Section 3 - Le dialogue social au sein de l'entreprise
Article 87 A (nouveau) (art. L. 2312-1 à L. 2312-5, L. 2322-2 et L. 2391-1 [nouveau] du code du travail) - Aménagement des seuils sociaux
Objet : cet article additionnel, inséré par votre commission spéciale sur proposition de votre rapporteur, relève de onze à vingt et un le nombre de salariés à partir duquel une entreprise doit organiser l'élection d'un délégué du personnel et met en place un mécanisme de lissage dans le temps des conséquences du franchissement des seuils sociaux.
La législation sociale varie selon la taille des entreprises à laquelle elle s'applique. Il est tout à fait logique qu'une entreprise employant plusieurs centaines de salariés, qui réalise un chiffre d'affaires important et dispose de moyens conséquents pour gérer ses ressources humaines, ait à remplir des obligations administratives liées à la nécessité d'entretenir un dialogue social fourni avec les représentants des salariés. Toutefois, une PME ne peut être soumise à ces mêmes obligations .
Au fil des années, l'enrichissement du cadre législatif relatif aux institutions représentatives du personnel (IRP), avec notamment le développement de la consultation du comité d'entreprise sur des thèmes comme les orientations stratégiques de l'entreprise ou le crédit d'impôt compétitivité emploi (2013), a fait apparaître des effets de seuil , incitant les employeurs à limiter la croissance de leur entreprise ou à contourner la réglementation, en créant par exemple des structures indépendantes, pour ne pas dépasser 10 , 20 ou 50 salariés.
Ainsi, selon l'Insee, « en l'absence de discontinuités dans la législation, la probabilité qu'une entreprise de 9 salariés franchisse dans l'année le seuil de 10 salariés passerait de 24,5 % à 29,4 % (+ 5 points). Pour les entreprises de 19 et 49 salariés, les probabilités de franchir les seuils de 20 et 50 salariés seraient supérieures, respectivement, de 9 et 14 points » 493 ( * ) . Régulièrement dénoncée par les chefs d'entreprise et constatée, sur le terrain, par la délégation sénatoriale aux entreprises, l'existence de ces effets de seuil est un obstacle au développement de l'activité .
Cette question a été abordée par les partenaires sociaux dans le cadre de la négociation nationale interprofessionnelle qu'ils ont menée sur le thème de la modernisation du dialogue social d'octobre 2014 à janvier 2015. Son échec illustre toutefois les divergences qui existent entre organisations syndicales et patronales sur cette question.
Alors que le Gouvernement a annoncé le dépôt prochain d'un projet de loi à l'ambition limitée , en particulier sur l'évolution des IRP, votre rapporteur a proposé à votre commission spéciale cet article additionnel qui vise à répondre, dans les plus brefs délais et de manière pérenne, aux difficultés que rencontrent les entreprises lorsqu'elles franchissent un seuil social.
Son paragraphe I porte de 11 à 21 salariés l'effectif à partir duquel la mise en place de délégués du personnel est obligatoire. A l'heure actuelle, et malgré cette obligation, seuls 37 % des établissements de 11 à 19 salariés sont, selon la Dares, dotés d'au moins un type de représentation du personnel 494 ( * ) .
S'inspirant d'une disposition applicable en matière de financement de la formation professionnelle continue (article L. 6331-15 du code du travail), le paragraphe III institue une période de trois ans , à compter du franchissement d'un seuil, durant laquelle les entreprises en croissance seraient exonérées de l'application des obligations auxquelles le droit commun les soumet en matière de représentation et de consultation du personnel (à partir du nouveau seuil de 21 salariés pour les délégués du personnel et de celui de 50 salariés pour le délégué syndical, le comité d'entreprise et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail). Il s'agit toutefois bien d'une période transitoire , durant laquelle les entreprises sont évidemment libres de mettre en place des institutions représentatives du personnel par voie conventionnelle, si elles le souhaitent.
En conséquence, le paragraphe II supprime une disposition issue de la loi du 14 juin 2013 495 ( * ) , qui prévoit une période de souplesse d'un an en cas de franchissement du seuil de 50 salariés pour se conformer aux obligations récurrentes d'information et de consultation du comité d'entreprise, mais dont le décret d'application n'est jamais paru.
