C. UN AJUSTEMENT STRUCTUREL DE 0,6 POINT DE PIB
Au cours de l'exercice 2014, le solde structurel s'est élevé à - 2,1 % du PIB, affichant une amélioration de 0,6 point de PIB environ par rapport à 2013 (- 2,6 % du PIB) . Cet ajustement structurel résulte d' un effort structurel de 0,5 point de PIB , recouvrant des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires, à hauteur de 0,15 point de PIB, et un effort en dépenses de 0,35 point de PIB. Par suite, en 2014, l'effort budgétaire a reposé à 70 % sur les dépenses - au bénéfice d'effets d'aubaine en termes d'évolution de certaines catégories de dépenses, comme indiqué précédemment.
À titre de rappel, l'effort structurel rend compte des mesures discrétionnaires adoptées à l'initiative du Gouvernement ; aussi, le « passage » entre l'effort structurel et l'ajustement structurel implique de prendre en considération la composante non discrétionnaire 24 ( * ) de ce dernier et la « clef en crédits d'impôts », comme le rappelle l'encadré ci-après.
À l'instar du solde effectif, le solde structurel constaté au titre de l'exercice 2014 est supérieur de près de 0,4 point de PIB à la prévision retenue dans les textes financiers de fin d'année - de même que dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2014 à 2019 25 ( * ) (cf. tableau ci-après), adoptée en décembre dernier, qui a défini la nouvelle trajectoire de solde structurel arrêtée en application du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).
Ainsi que l'indique l'avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) du 22 mai dernier relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le présent projet de loi 26 ( * ) , l'écart constaté par rapport à la dernière loi de programmation découle, pour 0,2 point de PIB, « d' un effort structurel plus important, qui résulte essentiellement d'une meilleure maîtrise de la dépense publique en 2014 (croissance de 0,9 % en valeur, hors crédits d'impôt, contre 1,4 % dans la LPFP), notamment du fait d'un recul plus marqué que prévu de l'investissement local et de la poursuite de la baisse des charges d'intérêt » et, pour 0,25 point de PIB, « d' une élasticité des recettes à la croissance plus élevée qu'attendu dans la LPFP (1,1 contre 0,7) ».
Tableau n° 7 : Tableau de synthèse de l'article liminaire du projet de loi de règlement
(en points de PIB)
(a) |
(b) |
(c)=(a)-(b) |
(d) |
(e) |
(f)=(d)-(e) |
|
Exécution 2014 |
Soldes prévus par la LPFP 2014-2019 |
Écarts aux soldes prévus par la LPFP 2014-2019 |
Exécution 2014 : Métrique de la LPFP 2012-2017 |
Soldes prévus par la LFI 2014 |
Écarts aux soldes prévus par la LFI 2014 |
|
Solde structurel (1) |
- 2,1 |
- 2,4 |
0,4 |
- 2,2* |
- 1,7 |
- 0,5 |
Solde conjoncturel (2) |
- 1,9 |
- 1,9 |
0,0 |
- 1,7* |
- 1,8 |
0,0 |
Mesures ponctuelles et temporaires (3) |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0* |
- 0,1 |
+ 0,1 |
Solde effectif (1)+(2)+(3) |
- 4,0 |
- 4,4 |
0,4 |
- 3,9* |
- 3,6 |
- 0,3 |
* Estimations
Source : article liminaire du projet de loi de règlement
Si, sans surprise, la cible de solde structurel définie par la loi de programmation des finances publiques 2014-2019 a été respectée en 2014, tel n'est pas le cas des objectifs qui avaient été fixés par la précédente loi de programmation et par la loi de finances pour 2014 .
Bien qu'elle ait été abrogée par la dernière loi de programmation, il convient également d'examiner l'évolution du solde structurel au regard de la trajectoire définie par la loi de programmation des finances publiques 2012-2017 . Il est nécessaire de rappeler que les hypothèses retenues par cette dernière pour évaluer le solde structurel étaient différentes 27 ( * ) . Aussi, calculé sur la base des hypothèses sous-jacentes à la loi de programmation des finances publiques 2012-2017, le solde structurel s'élevait à 2,2 % du PIB en 2014 - faisant donc apparaître un écart de - 0,5 point de PIB par rapport à la prévision de la loi de finances pour 2014 (- 1,7 % du PIB) . De même, en 2014, le solde structurel affichait toujours un écart supérieur à 1 point de PIB par rapport à la trajectoire d'ajustement définie par la loi de programmation des finances publiques 2012-2017.
À titre de rappel, le HCFP avait identifié, en mai 2014 28 ( * ) , un « écart important » - de 1,5 point de PIB - entre cette dernière trajectoire et le solde structurel de l'année 2013, déclenchant le « mécanisme de correction » 29 ( * ) prévu par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 30 ( * ) ; toutefois, l'obligation de corriger l'« écart important » identifié a pris fin avec la définition d'une nouvelle trajectoire par la dernière loi de programmation des finances publiques .
