N° 449
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016
Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 mars 2016 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement à la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l' Atlantique du Nord-Ouest du 24 octobre 1978 ,
Par Mme Gisèle JOURDA,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Nathalie Goulet, Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall . |
Voir les numéros :
Sénat : |
212 (2014-2015) et 450 (2015-2016) |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi du projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement à la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest.
La convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest, signée le 24 octobre 1978, a créé l'organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest (OPANO), chargée de la gestion durable des ressources halieutiques dans la zone de la convention.
Le présent accord modifie la convention de 1978 dans le but de moderniser l'organisation, en l'alignant sur les instruments juridiques signés depuis les années 1970 et en revoyant son mode de fonctionnement.
La France est membre de l'OPANO au titre du territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon. Comme les autres membres, elle doit approuver cet amendement afin de permettre son entrée en vigueur.
Votre commission a adopté ce projet de loi.
I. L'OPANO, UNE ORGANISATION RÉGIONALE DE GESTION DES PÊCHES DONT LA FRANCE EST MEMBRE AU TITRE DE SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON
A. L'OPANO ET LA GESTION DES PÊCHES DANS L'ATLANTIQUE DU NORD-OUEST
1. Histoire de l'OPANO
Le Nord-Ouest de l'océan Atlantique est connu depuis longtemps pour la richesse de ses ressources halieutiques. Au XV e siècle, des pêcheurs bretons, basques et portugais pratiquaient déjà la pêche à la morue sur les « Grands Bancs » au large de l'île de Terre-Neuve. À partir du XVI e siècle, ils ont été rejoints par les flottes de pêche de la Grande-Bretagne, de la France, de l'Espagne, du Portugal et, plus tard, du Canada, de la Russie ainsi que des États-Unis. On estime que du XVI e au XX e siècle, la zone a fourni environ 200 millions de tonnes de poissons à la population mondiale.
À partir de la Seconde guerre mondiale, la pêche dans l'Atlantique du Nord-Ouest s'est intensifiée, avec un nombre croissant de chalutiers opérant dans la zone. Les Etats ont pris alors conscience de l'importance d'une gestion durable des stocks. En 1950, une première organisation est créée, la Commission des pêches dans l'Atlantique du Nord-Ouest (CIPAN). En 1978, suite à la décision du Canada, puis de la France et des Etats-Unis, d'élargir leur zone économique exclusive à 200 milles nautiques, un nouvel accord est signé le 24 octobre 1978, la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest, qui crée l'Organisation des pêches dans l'Atlantique du Nord-Ouest (OPANO, NAFO en anglais).
La France, qui était déjà membre de la CIPAN, a ratifié la convention de 1978 le 3 juillet 1996. L'OPANO compte à ce jour douze Parties contractantes : le Canada, Cuba, le Danemark (pour les îles Féroé et le Groenland), l'Union européenne, la France (pour Saint-Pierre-et-Miquelon), l'Islande, le Japon, la Corée du Sud, la Norvège, la Russie, l'Ukraine et les Etats-Unis.
2. La zone de la convention
L'OPANO couvre une grande partie de l'Atlantique du Nord-Ouest. La zone couverte par la convention est délimitée par le 35 e parallèle au Nord et le 42 e méridien à l'Ouest, soit une zone de 6 551 289 km 2 . Bien que la zone de compétence de l'OPANO englobe les eaux sous juridiction des Etats-Unis, du Canada, de la France et du Danemark, les mesures de gestion et de contrôle qu'elle prend ne s'appliquent que dans les eaux internationales, c'est-à-dire au-delà des zones économiques exclusives de ces Etats (i.e. au-delà des zones de 200 milles marins sur lesquels les Etats côtiers exercent des droits souverains en matière d'exploration et d'usage des ressources). Cette zone est dénommée « zone de réglementation ».
