressements .
3. La coopération en matière fiscale : un dispositif complet qui ouvre la voie à l'échange automatique d'informations
L'article 25 de la convention entre la France et la Colombie, relatif à l'échange de renseignements à des fins fiscales, est conforme au dernier modèle de l'OCDE, qui date de 2014 . Or c'est sur la coopération fiscale internationale que se concentrent, depuis plusieurs années, l'essentiel des enjeux et des progrès en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.
Le dispositif s'accompagne de toutes les améliorations récentes et précautions habituelles , qui visent à éviter sa mauvaise application parfois constatée avec d'autres partenaires. Il est notamment précisé :
- que ce dispositif ne se limite pas aux seuls impôts visés par la convention (c'est-à-dire sur le revenu et la fortune), mais qu'il s'étend aux « impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des États contractants ou de leurs collectivités locales » ;
- que l'État requis doit obtenir les informations « même s'il n'en a pas besoin à ses propres fins fiscales » ;
- que les dispositions de cet article ne peuvent en aucun cas « être interprétées comme permettant [...] de refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci sont détenus par une banque » ou un autre établissement financier. Il s'agit d'empêcher que l'interposition de personnes ou de dispositions juridiques fasse obstacle à l'échange de renseignements ;
- que les renseignements obtenus « peuvent être utilisés à d'autres fins » que des fins fiscales, sous deux conditions : d'abord, que cette possibilité résulte des lois des deux États, et ensuite, que l'État qui transmet les informations autorise expressément cette utilisation. Les « autres fins » visent notamment la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ou encore contre la corruption - deux sujets importants non seulement pour la France, mais aussi pour la Colombie en raison de la criminalité liée au trafic de drogue.
Le présent article contient aussi un ajout par rapport au modèle de l'OCDE, afin d'assurer la bonne application de l'échange d'informations : « chacun des deux États prend les mesures nécessaires afin de s'assurer de la disponibilité de l'information et de la capacité de son autorité compétente à y accéder et à la transmettre à son homologue ». La pratique dira s'il s'agit là d'une disposition superfétatoire ou d'une précision nécessaire, mais elle témoigne en tous les cas de la « solidité » que les deux États ont souhaité conférer au dispositif.
Cet article constitue la base juridique de l'échange d'informations « à la demande » , c'est-à-dire lorsque les renseignements sont communiqués au cas par cas par l'État requis, à la demande de l'État requérant. Il s'agit principalement de données bancaires, d'informations sur la propriété des biens mobiliers et immobiliers, ou encore d'éléments comptables.
Dans son « rapport de progrès 2015 », le Forum mondial de l'OCDE sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales 34 ( * ) juge que la Colombie est pleinement « conforme » , sur les trois critères pris en compte dans l'examen (disponibilité de l'information, accès à l'information, échange de l'information) 35 ( * ) . La seule réserve figurant dans le rapport, sans conséquence sur l'appréciation générale, porte sur l'insuffisante rapidité de réponse dans l'échange d'informations (seulement « largement conforme »). En France, la direction de la législation fiscale (DLF) n'est pas en mesure de fournir une appréciation sur le sujet, précisément parce qu'il n'existe pas à ce jour de base juridique permettant la coopération fiscale avec la Colombie 36 ( * ) .
Cet article doit également servir de base juridique à l'échange automatique d'informations, en voie de devenir la norme internationale et d'ores et déjà devenu la nouvelle norme européenne 37 ( * ) .
La France et la Colombie devraient passer à l'échange automatique d'informations en septembre 2017 . Les deux pays font en effet partie des 101 États et territoires qui se sont engagés à signer l'accord multilatéral du 29 octobre 2014, qui prévoit l'application en 2017 ou 2018 de la « norme commune de déclaration » élaborée par l'OCDE (cf. encadré), et surtout des 84 États et territoires qui l'ont signé à ce jour 38 ( * ) .
