TITRE III - DISPOSITIONS TENDANT À L'AMÉLIORATION DE L'ORGANISATION ET DU FONCTIONNEMENT DU SERVICE PUBLIC DE LA JUSTICE
CHAPITRE IER - DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMPÉTENCE MATÉRIELLE DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE ET DU TRIBUNAL D'INSTANCE
Article 8 - Attribution au tribunal de grande instance des compétences du tribunal des affaires de sécurité sociale et du tribunal du contentieux de l'incapacité et de certaines compétences de la commission départementale d'aide sociale
L'article 8 du projet de loi dispose, sans le codifier, que les tribunaux de grande instance (TGI) sont compétents pour connaître, en premier ressort, des litiges concernant le contentieux général et le contentieux technique de la sécurité sociale ainsi que de ceux relatifs à la couverture maladie universelle complémentaire et à l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé. Sont ainsi visés l'ensemble des litiges qui relèvent actuellement de la compétence des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et des tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI), ainsi que les litiges relatifs à la sécurité sociale qui relèvent des commissions départementales d'aide sociale (CDAS). L'ensemble du contentieux concernant les caisses de sécurité sociale serait alors unifié au sein du TGI.
L'article 8 ajoute que les cours d'appel seraient compétentes pour connaître en appel des décisions des TGI dans ces matières.
Les juridictions sociales se trouvent dans une situation quelque peu difficile, concernant tant leur fonctionnement (délais, nombre de dossiers 50 ( * ) ...) que leur composition, alors qu'elles s'adressent à des justiciables eux-mêmes souvent vulnérables et fragiles socialement et économiquement. Leur multiplicité est également source de complexité pour ces justiciables. Votre commission souscrit donc à l'objectif d'une réforme consistant à assurer un traitement convenable du contentieux de la sécurité sociale et à faciliter l'accès à la justice dans ce domaine, dans l'intérêt du justiciable.
En revanche, les conditions de cette intégration du contentieux de la sécurité sociale ne sont pas précisées par le projet de loi, qui renvoie dans son article 52 à une ordonnance pour préciser l'essentiel de la réforme, c'est-à-dire la suppression des juridictions sociales actuelles, la composition de la nouvelle formation compétente du TGI et la procédure suivie devant elle. Il n'est pas indiqué si cette formation serait échevinée ou si la représentation par avocat serait facultative, comme tel est le cas actuellement pour les TASS et les TCI.
• La constitution d'un
«
pôle social
» au sein des
TGI
L'unification du contentieux de la sécurité sociale et son attribution au TGI pourrait contribuer à constituer, au sein des TGI, un « pôle social », en y adjoignant les compétences actuelles du TGI en matière de relations collectives du travail et d'élections professionnelles ainsi que les fonctions de juge départiteur dans les affaires prud'homales. Comme le Gouvernement l'a indiqué à votre rapporteur, l'organisation des TGI en pôles de compétence serait réalisée par décret, à la suite de l'adoption de la présente loi : outre ce pôle social, pourraient être envisagés un pôle civil général, un pôle pénal ou encore un pôle familial. La constitution des pôles serait organisée par le chef de juridiction, en fonction des réalités locales du contentieux du ressort.
Une telle organisation du TGI en pôles est promue, entre autres, par la conférence nationale des présidents de TGI, dans le cadre d'une réforme plus vaste visant à la création d'un tribunal de première instance (TPI), qui pourrait regrouper, dans sa configuration la plus ambitieuse, le TGI et les tribunaux d'instance (TI) de son ressort, ainsi que le TASS, le TCI, le conseil de prud'hommes (CPH) et le tribunal de commerce, sous la forme de formations spécialisées échevinées du TPI. Le présent projet de loi pourrait constituer une première étape dans cette voie, modeste néanmoins selon votre rapporteur.
En décembre 2013, le rapport du groupe de travail présidé par M. Didier Marshall sur les juridictions du XXI ème siècle 51 ( * ) , mis en place par la garde des sceaux en vue de l'élaboration de la réforme de l'organisation judiciaire, trace clairement cette perspective du TPI, « juridiction de première instance unifiée » incluant l'ensemble des juridictions actuelles.
Votre rapporteur avait eu l'occasion d'étudier cette formule du TPI, avec notre ancienne collègue Virginie Klès, à l'occasion de leur rapport Pour une réforme pragmatique de la justice de première instance , présenté en octobre 2013 devant votre commission 52 ( * ) . Il avait conclu préférable, dans une première étape et suivant une démarche pragmatique, de commencer par fusionner le TASS et le TCI dans une juridiction unique, tout en envisageant d'attribuer à cette nouvelle juridiction les compétences actuelles des CDAS. L'encadré ci-après reprend un extrait du rapport d'information précité, portant sur les juridictions sociales.
