B. LES AGENDAS D'ACCESSIBILITÉ PROGRAMMÉE PERMETTENT D'ENGAGER UNE NOUVELLE DYNAMIQUE DANS LE PROCESSUS DE MISE EN ACCESSIBILITÉ

1. Des retards de mise en accessibilité malgré une mobilisation croissante des acteurs concernés

Le constat que les objectifs de mise en accessibilité fixés par la loi du 11 février 2005 ne seraient pas atteints dans les délais impartis s'est progressivement imposé à l'approche de l'échéance de 2015. Dans le rapport réalisé en 2012, conjointement avec notre collègue Isabelle Debré, pour la commission sénatoriale de contrôle de l'application des lois, votre co-rapporteure soulignait que, « à trois ans de l'échéance fixée par la loi, force est de reconnaître que la mise en accessibilité de l'ensemble du cadre bâti, de la voirie et des transports ne sera très probablement pas réalisée » 4 ( * ) .

L'état de la mise en accessibilité
des établissements recevant du public et des services de transports

L'ensemble des travaux menés sur la question de l'accessibilité soulignent le manque cruel de remontées statistiques sur cette question. Toute donnée chiffrée doit par conséquent être analysée avec prudence.

Selon les indications fournies par la délégation ministérielle à l'accessibilité (DMA), entre 25 % et 40 % des ERP sont aujourd'hui accessibles. Ces données sont soumises à de fortes incertitudes qui tiennent notamment aux écarts d'évaluation du nombre total d'ERP.

Le rapport 2012 de l'observatoire interministériel de l'accessibilité et de la conception universelle (Obiaçu) indiquait qu'au 1 er juillet 2012, 64 % des PAVE, couvrant 85 % de la population, étaient en cours d'élaboration ou adoptés. Ce pourcentage augmente progressivement avec la taille des communes : il est de 53,2 % dans celles de moins de 200 habitants et de 95,5 % dans celles de plus de 50 000 habitants.

S'agissant des transports, l'Obiaçu indiquait qu'au 1 er juillet 2012, 61 % des SDA avaient été adoptés et 15 % n'étaient pas encore engagés.

Soulignant la nécessité de ne pas renoncer à l'échéance de 2015, le rapport sénatorial recommandait notamment d'établir un état des lieux exhaustif du chantier de mise en accessibilité. Cette analyse figure dans le rapport « Réussir 2015 » , remis au Premier ministre Jean-Marc Ayrault par votre co-rapporteure en mars 2013. Au-delà du constat, le rapport identifie les facteurs ayant conduit à des retards dans l'engagement des travaux de mise en accessibilité. Aux délais de parution des textes réglementaires pris en application de la loi du 11 février 2005 s'est ajouté le manque d'anticipation du coût des travaux à réaliser, de la durée de ces travaux et de la complexité des normes devant être appliquées. De plus, le manque de portage politique au niveau national n'a sans doute pas été favorable à une mobilisation rapide des acteurs de terrain.

Bien que tardive, la mobilisation s'est amplifiée dans les années précédant l'échéance de 2015 . Elle a été accompagnée par la délégation ministérielle à l'accessibilité (DMA), notamment dans le cadre des travaux « Regards croisés » qui ont permis aux parties prenantes au chantier de la mise en accessibilité de construire une vision partagée de la réglementation et de son application. La création par CCI-France d'un outil d'analyse des conséquences économiques des travaux de mise en accessibilité traduit elle aussi la volonté d'agir pour accompagner concrètement les acteurs de terrain dans leurs démarches.

La situation n'en demeurait pas moins problématique à l'approche de 2015 et les marges de manoeuvres limitées : repousser l'échéance de 2015 aurait été interprété comme un recul politique et comme un signal négatif vis-à-vis des acteurs déjà engagés dans une démarche de mise en accessibilité ; ne pas agir aurait conduit à prendre le risque d'une multiplication des condamnations pénales de collectivités territoriales et d'acteurs du monde économique pour défaut d'accessibilité dès 2015.

Tracer une voie alternative face à chacun de ces deux écueils, tel était l'objectif du rapport « Réussir 2015 ».

2. Les agendas d'accessibilité programmée : une solution pragmatique et responsable

L'un des recommandations centrales du rapport « Réussir 2015 » consiste à permettre aux propriétaires et exploitants d'ERP, lorsqu'ils ne respectent pas à temps leurs obligations de mise en accessibilité, de s'engager sur des échéanciers précis de travaux, sur la programmation de leur financement et leur suivi, dans le cadre d' agendas d'accessibilité programmés (Ad'Ap). Le rapport propose de transposer cet outil dans le secteur des transports en s'appuyant sur les SDA, les Ad'Ap devenant des SDA/Ad'Ap.

Parallèlement, le rapport juge nécessaire de réfléchir à une adaptation des normes applicables en matière d'accessibilité afin de s'orienter vers davantage de pragmatisme sans pour autant remettre en cause les principes forts issus de la loi du 11 février 2005.

