IV. L'EXTENSION DE L'APPLICATION DU PROTOCOLE DE PARIS PAR DÉCISION DU CONSEIL DE L'ATLANTIQUE NORD
L'article 14 prévoit que le Conseil de l'Atlantique Nord peut décider d'appliquer tout ou partie du Protocole à tout « quartier général militaire international » ou à toute « organisation militaire internationale » institués par le Traité de l'Atlantique Nord mais qui ne répondraient pas aux définitions de l'article 1 er .
Si le terme « quartier général militaire international » renvoie à la définition de l'article 1 er du Protocole de Paris (voir supra ), l'expression « organisation militaire internationale » recouvre une définition plus large, puisqu'elle a vocation à englober toutes les structures militaires dotées d'un effectif multinational comme le Corps européen ou Eurocorps, situé en France qui est un état-major opérationnel de la composante terrestre, pouvant commander jusqu'à 60 000 hommes.
Répondant par écrit aux questions de votre rapporteur, les services du ministère des affaires étrangères et du développement international et du ministère de la défense 12 ( * ) lui ont communiqué la liste des quartiers généraux situés sur le territoire français susceptibles de bénéficier d'une « décision d'activation » du Conseil de l'Atlantique Nord en vertu de l'article 14 du Protocole. Sans démarche de la France en vue d'obtenir une décision d'activation et sans consensus au sein du Conseil de l'Atlantique Nord pour approuver cette décision, ces structures militaires multinationales situées en France ne pourront obtenir le statut de quartier général militaire international, l'accession au Protocole de Paris ne conférant aucune automaticité.
Le quartier général du Corps de Réaction Rapide-France (CRR-FR) de Lille est certifié par l'OTAN. Il peut, sur décision du Conseil de l'Atlantique Nord et conformément aux procédures en vigueur à l'OTAN, être déployé pour un exercice ou une mission opérationnelle décidée par l'OTAN. Il peut également l'être pour des exercices et opérations dirigées par l'Union européenne, sur décision du Conseil de l'Union européenne, ou dans une opération décidée par la nation cadre (la France) de son propre chef. Le QG CRR-Fr ne doit pas cesser d'être à disposition de l'OTAN, ou employé autrement, sans que le SACEUR n'en soit averti au préalable. Il accueille du personnel des États de l'OTAN et de l'Union européenne. Lors de sa création en 2006, les États concernés ont signé un arrangement technique qui prévoit sa révision lorsqu'une nouvelle nation rejoint le CRR-FR ou qu'une nation le quitte. C'est un processus continu car des entrées et des sorties s'effectuent régulièrement. Le tableau d'effectifs 2016 du CRR-Fr comporte 447 postes, dont 359 France et 88 ouverts à la multinationalité. Outre la France qui est nation cadre, 12 autres nations contribuent au CRR-FR : Belgique (16), Allemagne (13), États-Unis (11), Royaume-Uni (10), Pays-Bas (6), Italie (5), Espagne (3), Hongrie (3), Grèce (2), Roumanie (2), Turquie (2), Albanie (1). Des discussions sont en cours avec plusieurs autres nations qui pourraient rejoindre le CRR-FR à moyen terme, dont notamment le Canada et la Pologne.
Le Quartier général du corps de réaction rapide européen (CCR-E) de Strasbourg est certifié par l'OTAN. L'emploi du Corps européen en opération relève d'une décision des cinq nations-cadres. Un Comité commun, composé des chefs d'état-major de la défense et des directeurs politiques du ministère des affaires étrangères de chacune de ces nations, se réunit annuellement pour prendre toutes les décisions majeures concernant l'Eurocorps. Le Corps européen n'est subordonné à aucune organisation militaire : le Comité commun évalue les demandes d'aide d'organisations multinationales comme l'Union européenne, dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense ou comme l'OTAN. Le Corps européen peut également être déployé au profit des nations-cadres. Au 21 janvier 2016, les effectifs du Corps européen, par nations, sont : France : 230 ; Allemagne : 188 ; Espagne : 131 ; Belgique : 107 ; Luxembourg : 2 ; Grèce : 2 ; Italie : 2 ; Pologne : 111 ; Turquie : 3.
Le Quartier général de l'état-major de la force aéromaritime française de réaction rapide (COMFRMARFOR) , situé à Toulon, est un état-major opérationnel dont le contrat opérationnel est de pouvoir générer en tout temps un des états-majors tactiques capables de planifier et de conduire des opérations maritimes dans un cadre national, européen ou OTAN. Il regroupe 115 personnels dont 15 étrangers de 8 nations différentes.
Le « centre d'excellence » que constitue le centre d'analyse et de simulation pour la préparation aux opérations aériennes (CASPOA), est colocalisé à Lyon Mont Verdun avec le JFACC, état-major opératif aérien pour la planification et la conduite des opérations aériennes. Cet état-major, certifié par l'OTAN, accueille aujourd'hui 3 officiers étrangers (belge, britannique, canadien). Le CASPOA a pour mission la formation et l'entrainement aux structures, outils et procédures C2 (de l'anglais Command and Control ) dans le domaine des opérations aériennes. Ses formations s'adressent au personnel des armées françaises (en grande majorité Air), au personnel OTAN, et au personnel de la plupart des pays avec lesquels la France entretient un partenariat stratégique. Le centre forme environ un millier de stagiaires par an. Cette unité est composée aujourd'hui de 37 personnes dont trois officiers étrangers (allemand, italien et américain). En 2007, le CASPOA a obtenu le label de Centre d'Excellence de l'OTAN dans le domaine du C2 Air. C'est aujourd'hui le seul centre d'excellence OTAN en France . À ce titre, le CASPOA participe aux travaux doctrinaux et de transformation de l'Alliance dans son domaine d'expertise, sous la houlette d'ACT-Norfolk.
Les personnes auditionnées ont toutes souligné l'intérêt du Protocole de Paris pour la création de centres d'excellence sur le territoire français . Actuellement il apparaît plus simple aux alliés constituant ces entités multinationales de s'installer dans des États qui ont adhéré au Protocole de Paris, c'est ce qu'ont bien compris les États baltes par exemple qui ont rejoint l'OTAN en 2004 et dont chacune des capitales est déjà le siège d'un centre d'excellence : sécurité des approvisionnements énergétiques à Vilnius (Lituanie), communication stratégique à Riga (Lettonie) et cyber-sécurité à Talline (Estonie). Sur 24 centres d'excellence, on en compte un seul en France, alors même que le pouvoir d'influence de ces « experts » au sein de l'OTAN n'est plus à démontrer, s'agissant notamment de la détermination des normes industrielles.
* 12 Source : réponses au questionnaire écrit de la commission.