«
La fusion des tribunaux
sociaux
»
On ne recense pas moins de quatre juridictions particulières ayant une compétence en matière sociale : le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS), le plus connu d'entre eux, le tribunal du contentieux de l'incapacité (TCI), qui lui est apparenté, le tribunal des pensions militaires d'invalidité (TPMI) ainsi que la commission départementale d'aide sociale (CDAS), qui constitue, en dépit de son nom, une juridiction. Les deux premières relèvent de l'ordre judiciaire et les deux secondes de l'ordre administratif. Conséquence du paritarisme de la sécurité sociale, les juridictions compétentes pour le contentieux de la sécurité sociale se caractérisent par leur composition échevinée. Ainsi, le TASS comme le TCI se composent d'un magistrat, parfois honoraire, d'un représentant des employeurs et d'un représentant des salariés. Dans ces conditions, une fusion du TASS et du TCI serait relativement aisée à conduire, avant une éventuelle intégration comme chambre spécialisée du TPI, avec une composition particulière. Recommandation n° 11 Créer une juridiction de sécurité sociale unique échevinée par le regroupement des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et des tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI) et de leurs greffes Il semble à vos rapporteurs que la mise en place d'une juridiction sociale unifiée regroupant les compétences des TASS et des TCI doit se réaliser sans remise en cause des implantations existantes de ces juridictions, à carte judiciaire inchangée. La question des greffes des TASS et des TCI, compétents en matière de contentieux de la sécurité sociale, a particulièrement retenu l'attention de vos rapporteurs. Ces greffes relèvent de la tutelle du ministère des affaires sociales et sont très majoritairement composés d'agents de droit privé dont la rémunération est prise en charge par la sécurité sociale, outre certains agents publics, alors même qu'ils ont un rôle important dans la rédaction des jugements et contribuent à l'accomplissement d'une mission régalienne. Le statut actuel des greffes des TASS et des TCI constitue un frein à une future intégration au sein du guichet universel de greffe comme au sein d'un éventuel tribunal de première instance. Il faudrait préalablement reprendre au sein des greffes publics des TPI les missions particulières des greffes de ces tribunaux, avec des recrutements de personnels, de sorte qu'une première étape consisterait à fusionner TASS et TCI avec leurs greffes actuels. Compte tenu de la particularité de leurs missions et de leurs compétences, les personnels de ces greffes pourraient être transférés au ministère de la justice et intégrés au sein du greffe du TGI ou d'un éventuel TPI, mais la question de leur connaissance des procédures juridictionnelles de droit commun se poserait inévitablement. En dehors même du projet de TPI, la situation de ces greffes est une singularité à laquelle il convient de remédier. En tout état de cause, il serait cohérent que les greffes des tribunaux de sécurité sociale, à terme, rejoignent le guichet universel de greffe, à la condition que leur situation statutaire soit revue. Recommandation n° 12 Réfléchir à l'évolution de la situation statutaire des greffes des TASS et des TCI dans la perspective du guichet universel de greffe Le fonctionnement des tribunaux sociaux ne pourrait que bénéficier d'une intégration au sein d'un guichet universel de greffe voire d'un TPI. Outre le TASS et le TCI, il existe dans le domaine social deux autres juridictions particulières : la commission départementale d'aide sociale (CDAS) et le tribunal des pensions militaires d'invalidité (TPMI). Relevant de l'ordre administratif mais présidée par un magistrat judiciaire, la CDAS est compétente en matière de prestations d'aide sociale, c'est-à-dire financées par les départements, y compris lorsqu'elles sont en pratique versées par les caisses d'allocations familiales, à la différence du TASS et du TCI compétents en matière de sécurité sociale exclusivement. Cette distinction est peu compréhensible pour le justiciable. Selon le ministère des affaires sociales, depuis la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-110 QPC du 25 mars 2011, les CDAS ne fonctionnent plus de manière satisfaisante. Le Conseil a en effet déclaré leur composition contraire à la Constitution, pour défaut de garanties d'indépendance et d'impartialité, car elle comprenait, outre son président, trois fonctionnaires de l'État et trois conseillers généraux. À ce jour, les CDAS ne fonctionnent qu'avec le magistrat qui assure leur présidence. Sous réserve d'évaluer l'opportunité de rattacher ce contentieux de l'aide sociale à l'ordre judiciaire, dans un souci de bonne administration de la justice en matière sociale et de lisibilité pour le justiciable, la compétence des CDAS pourrait être intégrée dans la juridiction sociale échevinée issue de la fusion du TASS et du TCI, ce qui offrirait au demeurant les garanties d'indépendance et d'impartialité qui lui manquaient. Vos rapporteurs relèvent toutefois que la composition échevinée des TASS et des TCI résulte du caractère paritaire de la sécurité sociale, qui n'existe pas par définition en matière d'aide sociale, puisqu'il s'agit d'un contentieux entre une personne publique et une personne privée, qui est de nature parfaitement administrative. Quel que soit l'avenir des CDAS, il est en tout cas urgent de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, de façon à ce qu'elles retrouvent un fonctionnement collégial normal. L'attribution des missions des CDAS à une juridiction sociale unifiée aurait l'avantage de la simplicité. |
Votre commission approuve le principe de la constitution d'un pôle social au sein du TGI, compétent pour traiter des affaires qui relèvent à ce jour des TASS et des TCI, à condition de maintenir la présence d'assesseurs représentant les partenaires sociaux . Une telle réforme devrait avant tout viser à renforcer la lisibilité et l'efficacité de la justice sociale et améliorer son fonctionnement dans l'intérêt des justiciables . Il reste cependant à en définir les modalités, votre commission ne pouvant se résoudre à en laisser l'entier soin à une ordonnance.
Si l'article 8 du projet de loi prévoit la création de ce pôle social au sein de chaque TGI, son exposé des motifs évoque, de façon discordante, la constitution d'un tel pôle au sein du seul TGI du chef-lieu de département, de façon à disposer d'un pôle social par département.
• La consistance limitée du projet
de loi, fixant un principe incertain tout en renvoyant son entière mise
en oeuvre à une ordonnance
Se limitant à affirmer un principe d'attribution de compétence au TGI, le présent article doit être compris à la lumière du I de l'article 52, qui renvoie sa mise en oeuvre complète et effective à une ordonnance, et du I de l'article 54 du projet de loi, qui concerne son entrée en vigueur.
D'une part, le I de l'article 52 propose d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour tirer les conséquences du principe affirmé par l'article 8 du projet de loi, et notamment :
- supprimer les TASS et les TCI ;
- supprimer la compétence de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT) en appel pour les affaires relevant des TCI - la CNITAAT conserverait à titre résiduel sa compétence actuelle de premier et dernier ressort sur la fixation des taux de cotisation des accidents du travail ;
- déterminer la composition des formations des TGI, mais également des cours d'appel, compétentes pour connaître des matières qui relèvent actuellement des TASS et des TCI - ces derniers comprennent aujourd'hui des assesseurs représentant les salariés et des assesseurs représentant les employeurs et travailleurs indépendants, désignés par l'État sur proposition des organisations professionnelles représentatives, ce que l'habilitation ne prévoit pas expressément ;
- fixer les conditions de représentation et d'assistance des parties devant ces nouvelles formations des TGI et des cours d'appel, la procédure actuelle étant orale et sans ministère d'avocat obligatoire ;
- prévoir des dispositions transitoires concernant les litiges en cours devant les TASS et les TCI au moment de leur suppression.