Lors du comité interministériel du handicap (CIH) du 25 septembre 2013 , le Gouvernement a fait de l'accessibilité l'un des cinq chantiers prioritaires de la politique du handicap. C'est à la suite du CIH que s'est engagée, sous la présidence de votre co-rapporteure, une concertation associant l'ensemble des acteurs concernés 5 ( * ) . Les travaux ont porté sur deux thèmes : la mise en place des Ad'Ap et l'ajustement de l'environnement normatif.

La concertation nationale

Engagée à la suite du comité interministériel du handicap (CIH) du 25 septembre 2013, la concertation nationale, présidée par votre co-rapporteure, et animée par Marie Prost-Coletta, déléguée ministérielle à l'accessibilité, s'est déroulée durant l'hiver 2013-2014.

S'agissant des Ad'Ap, 18 réunions d'une durée totale de 60 heures se sont échelonnées du mois d'octobre au mois de décembre 2013. Le volet environnement normatif a quant à lui donné lieu, entre octobre 2013 et février 2014, à 23 réunions d'une durée totale de 80 heures. La composition des deux groupes de concertation est reproduite en annexe du présent rapport.

Ces travaux ont conduit à l'adoption de deux rapports présentant chacun les préconisations issues de la concertation. Si l'ensemble des sujets n'ont pas pu faire consensus, beaucoup de préconisations ont été formulées avec l'accord de l'ensemble des participants.

C'est sur la base de ces travaux qu'a été confirmée la feuille de route du Gouvernement visant en particulier à créer les Ad'Ap en utilisant la voie de l'ordonnance.

La loi d'habilitation du 10 juillet 2014 découle de ce travail de concertation. Elle autorise le Gouvernement à définir, par voie d'ordonnances, le régime juridique des Ad'Ap et des SDA/Ad'Ap ainsi qu'à adapter les règles d'accessibilité applicables aux ERP existants et les obligations relatives à l'accessibilité des services de transport public de voyageurs. La loi d'habilitation prévoit également la création d'un fonds destiné à recevoir le produit des sanctions administratives susceptibles d'être prononcées dans le cadre des Ad'Ap et des SDA/Ad'Ap. Au-delà des agendas, la loi d'habilitation ouvre au Gouvernement la possibilité de prendre des mesures relatives aux règles d'élaboration des PAVE, aux missions et à la composition des CCAPH/CIAPH, aux chiens guides d'aveugles et à l'acquisition de compétences relatives à l'accueil et à l'accompagnement des personnes handicapées dans le cadre de la formation des professionnels appelés à être en contact avec les usagers et les clients dans les ERP.

L'article 4 de la loi d'habilitation dispose que l'ordonnance doit être prise dans un délai de cinq mois suivant sa publication et le projet de loi de ratification déposé dans un délai de cinq mois suivant la publication de l'ordonnance. Il prévoit par ailleurs la remise par le Gouvernement au Parlement d'un rapport d'évaluation de la mise en oeuvre de l'ordonnance dans un délai de trois ans suivant sa publication ainsi que celle d'un rapport annuel sur l'utilisation du produit des sanctions financières prévues par l'ordonnance.

Vos rapporteurs notent que les échéances fixées par la loi d'habilitation ont été respectées puisque l'ordonnance a été publiée le 24 septembre 2014 et que le projet de loi de ratification a été enregistré à la Présidence du Sénat le 4 février 2015.

A la date de la publication du présent rapport, la plupart des textes devant être pris en application de l'ordonnance pour la mise en oeuvre des Ad'Ap et des SDA/Ad'Ap ont été publiés. D'autres mesures, relatives notamment à l'ajustement des normes, sont encore à prendre.

Bilan de la publication des textes réglementaires
pris en application de l'ordonnance du 26 septembre 2014


Textes déjà publiés :

- Décret en Conseil d'Etat n° 2014-1327 du 5 novembre 2014 relatif à l'agenda d'accessibilité programmée pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public (publié au journal officiel de la République française [JORF] du 6 novembre 2014) ;

- Décret en Conseil d'Etat n° 2014-1326 du 5 novembre 2014 modifiant les dispositions du code de la construction et de l'habitation relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public (publié au JORF du 6 novembre 2014) ;

- Décret en Conseil d'Etat n° 2014-1321 du 4 novembre 2014 relatif au schéma directeur d'accessibilité - agenda d'accessibilité programmée pour la mise en accessibilité des services de transport public de voyageurs (publié au JORF du 6 novembre 2014) ;

- Décret n° 2014-1323 du 4 novembre 2014 relatif aux points d'arrêt des services de transport public à rendre accessibles de façon prioritaire aux personnes handicapées et précisant la notion d'impossibilité technique avérée (publié au JORF le 6 novembre 2014) ;

