SECTION 2 - Agents en service sur le territoire de la Polynésie française
Article 11 (art. 75 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et groupements de communes de Polynésie française) - Titularisation et rémunération des agents contractuels des communes et groupements de communes de la Polynésie française
Le présent article vise à prolonger le dispositif de titularisation des agents contractuels des communes et groupements de communes de la Polynésie française .
Trois types d'agents publics interviennent dans cette collectivité d'outre-mer :
- les agents du territoire de la Polynésie française dont le statut est fixé par l'assemblée territoriale 46 ( * ) ;
- les « fonctionnaires de l'État pour l'administration de la Polynésie française » auxquels s'appliquent des règles spécifiques définies par la loi n° 66-496 du 11 juillet 1966 47 ( * ) ;
- les agents des communes et groupements de communes, sur lesquels porte le présent article. Ces agents disposaient initialement de contrats de droit privé et étaient soumis à des règles hétérogènes : le code du travail polynésien 48 ( * ) , la convention collective « agents non fonctionnaires de l'administration » (ANFA) 49 ( * ) et des statuts spécifiques que chaque commune ou groupement de communes était susceptible de créer.
La loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ayant consacré la libre administration des communes et groupements de communes et leur ayant dévolu des compétences propres 50 ( * ) , il est apparu nécessaire d'assurer la stabilité et la cohérence de leurs moyens humains . Comme le soulignait notre collègue Jean-Pierre Vial dans son rapport relatif à l'actualisation de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005, il s'agissait également de « permettre à ces agents de bénéficier d'un statut apte à leur offrir des parcours professionnels valorisants » 51 ( * ) .
L'établissement de règles les concernant relevant de l'État (article 14 de la loi organique précitée), le Gouvernement a été habilité à créer par ordonnance un statut général des fonctionnaires des communes et groupements de communes de la Polynésie française. Publiée le 4 janvier 2005, l'ordonnance n° 2005-10 52 ( * ) n'a toutefois porté ses effets qu'à partir de 2011 , faute de décret d'application.
Elle prévoit un mécanisme d'intégration à la fonction publique des agents contractuels de ces communes et groupements de communes. Ce processus d'intégration n'étant pas terminé, le Gouvernement propose de le prolonger.
1. Un processus d'intégration à la fonction publique qui n'est pas achevé
1.1. Le processus d'intégration
L'ordonnance précitée prévoit un dispositif transitoire permettant aux agents contractuels d'intégrer la fonction publique des communes et groupements de communes. Ce dispositif comprend deux étapes distinctes.
Le contrat de droit privé des agents est tout d'abord automatiquement requalifié en contrat de droit public à durée indéterminée si deux conditions sont remplies : les agents sont en fonction et ont accompli plus d'un an de service effectif au cours des trois dernières années civiles 53 ( * ) (article 73 de l'ordonnance n° 2005-10). Leurs conditions de rémunération restent inchangées.
Ces agents, désormais titulaires d'un contrat de droit public, ont ensuite vocation à intégrer, à leur demande, la fonction publique (article 74) à condition de respecter les conditions requises pour avoir la qualité de fonctionnaire (nationalité française, jouissance des droits civiques, etc .).
D'un point de vue procédural, cette demande de titularisation est examinée par la « commission spéciale sur l'aptitude des agents à devenir fonctionnaire » qui rend un avis. Le maire ou le président du groupement de communes fixe ensuite la liste d'aptitude des agents aptes à devenir fonctionnaires et les emplois correspondants sont ouverts par l'assemblée délibérante.
La durée de ce dispositif est limitée . En l'état du droit, les assemblées délibérantes disposent de trois ans à compter de la publication par le pouvoir règlementaire des statuts des cadres d'emploi spécifiques à la Polynésie française 54 ( * ) . Ce délai était initialement de six ans mais le législateur a souhaité le réduire lors de la révision de l'ordonnance n° 2005-10 55 ( * ) afin d'inciter les communes et groupements de communes à lancer ce processus d'intégration dans les meilleurs délais.
Les statuts des cadres d'emploi ayant été publiés le 12 juillet 2012, les assemblées délibérantes ont jusqu'au 12 juillet 2015 pour ouvrir les postes correspondants .
Les agents concernés bénéficient d'un « droit d'option » : ils peuvent choisir de ne pas rejoindre la fonction publique. Ils continuent alors d'être employés dans les conditions prévues par leur contrat de droit public.
Certains contrats comprenant des clauses très favorables 56 ( * ) , il est possible que la fonction publique représente peu d'attrait pour les contractuels des communes et groupements de communes de la Polynésie française.
Pour éviter tout effet contreproductif, l'ordonnance précitée du 4 janvier 2005 prévoit une « cristallisation » de leurs conditions d'emploi : s'ils conservent les stipulations de leurs contrats, ces agents qui ne souhaitent pas devenir fonctionnaires ne peuvent « prétendre à de nouveaux avantages ni à de nouvelles primes, ni à avancement de catégorie ou de grade lorsqu'ils existent » .