Le délai d'habilitation est fixé à dix-huit mois.
D'autre part, le I de l'article 54 prévoit une entrée en vigueur de l'attribution au TGI des compétences des TASS et des TCI prévue à l'article 8 à une date fixée par décret et au plus le 31 décembre 2008, sous réserve de la publication de l'ordonnance précitée.
Dans ces conditions, d'un point de vue juridique, le présent projet de loi, tel qu'il est rédigé, ne permet pas la constitution d'un « pôle social » complet, comportant le contentieux de la sécurité sociale, au sein des TGI, les conditions du transfert de ce contentieux étant entièrement renvoyées à une ordonnance sur la base d'une habilitation imprécise et très ouverte.
Aussi votre rapporteur ne peut-il que s'étonner du choix de légiférer par ordonnance sur cette réforme des juridictions sociales, dont la situation difficile est pourtant connue depuis longtemps 53 ( * ) , et alors même que la réforme de la justice de première instance était un axe fort des réflexions préparatoires au présent projet de loi. Les auditions menées par votre rapporteur ont souligné le caractère précipité, voire improvisé, de l'élaboration du projet de loi sur ce point. De nombreuses et importantes questions demeurent encore très largement en suspens, en particulier la situation des personnels assurant le secrétariat des TASS, des TCI et de la CNITAAT. La rédaction même des dispositions du projet de loi relatives à cette réforme laisse à penser qu'elles ont été intégrées tardivement dans le texte.
Ainsi, en 2013, le rapport précité du groupe de travail présidé par M. Didier Marshall préconisait la création d'un « tribunal social », « juridiction sociale unique regroupant l'ensemble des contentieux relatifs aux conflits du travail et aux conflits relatifs au droit de la sécurité sociale et des prestations sociales ». Un tel tribunal devrait être présidé par un magistrat, totalement écheviné, avec des assesseurs représentant les salariés et les employeurs, et comporterait deux sections, une section du travail et une section des affaires sociales, laquelle s'intitulerait « tribunal des affaires sociales ». Dans ce cadre, le rapport proposait la fusion du TASS et du TCI, ainsi que la suppression en appel de la CNITAAT au profit de la compétence de droit commun des cours d'appel. Il recommandait que ce nouveau tribunal soit présidé par un magistrat en activité et non un magistrat honoraire, pour l'ancrer dans le TPI, et que son greffe soit assuré par des fonctionnaires des services judiciaires et non par des agents des services déconcentrés du ministère des affaires sociales et des salariés des organismes de sécurité sociale, comme c'est le cas actuellement. Cette seconde évolution supposait une mise en oeuvre progressive, « pour ne pas générer de difficultés importantes aux personnels concernés ».
Tel qu'il est rédigé, le présent projet de loi peut aboutir à la mise en place d'une telle juridiction au sein du TGI.
Les auditions conduites par votre rapporteur ont montré un large attachement, notamment de la part des partenaires sociaux, à l'existence de juridictions spécialisées en matière de sécurité sociale, ainsi qu'à leurs règles de composition, traduisant le principe de paritarisme de la sécurité sociale, comme à leurs règles de fonctionnement (dispense de représentation obligatoire par avocat, procédure orale, expertise médicale menée au sein du tribunal, plus simple et moins coûteuse qu'une expertise judiciaire...). À l'inverse, la conférence générale des présidents de TGI a fait part de réserves importantes à l'égard d'une réforme aux contours inconnus, compte tenu de la rédaction du projet de loi. Les organisations syndicales des greffiers et personnels judiciaires ont également fait état d'inquiétudes quant à la reprise des contentieux traités actuellement par le TASS et le TCI.
Ces éléments illustrent clairement, selon votre rapporteur, l'absence de préparation et le manque de concertation préalable sur cette réforme. Ainsi, votre rapporteur relève que les questions pratiques liées à la mise en place de cette réforme (devenir des personnels actuels des secrétariats des TASS et des TCI, organisation du greffe, implantations immobilières...) font actuellement l'objet d'une mission conjointe de l'inspection générale des services judiciaires et de l'inspection générale des affaires sociales.
Force est de reconnaître que cette réforme n'est qu'esquissée dans le présent projet de loi : sa rédaction se borne à affirmer un principe général d'attribution aux TGI des compétences des TASS et des TCI et d'une partie des compétences des CDAS , selon des modalités indéterminées et renvoyées à des ordonnances dont le texte d'habilitation, à l'article 52 du présent texte, ne tranche aucun des aspects fondamentaux de cette future organisation juridictionnelle , en matière par exemple de composition du tribunal ou de procédure.
Par ailleurs, si le projet de loi veut attribuer au futur pôle social des TGI les compétences des CDAS qui ne relèvent pas strictement du champ administratif mais concernent des décisions prises par les caisses de sécurité sociale, votre rapporteur relève néanmoins que la question lancinante depuis 2011 de la réforme des CDAS demeurerait toujours pendante .
En effet, la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-110 QPC du 25 mars 2011 a censuré la présence dans les CDAS des élus départementaux et des fonctionnaires désignés à cet effet, pour atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité. Depuis cette date, les CDAS statuent à juge unique, en la seule personne de leur président, qui est un magistrat du TGI. Or le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement, dans son article 55, comportait une habilitation en vue de réformer globalement les CDAS et de modifier les procédures de recours à l'égard des décisions en matière d'admission à l'aide sociale 54 ( * ) . Il ne s'agissait donc pas simplement de remédier à la situation insatisfaisante résultant de la décision du Conseil constitutionnel. À l'initiative de votre commission, sur la proposition de notre collègue Catherine Di Folco, le Sénat avait restreint le champ de cette habilitation, en première lecture, à la seule composition des CDAS, sans les remettre en cause, pour s'en tenir plus strictement à la décision du Conseil. En deuxième lecture, si la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a suivi la position adoptée par le Sénat, le Gouvernement a fait adopter en séance publique un amendement supprimant toute habilitation, renvoyant la question à l'examen du présent projet de loi et précisant, dans son exposé des motifs, que, « afin d'aboutir dans des délais raisonnables à l'objectif d'une réforme sécurisée juridiquement et en cohérence avec le projet global de réforme judiciaire envisagé par le ministère de la justice il est envisagé de traiter le transfert de l'ensemble du contentieux aujourd'hui géré par les CDAS dans le même projet de loi ». Il semble dès lors que le Gouvernement souhaite traiter la réforme d'ensemble des CDAS dans le présent projet de loi.
