EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 16 DÉCEMBRE 2015

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - La proposition de loi constitutionnelle s'inscrit dans le contexte d'une inflation normative, à la fois législative et réglementaire, qui s'est étendue à des domaines périphériques où des organismes de droit privé interviennent de plus en plus. Cette inflation s'exerce de surcroît dans des domaines législatifs sensibles comme l'environnement, l'urbanisme et la transition énergétique.

Dès 1991, le Conseil d'État s'était alarmé de ce phénomène ; un rapport de Mme Chandernagor avait décrit l'insécurité juridique résultant de la surproduction normative. Plus récemment, en 2011, notre collègue Éric Doligé a présenté un rapport au Président de la République sur ce thème puis a déposé une proposition de loi pour simplifier le fonctionnement des collectivités territoriales. Notre commission a été saisie de sept lois de simplification depuis 2007 pour réduire le nombre de normes appliquées par les acteurs publics et privés, évalué à 400 000 par l'Association des maires de France.

Un premier moratoire a été introduit en 2010. Son bilan est mitigé puisque, d'après Jacqueline Gourault, il n'a pas donné lieu à une diminution sensible : son rapport sur la proposition de loi de M. Doligé en 2012 soulignait même que le nombre de projets réglementaires était en augmentation.

Une circulaire du Premier ministre du 17 février 2012, confirmée par une circulaire plus récente du 12 octobre 2015, prévoit l'établissement d'une évaluation préalable pour tout projet de texte réglementaire. Une autre circulaire du Premier ministre du 17 juillet 2013, entrée en vigueur dès le 1 er septembre suivant, met en oeuvre le principe : « une norme créée, une norme supprimée ».

Enfin, la Commission consultative d'évaluation des normes créée en 2008 et dont les avis étaient consultatifs, a été remplacée en 2014 par le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN). D'après le Gouvernement, l'action de celui-ci aurait dégagé plus d'un milliard d'euros d'économies et 912 millions de recettes, mais ces chiffres appellent quelques réserves, exprimées par notre ancien collègue Alain Lambert et la Cour des comptes. Il est en réalité difficile d'en mesurer l'impact à peine un an après son installation. Sur plus de 370 avis rendus par le CNEN, huit ont été négatifs.

La proposition de loi constitutionnelle qui vous est soumise est issue du travail de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Il conviendra de l'harmoniser avec un texte très voisin, dont notre commission sera également saisie, fruit de la réflexion de la délégation aux entreprises.

L'article 1 er propose de compléter l'article 39 de la Constitution par un mécanisme de gage s'appliquant aux projets et propositions de loi ainsi qu'à l'ensemble des amendements qui portent création d'une « contrainte ou d'une charge complémentaire ». Ne seraient discutés que ceux qui prévoiraient simultanément la suppression d'une contrainte ou d'une charge équivalente.

L'article 2 introduit un nouvel article 88-8 de la Constitution interdisant au législateur de « surtransposer » les directives européennes, à travers une distinction entre les projets ou propositions de lois visant à transposer strictement une directive européenne, et les textes d'accompagnement comprenant des mesures d'adaptation du droit existant aux dispositions européennes.

L'article 1 er pose plusieurs difficultés. D'abord, une contrainte s'apprécie beaucoup moins aisément qu'une charge ; or certaines mesures normatives s'expriment en termes de délais ou d'obligations, ce qui rend difficile leur compensation par des mesures normatives équivalentes. Plus globalement, il faut des outils d'évaluation du coût, et d'appréciation de la sincérité de cette évaluation.

Plus important, l'article 40 de la Constitution rend toute initiative parlementaire irrecevable si elle crée ou aggrave une charge publique, que celle-ci soit compensée ou non. Or en vertu de l'article 1 er du texte, une initiative parlementaire introduisant une charge ou une contrainte supplémentaire pour les collectivités territoriales serait recevable dès lors qu'elle serait gagée par la suppression d'une charge ou d'une contrainte équivalente. En revanche, les initiatives applicables à d'autres personnes publiques seraient déclarées irrecevables au regard de l'article 40. Outre un problème évident de cohérence et d'égalité de traitement, cette règle serait moins protectrice des finances locales que l'article 40 puisqu'elle autoriserait l'introduction compensée de nouvelles dépenses locales. En outre, certaines normes ayant une incidence financière sur les collectivités territoriales ne les visent pas exclusivement. Non seulement il est difficile en pratique d'apprécier l'équivalence d'une charge, a fortiori si elle ne présente aucune incidence financière, mais encore ce texte reviendrait à figer les compétences des collectivités locales, sauf à effectuer un travail préalable de gage. Ces difficultés m'amèneront à vous soumettre un amendement.