1.2. Un processus d'intégration inachevé
Ce processus d'intégration a été pénalisé par l' adoption tardive des mesures d'application de l'ordonnance n° 2005-10 qui n'ont été publiées qu'en 2011 et 2012.
Il apparaît, en outre, que les communes et groupements de communes de la Polynésie française n'ont pas tous pris les mesures nécessaires à la titularisation de leurs agents contractuels alors même que le délai d'ouverture des emplois sera forclos au 12 juillet 2015 en l'état du droit.
Ainsi, sur les 4 622 personnes qu'emploient ces communes et groupements de communes, seules 900 ont le statut de fonctionnaire , ce qui représente 19,47 % des effectifs.
Statut des agents des communes et groupements de
communes
de la Polynésie française
Source : commission des lois
Le Gouvernement constate une récente accélération du rythme des intégrations : sur les six derniers mois, le nombre moyen d'intégration atteint 100 personnes par mois contre 30 à 50 les six mois précédents. Force est toutefois de constater que l'objectif de constitution d'une fonction publique cohérente dans les communes et groupements de communes de la Polynésie française au 12 juillet 2015 ne sera pas atteint .
2. Une prolongation et une meilleure organisation du processus d'intégration
Le Gouvernement propose de revenir à la durée initiale du processus d'intégration en la fixant à six ans et non à trois. Les assemblées délibérantes auraient ainsi jusqu'au 12 juillet 2018 pour ouvrir les emplois correspondants et permettre la titularisation de leurs agents à un poste de fonctionnaire.
De manière complémentaire, le présent projet de loi vise à rendre la procédure plus efficace en garantissant l'information des agents : ceux-ci recevraient directement une proposition de classement, alors qu'il n'est procédé aujourd'hui qu'à une publication globale des postes créés. Les collectivités qui les emploient devraient transmettre cette nouvelle information dans un délai de trois mois à compter de l'ouverture de l'emploi correspondant.
Le Gouvernement propose également de revenir sur le principe de cristallisation des conditions d'emploi des agents n'ayant pas voulu rejoindre la fonction publique. Il souhaite, en effet, que leur rémunération fasse « l'objet d'un réexamen périodique suivant des modalités définies par décret en Conseil d'État ». Le Gouvernement met en avant des arguments sociaux, leur rémunération n'ayant pas évolué depuis plusieurs années.
3. La position de la commission des lois : la fixation à cinq ans du processus d'intégration
Votre commission n'a pu que constater la nécessité de prolonger ce processus inachevé d'intégration des agents contractuels des communes et groupements de communes de la Polynésie française.
Elle a toutefois mis en exergue les difficultés que soulèverait une prolongation excessive de ce dispositif en raison de :
- son coût pour les finances publiques, retarder ce processus conduisant à intégrer les agents dans des conditions plus favorables du fait de leur plus grande ancienneté ;
- son caractère désincitatif pour les communes et groupements de communes qui seraient susceptibles de retarder la mise en oeuvre de cette procédure qui leur est ouverte depuis le 12 juillet 2012.
Votre commission a donc adopté l'amendement COM-19 de son rapporteur visant à fixer la durée du processus d'intégration à la fonction publique de ces agents à cinq ans et non à six comme proposé par le projet de loi. Les communes et groupements de communes auraient ainsi jusqu'au 12 juillet 2017 pour ouvrir les emplois correspondants , ce qui semble leur laisser un délai suffisant.
Votre rapporteur invite enfin le Gouvernement à la prudence concernant la revalorisation par décret des traitements des agents contractuels ne souhaitant pas rejoindre la fonction publique : cette revalorisation ne doit pas être de nature à annihiler la vocation de ces agents à rejoindre la fonction publique.
Votre commission a adopté l'article 11 ainsi modifié .
Article 12 (art. 12 de la loi n° 95-97 du 1er février 1995 étendant dans les territoires d'outre-mer certaines dispositions du code de la route et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer) - Détachement des fonctionnaires de la Polynésie française
Le présent article vise à permettre aux agents des communes et groupements de communes de la Polynésie française de bénéficier de la procédure de détachement afin d'accroître leurs possibilités de mobilité vers d'autres fonctions publiques.
Il poursuit donc le même objectif que l'article 11 : consolider cette fonction publique en cours de constitution.
Les dispositifs de mobilité dans la fonction publique La mobilité des fonctionnaires repose sur quatre dispositifs principaux : - la mise à disposition : les fonctionnaires sont réputés occuper leur emploi - leur administration d'origine continue d'ailleurs de leur verser leur rémunération - mais ils sont en service dans une autre administration ; - le détachement : les fonctionnaires exercent également dans une autre administration mais ils sont placés hors de leur cadre d'emplois initial. Le détachement peut être suivi d'une intégration définitive dans le corps d'accueil ; - l' intégration directe : les fonctionnaires intègrent un nouveau corps sans détachement préalable ; - la disponibilité : ils interrompent à titre provisoire leur activité et cessent de bénéficier de leurs droits à l'avancement et à la retraite pour pouvoir, par exemple, exercer des responsabilités dans le secteur privé. |
1. Une mobilité réduite
En l'état du droit, les agents des communes et groupements de communes de la Polynésie française peuvent être mis à disposition de toute autre administration (article 57 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005) 57 ( * ) ou obtenir une disponibilité (article 58).