• De trop nombreuses questions encore en
suspens, en particulier le devenir des personnels des TASS et des
TCI
En l'état, le présent projet de loi ne clarifie ni la question complexe de la situation des personnels affectés au secrétariat des TASS et des TCI en cas de suppression de ces derniers, ni la question de la composition de la future formation de jugement du TGI ni les règles de procédures devant elle.
D'une part, il existe une incertitude sur les personnels actuellement affectés dans les secrétariats 55 ( * ) des TASS et TCI. Ces secrétariats sont assurés aujourd'hui par des agents du ministère des affaires sociales et de la santé, assistés par des personnels des organismes de sécurité sociale, qui relèvent du droit privé. Ils représentent près de 600 emplois, dont plus de 400 qui relèvent de la sécurité sociale. Recrutés et rémunérés par les organismes de sécurité sociale pour assurer ces fonctions juridictionnelles, ces personnels font état d'une légitime inquiétude, car les caisses de sécurité sociale ne sont pas en mesure de les réintégrer. Par ailleurs, il est peu envisageable de les intégrer directement dans les corps de fonctionnaires de greffe des services judiciaires. Pour assurer convenablement la reconversion de ces personnels, le cas échéant par l'ouverture de concours ad hoc de recrutement dans les services judiciaires, votre rapporteur estime qu'il est nécessaire de prévoir une période transitoire, au cours de laquelle ils pourront continuer à exercer leurs fonctions dans le cadre de la nouvelle organisation juridictionnelle.
En outre, pour assurer la reprise des fonctions de greffe en matière de contentieux de la sécurité sociale par les actuels greffes des TGI, votre rapporteur considère que du temps sera nécessaire, comme l'accroissement des effectifs et la formation des greffiers des services judiciaires en vue de l'exercice de ces nouvelles missions.
Corollairement, votre rapporteur relève l'inquiétude des syndicats de greffiers et de personnels judiciaires, quant à la charge de travail qui devrait résulter de la reprise des missions des secrétariats des TASS et TCI au sein des greffes des TGI, si les effectifs ne sont pas réévalués.
Sans même évoquer les questions immobilières qui découleraient de l'attribution au TGI de ces nouvelles compétences, force est de constater que le Gouvernement n'est pas aujourd'hui en mesure de régler la situation des personnels actuels des secrétariats des juridictions qu'il veut supprimer. À cet égard, comme votre rapporteur l'a déjà indiqué supra , le Gouvernement a mandaté, en août 2015, une double mission de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des services judiciaires afin de formuler des propositions sur ces questions.
D'autre part, un renvoi très large à l'habilitation laisse dans l'ombre des aspects fondamentaux de cette réforme, en particulier la composition de la formation de jugement et les règles de représentation, sans même que le texte de l'habilitation, à l'article 52 du présent projet de loi, rappelé supra , ne tranche quoi que ce soit sur ces questions.
En l'état, votre commission ne peut connaître les intentions réelles du Gouvernement. Envisage-t-il de rendre le ministère d'avocat obligatoire pour les assurés sociaux, contrairement à la règle actuelle devant les TASS et les TCI, alors qu'il s'agit le plus souvent de personnes modestes, et comme c'est en principe le cas devant le TGI ? Le texte de l'habilitation mentionne, sans autre précision, « les conditions dans lesquelles les parties peuvent se faire représenter ou assister devant ces formations ».
S'agissant de la place des assesseurs représentant les salariés et les employeurs, le texte de l'habilitation pourrait permettre de les supprimer, puisqu'elle vise « la composition des formations du tribunal de grande instance (...), ainsi que le mode de désignation et, le cas échéant, la durée des fonctions des personnes appelées à y siéger ».
En d'autres termes, compte tenu de l'imprécision des contours de cette réforme, au vu du seul principe affirmé à l'article 8 du projet de loi et de la généralité des termes de l'habilitation prévue à l'article 52, on pourrait concevoir autant la banalisation du contentieux de la sécurité sociale au sein du TGI, avec représentation obligatoire par avocat sans échevinage, que la mise en place d'un tribunal des affaires sociales sur le modèle proposé par le rapport précité de M. Didier Marshall. Dans les deux cas cependant, ce serait bien le greffe du TGI qui assurerait le greffe pour ce contentieux.
Si le devenir des personnels des TASS et TCI comme la question des effectifs des greffes des TGI ne relèvent évidemment pas du domaine de la loi, votre commission considère, en revanche, nécessaire de restreindre le renvoi aux ordonnances et de fixer dès à présent dans la loi les règles de composition et de fonctionnement de la future formation du TGI chargée de traiter le contentieux de la sécurité sociale .
• La création d'une juridiction
sociale unifiée et échevinée rattachée au tribunal
de grande instance
Dès lors, sur la proposition de son rapporteur, votre commission a accepté d'aller plus loin que le projet de loi, tout en respectant néanmoins ses orientations. Par l'adoption d'un amendement COM-33 , elle propose ainsi la création d'une nouvelle juridiction sociale unifiée et échevinée de première instance , dénommée « tribunal des affaires sociales » (TAS), comme suggéré par le rapport précité, rattachée au TGI et reprenant les attributions du TASS et du TCI, mais aussi de la CDAS. L'identité des actuels tribunaux sociaux serait ainsi conservée, sans préjudice d'une éventuelle intégration ultérieure plus poussée au sein du TGI, dans le cadre d'un éventuel TPI.