Le standard de l'OCDE en matière d'échange automatique La norme commune de déclaration de l'OCDE est un texte ambitieux, qui couvre un champ très large dans trois dimensions : - les informations communiquées comprennent l'identité et le numéro d'identification fiscale (NIF) du contribuable, le numéro du compte, le solde et les revenus financiers qu'il produit (intérêts, dividendes etc.) ; - les comptes déclarables comprennent les comptes des personnes physiques et des entités , ce qui inclut les trusts et autres structures pouvant correspondre à des sociétés-écrans. La norme requiert de regarder à travers les entités passives afin de déterminer et de déclarer les personnes physiques qui en détiennent le contrôle réel ; - les institutions financières soumises à l'obligation déclarative comprennent non seulement les banques, mais aussi la plupart des sociétés d'assurance, les organismes de placement collectif et d'autres établissements financiers. Aux termes de la norme OCDE, ces institutions financières doivent mettre en oeuvre une série de « diligences raisonnables » afin d'identifier les comptes déclarables . Celles-ci diffèrent en fonction de leur titulaire, de leur date d'ouverture et de leur valeur. Les comptes préexistants de personnes physiques inférieurs à un million de dollars se voient appliquer des procédures allégées, et un seuil de minimis de 250 000 dollars est prévu pour les comptes d'entités préexistants. Pour tous les nouveaux comptes, une auto-certification de résidence fiscale est demandée au titulaire. Les établissements financiers devront commencer à collecter les données au 1 er janvier 2016, et les premiers échanges d'informations entre États auront lieu d'ici au 30 septembre 2017 . L'accord contient d'exigeantes stipulations en matière de confidentialité et de protection des données personnelles, qui seront évaluées par l'OCDE pour chaque État signataire. Source : rapport n° 59 (2015-2016) fait par Éric Doligé au nom de la commission des finances, sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, déposé le 14 octobre 2015 |
L'échange automatique constitue un progrès majeur : par rapport à l'échange à la demande, il ne nécessite ni connaissance préalable de l'identité des contribuables et des comptes bancaires, ni bonne volonté particulière de la part des administrations fiscales 39 ( * ) . Plus efficace, l'échange automatique est également complémentaire de l'échange à la demande , dans la mesure où les deux procédures ne concernent en effet pas les mêmes types de dossiers : l'échange à la demande permet d'obtenir des compléments d'informations, souvent précis, sur des contrôles fiscaux déjà en cours ; l'échange automatique vise quant à lui de détecter des fraudes potentielles, en vue de lancer une éventuelle procédure.
A cet égard, la rédaction particulièrement complète de l'article 26 du présent accord constitue un signe encourageant quant à la volonté de la France et de la Colombie de pratiquer une coopération fiscale efficace , de même que les multiples mesures anti-abus précitées témoignent de leur engagement commun dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.
La convention fiscale franco-colombienne du 25 juin 2015 constitue donc un texte important et bienvenu , non seulement pour les milieux économiques qui en ont depuis longtemps exprimé le besoin, mais aussi pour les États.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du mercredi 21 septembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Éric Doligé, rapporteur, et à l'élaboration du texte de la commission sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 750, 2015 2016).
M. Éric Doligé , rapporteur . - Avec 47 millions d'habitants et un PIB de 412 milliards de dollars en 2015, la Colombie est la troisième puissance économique d'Amérique du Sud, après le Brésil et l'Argentine. Le pays possède une économie diversifiée, même si son commerce international demeure largement dépendant des ressources minières (or, fer, nickel) et des énergies fossiles (charbon, pétrole) - ces dernières représentent plus des deux tiers de ses exportations. L'agriculture présente aussi un potentiel de développement important, le pays étant ainsi le deuxième exportateur mondial de fleurs, après les Pays-Bas.
Assez soutenue depuis plusieurs années (4,4 % en 2014, 3,1 % en 2015), la croissance de la Colombie est aussi particulièrement résiliente, en comparaison notamment de ses voisins le Brésil et le Venezuela - tout aussi dépendants des hydrocarbures, mais bien plus touchés par l'effondrement de leurs cours l'année dernière. Le pays se caractérise en effet par une bonne gouvernance, une stabilité sur les plans économique, juridique et financier, et une volonté d'ouverture aux échanges internationaux, dont témoigne l'accord de libre-échange du 26 juin 2012 entre la Colombie, le Pérou et l'Union européenne.
Le dernier obstacle majeur au développement économique du pays est sur le point d'être levé : le 24 août 2016, le Gouvernement et les FARC ( Forces Armées Révolutionnaires de Colombie ) ont conclu un accord de paix à La Havane, mettant fin à soixante-deux ans de guérilla. L'accord sera soumis à référendum le 2 octobre prochain.
Dans ce contexte, les échanges économiques entre la France et la Colombie offrent des perspectives importantes. La Colombie est d'ores et déjà notre deuxième excédent commercial et notre deuxième partenaire en Amérique du Sud, avec des échanges bilatéraux de 1,3 milliard d'euros en 2014. Les investissements directs étrangers (IDE) français en Colombie sont quant à eux estimés à plus de 2,5 milliards de dollars - sans commune mesure avec les 20 millions d'euros d'IDE colombiens en France. On compte 150 filiales françaises en Colombie, parmi lesquelles Carrefour qui, au travers de sa filiale Exito , est le premier employeur du pays (300 000 emplois directs et indirects). Récemment, Vinci a signé un contrat de 1,3 milliard d'euros pour l'exploitation de l'une des principales autoroutes du pays.