Ils peuvent également bénéficier d'un détachement mais uniquement vers les autres communes et groupements de communes de la Polynésie française , non vers les autres fonctions publiques.
En effet, l'article 13 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires qui autorise la mobilité vers les trois fonctions publiques (territoriale, hospitalière, d'État) ne leur est pas applicable 58 ( * ) . Leur statut est donc moins avantageux que celui des agents du territoire de la Polynésie française pour lesquels la mobilité vers les autres fonctions publiques constitue « une garantie fondamentale » depuis 1995 59 ( * ) .
Enfin, le régime de l'intégration directe - peu mis en oeuvre en métropole - n'a pas été étendu aux agents des communes et groupements de communes de la Polynésie française.
2. Un élargissement des possibilités de détachement
Le présent article propose de permettre le détachement des agents des communes et groupements de communes de la Polynésie française vers l'une des trois fonctions publiques en précisant que des dispositions contraires de statuts particuliers ne peuvent y faire obstacle. Il confirme également le droit à la mobilité des agents du territoire de la Polynésie française acquis depuis 1995.
Ce dispositif, qui s'inspire de celui mis en oeuvre pour les fonctionnaires de la Nouvelle-Calédonie 60 ( * ) , serait toutefois encadré par deux garanties qui reprennent des principes du droit de la fonction publique :
- le détachement ne serait possible que « dans des corps ou cadres d'emplois de niveau équivalent à ceux auxquels les agents appartiennent » ;
- les agents devraient présenter le niveau de diplôme requis pour pouvoir exercer les emplois concernés par cette mobilité.
Votre commission soutient ces dispositions car elle considère que le droit à la mobilité est essentiel pour proposer des carrières valorisantes aux fonctionnaires des communes et groupements de communes de la Polynésie française.
Elle a toutefois adopté l'amendement COM-20 de son rapporteur afin d' encadrer le périmètre de ce dispositif . La rédaction initiale du projet de loi ouvrait en effet le détachement aux « agents des communes et des groupements de communes de la Polynésie française » , ce qui semblait inclure les contractuels de la Polynésie française ne souhaitant pas intégrer la fonction publique 61 ( * ) .
Votre commission a donc souhaité remplacer le terme d' «agents » par celui de « fonctionnaires » afin de rappeler que les dispositifs de mobilité sont réservés à ces derniers et ne sont pas accessibles aux personnes qui souhaitent conserver les stipulations de leur contrat de travail.
Votre commission a adopté l'article 12 ainsi modifié .
* 46 Délibération n° 95-215 AT de l'assemblée territoriale de Polynésie française du 14 décembre 1995.
* 47 Loi n° 66-496 du 11 juillet 1966 relative à la création de corps de fonctionnaires de l'État pour l'administration de la Polynésie française. Cette loi prévoit notamment que ces fonctionnaires « sont recrutés en priorité en Polynésie française et ont vocation à y servir » , ce qui constitue une dérogation au principe d'égal accès à la fonction publique.
* 48 Code du travail polynésien fixé par la loi du pays n° 2011-15 du 4 mai 2011 de l'assemblée de la Polynésie française relative à la codification du droit du travail.
* 49 Signée le 10 mai 1968 par le gouverneur de la Polynésie française et les représentants syndicaux, cette convention encadre l'ensemble des relations entre l'administration et les agents non titulaires dont le contrat prévoit son application.
* 50 Les communes et groupements de communes de la Polynésie française sont notamment chargés de la police municipale, de la gestion de la voirie et des transports communaux ( cf . article 43 de la loi organique n° 2004-192).
* 51 Rapport n° 220 (2010-2011) fait au nom de la commission des lois (http://www.senat.fr/rap/l10-220/l10-220.html).
* 52 Ordonnance portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs.
* 53 Cette condition de durée du service effectif est réputée accomplie si l'agent dispose d'un contrat d'une durée de plus de douze mois ou renouvelé par tacite reconduction pendant une durée totale supérieure à douze mois.
* 54 Quatre cadres d'emplois ont été créés en Polynésie française : exécution, application, maîtrise, conception / encadrement.
* 55 Loi n° 2011-664 du 15 juin 2011 actualisant l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs.
* 56 Comme l'a notamment souligné la chambre régionale des comptes de la Polynésie française dans son rapport en date du 20 juin 2012 sur la commune de Hitia'a O Te Ra (www.ccomptes.fr).
* 57 Ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs.
* 58 Le périmètre de cette loi défini à son article 2 ne comprenant pas explicitement les communes et groupements de communes de la Polynésie française.
* 59 Cf . l'article 12 de la loi n° 95-97 du 1 er février 1995 étendant dans les territoires d'outre-mer certaines dispositions du code de la route et portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer.
* 60 Cf . l'article 33-1 de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
* 61 Cf . le commentaire de l'article 11.