Une telle formule respecte les orientations du présent projet de loi , puisqu'elle intègre ce TAS au sein du TGI. En effet, sur le modèle des actuels tribunaux paritaires des baux ruraux 56 ( * ) , rattachés au tribunal d'instance, le TAS serait présidé par un magistrat du TGI et son greffe serait normalement assuré par le greffe du TGI. Son statut serait prévu au sein du code de la sécurité sociale, comme c'est actuellement le cas pour les TASS et les TCI.
De plus, une telle formule contribue à faciliter l'accès du justiciable à la justice , conformément aux objectifs du présent projet de loi, ainsi qu'à la bonne administration de la justice . En effet, en attribuant au TAS les compétences du TASS et du TCI, mais aussi de la CDAS, elle regroupe des compétences qui relèvent certes actuellement des deux ordres de juridiction, puisque la CDAS est une juridiction administrative spécialisée, mais elle permet de la sorte un accès unique à la justice sociale pour des justiciables modestes et vulnérables , assurés sociaux, allocataires et bénéficiaires de prestations d'aide sociale, actuellement contraints de s'adresser à plusieurs juridictions pour exercer leur droit de recours à l'encontre de décisions qui relèvent globalement du même champ. Ce sont souvent les mêmes personnes qui s'adressent aujourd'hui à ces juridictions, du fait même de leur situation sociale difficile, alors qu'elles perçoivent des aides majoritairement versées par les caisses de sécurité sociale, en particulier les caisses d'allocations familiales, quand bien même ce versement serait assuré pour le compte de l'État ou du département. Une large partie du contentieux de la CDAS apparaît, aux yeux du justiciable, comme relevant du champ de la sécurité sociale, de sorte que la dualité de juridiction n'est guère compréhensible 57 ( * ) .
Ainsi, dans sa décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 sur la loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, à l'occasion de laquelle il a dégagé un nouveau principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel « à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle », le Conseil constitutionnel a cependant considéré que, « dans la mise en oeuvre de ce principe, lorsque l'application d'une législation ou d'une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire, il est loisible au législateur, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé ».
L'attribution au TAS de la compétence complète de la CDAS, alors que le projet de loi propose déjà de lui attribuer la compétence de la CDAS en matière de couverture maladie universelle complémentaire et d'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé, en unifiant au sein de l'ordre judiciaire les contentieux relatifs à la sécurité sociale et à l'aide sociale, serait conforme à la décision précitée du Conseil constitutionnel, car il s'agirait bien d'un « aménagement précis et limité des règles de compétence juridictionnelle, justifié par les nécessités d'une bonne administration de la justice ».
La formule du TAS correspond également aux recommandations du rapport d'information précité.
Ainsi, comme c'est aujourd'hui possible dans les trois juridictions concernées, le TAS serait présidé par un magistrat judiciaire , en activité ou honoraire. Il serait présidé par le président du TGI ou par un magistrat du siège désigné par lui. À sa demande, le premier président de la cour d'appel pourrait désigner un magistrat honoraire.
La formation de jugement serait également composée d'un assesseur représentant les salariés et d'un assesseur représentant les employeurs . Ceux-ci seraient soumis à une obligation de formation , à l'instar des juges consulaires, et à un régime disciplinaire plus précis. Le statut des assesseurs serait rapproché de celui des magistrats judiciaires.
Les règles actuelles de représentation et d'assistance devant les TASS et les TCI seraient conservées , sans obligation du ministère d'avocat. Les modalités actuelles de l' expertise médicale auprès des TCI seraient, elles aussi, conservées, aux mêmes conditions tarifaires, plus avantageuses pour les finances publiques que l'expertise judiciaire. Le TAS pourrait s'adjoindre les services de médecins-experts pour réaliser des expertises au siège du tribunal, comme c'est le cas actuellement dans les TCI.
Pour conforter les actuelles commissions de recours amiable (CRA), composés au sein des caisses de sécurité sociale de membres de leur conseil d'administration, toute réclamation à l'encontre d'une décision d'une caisse de sécurité sociale devrait lui être adressée préalablement à toute saisine du TAS. Il s'agirait de prévoir un recours amiable préalable obligatoire , devant la CRA. À cet égard, à titre de comparaison, votre rapporteur rappelle que l'article 3 du présent projet de loi rend la conciliation obligatoire avant toute saisine du tribunal d'instance ou de la juridiction de proximité.
En appel, les décisions du TAS relèveraient normalement des cours d'appel, dotées d'une chambre sociale, comme c'est aujourd'hui le cas pour le contentieux général de la sécurité sociale. Le contentieux technique de la sécurité sociale pourrait relever éventuellement d'une ou plusieurs cours spécialisées, sur le modèle de l'actuelle Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAAT), qui serait supprimée.
À cet égard, votre rapporteur rappelle que le projet de loi prévoit, à son article 52, le maintien de la CNITAAT pour l'exercice d'une compétence résiduelle de premier et dernier ressort sur la tarification des cotisations au titre des accidents du travail, qui concerne exclusivement les employeurs. Si cette activité représente le quart du nombre des affaires traitées par la Cour, il n'occupe en pratique qu'un nombre extrêmement limité de personnels, de l'ordre de quatre emplois à temps plein, et un emploi de magistrat à quart temps, de sorte que la pertinence d'un tel maintien est contestable.
S'agissant du contentieux de l'aide sociale, qui relève actuellement en appel d'une commission centrale d'aide sociale (CCAS), il relèverait aussi, en appel, des cours d'appel.
L'appel serait organisé et se déroulerait dans les conditions de droit commun.
Une telle réforme permettrait, en outre, de résoudre la question de la composition des CDAS, évoquée supra . Indépendamment de la question de la bonne administration de la justice, conduisant à attribuer au nouveau TAS la compétence des CDAS, qui relèvent actuellement de l'ordre administratif, votre rapporteur considère que la manière la plus simple de composer une juridiction collégiale en la matière, sans porter atteinte à l'impartialité de la justice ni imposer une nouvelle charge de travail aux magistrats, serait de faire appel aux assesseurs salariés et employeurs des TASS et des TCI.