Pourtant, un obstacle majeur au développement des échanges entre la France et la Colombie demeurait jusqu'à aujourd'hui avec l'absence de convention fiscale entre les deux pays, situation aussi rare que problématique. Les particuliers courent ainsi le risque d'une double imposition sur leurs salaires, traitements, pensions, etc., car l'impôt sur le revenu colombien est dû sur les revenus de source mondiale. Les entreprises courent en principe le même risque de double imposition, avec notamment une retenue à la source de 33 % sur les dividendes, intérêts et redevances. En pratique, cette difficulté a conduit plusieurs sociétés françaises à réaliser leurs investissement via des filiales espagnoles, afin d'être couvertes par la convention fiscale de 2005 entre l'Espagne et la Colombie. Si cet expédient a permis le développement des investissements français en Colombie, il s'accompagne toutefois de contraintes financières, règlementaires ou administratives, sans compter les éventuels surcoûts fiscaux.
C'est dire toute l'importance de cette convention fiscale entre la France et la Colombie. Celle-ci a été signée le 25 juin 2015 à Bogota, mais les premières négociations remontant à 2009, lorsque la Colombie a décidé de conclure une série d'accords avec ses principaux partenaires. Très attendue des acteurs économiques, cette convention fiscale est complémentaire de l'accord du 10 juillet 2014 sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements entre les deux pays, que le Sénat a adopté cet été.
D'une manière générale, cet accord est largement conforme au dernier modèle de l'OCDE, celui de juillet 2014, et même plus ambitieux sur plusieurs points. Tout d'abord, il met en place un cadre juridique favorable aux investissements, qui se lit dans le traitement des revenus passifs : la retenue à la source opérée sur les dividendes est de 5 % lorsque le bénéficiaire détient une « part significative » du capital de la société versante, et de 10 % dans les autres cas. Ces taux sont ceux du modèle de l'OCDE, mais le seuil de qualification de la « part significative » est moins élevé (20 % du capital au lieu de 25 %), et donc plus avantageux. Il est vrai que ce régime demeure un peu moins favorable que le passage par la convention entre l'Espagne et la Colombie, qui permet une exonération de retenue à la source en cas de « part significative » du capital, mais au prix d'importantes contraintes juridiques et pratiques. Ensuite, la retenue à la source opérée sur les intérêts est de 10 %, comme dans le modèle de l'OCDE, mais s'accompagne d'un ensemble particulièrement large d'exonérations, dont tous les prêts bancaires et tous les prêts inter-entreprises - ces derniers étant très utilisés par les entreprises françaises. Enfin, la retenue à la source opérée sur les redevances est de 10 %, soit mieux que le « passage par l'Espagne », où ces revenus sont d'abord frappés d'une retenue de 10 % à la sortie de la Colombie, puis de 5 % à la sortie de l'Espagne.
Si le présent accord met en place un cadre plutôt ouvert, les États ont néanmoins veillé à préserver leur souveraineté fiscale sur un certain nombre d'activités importantes. Les particularités les plus notables concernent la notion d'« établissement stable », c'est-à-dire la présence d'une « installation fixe d'affaires » (usine, bureau, personnels, etc.) permettant d'imposer les bénéfices d'une société dans l'État où elle exerce ses activités, et non dans l'État où elle a son siège. Par rapport au modèle de l'OCDE, le présent accord tend à faciliter la qualification d'établissement stable, ce qui devrait d'abord bénéficier à la Colombie. Premièrement, les chantiers sont qualifiés d'établissements stables dès lors qu'ils dépassent une durée de 6 mois, contre 12 mois dans le modèle de l'OCDE. Deuxièmement, l'accord introduit la notion d'établissement stable de services, non prévue par l'OCDE, mais très utile pour sécuriser les acteurs et déterminer dans quel pays une prestation de services doit être imposée. Son seuil de déclenchement est là aussi de 6 mois, en cumulé sur une période quelconque de 12 mois. Troisièmement, et surtout, le présent accord contient une « présomption d'établissement stable » pour les activités extractives de plus de 2 mois. Cette disposition dérogatoire a été introduite à la demande expresse de la Colombie, dont les ressources minières et les réserves d'hydrocarbures constituent un atout économique - et une source de recettes budgétaires - d'une grande importance.
La France, de son côté, a obtenu l'introduction d'une série de dispositions permettant d'assurer la bonne application de certaines particularités de son droit interne, qui se retrouvent dans la plupart des conventions récentes. L'une d'elles permet de traiter correctement le cas des sociétés dites « translucides », ces structures dotées d'une personnalité juridique distincte et exerçant une activité propre, mais imposées au niveau de ses membres.
Les autres concernent l'immobilier. Ainsi, les plus-values et revenus des sociétés immobilières transparentes ou des sociétés à prépondérance immobilière seront imposés au niveau de leurs associés. En outre, les dividendes versés à des non-résidents par certains véhicules d'investissement immobilier (les SIIC et les OPCI) seront frappés d'une retenue à la source de 30 %, afin de respecter la logique sur laquelle repose ce régime.