Tous ceux que nous avons entendus, en particulier Alain Lambert, ont insisté, au-delà du travail du CNEN, sur la nécessité d'une démarche plus volontaire sur le plan législatif et institutionnel.

Il y a des normes ne relevant pas seulement du domaine réglementaire. Dans le domaine sportif, les fédérations sportives imposent parfois des contraintes très fortes aux collectivités. Autre exemple, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pose, dans son article 4, le principe de l'accessibilité universelle qui va au-delà des dispositions adoptées par l'ONU ou la Commission européenne. Deux ans avant le délai de mise en oeuvre, le Gouvernement, voyant que l'échéance ne serait pas respectée, a engagé une concertation avec les associations représentant les personnes handicapées pour mettre en oeuvre des dispositions adaptées. Celles-ci ont été prises par ordonnance grâce à une loi d'habilitation, sans que le Parlement se prononce sur le fond de la question.

Alors que l'article 39 de la Constitution impose au Gouvernement d'assortir tout projet de loi d'une étude d'impact - le Conseil constitutionnel ayant livré de cette obligation une analyse très formelle -, les initiatives parlementaires relèvent de l'article 40. Il conviendrait d'harmoniser le traitement des textes d'origine gouvernementale et parlementaire en faveur du dispositif prévu à l'article 39.

La « surtransposition » des directives européennes, contre laquelle l'article 2 de la proposition de loi constitutionnelle a été rédigé, est une pratique courante. Dans le domaine aéronautique par exemple, une mauvaise traduction peut transformer une incitation en exigence. En matière d'énergie, nos voisins européens ont souvent recours à des transpositions allégées. Ainsi en Allemagne, la structure fédérale ménage une possibilité de souplesse dans l'application du droit européen au niveau des Länder . Chez nous, la transposition au seul niveau national est facteur de rigidité.

Notre marge de manoeuvre en la matière est limitée, puisqu'il est impossible de « sous-transposer ». Conscientes du problème, les autorités européennes envisagent elles-mêmes d'harmoniser la transposition dans les différents pays ; à l'encontre de cette tendance, une récente résolution européenne du Sénat déposée par Jean Bizet et Simon Sutour appelle à ne pas priver le Parlement de sa capacité d'appréciation dans ce domaine.

M. Philippe Bas , président . - Je vous remercie pour ce travail juridiquement approfondi. Ce texte résulte d'un mécontentement croissant des responsables des collectivités territoriales à l'égard des normes qui ont souvent des incidences financières. Le travail d'écriture mené par Rémy Pointereau et la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a été difficile : on mesure à quel point les modifications proposées interfèrent avec des dispositions relatives au droit d'amendement ou à la recevabilité financière.

La question de l'étude d'impact a été mal réglée par la loi organique ; le Conseil constitutionnel en a donné une lecture extrêmement restrictive. La modification proposée à l'article 39 de la Constitution occasionnera sans nul doute de nombreux débats.

M. Hugues Portelli . - J'admire l'abnégation de notre rapporteur dans son analyse d'un texte qui, pour ma part, me laisse perplexe. D'abord, il traite de deux sujets qui n'ont rien à voir ; ensuite, il est mal écrit du point de vue juridique.

On ne peut pas balayer la transposition des directives européennes d'un revers de main. D'après la jurisprudence des tribunaux, une partie d'entre elles sont directement applicables, ce qui appelle une analyse au cas par cas. La transposition présente également une dimension linguistique : le droit européen est un mélange de droits, et la traduction en droit français de textes issus d'une autre culture juridique se heurte à la différence des concepts. Il y a un an, nous avons examiné un texte sur le harcèlement qui mentionnait l'environnement au sens du cadre de travail, traduction de l'anglais environment ; eh bien certains de nos collègues ont imaginé qu'il s'agissait de la nature ! Quant à la transposition proprement dite, elle est généralement le fait du Gouvernement à travers des ordonnances ; quand elle est présentée au Parlement, elle est déjà opérationnelle.