À cet égard, le régime des CDAS comporte encore des dispositions, qui n'ont pas fait l'objet la question prioritaire de constitutionnalité en 2011, mais qui sont susceptibles de porter atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité, par exemple celle selon laquelle les rapporteurs devant les CDAS, nommés sur une liste établie conjointement par le président du conseil départemental et le préfet, ont voix délibérative sur les affaires qu'ils rapportent.
En conséquence, à l'article 52 du projet de loi, votre commission a réduit le champ de l'habilitation relative à la réforme des tribunaux sociaux aux seules mesures nécessaires à la mise en place des TAS et à la suppression des TASS, des TCI et des CDAS ainsi que de la CNITAAT et de la CCAS.
Enfin, l'article 54 du projet de loi prévoit l'application du transfert aux TGI des nouvelles compétences en matière de contentieux de la sécurité sociale à une date fixée par décret et au plus tard au 31 décembre 2018. Une telle échéance apparaît raisonnable dans l'hypothèse où des ordonnances doivent être prises pour préciser les contours de la réforme. En revanche, dès lors que votre commission a précisé elle-même les termes de cette réforme dans la loi, elle en a prévu, à l'article 54, une mise en oeuvre plus rapide, au 1 er janvier 2017 , assortie de dispositions transitoires pour assurer le transfert des instances en cours devant les juridictions supprimées.
Par ailleurs, tel qu'il résulte du texte initial, l'entrée en vigueur de ce transfert de compétences au TGI est soumise à la condition de la publication de l'ordonnance. Dans cette hypothèse, la mise en oeuvre effective de la réforme dépendrait de l'élaboration d'une ordonnance à laquelle le Gouvernement pourrait renoncer, compte tenu des difficultés à surmonter, laissant la réforme des juridictions sociales dans les limbes législatives.
Comme votre commission a souhaité définir directement dans la loi les termes de cette réforme, soumettre son entrée en vigueur à la publication de l'ordonnance ne paraît plus indispensable, dès lors que la matière laissée à cette ordonnance serait très réduite. Votre commission a, par conséquent, prévu une entrée en vigueur sans condition , garantissant la mise en oeuvre de cette réforme nécessaire.
Pour tenir compte de la situation des personnels actuels employés dans les secrétariats des TASS et des TCI ainsi qu'au secrétariat général de la CNITAAT, votre commission a prévu, à titre transitoire, le maintien de leur compétence au bénéfice du greffe du futur TAS et des éventuelles cours d'appel spécialisées, jusqu'au 31 décembre 2018, date limite prévue par le Gouvernement pour la mise en oeuvre de la réforme et donc pour la reprise par le greffe des TGI des missions assurées par les secrétariats des TASS et des TCI, par cohérence 58 ( * ) .
Votre commission a adopté l'article 8 ainsi modifié .
Article 9 (art. L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire) - Transfert de la réparation des dommages corporels aux tribunaux de grande instance
Le présent article propose de donner une compétence exclusive aux tribunaux de grande instance en matière de réparation de dommages corporels.
Actuellement, en application de l'article L. 221-4 du code de l'organisation judiciaire (COJ), la réparation des dommages corporels dont le montant n'excède pas 10 000 euros relève de la compétence des tribunaux d'instance 59 ( * ) .
Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi 60 ( * ) , ce contentieux représente 2 190 affaires par an pour les tribunaux d'instance, soit 0,37 % du volume de leur contentieux.
L'objectif de cette disposition est de contribuer à recentrer l'activité des tribunaux d'instance sur la justice civile du quotidien et à rendre plus efficiente l'organisation du traitement des contentieux.
Entendue par votre rapporteur, Mme Émilie Pecqueur, présidente de l'association nationale des juges d'instance, a estimé qu'une compétence exclusive des tribunaux de grande instance en la matière serait cohérente dès lors que le tribunal de police leur est également transféré, car une part importante de ce contentieux est liée au contentieux pénal.
Si votre commission a approuvé le principe de ce transfert de compétences, elle a estimé plus pertinent de l'inscrire au sein des règles de compétences des tribunaux d'instance et non, comme le prévoit le présent article, à l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire (COJ), qui fixe la compétence de principe des tribunaux de grande instance en matière civile et commerciale.
À l'initiative de son rapporteur, votre commission a donc adopté un amendement ( COM-34 ) prévoyant, à l'article L. 221-4 du code de l'organisation judiciaire, que le tribunal d'instance est compétent pour connaître des litiges dont le montant est inférieur à 10 000 euros, à l'exception des actions tendant à la réparation d'un dommage corporel.
Elle a ensuite adopté l'article 9 ainsi modifié .
Article 10 (art. 45, 521, 523 et 529-7 du code de procédure pénale, art. L. 211-1, L. 211-9-1 [nouveau], L. 212-6, L. 221-1, sous-section 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre II et section 2 du chapitre II du titre II du code de l'organisation judiciaire et art. 1er de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011) - Transfert des audiences du tribunal de police au tribunal de grande instance et régime juridique de certaines contraventions de la cinquième classe
Poursuivant l'objectif de « recentrer le tribunal d'instance sur les petits litiges civils de la vie quotidienne et les justiciables les plus fragiles » 61 ( * ) et de favoriser la création de « pôles pénaux » au sein des tribunaux de grande instance, l'article 10 du projet de loi propose de transférer les audiences du tribunal de police au tribunal de grande instance. Une telle évolution devrait également permettre d'assurer une meilleure cohérence de la politique pénale sur l'arrondissement judiciaire.