Enfin, la convention franco-colombienne se distingue par une exigence particulièrement élevée en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Ce n'est pas un vain mot : la France comme la Colombie figurent parmi les États les plus engagés dans ce combat, ce qui a permis de faire de ce texte un modèle en la matière.
L'accord contient deux clauses anti-abus générales, de portée très large. Des clauses similaires figurent dans nos autres conventions fiscales récentes, et ont été reprises par l'OCDE dans le cadre de son projet BEPS ( Base Erosion and Profit Shifting ), qui vise à lutter contre la délocalisation abusive des bénéfices. La première permet d'écarter une opération si « (son) principal objectif ou l'un (de ses) principaux objectifs » est de profiter indûment des avantages de la convention. La seconde permet de refuser ces avantages au destinataire d'un revenu qui n'en serait pas le « bénéficiaire effectif ». Et parce que l'on n'est jamais trop prudent, ces deux clauses anti-abus générales sont ensuite « répliquées » sous forme de clauses sectorielles, pour chaque catégorie de revenu : intérêts, dividendes, redevances et autres revenus.
L'accord contient plusieurs autres dispositifs anti-abus, certains d'ailleurs à la demande expresse de la Colombie. Autre signe de bonne volonté, la possibilité d'un recours à l'arbitrage, sous conditions, en cas d'échec d'une procédure amiable entre les deux États sur un sujet précis. La France propose toujours cette clause à ses partenaires, mais en pratique peu l'acceptent.
Enfin, l'article relatif à la coopération en matière fiscale est conforme au standard de l'OCDE dans sa rédaction la plus récente et donc la plus exigeante. Il constitue la base juridique de l'échange d'informations à la demande, mais aussi de l'échange automatique, que la Colombie s'est engagée à mettre en oeuvre d'ici septembre 2017, comme la France, lors du sommet de Berlin du 29 octobre 2014. D'ailleurs, la Colombie est jugée pleinement « conforme » par le Forum mondial de l'OCDE, une instance qui évalue la transparence fiscale des États, tant sur l'existence des mesures que sur leur mise en oeuvre effective. Sur les dix critères évalués, la seule et unique réserve porte sur la rapidité des réponses, seulement « largement conforme » - ce dont la direction générale des finances publiques (DGFiP) ne peut pas juger, puisqu'à ce jour aucun accord ne permet une coopération fiscale avec la Colombie.
Je vous propose donc d'adopter ce projet de loi sans modification : non seulement cet accord est nécessaire pour donner un cadre fiscal à nos échanges avec la Colombie, mais en plus, il me semble tout à fait équilibré et particulièrement ambitieux s'agissant de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.
M. Richard Yung . - Je me félicite de ce texte qui facilitera la vie des entreprises françaises qui travaillent en Colombie : enfin disposeront-elles d'une convention fiscale. En outre, la lutte contre l'évasion fiscale va pouvoir se développer en Amérique du sud, on le voit déjà dans certains pays.
Pouvez-vous m'expliquer la différence entre société « translucides » et sociétés « transparentes » ?
M. Éric Doligé , rapporteur . - Le paragraphe 4 de l'article 4 de l'accord traite des sociétés « translucides » : il s'agit de sociétés dotées d'une personnalité juridique distincte et qui exercent une activité qui leur est propre, comme une société « opaque », mais dont les bénéfices sont en revanche imposables au niveau de leurs membres, actionnaires ou porteurs de parts, comme une société « transparente ». C'est cette particularité qui justifie un traitement spécifique dans l'accord.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Avec combien de pays n'avons-nous pas encore signés de conventions fiscales ?
M. Éric Doligé , rapporteur . - En 2016, la France est liée par 122 conventions fiscales bilatérales, sans compter les conventions multilatérales.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Il reste donc encore des pays avec lesquels nous ne sommes pas liés.
Mme Michèle André , présidente . - Avec l'échange automatique d'informations, nous allons changer de dimension dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Les pays du G20 et de l'OCDE fournissent des efforts considérables pour mettre fin à ces pratiques. Notre collègue Éric Bocquet, qui nous présentera certainement son récent livre, Sans domicile fisc , aurait beaucoup à dire sur le sujet.
Notre commission des finances examine les conventions fiscales au Sénat avec beaucoup d'attention. Celle-ci sera examinée en séance publique le jeudi 29 septembre.
M. Éric Bocquet . - Je m'abstiendrai sur ce projet de loi.
La commission a adopté le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 750, 2015 2016).
ANNEXE :
LA FISCALITÉ COLOMBIENNE
Source : direction de la législation fiscale (DLF)
Principales dispositions
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I - IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS
A - Imposition des sociétés résidentes
1) Territorialité
Les sociétés résidentes de Colombie sont imposables sur leur bénéfice mondial, comprenant les résultats des établissements stables à l'étranger.
