AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

À première vue, l'automne 2015 est celui des bonnes nouvelles pour le système de retraite de notre pays 1 ( * ) .

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016 présente tout d'abord une situation favorable pour la branche vieillesse de la sécurité sociale . Après avoir atteint en 2010 le niveau sans précédent de 15 milliards d'euros, le déficit de la branche vieillesse (incluant celui du Fonds de solidarité vieillesse - FSV) a poursuivi sa réduction en 2014 et 2015 , s'élevant respectivement à - 4,3 milliards d'euros et - 4 milliards d'euros soit à un niveau équivalent à celui d'avant la crise. En 2016, il devrait encore diminuer pour atteindre - 2,8 milliards d'euros grâce à l'excédent prévu de 0,9 milliard d'euros des régimes de base . Cet excédent résulte d'une plus forte dynamique des recettes, liée aux hausses des taux de cotisation vieillesse décidée entre 2012 et 2014, par rapport aux dépenses, qui bénéficient pleinement du recul de l'âge légal à 62 ans prévu par la réforme de 2010. Cette dernière devrait générer 5,1 milliards d'euros d'économie en 2016 .

De même, l'annonce, intervenue le 16 octobre dernier et confirmée le 30, d'un accord entre les partenaires sociaux pour l'avenir des régimes complémentaires de retraite des salariés du privé est un soulagement, tant les résultats de cette négociation étaient déterminants pour la pérennité financière du système. Si cet accord ne ramènera pas à l'équilibre les régimes Agirc-Arrco 2 ( * ) , il permet cependant de repousser à après 2035 la perspective d'extinction de leurs réserves financières , les intérêts générés pas ces dernières couvrant le déficit restant.

Cette situation n'est pourtant favorable qu'en apparence .

Si les régimes de base sont en excédent, le déficit du FSV , chargé de financer les avantages vieillesse non contributifs, se stabilise en 2016 à un niveau très élevé (- 3,7 milliards d'euros) . Réapparu en 2009, le déficit du FSV s'explique par la persistance depuis la crise d'un fort taux de chômage. Face à cette situation, le Gouvernement ne réagit pas, renvoyant à un retournement de la conjoncture économique et à une inversion de la courbe du chômage.

Les perspectives économiques sont pourtant peu encourageantes . La prévision de croissance de 1,5 % du PIB pour 2016, sur laquelle se fonde ce PLFSS, n'est plus considérée, dans l'avis du Haut conseil des finances publiques de septembre dernier, comme « prudente » 3 ( * ) mais simplement « atteignable ». Sur le long terme, les récentes publications du Comité d'orientation des retraites (COR) 4 ( * ) présentent des perspectives financières dégradées pour le système de retraite dont l'équilibre, à l'horizon 2040, ne pourrait être atteint, à législation constante, qu'en combinant un taux de chômage de 4,5 % et des gains de productivité annuels proches de 2 %. La faiblesse tendancielle de la croissance interdit à court terme d'envisager un retour de ces indicateurs à de tels niveaux.

Enfin, si l'accord sur l'Agirc-Arrco est une bonne nouvelle, il a pour conséquence à terme de réintroduire une disparité entre les salariés du privé et les fonctionnaires alors que la réforme de 2003 s'était employée à les supprimer . En créant un système astucieux de décote temporaire sur les retraites complémentaires des salariés du privé liquidant leur retraite l'année d'obtention du taux plein au régime de base, cet accord conduit à repousser d'un an l'âge de départ effectif à la retraite soit au minimum à 63 ans . Même s'il ne concerne pas les salariés qui, futurs retraités, ne seront pas assujettis à la contribution sociale généralisée, il réintroduit bel et bien une nouvelle distorsion pour les salariés du privé puisque les fonctionnaires, couverts par des régimes uniques servant des pensions de base et complémentaires, pourront continuer à partir avec une retraite complète à 62 ans.

Ces trois sources d'inquiétudes pour l'avenir du système de retraite conduisent, cette année encore, votre rapporteur à proposer au Sénat d'adopter un relèvement graduel de l'âge légal , prolongeant le dispositif « Fillon » de 2010 qui doit conduire à fixer au 1 er janvier 2017 l'âge légal à 62 ans pour les générations nées après le 1 er janvier 1955. Il serait souhaitable de poursuivre ce relèvement progressif au-delà de cette date en prévoyant que l'âge légal passerait à 62 ans et 6 mois au 1 er janvier 2018 et à 63 ans au 1 er janvier 2019 , année d'entrée en vigueur du mécanisme de décote par l'Agirc-Arrco, pour la génération 1957 .

Comme il l'a montré dans le rapport de la mission de contrôle et d'évaluation de la sécurité sociale du Sénat sur l'avenir des retraites 5 ( * ) , votre rapporteur considère que le relèvement de l'âge légal est la seule piste crédible permettant d'assurer l'équilibre du système à court et moyen terme . De nouvelles hausses de cotisation nuiraient en effet à la compétitivité de nos entreprises et une baisse des pensions, qui n'ont déjà pas été revalorisées en 2014, ne serait pas socialement acceptable.

Cette proposition de relèvement de l'âge légal, qui diffère de celle présentée l'année dernière pour tirer pleinement les conséquences de l'accord Agirc-Arrco, s'inscrit dans le calendrier de la mise en oeuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) . Partiellement entré en vigueur le 1 er janvier 2015, le C3P a été simplifié dans sa mise en oeuvre, ce qui permet aux salariés les plus exposés de commencer à cumuler des points en vue d'un départ à la retraite anticipé.

Si la situation de la branche vieillesse s'améliore, il faut aller désormais plus loin pour sécuriser l'avenir du système de retraite par répartition auquel le Sénat demeure très attaché.


* 1 La notion de système de retraite inclut non seulement le champs de la branche vieillesse contenu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (régimes de base et fonds de solidarité vieillesse), mais également le régime de retraite des fonctionnaires de l'État (apparaissant dans le compte d'affectation spéciale « Pensions » de la loi de finances), les régimes spéciaux de retraite et les régimes complémentaires.

* 2 L'Association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et de l'Association des régimes de retraite complémentaire des salariés non-cadres (Arrco).

* 3 Ce qui était le cas dans son avis d'avril 2015 sur le programme de stabilité 2015-2018.

* 4 Évolutions et perspectives des retraites en France, rapport annuel du COR, juin 2015.

* 5 Ramener durablement notre système de retraite à l'équilibre, rapport d'information n° 624 fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale sur la situation des régimes de retraite, Gérard Roche, juillet 2015.

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