C. L'ABSENCE DE DISPOSITIONS RELATIVES AU COMMERCE

L'accord de modification ne comporte aucune disposition relative au commerce qui constituait un volet majeur de l'Accord de 1999 (Titres 2 et 3).

Les questions commerciales et liées au commerce ont été dissociées du reste des sujets car elles ont été traitées dans le cadre de l'accord de partenariat économique (APE) entre l'Union européenne et les pays d'Afrique australe.

Conçus comme des accords de commerce et de développement, les APE sont des accords de libre-échange asymétriques négociés par l'Union européenne depuis plus de douze ans au sein d'ensembles sous-régionaux parmi les pays ACP (cinq régions d'Afrique, Pacifique et Caraïbes).

L'Afrique du Sud n'a cependant jusqu'ici jamais bénéficié du volet commercial et des tarifs préférentiels accordés aux pays ACP, dont elle est membre depuis 1998, dans la mesure où elle avait choisi de négocier séparément son accord de libre-échange avec l'Union européenne 25 ( * ) .

Parallèlement, le Botswana, le Lesotho et le Swaziland, pays avec lesquels l'Afrique du Sud et la Namibie partagent une union douanière, la SACU, ont signé en juin 2009 un APE intérimaire avec l'Union européenne qui n'a jamais été ratifié. En effet, l'union douanière ayant un tarif extérieur commun, elle n'autorise pas ses membres à négocier séparément un accord commercial avec des parties tierces.

Dès lors, la négociation s'est poursuivie avec l'ensemble des Etats de la SACU, l'Afrique du Sud ayant choisi de rejoindre ce processus, lequel s'est étendu à d'autres membres de la communauté plus vaste de développement d'Afrique australe, notamment le Mozambique et l'Angola.

Le dernier et sixième sommet annuel entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud s'est tenu à Pretoria le 18 juillet 2013, en présence du Président Zuma pour l'Afrique du Sud et des Présidents Van Rompuy et Barroso pour l'Union européenne ; il a été l'occasion de progresser sur ce sujet difficile.

Les négociations se sont achevées avec le paraphe de l'accord intervenu à Pretoria le 15 juillet 2014. Le texte est actuellement en cours de relecture et de toilettage juridique auprès de la Commission européenne et des parties africaines et la Commission espère pouvoir parvenir à la signature du texte d'ici l'automne 2015.

Au sein de cet accord de partenariat économique UE-Afrique australe, l'Afrique du Sud occupe une place particulière avec une offre d'accès au marché légèrement différenciée des autres pays.

Tandis que les autres pays bénéficient d'un accès au marché européen sans droit ni quota, les produits sud-africains sont soumis à certaines restrictions. L'inclusion d'une clause de la nation la plus favorisée a été particulièrement difficile à obtenir, car l'Afrique du Sud n'estimait pas avoir de concessions à faire par rapport à l'Accord de 1999 26 ( * ) . L'accord finalement conclu permettra à l'Afrique du Sud de bénéficier de conditions améliorées d'accès au marché européen mais, en échange, lorsque les pays du groupe seront disposés à accorder de plus larges concessions aux principaux concurrents de l'UE, celle-ci sera en mesure de demander les mêmes améliorations. Par ailleurs, l'UE et l'Afrique du Sud sont parvenues à un accord de leurs indications géographiques (251 IG européennes protégées en Afrique du Sud et 105 IG sud-africaines protégées dans l'UE), alors qu'il n'y a qu'une option de coopération dans ce domaine avec les autres partenaires de l'APE.

Comme l'accord qui fait l'objet de ce projet de loi, les APE des accords mixtes, dans la mesure où une partie de leurs stipulations relève de la compétence exclusive de l'UE et une partie de la compétence des Etats membres. En l'espèce, certains chapitres et mesures de l'APE UE/SADC relèveront donc de la compétence de la France et seront donc également examinés par le Parlement français.