Sont considérées comme résidentes de Colombie les sociétés qui y ont leur centre de contrôle et de décision et/ou les sociétés constituées sous les lois colombiennes et/ou les sociétés dont le siège principal se situe en Colombie.
Les sociétés non-résidentes ne sont imposables qu'à raison des bénéfices tirés d'activités exercées en Colombie.
2) Produits exonérés
Les plus-values de cession d'actions cotées sur le marché boursier colombien, sous réserve que le montant de la transaction n'implique pas plus de 10 % du montant des actions souscrites au cours de la même année, sont exonérées.
Certaines activités bénéficient également d'une exonération, pour des périodes variables selon le type d'activités, à compter de l'année 2003. Il s'agit essentiellement des services hôteliers dans des hôtels construits ou rénovés depuis 2003 (30 ans), des transports par voie navigables (15 ans), des services d'écotourisme (20 ans), de la cession de biomasse, énergie éolienne, déchets agricoles (15 ans).
Les revenus de brevets déposés avant le 31 décembre 2017 pour produits médicaux et logiciels développés en Colombie bénéficient également d'une exonération.
3) Régime fiscal des distributions
Les dividendes de source colombienne sont exonérés d'impôt sur les sociétés, quelle que soit la participation, dès lors que les bénéfices distribués ont auparavant été soumis à l'impôt sur les sociétés. Dans le cas contraire les dividendes subissent une retenue à la source :
- au taux de 20 % en cas de distribution à une société résidente ou un particulier tenu de souscrire une déclaration de revenus ; ou
- au taux de 33 % en cas de distribution à un bénéficiaire non-résident ou un particulier non tenu de souscrire une déclaration de revenus (sauf option de ce dernier pour souscrire une déclaration de revenus). En ce cas la retenue à la source est libératoire de l'impôt.
Les dividendes de source étrangère sont imposables à l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun 40 ( * ) .
4) Régime fiscal des intérêts et des redevances
Ils sont imposables à l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun.
5) Taux d'imposition
Le taux de l'impôt sur les sociétés est de 25 %.
Les sociétés sont également redevables d'un « impôt sur les bénéfices pour l'égalité » ( Impuesto sobre la renta para la equidad - CREE) au taux de 9 %.
Les sociétés dont le bénéfice imposable excède 800 M de pesos colombiens (COP), soit 240 000 €, sont redevables depuis 2015 d'une surtaxe du CREE au taux de 6 % en 2016, 8 % en 2017 et 9 % à compter de 2018 (le taux était de 5 % en 2015).
Par exception, les plus-values réalisées par les sociétés sont imposées au taux de 10 %.
B - Imposition des sociétés non-résidentes
1) En présence d'un établissement stable
Les bénéfices de source colombienne réalisés par les établissements stables de sociétés non-résidentes sont soumis à l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun ainsi qu'au CREE (et éventuellement à sa surcharge).
2) En l'absence d'établissement stable
a) Dividendes
Sont exonérés les dividendes colombiens versés à des personnes morales non-résidentes à condition que les bénéfices de la société distributrice aient été soumis à l'impôt sur les sociétés. Dans le cas contraire, les dividendes sont soumis à une retenue à la source libératoire de 33 %.
b) Intérêts
Ils sont imposés par voie de retenue à la source au taux de 14 %, porté à 33 % pour les intérêts de prêts à court terme (moins d'un an).
Sont exonérés les intérêts versés à des personnes morales non-résidentes au titre :
- de prêts à court terme et de découverts bancaires dans le cadre d'opérations d'importation ;
- de prêts au titre du financement et du préfinancement d'opérations d'exportation ;
- de prêts de source étrangère accordés aux institutions financières et aux banques colombiennes.
c) Redevances
Le taux de retenue à la source perçue au titre du versement de redevances à des non-résidents est de 33 %. Le taux est de 33 % également pour les redevances pour usage de logiciels mais seul 80 % du montant est retenu.
d) Rémunérations pour services techniques
Elles sont imposées par voie de retenue à la source au taux de 10 %.
C - Incitations fiscales
Seules les petites entreprises et les sociétés établies dans des zones franches bénéficient d'avantages fiscaux notables.
Les premières bénéficient d'un taux réduit d'imposition durant leurs cinq premières années d'activité (taux de 0 % les deux premières années, taux fixé à 25 % du taux général d'IS durant la troisième année, 50 % du taux général d'IS durant la quatrième année, 75 % du taux général d'IS durant la cinquième année) 41 ( * ) .
Outre des exonérations en matière de droits de douane, les sociétés établies dans les zones franches bénéficient d'une exonération de l'impôt supplémentaire CREE.