Ceci vient mettre en évidence les limites inhérentes au mécanisme de correction . En effet, alors qu'aux termes du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), ce mécanisme doit comporter « l'obligation pour la partie contractante concernée de mettre en oeuvre des mesures visant à corriger ces écarts sur une période déterminée », donc contraindre l'État intéressé à respecter la trajectoire de solde structurel qu'il a lui-même défini, le Gouvernement a modifié cette trajectoire plutôt que de corriger les écarts apparus avec celle définie initialement .
Ajustement structurel et effort structurel L' ajustement structurel se définit comme la variation du solde structurel, qui correspond au solde public effectif corrigé du cycle économique, soit de la conjoncture, de même que des mesures exceptionnelles et temporaires. Dès lors, l'ajustement structurel renvoie à la variation du solde public dont ont été retranchés les effets de la conjoncture économique. Malgré cela, celui-ci ne constitue qu'une mesure imparfaite pour qualifier l'orientation discrétionnaire de la politique budgétaire . En effet, par construction, le solde structurel est conçu comme un résidu entre le solde effectif et sa part conjoncturelle, de sorte que tous les éléments qui ne figurent pas explicitement dans le solde conjoncturel sont considérés comme étant de nature structurelle ; en particulier, le solde structurel ne permet pas d'exclure les incidences de l'évolution de l'élasticité des prélèvements obligatoires , pourtant sensible aux évolutions conjoncturelles et qui échappe au contrôle du Gouvernement. Aussi, afin de mieux approcher la composante discrétionnaire des finances publiques - et donc l'action budgétaire du Gouvernement -, a été développée la notion d'effort structurel , qui a été proposée pour la première fois dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2004 31 ( * ) .
L'effort structurel peut se décomposer en deux
facteurs : l'
effort structurel en dépenses
, qui
correspond à l'écart entre la progression de la dépense
publique et la croissance potentielle, et l'
effort structurel en
recettes
, soit les mesures nouvelles portant sur les
prélèvements obligatoires perçus par l'ensemble des
administrations publiques
32
(
*
)
. Ainsi, le calcul de l'effort structurel permet un
traitement amélioré du traitement des recettes dans la mesure de
la composante discrétionnaire du solde public, dès lors qu'il
permet d'exclure les incidences de l'évolution des
élasticités. Toutefois,
il ne permet pas d'isoler les
évolutions des
|
En outre, l'entrée en vigueur du nouveau système européen des comptes nationaux, dit « SEC 2010 » 33 ( * ) , a modifié le traitement des crédits d'impôts « restituables » 34 ( * ) , soit ceux correspondant à une créance et pouvant donner lieu à un versement de la part du Trésor public en cas de dépassement de l'impôt dû, qui sont désormais comptabilisés comme des dépenses publiques - alors qu'ils l'étaient auparavant en tant que moindres recettes. Par conséquent, afin de maintenir inchangé la notion d'effort structurel, l'effort en dépenses est calculé hors crédits d'impôts . Toutefois, parce que la montée en charge des crédits d'impôts « pèse » sur l'ajustement structurel, un terme supplémentaire a été ajouté dans la décomposition de ce dernier : il s'agit de la « clef en crédits d'impôts ». |
* 24 La composante non discrétionnaire de l'ajustement structurel, qui est hors de contrôle du Gouvernement, est définie comme l'effet du décalage entre les élasticités spontanées des recettes à la variation du PIB et les élasticités usuelles auxquelles s'ajoute l'évolution des recettes hors prélèvements obligatoires.
* 25 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.
* 26 Cf. avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-02 du 22 mai 2015 relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2014.
* 27 Le calcul du solde structurel dépend tout à la fois de l'estimation du PIB potentiel et des hypothèses de croissance potentielle retenues ; or, dans le cadre de la loi de programmation pour les années 2014 à 2019, le Gouvernement a révisé les hypothèses relatives au PIB potentiel utilisées pour définir la trajectoire de solde structurel (cf. rapport n° 55 (2014-2015) sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, p. 9-21).
* 28 Cf. avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2014-02 du 23 mai 2014 relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2013.
* 29 Cf. rapport n° 716 (2013-2014) sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2013 fait par François Marc au nom de la commission des finances du Sénat.
* 30 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
* 31 Par ailleurs, il convient de rappeler que la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014 reposait sur un engagement exprimé en termes d'effort structurel et non plus de solde effectif.
* 32 S. Duchêne et D. Lévy, « Solde "structurel" et "effort structurel" : un essai d'évaluation de la composante "discrétionnaire" de la politique budgétaire », Diagnostic Prévisions et Analyses économiques , n° 18, 2003.
* 33 Les changements induits par le nouveau système européen des comptes nationaux (SEC 2010) sont décrits dans l'annexe 3 au rapport annexé au présent projet de loi.
* 34 Dans le cadre du système européen de comptabilité (SEC 2010), les crédits d'impôts « restituables » correspondent aux crédits d'impôts tels qu'ils sont conçus dans le droit français ; il s'agit des dispositifs qui « peuvent être "à payer", dans le sens où tout montant du crédit qui dépasse la créance fiscale est payé à son bénéficiaire ». À l'inverse, les crédits d'impôts qui ne sont pas exigibles, comme les abattements ou les déductions, sont décrits comme « non récupérables ».