A cet égard, votre Rapporteure rappelle que la question des exportations, en Europe, de produits agricoles, notamment lorsqu'ils viennent en concurrence avec les productions ultra-marines des Etats membres de l'Union européenne, reste un sujet extrêmement sensible . A l'occasion de l'examen par votre Commission de l'accord de partenariat économique entre l'Union européenne et ses Etats membres, d'une part, et les Etats d'Amérique centrale, d'autre part, et notamment des auditions organisées à cette occasion par la délégation du Sénat pour l'Outre-Mer, la question des sucres spéciaux a été, s'agissant de l'Afrique australe, spécifiquement évoquée. Dans son rapport 27 ( * ) , au nom de votre Commission, notre collègue Alain Néri avait demandé la mise en place d'un observatoire pour mesurer l'effet de la concurrence introduite par ce type d'accord et envisager la mise en oeuvre des clauses suspensives ou de mesures d'aides ou de compensation. Sur ce point, des progrès, certes modestes, ont été réalisés 28 ( * ) mais votre Commission devra sans doute faire preuve à la prochaine occasion de vigilance et de proposition sur ce sujet.

Ce faisant, dans le cadre du présent accord, la France a obtenu que les sucres spéciaux soient exclus du champ 29 ( * ) ce qui répond aux craintes de nos producteurs ultramarins, notamment de l'île de la Réunion.

L'accord comporte une clause de rendez-vous consacrée à l'investissement et aux services. La clause ne définit pas de date précise pour entamer de telles négociations et elle permet de négocier avec un seul ou plusieurs pays. Les premières discussions pour avancer sur les investissements auront lieu en tout état de cause, après le toilettage juridique du texte.

Ce complément paraît d'autant plus nécessaire que l'Afrique du Sud ne dispose pas à ce jour de législation spécifique en faveur de l'accueil des investissements directs étrangers. Un projet de loi sur l'investissement, toujours à l'étude, constituerait une réponse aux inquiétudes des investisseurs étrangers, suite à la dénonciation ou la non-reconduction par l'Afrique du Sud depuis juillet 2012 des accords bilatéraux de protection des investissements avec les pays industrialisés, notamment européens 30 ( * ) . L'Afrique du Sud estime que le contexte actuel ne justifie plus de tels accords dès lors qu'elle dispose d'un cadre légal comparable aux normes OCDE.


* 25 L'accord sur le commerce, le développement et la coopération, signé en 1999, entré en vigueur en 2004 et dont l'ensemble des mesures de libéralisation avait été mis en oeuvre en 2012. (voir infra).

* 26 L'Accord de 1999 ne comportait pas de clause de la nation la plus favorisée. Il n'obligeait pas l'Afrique du Sud à offrir à l'UE le meilleur traitement qu'elle pourrait offrir à des tierces parties dans d'autres accords commerciaux.

* 27 Projet de loi autorisant la ratification de l'accord établissant une association entre l'Union européenne et ses Etats membres d'une part, et l'Amérique centrale d'autre part - Rapport n° 164 (2014-2015) de M. Alain NÉRI, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 10 décembre 2014 - http://www.senat.fr/rap/l14-164/l14-164.html

* 28 Depuis décembre 2014, il existe un groupe de travail informel Ministère des outre-mer/Ministère de l'agriculture/Dg Trésor chargé du suivi des accords commerciaux négociés par l'UE et ayant un impact potentiel sur les économies ultramarines. Ce groupe de travail est chargé entre autres du suivi des flux commerciaux pour les produits dits sensibles (banane, sucre, rhum) ainsi que d'informer régulièrement les socioprofessionnels des évolutions et points de vigilance à suivre dans le cadre des différentes négociations.

* 29 Cela concerne 4 codes douaniers: 17011310, 17011410, 17019910, 17019990. Cette mesure a pour but de protéger les parts de marché des sucres spéciaux européens (150 000 tonnes sur un marché total UE de 250 000 tonnes; le sucre de la Réunion représente 100 000 tonnes, 20 000 tonnes pour la Guadeloupe). L'Afrique du Sud est un gros producteur de sucre de canne (2 millions de tonnes/an) et potentiellement de sucres spéciaux roux non destinés au raffinage.

* 30 Ainsi l'accord signé en 1995 avec la France a-t-il été dénoncé formellement le 31 août 2013 et cessé d'être en vigueur le 1 er septembre 2014. Pour autant, les investissements français et sud-africains, réalisés avant cette date continueront à bénéficier des dispositions protectrices de l'accord pendant vingt années supplémentaires.

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