II - IMPÔT SUR LE REVENU
A - Impôt sur le revenu des personnes physiques résidentes
1) Territorialité de l'impôt sur le revenu
a) Personnes physiques résidentes
Les personnes physiques résidentes de Colombie sont redevables de l'impôt colombien à raison de leurs revenus de source mondiale.
Jusqu'en 2013, les personnes physiques de nationalité étrangère qui s'installaient en Colombie n'étaient imposables qu'à raison de leurs revenus de source colombienne pendant les quatre premières années de résidence. A compter de la cinquième année, les résidents de nationalité étrangère étaient imposables à raison de leur revenu mondial. Cette disposition est supprimée .
Sont considérées comme résidentes de Colombie, les personnes physiques ayant séjourné dans cet État durant au moins six mois au cours de l'année fiscale. Les personnes de nationalité colombienne séjournant à l'étranger, mais dont la famille est résidente de Colombie ou qui ont conservé dans cet État le centre de leurs intérêts économiques, sont considérées comme résidentes de Colombie.
b) Personnes physiques non-résidentes
Les personnes physiques non-résidentes ne sont imposables en Colombie qu'à raison de leurs revenus de source colombienne.
2) Base imposable
L'ensemble des revenus catégoriels perçus au cours d'une année civile par le contribuable constitue le revenu brut imposable.
Les dépenses à caractère professionnel sont admises en déduction des revenus catégoriels.
Aucun abattement n'est pratiqué sur le revenu brut global.
S'agissant en particulier des revenus de capitaux mobiliers :
- les intérêts de source colombienne et étrangère perçus par les personnes physiques sont soumis à l'impôt sur le revenu de droit commun (taux progressifs de 0 % à 33 %) ;
- les dividendes de source colombienne perçus par une personne physique résidente, sont exonérés d'impôt sur le revenu à condition que les bénéfices de la société aient été soumis à l'impôt sur les sociétés 42 ( * ) ;
- les plus-values mobilières sont en principe imposées au taux de 10 %. Sont toutefois exonérées les plus-values sur cession d'actions cotées sur le marché boursier colombien sous réserve que le montant de la transaction n'implique pas plus de 10 % du montant des actions souscrites au cours de la même année.
3) Barème d'imposition
L'impôt est calculé selon un barème progressif. Les contribuables mariés sont imposés séparément.
Tranches de revenus |
Taux |
|
de 0 à 1 090 UVTs 43 ( * ) |
(28 736 €) |
0 % |
de 1 090 à 1 700 UVTs |
(44 818 €) |
19 % |
de 1 700 à 4 100 UVTs |
(108 091 €) |
28 % |
au-delà de 4 100 UVTs |
(108 091 €) |
33 % |
Les revenus salariés sont soumis à une retenue à la source prélevée mensuellement par l'employeur selon le barème progressif. La majorité des autres revenus sont également soumis à retenue à la source. Celles-ci s'imputent sur l'impôt dû au titre du revenu global annuel.
B - L'impôt sur le revenu des personnes physiques non-résidentes
Les personnes physiques non-résidentes sont imposées à raison de leurs revenus de source colombienne qui sont en général soumis à une retenue à la source libératoire.
Les taux de retenue à la source pour les particuliers sont identiques à ceux applicables aux sociétés non-résidentes (cf. supra ).
III - L'IMPOT SUR LE CAPITAL
La loi 1739/2014 a institué un impôt sur la fortune pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018 44 ( * ) . Sont recevables de cet impôt les personnes physiques résidentes de Colombie dont le patrimoine excède 1 Md COP (300 000 €). Les particuliers non résidents détenant en Colombie un patrimoine excédant 1 Md COP en sont également redevables. L'impôt dû est calculé en application du barème progressif suivant :
Tranche de valeur nette du patrimoine |
Taux |
Jusqu'à 2 Mds de pesos (0,6 M€) |
0,125 % |
De 2 Mds à 3 Mds de pesos (0,9 M€) |
0,35 % |
De 3 Mds à 5 Mds de pesos (1,5 M€) |
0,75 % |
Au-delà de 5 Mds de pesos (1,5 M€) |
1,5 % |
* 1 Source : Fonds monétaire international (FMI), World Economic Outlook , Avril 2016.
* 2 Source : étude d'impact. Sauf mention contraire, les autres chiffres cités dans la présente partie sont également tirés de l'étude d'impact.
* 3 Source : chambre de commerce et d'industrie France Colombia.
* 4 Source : Banque mondiale, Doing Business 2016. Classement arrêté pour le mois de juin 2015.
* 5 Cela ne va pas pour autant sans heurts : le 13 janvier 2016, l'Union européenne a par exemple engagé une procédure de règlement des différends devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) contre la Colombie, au sujet des mesures affectant les exportations de spiritueux vers le pays. Source : OMC.