La zone de réglementation est divisée en sous-zones, dont trois ont une importance particulière pour les activités de pêche qui y sont exercées. Il s'agit de la partie méridionale, ou « queue », des Grands Bancs de Terre-Neuve (dite division 3NO), de la partie orientale, ou « nez » des Grands Bancs (dite division 3L) et de la zone d'eaux profondes qui s'étend bien au-delà des zones économiques exclusives des Etats côtiers, appelée le « Bonnet flamand » (dite division 3M).
Il est à noter que certains Etats parties à la convention souhaiteraient une extension de la gestion de l'OPANO à l'Arctique, mais les Etats riverains de l'Arctique n'y sont pas favorables, préférant gérer les ressources de cette zone de manière autonome 1 ( * ) .
ZONE DE LA CONVENTION
Source : OPANO
3. Activités de l'OPANO
L'objectif de l'OPANO est de contribuer, par la consultation et la coopération, à l'utilisation optimale, la gestion rationnelle et la conservation des ressources halieutiques dans la zone couverte par la convention.
La réglementation de l'OPANO couvre la plupart des espèces de la zone de la convention, à l'exception du saumon, des thonidés, des baleines et des espèces sédentaires (comme le crabe des neiges ou le homard qui relèvent d'autres instruments juridiques). 2 ( * )
En tout, l'OPANO règlemente la pêche de 11 espèces représentant 19 stocks. Pour chaque stock, elle fixe des totaux autorisés de capture (TAC), qui peuvent être nuls afin de permettre la reconstitution des stocks. Elle gère ainsi un moratoire sur 8 stocks relatifs à 5 espèces : cabillaud en zone 3NO, sébaste dans la sous-zone 2 et divisons 1F et 3K, plie américaine en 3 LNO et 3M, crevette en 3L, capelan en 3 NO. Les quotas par pays sont présentés en annexe. Des moratoires sur le rouget et la morue ont été récemment levés. En outre, des plans de gestion pluriannuels prévoyant un ensemble de mesures d'encadrement de la pêche sont en vigueur. Ils concernent le flétan noir, le cabillaud, la crevette et l'encornet.
L'OPANO prend des mesures pour s'assurer de la bonne mise en oeuvre des mesures de gestion qu'elle décide. Est notamment prévue la transmission horaire par satellite (système VMS, Vessel Monitoring System ) des informations sur la position de chaque navire présent dans la zone de régulation de l'OPANO. La présence d'un observateur est également obligatoire, ainsi que la transmission quotidienne des données observées.
L'OPANO a également pris des dispositions pour lutter contre la pêche illégale, non autorisée et non réglementée (pêche INN) dans sa zone de compétence. Les navires battant pavillon d'un Etat non partie ne peuvent pêcher dans la zone et des mesures peuvent être prises quand des infractions sont constatées.
Par ailleurs, l'OPANO est pionnière dans la prise en compte des impacts environnementaux de la pêche. L'organisation a imposé des restrictions géographiques pour les activités de pêche profonde et jusqu'au 31 décembre 2020, certaines zones de présence de corail et d'éponges, ainsi que des monts sous-marins riches en biodiversité sont fermés à la pêche profonde. Des mesures d'évitement et de signalement des écosystèmes marins ont été également été adoptées.
A cet égard, il convient de noter que le projet d'adoption, à l'horizon 2018, d'un accord international sur la conservation de la biodiversité marine en haute mer dans le cadre des Nations unies - accord qui permettrait d'établir des aires marines protégées dans les eaux internationales - poserait la question de son articulation avec l'OPANO et les autres organisations régionales de gestion des pêches.
* 1 Voir à ce sujet le rapport d'information « Climat : vers un dérèglement géopolitique ? », de M. Cédric Perrin, Mme Leila Aïchi et Mme Eliane Giraud au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, n° 14 (2015-2016).
* 2 La gestion de ces espèces relève d'autres conventions : l'organisation de conservation du saumon de l'Atlantique-Nord (OCSAN/NASCO) pour le saumon, la commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA/ICCAT) pour le thon, et la commission pour les mammifères marins de l'Atlantique-Nord (COMMAN/NAMMCO) pour les baleines.