• L'articulation des tribunaux de police et des juridictions de proximité
L'article L. 221-1 du code de l'organisation judiciaire définit le tribunal de police comme le tribunal d'instance statuant en matière pénale. Il est alors constitué par le juge du tribunal d'instance, un officier du ministère public et un greffier. En vertu de l'article L. 221-10 du même code, sa compétence est aujourd'hui résiduelle en matière contraventionnelle puisqu'elle ne recouvre que les contraventions de la cinquième classe. En effet, ce sont les juridictions de proximité 62 ( * ) , également instituées au sein des tribunaux d'instance et composées d'un juge de proximité 63 ( * ) , ou à défaut d'un juge du tribunal d'instance, qui sont compétentes pour les contraventions des quatre premières classes, à l'exception des contraventions de la quatrième classe pour diffamation ou injure non publique 64 ( * ) .
La loi du 13 décembre 2011 65 ( * ) a cependant supprimé les juridictions de proximité, sans pour autant supprimer la fonction de juge de proximité afin de conserver cet effectif de près de 500 magistrats non professionnels pour exercer certaines missions juridictionnelles. Les raisons 66 ( * ) qui avaient, il y a quatre ans, conduit à supprimer les juridictions de proximité tenaient notamment à la complexité de l'organisation judiciaire, qui conduisait à des situations insatisfaisantes, « lorsque, faute de juge de proximité, le juge d'instance retrouvait la compétence qui avait été transférée à la juridiction de proximité ». Un autre argument militant en faveur de cette suppression avait trait à « la complexité croissante du contentieux soumis au juge de proximité du fait, à la fois, de l'élévation de son taux de compétence de 1 500 euros à 4 000 euros et de la nécessité, même pour les plus petits litiges, de s'assurer du respect de règles d'ordre public qui se multipliaient ».
L'organisation judiciaire résultant de la réforme de la loi de 2011 aura ainsi pour conséquence de redonner au tribunal de police une compétence pour l'ensemble de la matière contraventionnelle. Pour leur part, les juges de proximité, tout en étant désormais rattachés au tribunal de grande instance pour siéger au sein de sa formation collégiale, seront maintenus auprès du tribunal de police pour statuer sur les contraventions des quatre premières classes.
Initialement programmée pour le 1 er janvier 2013, la suppression des juridictions de proximité a d'abord fait l'objet d'un premier report au 1 er janvier 2015 67 ( * ) , puis d'un second au 1 er janvier 2017 68 ( * ) . À compter de cette date, le juge de proximité, ou à défaut un juge d'instance, sera compétent pour connaître, au sein du tribunal de police, des contraventions des quatre premières classes 69 ( * ) , statuer sur les ordonnances pénales et valider les compositions pénales.
Sur le territoire national, il existe trois tribunaux de police ayant une compétence exclusive en la matière (Paris, Lyon et Marseille). En dehors du cas particulier de ces trois communes, 282 des 304 tribunaux d'instance ont une compétence de tribunal de police, 158 étant situés dans des communes dotées par ailleurs d'un tribunal de grande instance, les 124 autres étant situés dans des communes n'en disposant pas.
• Les objectifs de la réforme proposée pour le tribunal de police
La nouvelle réforme soumise au Parlement trouve ses justifications, selon le Gouvernement, dans le fait que l'activité des tribunaux de police a fortement baissé depuis plusieurs années, que les procureurs de la République ne contrôlent pas suffisamment l'activité des officiers du ministère public 70 ( * ) et que ce contrôle insuffisant est d'autant plus problématique que les décisions sont rendues par des magistrats non professionnels.
Le transfert des audiences du tribunal de police auprès du tribunal de grande instance permettra de donner aux tribunaux d'instance une compétence seulement en matière civile et de centraliser le contentieux pénal au siège du tribunal de grande instance. Cette organisation sera de nature à placer les compétences exercées par les juges de proximité dans le domaine pénal sous le regard plus attentif des parquets, de renforcer le contrôle des officiers du ministère public et d'organiser une meilleure supervision de l'ensemble de la chaîne pénale.
• Poursuivre la simplification du traitement des contraventions
Votre rapporteur souscrit aux objectifs poursuivis par cette réforme susceptible de rendre plus lisible l'organisation judiciaire en réservant la compétence en matière pénale aux tribunaux de grande instance. Il souhaite néanmoins faire part de ses interrogations sur les aspects matériels de ce transfert, tant en matière de personnels que de locaux. Les explications, peu claires, qui sont consacrées à cet aspect de la réforme au sein de l'étude d'impact n'apportent pas de véritables éléments de réponse sur sa mise en oeuvre. Il apparaît en conséquence nécessaire aux yeux de votre rapporteur que le ministère de la justice fournisse au législateur, dans la perspective du débat en séance publique, des informations complémentaires sur ces modalités pratiques et sur les conditions dans lesquelles les tribunaux de grande instance pourraient réellement accueillir, à compter de l'entrée en vigueur de cette réforme 71 ( * ) , les audiences du tribunal de police ainsi que les magistrats et greffiers concourant à son fonctionnement.
Le paragraphe I de l'article 10 modifie l'article 523 du code de procédure pénale. Dans leur version actuellement en vigueur, ces dispositions prévoient que le tribunal de police est constitué par un juge du tribunal d'instance, un officier du ministère public et un greffier. Par cohérence avec l'objet de la réforme, le 1° du I de l'article 10 propose de remplacer cette référence au « juge du tribunal d'instance » par une référence au « juge du tribunal de grande instance ».
Le 2° modifie, dans le même but, le second alinéa du même article 523. Dans le prolongement des explications présentées ci-dessus par votre rapporteur, cet alinéa n'entrera cependant en vigueur qu'au 1 er janvier 2017 puisqu'il constitue une conséquence de la suppression des juridictions de proximité. Sur le plan légistique, votre rapporteur note que la rédaction de cette disposition est imparfaite car elle ne peut insérer, de cette manière, une modification à un texte codifié qui n'est pas encore en vigueur. En outre, votre rapporteur considère que trouveraient davantage leur place au sein de l'article 10 les mesures proposées par l'article 15 du projet de loi pour rendre pleinement applicable le mécanisme de l'amende forfaitaire pour les contraventions de la cinquième classe.