* 6 Source : direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).
* 7 Source : ministère des affaires étrangères et du développement international. Le nombre de ressortissants colombiens en France n'est pas disponible.
* 8 En 2016, la France est liée à ses partenaires par 122 conventions fiscales, portant sur l'élimination des doubles impositions et/ou sur la coopération administrative. Source : direction générale des finances publiques (DGFiP).
* 9 Source : direction de la législation fiscale (DLF). Cette règle est toutefois soumise à plusieurs conditions, examinées au cas par cas. En outre, des dispositifs spécifiques permettent d'éliminer les doubles impositions sur certains revenus, à l'instar de l'article L. 81 A du code général des impôts (CGI) qui prévoit une exonération des salaires reçus pour des activités à l'étranger (par certains salariés détachés par exemple), ou encore les articles 784 A et 885 D du CGI qui permettent, s'agissant de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), d'imputer le montant de l'impôt déjà acquitté à l'étranger.
* 10 En application du 1 de l'article 39 du CGI : « le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges ».
* 11 Convenio entre el Reino de España y la República de Colombia para evitar la doble imposición y prevenir la evasión fiscal en materia de impuesto sobre la renta y sobre el patrimonio' y su `Protocolo', firmados en Bogotá D.C. el 31 de marzo de 2005 . Pour les traductions figurant dans le présent rapport : commission des finances du Sénat.
* 12 Convention entre la République française et le Royaume d'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signé à Madrid le 10 octobre 1995.
* 13 Il est entendu que le passage par une filiale espagnole peut également présenter des avantages autres que fiscaux, d'ordre organisationnel mais aussi culturel : langue, connaissance du marché local etc. En principe, d'ailleurs, une filiale créée en Espagne dans un but « exclusivement fiscal » pourrait être requalifiée et imposée en France sur le fondement de l'abus de droit (cf. infra ).
* 14 Source : direction de la législation fiscale (DLF), d'après les informations fournies par la direction nationale des impôts et des douanes (DIAN) colombienne.
* 15 La Colombie a alors accepté de ne pas faire référence, à l'article 3 de la convention, à sa « souveraineté » sur la zone économique exclusive (ZEE) et le plateau continental, alors que le droit maritime international fait seulement référence à « des droits souverains » (principalement aux fins d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles). L'évolution de la politique conventionnelle de la Colombie a permis de mettre le texte final en accord avec le droit international.
* 16 D'après les éléments transmis à votre rapporteur, cette procédure peut durer jusqu'à deux ans : après son adoption par le Congrès, le texte doit en effet être examiné par la Cour constitutionnelle (6 à 9 mois minimum) puis promulgué par le Président de la République.
* 17 En d'autres termes : la France est plus fréquemment l'État de « résidence », et la Colombie est plus fréquemment l'État de « source ».
* 18 Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu, signé à Pékin le 26 novembre 2013.
* 19 Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Singapour en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu, signé à Singapour le 15 janvier 2015.
* 20 On remarquera que ces dispositions sont moins favorables que celles de l'accord entre la France et Singapour, qui fixe un seuil très bas de 10 % du capital pour bénéficier de la retenue à la source réduite, mais cette particularité tient au degré élevé d'ouverture et de financiarisation de l'économie de la cité-État, et n'est donc pas pertinente pour la Colombie.
* 21 Article 103 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015. Voir à ce sujet le commentaire de l'article 37 du projet de loi de finances rectificative dans le rapport n° 229, tome I (2015-2016) de Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances, 9 décembre 2015.
* 22 Voir à ce sujet l'intervention de Corso Bavagnoli, chef du service du financement de l'économie à la direction générale du Trésor, devant la commission des finances, lors de l'audition du 27 janvier 2016 sur le développement des nouvelles technologies de la finance (« Fintech ») et leurs enjeux en termes économiques et de régulation : « Un mot sur la question du "monopole bancaire" sur le crédit. Tout d'abord, celui-ci est en réalité partiel, du fait de la place très importante qu'occupe le crédit inter-entreprises en France, plus que dans tout autre pays européen - ce qui est à la fois une force et une faiblesse. Celui-ci est d'ailleurs appelé à se développer, avec les dispositions de la loi "Macron" pour la croissance et l'activité ».
* 23 A vrai dire, la suppression de la retenue à la source sur les redevances obtenue par la France dans la convention fiscale avec Singapour constitue plutôt une exception, et encore celle-ci est-elle « compensée » par l'introduction d'une imposition exclusive à la source des redevances issues d'activités littéraires et artistiques.
* 24 Sauf sur les oeuvres littéraires ou artistiques (à l'exclusion des films cinématographiques et des oeuvres sonores ou visuelles enregistrées).