Pourquoi introduire les dispositions proposées par l'article 1 er de la proposition de loi constitutionnelle dans l'article 39 de la Constitution, et non à l'article 72-2 ? C'est sans doute pour que cette disposition soit insérée avant l'article 40 - lors de la révision de 2008, nous avions manqué de courage, en renvoyant la question des ressources propres à la loi organique, qui n'a rien réglé. Le Conseil constitutionnel a beau jeu de nous dire qu'il ne pouvait le faire à notre place !

La compensation peut être interprétée à volonté. Une taxe locale est remplacée par une dotation financière fixée ne varietur qui, avec l'inflation, diminue inexorablement en termes réels. Nous sommes tombés dans notre propre piège ! Quoi qu'il en soit, ce texte ne changera rien, puisqu'il ne sera pas voté par les députés.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je partage votre scepticisme ; de plus, je suis réservé quant à la multiplication des modifications constitutionnelles, pour des résultats douteux. Néanmoins, le caractère provocateur de cette proposition de loi constitutionnelle me plaît assez. Le choix est à mes yeux le suivant : soit nous ne la votons pas, soit nous l'adoptons telle qu'elle est. Cette dernière option s'inscrit dans notre pratique traditionnelle qui consiste à reporter en séance publique les débats sur les propositions de loi. De plus, les modifications proposées aggravent les défauts du texte. Adoptons-le en l'état ; ainsi il sera discuté... et probablement rejeté par l'Assemblée nationale. Ce sera au moins une pierre dans le jardin du Gouvernement...

M. Alain Vasselle . - Quelles sont les chances que l'Assemblée nationale le vote ?

Qu'apporte l'article 39-1 de la Constitution que vous proposez d'ajouter ? Hugues Portelli a rappelé l'interprétation restrictive que le Conseil constitutionnel avait faite de l'étude d'impact. En quoi sera-t-il amené à se référer davantage, désormais, aux conséquences économiques et financières ?

Le dispositif de l'article 2 de la proposition de loi constitutionnelle introduit une incohérence entre les dispositions s'appliquant aux collectivités territoriales et les autres ; dans ces conditions, pourquoi ne pas l'élargir à toutes les personnes publiques ?

Enfin, étendre aux textes parlementaires l'obligation d'une évaluation préalable pourrait avoir pour conséquence de brider toute initiative ; à tout le moins, cela nécessitera des moyens humains supplémentaires pour les conduire.

M. René Vandierendonck . - Le travail de notre rapporteur illustre une fois de plus ses qualités de diplomate. Les représentants de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ont dû faire valoir l'importance de ce texte pour limiter les empiètements du Gouvernement sur les compétences des collectivités ; en réalité, ils exprimaient surtout une aspiration à une plus grande transversalité entre leur délégation et les commissions thématiques.

Je partage la perplexité exprimée par mes collègues. La proposition va à l'encontre de la prudence d'un Tocqueville que vous recommandiez récemment en séance, monsieur le Président, vis-à-vis du pouvoir constituant dérivé. On s'affaiblit à discuter de tels textes. Le prochain conseil des ministres doit encore se prononcer sur un projet de révision. Convenez que cela fait beaucoup !

M. Philippe Bas , président . - Merci. Je crois comprendre que vous êtes défavorable au texte...

M. René Vandierendonck . - J'ai beaucoup de réticences.

M. François Grosdidier . - Je suis l'un des cosignataires du texte dont les deux volets traitent respectivement de la compensation des charges nouvelles pour les collectivités et de la « surtransposition » des directives européennes, qui est l'une des causes de la surréglementation dont souffrent les collectivités territoriales et les agents économiques.

Sur le premier point, il faut aller plus loin et adopter le texte. Quoique constitutionnalisé, le principe de compensation n'est pas respecté. Plusieurs d'entre vous ont évoqué le sort qu'avait réservé le Conseil constitutionnel à l'étude d'impact, au moment de se prononcer sur la loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Il importe de préciser la Constitution. Alors même qu'elles voient leurs recettes baisser, les collectivités territoriales sont écrasées par des transferts de charges. Il n'est que de considérer l'évolution des dépenses liées au RSA.

Je suis plus réservé sur l'interdiction de la « surtransposition » des directives européennes. C'est à nous de nous montrer sages et de ne pas imposer des normes qui n'existent pas dans les autres pays, surtout dans les secteurs exposés à la concurrence internationale. La « surtransposition » dans le domaine réglementaire autonome relève de la seule responsabilité du Gouvernement. Je m'en remets aux juristes : dès lors que le législateur ordinaire ne peut intervenir, l'article 2 limitera-t-il la propension de l'administration à « surtransposer » les directives ?

