B. UNE DÉMARCHE D'ÉVALUATION DES DÉPENSES FISCALES QUI N'EST PAS À LA HAUTEUR DES ENJEUX BUDGÉTAIRES
1. Un montant en hausse, porté par le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE)
Les dépenses fiscales prises dans leur ensemble ont crû de façon importante depuis 2007 , malgré les différentes mesures prises dans le cadre des lois de programmation pour maîtriser leur extension. Comme le montre le graphique ci-après, les dernières années ont été marquées par trois périodes successives : la réforme du crédit d'impôt recherche (CIR), en 2008, a conduit à une augmentation soutenue de leur montant. Celui-ci s'est stabilisé un peu au-delà de 70 milliards d'euros entre 2009 et 2013. À partir de 2014, la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a produit ses effets et la dépense fiscale de l'État a augmenté de nouveau fortement, pour atteindre près de 80 milliards d'euros en 2014.
Graphique n° 31 : Évolution du montant total des dépenses fiscales de 2007 à 2015
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général
2. L'absence de mise en oeuvre d'une démarche d'évaluation globale
La démarche d'évaluation prévue par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 55 ( * ) n'a, dans les faits, quasiment pas été suivie.
Le tableau ci-après, transmis par le Gouvernement, récapitule les dépenses fiscales ayant fait l'objet d'une évaluation en 2014. Aucun de ces travaux ne s'inscrit dans une analyse globale et harmonisée de la dépense fiscale et la plupart d'entre eux ne sont même pas réalisés par les services du Gouvernement mais par la Cour des comptes.
La plupart des « évaluations » gouvernementales renvoient en réalité à des évaluations préalables en loi de finances, c'est-à-dire à des travaux prospectifs, le plus souvent très brefs , et non à une analyse a posteriori de « l'efficience et de l'efficacité » de l'incitation fiscale, comme le prévoit la loi. Selon le Gouvernement, la suppression d'une dépense fiscale par voie d'amendement en loi de finances rectificative tient même lieu d'évaluation.
La loi de programmation des finances publiques n'est donc pas respectée , et les modalités actuelles d'évaluation des niches fiscales ne permettent pas au Parlement de débattre de ces sujets en pleine connaissance de cause.
Tableau n° 32 : Liste des dépenses fiscales ayant fait l'objet d'une évaluation en 2014 et nature de l'évaluation réalisée
Libellé |
Évaluation |
Demi-part supplémentaire pour les contribuables invalides |
Rapport de la Cour des comptes sur la fiscalité du handicap |
Réduction d'impôt pour frais de comptabilité et d'adhésion à un centre de gestion ou une association agréés |
Rapport de la Cour des comptes sur les organismes de gestion agréés, 40 ans après |
Réduction d'impôt au titre des frais de dépendance et d'hébergement pour les personnes dépendantes accueillies en établissement spécialisé |
Rapport de la Cour des comptes sur la fiscalité du handicap |
Réduction d'impôt au titre de l'emploi, par les particuliers, d'un salarié à domicile pour les contribuables n'exerçant pas une activité professionnelle ou demandeurs d'emploi depuis moins de trois mois |
Rapport de la Cour des comptes sur le développement des services à la personne et le maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie |
Prime pour l'emploi en faveur des contribuables modestes déclarant des revenus d'activité |
Évaluation préalable en projet de loi e finances rectificative 2014 |
Crédit d'impôt pour dépenses d'équipements de l'habitation principale en faveur de l'aide aux personnes |
Rapport de la Cour des comptes sur la fiscalité du handicap |
Crédit d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile pour les contribuables exerçant une activité professionnelle ou demandeurs d'emploi depuis au moins trois mois |
Rapport de la Cour des comptes sur le développement des services à la personne et le maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie |
Réduction d'impôt sur le revenu en faveur de l'investissement locatif intermédiaire (dispositif Pinel) |
Évaluation préalable en projet de loi de finances pour 2015 |
Exonération des prestations familiales, de l'allocation aux adultes handicapés ou des pensions d'orphelin, de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, de l'allocation de garde d'enfant à domicile, et, depuis le 1er janvier 200 |
Rapport de la Cour des comptes sur la fiscalité du handicap |
Déduction forfaitaire de 3 % déclarée par les médecins conventionnés |
Rapport de la Cour des comptes sur les organismes de gestion agréés, 40 ans après |
Prêt à taux zéro (crédit d'impôt au titre d'une avance remboursable ne portant pas intérêt) et prêt à taux zéro renforcé PTZ+ (crédit d'impôt sur les bénéfices au titre de prêts ne portant pas intérêts destinés à financer l'acquisition d'une résidence pri |
Évaluation préalable en projet de loi de finances pour 2015 |
Crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi |
Évaluation préalable en projet de loi de finances
pour 2015 pour les DOM
|
Exonération des cessions réalisées par les SAFER |
Rapport de la Cour des comptes sur les SAFER, les dérives d'un outil de politique d'aménagement agricole et rural |
Exonération du droit d'enregistrement de 1,20 % pour les ventes publiques d'objet d'art, d'antiquité ou de collection réalisées au profit de certains organismes d'intérêt général ayant une vocation humanitaire d'assistance ou de bienfaisance |
Dépense supprimée par voie d'amendement en projet de loi de finances pour 2015 |
Taux de 5,5% pour les ventes portant sur certains appareillages, ascenseurs et équipements spéciaux pour les handicapés |
Rapport de la Cour des comptes sur la fiscalité du handicap |
Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général relatif au présent projet de loi de règlement
La nouvelle loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 56 ( * ) prévoit désormais que les dépenses fiscales et niches sociales créées à partir du 1 er janvier 2015 soient « revues » à l'issue d'une période de trois années . En outre, « le Gouvernement présente au Parlement, au plus tard six mois avant l'expiration du délai pour lequel la mesure a été adoptée, une évaluation de celle-ci et, le cas échéant, justifie son maintien pour une durée supplémentaire de trois années ». L'efficacité de ce nouveau dispositif, beaucoup moins ambitieux puisqu'il ne concerne que les « niches » nouvellement créées, reste à confirmer.
* 55 Article 18 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 : « Les dépenses fiscales, d'une part, et les réductions, exonérations ou abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement, d'autre part, font l'objet d'une évaluation annuelle de leur efficience et de leur efficacité.
Ces évaluations sont réalisées chaque année par cinquième des dépenses fiscales, réductions, exonérations ou abattements d'assiette et sur l'ensemble de ceux qui, aux termes du texte qui les a institués, cesseront de s'appliquer dans les douze mois.
Ces évaluations sont transmises au Parlement. »
* 56 Articles 21 et 23 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.