* 25 D'après les informations transmises à votre rapporteur, la France demande systématiquement l'introduction d'une clause d'arbitrage, conformément au modèle de l'OCDE, mais ses partenaires sont souvent réticents à lier ainsi leur pouvoir de décision.
* 26 Ces termes sont issus du modèle de convention fiscale de l'Organisation des Nations Unies (ONU), bien moins utilisé que celui de l'OCDE, mais accordant une place plus importante aux problématiques rencontrées par les pays émergents, parmi lesquelles figure la question de l'exploitation des ressources naturelles par des entreprises étrangères.
* 27 Et ceci d'autant plus que les prestations de services liées à l'industrie extractive, qui pourraient éventuellement être utilisées à des fins d'optimisation fiscale, seraient désormais pris en compte via la notion d'établissement stable de services (cf. supra ).
* 28 La notion de translucidité, reconnue à de nombreuses reprises par le Conseil d'État, a d'ailleurs été reprise par l'OCDE qui la recommande dans les commentaires du modèle de convention fiscale.
* 29 Rapport n° 260 (2015-2016) fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances, sur le sur le projet de loi n° 250 (2015-2016) autorisant l'approbation du quatrième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, 16 décembre 2015.
* 30 D'après les éléments communiqués à votre rapporteur, la Colombie n'a pourtant pas institué, à ce jour, un régime similaire à celui des SIIC et des SPPICAV. Il s'agirait donc surtout d'une clause « conservatoire », à l'instar de celles portant sur l'imposition de la fortune (cf. supra ).
* 31 Directive 2015/849/UE du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement 648/2012/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission.
* 32 Voir à ce sujet les développements de votre rapporteur dans le rapport n° 57 (2014-2015) fait par Éric Doligé au nom de la commission des finances, 29 octobre 2014.
* 33 La rédaction actuelle de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales est issue de l'article 35 de la loi n° 2008-1443 de finances rectificative pour 2008 du 30 décembre 2008.
* 34 Cette instance, renforcée en septembre 2009, est chargée d'évaluer la réalité des engagements pris en matière de transparence par ses 125 pays membres ainsi que pour les pays dont l'examen a été jugé pertinent, par un processus d'examen par les pairs. Celui-ci porte d'une part sur l'existence de mesures législatives et réglementaires internes (phase 1), et d'autre part sur leur application effective (phase 2).
* 35 La « phase 1 » de l'examen de la Colombie s'est achevée en avril 2014, et la « phase 2 » en octobre 2015, soit quatre mois après la signature du présent accord. Le Forum mondial s'est d'ailleurs récemment réuni à Bogota.
* 36 Votre rapporteur rappelle à cet égard que le rapport annuel du Gouvernement portant sur le réseau conventionnel de la France en matière d'échange de renseignements, en principe annexé au projet de loi de finances de chaque année, n'a toujours pas été publié pour l'année 2016 au moment de la présentation du présent rapport, pas plus qu'il ne l'avait été pour l'année 2015. C'est pourtant ce document qui permet de juger de la qualité de la coopération fiscale avec nos partenaires, dans un contexte où les évolutions sont nombreuses.
* 37 Directive 2014/107/UE du Conseil du 9 décembre 2014 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal.
* 38 Source : OCDE, 26 juillet 2016.
* 39 Pour de plus amples détails sur le sujet, voir le rapport n° 59 (2015-2016) fait par Éric Doligé au nom de la commission des finances, sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, déposé le 14 octobre 2015.
* 40 Par exception, la décision 578 de la commission de la Communauté andine dispose que les revenus provenant des Etats membres de la Communauté andine sont en général taxables seulement dans l'Etat de la source.
* 41 Pour les petites entreprises établies dans les départements de l'Amazone, de Guainia et de Vaupés, ces avantages sont accordés sur une plus longue période.
* 42 Si cette condition n'est pas remplie, les dividendes sont soumis à une retenue à la source libératoire de 33 % lorsque le contribuable est dispensé de déposer une déclaration de revenu (particulier non assujetti à la TVA, revenus inférieurs aux seuils fixés par décret). S'il est tenu de déposer une telle déclaration ou s'il perçoit des dividendes d'un montant supérieur à 36 908 €, une retenue à la source non libératoire de 20 % est appliquée. Les dividendes sont ensuite imposés au barème progressif de l'impôt sur le revenu et bénéficient d'un crédit d'impôt au titre de la retenue à la source.
* 43 Pour l'année 2016, une unité de valeur (UVT) est égale à 29,753 $.
* 44 En 2011, une taxe sur la fortune avait été instituée, uniquement au titre de cette année-là, mais les paiements avaient été échelonnés sur 8 versements, entre 2011 et 2014. Les particuliers comme les sociétés ont été redevables de cet impôt dès lors que leur patrimoine excédait 3 milliards de pesos (1,2 M€). Les taux variaient de 0 à 6 %.