Mme Catherine Troendlé . - Ce texte plus qu'indispensable marque l'aboutissement de la réflexion de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et plus particulièrement du groupe de travail constitué autour de Rémy Pointereau. De nombreuses auditions ont été conduites, et la consultation menée à l'occasion du congrès des maires de France en 2014 bien analysée. La demande exprimée par les élus locaux est forte. Mandaté par le Président de la République pour compiler l'ensemble des normes inutiles, Éric Doligé avait, en son temps, présenté une proposition de loi posant, dans son article 1 er , le principe de l'adaptabilité des normes par les élus, lequel n'a malheureusement pas été adopté, le Président de la République considérant que l'on ne pouvait accorder cette confiance aux élus locaux. Ce texte n'est pas à mes yeux, une réponse idéale : mais adoptons-le et avançons, à petits pas.

M. François Bonhomme . - On ne peut qu'être attentif à l'argumentation d'Hugues Portelli, pourtant, on ne peut que constater l'exaspération des élus. La proposition de loi constitutionnelle n'est pas seulement de circonstance ; elle applique le principe - élémentaire mais incompris de l'administration - de « qui décide paye ».

Écartons l'argument selon lequel le texte ne sera pas adopté par l'Assemblée nationale : c'est placer d'emblée le Sénat en position d'infériorité. Le texte a une fonction d'appel ; il signifie que la situation ne peut plus durer.

M. Christian Favier . - Voilà une mauvaise réponse à une bonne question. Les élus ne refusent pas toujours des responsabilités supplémentaires ; encore faut-il avoir des moyens pour les assumer. Ainsi, le transfert de la gestion du RSA au niveau départemental ne s'est pas accompagné d'une compensation intégrale par l'État dans la durée. Inscrivons dans la loi un mécanisme imposant, pour chaque responsabilité nouvelle, un transfert financier durablement équivalent. Il est peu réaliste de compenser une nouvelle contrainte ou charge par des suppressions, toute charge étant par nature évolutive. Le texte ne répond pas vraiment à un problème pourtant réel.

M. Philippe Bas , président . - Merci de votre intervention marquée du sceau de l'expérience.

M. Yves Détraigne . - En tant qu'élus locaux, nous pestons contre les nouvelles charges imposées par les textes ; en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas répondre à ce mécontentement par un constat résigné, sous prétexte que la Constitution nous empêche d'agir ! Nous représentons les collectivités territoriales de la République ; essayons de réduire les contraintes, sous peine de nous retrouver dans une contradiction permanente.

Voyez la réforme des rythmes scolaires qui a imposé, en toute impunité, des coûts exorbitants aux collectivités. Il y a une incompréhension entre le niveau central et le niveau local. Ce texte, dont je suis co-signataire, a le mérite de soulever une question à laquelle nous devons répondre. C'est un excellent sujet de discussion pour notre commission.

M. André Reichardt . - Comme le rappelait Catherine Troendlé, cette proposition de loi constitutionnelle résulte du travail de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation : remarquez l'intérêt des élus pour régler un problème universellement reconnu.

Les amendements du rapporteur, auquel je rends hommage, ne correspondent pas à l'objectif fixé par le travail de Rémy Pointereau. Une postulation relative à la simplification ou à la clarification du droit ne règlera pas le problème, non plus que l'évaluation préalable des mesures nouvelles ou de l'aggravation des mesures.

Quant à l'article 2, il revient au législateur de décider ce qu'il veut ou non de transposer. Le brider par une mesure constitutionnelle va à l'encontre du pouvoir législatif.

M. François Pillet . - Cosignataire lucide du texte, je comprends ces hésitations, au demeurant mesurées. Elles ne traduisent pas une opposition forte au texte. La proposition de loi constitutionnelle nous invite à sortir des incantations : depuis plusieurs années, on n'a rien fait pour limiter les normes touchant les collectivités locales et les entreprises industrielles, commerciales ou agricoles. Évitons de nous saouler de mots : ils peuvent, au lendemain des élections, donner autant la migraine que d'autres formes d'ivresse !