- Arrêté du 8 décembre 2014 fixant les dispositions prises pour l'application des articles R. 111-19-7 à R. 111-19-11 du code de la construction et de l'habitation et de l'article 14 du décret n° 2006-555 relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public situés dans un cadre bâti existant et des installations existantes ouvertes au public (publié au JORF le 13 décembre 2014) ;

- Arrêté du 15 décembre 2014 fixant les modèles des formulaires des demandes d'autorisation et d'approbation prévues aux articles L. 111-7-5, L. 111-8 et L. 122-1 du code de la construction et de l'habitation (publié au JORF le 20 décembre 2014) ;

- Arrêté du 27 avril 2015 relatif aux conditions d'octroi d'une ou deux périodes supplémentaires et à la demande de prorogation des délais de dépôt et d'exécution pour les agendas d'accessibilité programmée pour la mise en accessibilité des établissements (publié au JORF le 8 mai 2015)

- Arrêté du 27 avril 2015 relatif aux conditions d'octroi d'une ou deux périodes supplémentaires et à la demande de prorogation des délais de dépôt et d'exécution pour les agendas d'accessibilité programmée pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public.


Textes restant à paraître :

- Décret en Conseil d'Etat modifiant les dispositions du code de la construction et de l'habitation relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d'habitation collectifs et des maisons individuelles lors de leur construction ;

- Décret en Conseil d'Etat relatif aux places de stationnement adaptées incluses dans les parties communes des copropriétés à usage principal d'habitation ;

- Décret en Conseil d'Etat relatif aux contrôles et aux sanctions administratives mis en oeuvre dans le cadre des schémas directeurs d'accessibilité - agendas d'accessibilité programmée pour la mise en accessibilité des services publics de transport ;

- Décret en Conseil d'Etat relatif aux contrôles et aux sanctions administratives mis en oeuvre dans le cadre des agendas d'accessibilité programmée pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public : publication prévisionnelle au 4 ème trimestre 2015

- Décret relatif à la proportion minimale de matériel roulant accessible prévue à l'article L 1221-4 du code des transports ;

- Décret modifiant le décret n° 95-260 du 8 mars 1995 relatif à la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité ;

- Décret précisant la composition du conseil de gestion, les modalités de désignation des membres, les missions et les modalités de fonctionnement du fonds national d'accompagnement de l'accessibilité universelle ;

- Décret précisant la liste des diplômes, titres et certifications à finalité professionnelle acquis conformément aux dispositions des articles L. 335-5 et L. 335-6 du code de l'éducation et inscrits au répertoire national des certifications professionnelles qui prévoient l'acquisition de compétences portant sur l'accueil et l'accompagnement des personnes handicapées et les références communes des contenus devant figurer dans les formations conduisant à l'obtention de ces diplômes, titres, et certifications.

Parallèlement à la mise en oeuvre de l'ordonnance, plusieurs mesures d'accompagnement, annoncées lors du CIH du 25 septembre 2013, ont été engagées. Des ambassadeurs de l'accessibilité ont été mobilisés pour expliquer la démarche des Ad'Ap et accompagner les acteurs concernés. L'objectif fixé par le Gouvernement est, à terme, de recruter 1 000 ambassadeurs de l'accessibilité dans le cadre du service civique. Si les ambassadeurs de l'accessibilité sont aujourd'hui placés auprès des départements, leur engagement pourrait également s'effectuer prochainement au sein d'associations.

La Caisse des dépôts et consignations ainsi que BPI-France ont signé le 26 juin 2014 un protocole de partenariat avec le Gouvernement qui doit en particulier permettre de mobiliser 18 milliards d'euros sur les fonds d'épargne pour allouer des prêts aux collectivités territoriales réalisant des travaux d'accessibilité. Une circulaire publiée au début de l'année 2015 a également fait de la mise en accessibilité des ERP l'un cinq objectifs prioritaires pour la répartition de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) dans chaque département.

Vos rapporteurs soulignent l'importance de ces mesures d'accompagnement qu'ils jugent indispensables au succès de la démarche des Ad'Ap. Les efforts de pédagogie et de communication déployés par la DMA, par les associations d'élus, par les chambres consulaires ou dans différentes branches professionnelles sont réels. Les règles fixées par la loi du 11 février 2005 n'en demeurent pas moins trop peu connues ou mal interprétées par les acteurs de terrain. Dans une période économique et budgétaire difficile, ces derniers doivent également pouvoir être rassurés quant à l'impact de leurs travaux de mise en accessibilité sur la santé financière de leurs structures. Vos rapporteurs insistent à ce titre sur la nécessité de mieux prendre en compte les enjeux d'accessibilité dans l'utilisation des fonds structurels et d'investissement européens .


* 4 Rapport n° 635 (2011-2012), « Loi Handicap : des avancées réelles, une application insuffisante », réalisé par Mmes Claire-Lise Campion et Isabelle Debré au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, juillet 2012.

* 5 La liste des participants à la concertation figure en annexe du présent rapport.

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