La procédure de l'amende forfaitaire
En application de l'article 29 de la loi du 13 décembre 2011 précitée, les contraventions de la cinquième classe peuvent désormais faire l'objet du mécanisme de l'amende forfaitaire 72 ( * ) . La mise en oeuvre de ces dispositions est toutefois restée lettre morte, faute de décret d'application qui aurait dû déterminer la liste des contraventions de la cinquième classe faisant l'objet de cette procédure et en fixer leur montant. Le ministère de la justice a en effet constaté que cette réforme était difficilement applicable dans la mesure où la loi n'avait pas prévu le transfert du traitement de ces contraventions à l'officier du ministère public (OMP), en lieu et place du procureur de la République. Or, cette absence de transfert prohibe le recours, pour ces contraventions, aux applications informatiques utilisées par les officiers du ministère public et les juridictions de proximité pour les contraventions de la première à la quatrième classe forfaitisées (lesquelles applications gèrent toutes les étapes de la procédure, qu'il s'agisse des contestations, de l'émission des titre exécutoires, automatiquement transmis au Trésor Public, des ordonnances pénales ou des audiencements si la contestation a été jugée recevable, etc..). Compte tenu du caractère complexe et coûteux du déploiement d'une application informatique spécifiquement dédiée aux contraventions forfaitisées de la cinquième classe, il apparaît en conséquence plus opportun d'aligner leur régime de traitement sur celui des contraventions des quatre premières classes, ce qui suppose d'autoriser l'OMP à tenir le siège du ministère public. |
Pour ces raisons, votre commission a, par son amendement COM-36 présenté par son rapporteur, prévu d'insérer au présent article des dispositions ayant vocation à transférer à l'officier du ministère public la charge de tenir le siège du ministère public pour ces contraventions, donner aux juridictions de proximité, dans l'attente de leur suppression, compétence pour ces mêmes contraventions et à permettre des amendes forfaitaires minorées pour les contraventions de la cinquième classe. En outre, l' amendement COM-35 , également déposé par votre rapporteur, vise quant à lui à remédier aux inconvénients juridiques mentionnés ci-dessus de la rédaction retenue par le Gouvernement.
Le paragraphe II de l'article 10 apporte les modifications nécessaires aux articles du code de l'organisation judiciaire 73 ( * ) qui organisent la répartition des compétences entre les différentes juridictions. Il confie la compétence du tribunal de police au tribunal de grande instance (1° du II), définit le champ de compétences du tribunal de police (2° du II), prévoit que le siège du ministère public devant le tribunal de police est occupé par le procureur de la République ou le commissaire de police dans les conditions prévues par le code de procédure pénale (3° du II ) et supprime la compétence pénale des tribunaux d'instance (4°, 5° et 6° du II).
Votre commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .
* 50 Selon l'étude d'impact, les tribunaux des affaires de sécurité sociale et les tribunaux du contentieux de l'incapacité ont enregistré respectivement 100 880 et 42 500 affaires nouvelles en 2012.
* 51 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :
http://www.justice.gouv.fr/publication/rapport_Marshall_2013.pdf.
* 52 Rapport n° 54 (2013-2014). Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :
http://www2.senat.fr/notice-rapport/2013/r13-054-notice.html.
* 53 Paru en 2014, l'ouvrage Soif de justice. Au secours des juridictions sociales de Pierre Joxe a donné une publicité particulière à la situation, notamment, des TASS et des TCI, mais également des conseils de prud'hommes et des commissions départementales d'aide sociale.
* 54 Le texte prévoyait, notamment, la mise en place d'un recours administratif préalable obligatoire.
* 55 Le code de la sécurité sociale parle de secrétariat pour ces juridictions et non de greffe.
* 56 Articles L. 491-1 du code rural et de la pêche maritime.
* 57 Les caisses d'allocations familiales assurent ainsi le versement de minima sociaux (allocation aux adultes handicapés et revenu de solidarité active). Le contentieux relatif au revenu de solidarité active ne relève même pas de la CDAS, mais du tribunal administratif.
* 58 Le secrétariat des CDAS, assuré par des fonctionnaires ou magistrats en activité ou à la retraite, désignés sur une liste établie conjointement par le président du conseil départemental et le préfet, ne pose pas les mêmes difficultés.
* 59 Cet article dispose que « sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, le tribunal d'instance connaît, en matière civile, de toutes actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 10 000 euros. Il connaît aussi des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10 000 euros ».
* 60 Étude d'impact p. 69.
* 61 Exposé des motifs des articles 9 et 10 du projet de loi.
* 62 Créées par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice .
* 63 498 juges de proximité pour 307 juridictions de proximité au début de l'année 2015 selon les statistiques figurant dans l'étude d'impact.
* 64 Article R. 41-11 du code de procédure pénale.
* 65 Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles .
* 66 Selon les explications fournies dans le rapport n° 124 (2012-2013) de notre ancienne collègue Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois, sur la proposition de loi relative aux juridictions de proximité . Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l12-124/l12-124.html
* 67 En application de l'article unique de la loi n° 2012-1441 du 24 décembre 2012 relative aux juridictions de proximité .
* 68 En application de l'article 99 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.
* 69 Exceptions faites des contraventions de la quatrième classe mentionnée ci-dessus.
* 70 En application des articles 45 à 48 du code de procédure pénale, le siège du ministère public auprès du tribunal de police est occupé, sauf si le procureur de la République en décide autrement, par un commissaire de police, à l'exception des affaires concernant des contraventions de la cinquième classe.
* 71 Programmée le premier jour du douzième mois suivant la publication de la présente loi en vertu de l'article 54 du projet de loi.
* 72 Pour des explications sur le fonctionnement de cette procédure, votre rapporteur renvoie à la lecture des pages 119 à 122 de son rapport n° 394 (2010-2011) sur le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.
* 73 Articles L. 211-1, L. 211-9-1 [nouveau], L. 212-6, L. 221-1, L. 221-10 et L. 222-3.