M. Philippe Bas , président . - Nous constatons une irritation généralisée contre l'accumulation de normes et les transferts de charges. Nous disposons de deux instruments d'évaluation : d'une part, l'article 72-2 de la Constitution prévoit la compensation de tout transfert de charges aux collectivités, mais les compensations ne suivent pas la dynamique des dépenses transférées, comme les prestations aux personnes âgées, aux personnes handicapées, à la protection de l'enfance, le RSA ; d'autre part, l'évaluation, mais le Conseil constitutionnel n'a pas souhaité donner une substance réelle à l'étude d'impact. Progresser sur ces deux points serait utile. Le texte répond-il réellement à ce cahier des charges ? Le rapporteur l'a recherché, en évitant d'inscrire dans la Constitution des proclamations incantatoires. Le texte évite-t-il, en l'état, la surtransposition des directives ? Ce n'est pas sûr.

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - J'ai bien compris vos observations, formulées avec diplomatie. « Une mauvaise réponse à une bonne question » a dit M. Favier. Il faut sortir de l'incantation et faire le lien entre la réalité du terrain et le travail en commission, avez-vous ajouté. Malgré tout le travail réalisé, comme le constatait la Direction générale des collectivités locales (DGCL), réduire le flux et le stock de normes est difficile. Trouvons des moyens plus efficaces, dont certains relèvent davantage d'aspects culturels. La délégation aux entreprises, après avoir rappelé la nécessité de simplifier, voulait d'abord créer une commission supplémentaire sur le problème de l'attribution du crédit impôt-recherche : nous sommes atteints de la même maladie !

Nous apprécions les textes comme s'ils étaient tous soumis à une procédure assurant les garanties nécessaires. La loi NOTRe comptait 36 articles à l'origine, elle en comporte 136 aujourd'hui : bien des dispositions introduites n'ont pas fait l'objet d'étude d'impact. L'on ne peut pas dire que le Conseil constitutionnel nous ait apporté la réponse attendue. Voilà notre chantier : veiller à décrire précisément ce que doit être une étude d'impact pour que le Parlement dispose de cet outil nécessaire.

Hugues Portelli proposait d'utiliser l'article 72-2 de la Constitution plutôt que l'article 39. Nous traitons différemment les projets de loi d'origine gouvernementale relevant de l'article 39, devant faire l'objet d'une étude d'impact, et les propositions d'origine parlementaire, qui relèvent de l'article 40. J'ai suggéré une harmonisation pour que tout texte soit soumis à la même exigence d'évaluation, sur le modèle de l'article 39. Évitons de complexifier le système législatif et réglementaire et simplifions. L'article 1 er de la proposition de loi constitutionnelle comprend deux alinéas. L'alinéa 2 renvoie à une loi organique et à la nécessité de préciser le contenu d'une évaluation préalable. Le préciser dans l'article 1 er de la proposition de loi constitutionnelle serait plus acceptable que la première rédaction de la proposition, difficile à intégrer à la Constitution. Le premier alinéa pourrait être retravaillé, en lien avec les propositions de la délégation aux entreprises.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1 er

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - L'amendement COM-1 n'est pas contradictoire avec notre débat. Nous pourrions en revanche revoir la rédaction du premier alinéa pour la séance publique pour la rendre plus conforme à vos observations.

M. Philippe Bas , président . - Peut-on considérer que le deuxième alinéa donne une portée constitutionnelle à l'étude d'impact - prévue seulement par une loi organique - en tant que celle-ci porterait sur « toute mesure nouvelle ou toute aggravation d'une mesure portant sur les compétences ou obligations incombant aux collectivités territoriales » ? Nous pouvons ainsi espérer préciser l'exigence en matière d'étude d'impact et que le Conseil constitutionnel vérifie plus sévèrement que cette exigence est satisfaite par les projets de loi.

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - Tout à fait.

M. Pierre-Yves Collombat . - L'article ainsi rédigé n'aboutit pas à l'objectif de la proposition de loi constitutionnelle et alourdit inutilement la Constitution. Soit on en reste au texte initial, soit on émet un avis négatif. Cette rédaction est pire.

M. Jacques Bigot . - Lors de l'examen d'une proposition de loi sur les entreprises, le rapporteur, totalement défavorable au texte, avait proposé sa suppression pure et simple, article par article. Je comprends la diplomatie du rapporteur sur une proposition de loi constitutionnelle dont il est lui-même cosignataire, mais la nouvelle rédaction est extrêmement dangereuse : on fait comme si les normes nouvelles ne créaient des charges qu'aux collectivités locales, or elles s'appliquent aussi aux entreprises - la délégation aux entreprises y travaille - et aux particuliers. Comment peut-on mentionner cela dans la Constitution ? La prudence appellerait le Gouvernement et le législateur à la raison. Les rythmes scolaires ne sont pas issus d'un texte de loi mais relèvent d'une simple disposition réglementaire avec des conséquences pour les collectivités. L'article 1 er et votre amendement n'auraient rien changé à l'impact de cette réforme. Nous nous posons de vraies questions sans trouver de véritables solutions. C'est au fur et à mesure de l'examen des textes et du suivi de l'action gouvernementale, quelle que soit la majorité politique, qu'elles seront trouvées. Les régions, lorsqu'elles établiront les schémas régionaux de développement économique ou d'aménagement du territoire, se poseront les mêmes questions.

M. Alain Vasselle . - La rédaction de cet amendement reste incantatoire. L'article 1 er de la proposition de loi constitutionnelle de M. Rémy Pointereau affiche la nécessité d'une compensation, à l'inverse de votre amendement. Je doute de l'efficience de ce deuxième alinéa, le travail d'évaluation et d'appréciation de la qualité du contenu de l'étude d'impact par le Conseil constitutionnel. Comme le proposent le président et Hugues Portelli, il faudrait s'intéresser à l'utilisation de l'article 72-2 de la Constitution sur la compensation.

M. Hugues Portelli . - J'ai auditionné récemment l'ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, qui m'a tranquillement avoué que le Conseil constitutionnel n'avait pas eu le temps de définir une jurisprudence précise lors de sa saisine sur le projet de loi relatif à une nouvelle délimitation des régions. Il était débordé, comme le Gouvernement ! Sur le fond, la version d'origine de l'article 1 er accole deux concepts sans rapport, les contraintes et les charges, qui sont un concept financier.

M. René Vandierendonck . - Oui !

M. François Grosdidier . - Le principe de compensation des transferts de charges de l'État aux collectivités, normal et légitime, a été constitutionnalisé. Comme il n'est pas mis en oeuvre, il tourne dans le vide. Donnons-lui de l'efficacité, au lieu de rester passifs et faisons en sorte que la compensation ne concerne pas seulement le moment du transfert, surtout lorsqu'il s'effectue dans un cadre législatif ou réglementaire sans aucune marge de manoeuvre. Ainsi, alors que certains conseils départementaux ou régionaux avaient choisi de dépenser deux à trois fois plus pour les collèges ou les lycées que ne le faisait l'État, les conseils départementaux exécutent sur les dépenses sociales des politiques décidées par l'État, sans compensation, alors que leurs dépenses croissent du fait de l'application de nouvelles normes, comme l'accessibilité ; le Parlement a refusé d'adopter un principe d'adaptation ou de proportionnalité imaginé dans la proposition de loi d'Éric Doligé. Pour l'anecdote, la direction générale de l'armement impose le respect de la norme d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite (PMR) pour les simulateurs de vol sur Rafale, dans l'hypothèse où un agent d'entretien PMR y travaillerait. Envoie-t-on réellement ces agents en opérations extérieures ?

L'amendement COM-1 est adopté.

Article 2

L'amendement COM-2 est adopté.

Intitulé de la proposition de loi constitutionnelle

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - Par cohérence avec les propositions, je propose la formulation : « Proposition de loi constitutionnelle tendant à favoriser la simplification du droit pour les collectivités territoriales », si tant est qu'on y arrive.

M. Jacques Bigot . - Les amendements doivent être cohérents avec le titre : vous avez un article sur la simplification du droit des collectivités territoriales et un sur la transposition des directives européennes ; les deux termes devraient être mentionnés.

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - Tout à fait d'accord. Ajoutons « et à encadrer la transposition des directives européennes ».

L'amendement COM-3 rectifié est adopté.

La proposition de loi constitutionnelle est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article 1 er
Compensation de toute contrainte ou charge supplémentaire incombant aux collectivités territoriales

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. VIAL, rapporteur

COM-1

Évaluation préalable pour toute création ou aggravation d'une mesure portant sur les compétences ou une obligation incombant aux collectivités territoriales

Adopté

Article 2
Encadrement de la transposition des directives européennes

M. VIAL, rapporteur

COM-2

Principe selon lequel la transposition d'un acte législatif européen ne peut excéder les objectifs poursuivis par cet acte

Adopté

Intitulé de la proposition de loi constitutionnelle

M. VIAL, rapporteur

COM-3
rect.

Nouvelle rédaction de l'intitulé

Adopté

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