Votre commission spéciale a adopté cet article additionnel.
Article 87 (art. L. 2312-5, L. 2314-11, L. 2314-20, L. 2314-31, L. 2322-5, L. 2324-13, L. 2324-18, L. 2327-7 et L. 2632-1 du code du travail) - Transfert au juge judiciaire de la compétence de l'autorité administrative en matière préélectorale
Objet : cet article propose de confier au juge judiciaire l'intégralité de la compétence en matière de règlement des différends liés aux élections professionnelles dans les entreprises.
I - Le dispositif proposé
A. La répartition des compétences en matière d'élections professionnelles
Toutes les entreprises employant au moins onze salariés sont tenues d'organiser des élections professionnelles visant à désigner les membres des institutions représentatives du personnel (IRP). Il s'agit, entre onze et cinquante salariés, des délégués du personnel (DP), chargés principalement de présenter à l'employeur les réclamations individuelles ou collectives des salariés et de saisir l'inspection du travail en cas d'infraction à la législation du travail (article L. 2313-1 du code du travail). À partir de cinquante salariés, un comité d'entreprise (CE), chargé « d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production » (article L. 2323-1), doit être mis en place. Ces élus du personnel ont un mandat de quatre ans .
Les articles L. 2314-25 et L. 2324-23 confient au juge judiciaire, c'est-à-dire au tribunal d'instance , le contentieux des contestations relatives à l'électorat et à la régularité des opérations électorales ainsi que, pour le CE, à la désignation de représentants par chacune des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. Toutefois, le code du travail confie à l'autorité administrative , soit le directeur régional de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), soit l'inspecteur du travail, une compétence résiduelle pour trancher les litiges préélectoraux, liés à la préparation des élections et à la définition du cadre dans lequel elles vont se dérouler.
En effet, les élections sont précédées de la négociation par l'employeur et les organisations syndicales d'un protocole d'accord préélectoral afin d'en définir les conditions d'organisation. Celui-ci doit fixer :
- le nombre des collèges électoraux (ouvriers et employés ; ingénieurs, chefs de service, techniciens, agents de maîtrise et assimilés) et leur composition (articles L. 2314-10 et L. 2324-12) ;
- la répartition du personnel et des sièges entre ces collèges (articles L. 2314-11 et L. 2324-13) ;
- les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales, qui doivent respecter les principes généraux du droit électoral (articles L. 2314-23 et L. 2324-21).
Cet accord peut avoir à déterminer la division de l'entreprise en établissements distincts, auprès desquels des DP doivent être élus et, le cas échéant, un CE doit être créé. Il peut également délimiter le périmètre d'une unité économique et sociale (UES), regroupant des sociétés distinctes mais placées sous le même pouvoir de direction afin d'en unifier la représentation du personnel.
La validité de ce protocole est soumise à une double condition de majorité : il doit avoir été signé par la majorité des organisations syndicales l'ayant négocié, et parmi celles-ci doivent figurer les organisations représentatives ayant recueilli la majorité des voix lors des dernières élections professionnelles ou, à défaut, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise (articles L. 2314-3-1 et L. 2324-4-1).
Ainsi, lorsqu'aucun protocole d'accord préélectoral n'a pu être signé, le code du travail confie à l'autorité administrative la mission de répartir les sièges et le personnel entre les différents collèges électoraux (articles L. 2314-11 et L. 2324-13) ou encore d'identifier les établissements distincts qui composent l'entreprise (articles L. 2314-31, L. 2322-5 et L. 2327-7).
B. Unifier la compétence électorale au sein de l'ordre judiciaire
L'article 87 du projet de loi confie au juge judiciaire la résolution de l'ensemble des différends liés à la représentation des salariés dans l'entreprise et à l'élection des représentants du personnel. Lui sont ainsi transférés, en l'absence d'accord préélectoral :
- la fixation des collèges électoraux et la répartition des sièges si l'autorité administrative a imposé, « lorsque la nature et l'importance des problèmes communs aux entreprises du site le justifient », l'élection de délégués du personnel dans les établissements de moins de onze salariés situés sur des sites où sont employés au moins cinquante salariés (article L. 2312-5) ;
- la répartition du personnel dans les collèges électoraux ainsi que celle des sièges entre ces derniers (articles L. 2314-11 et L. 2324-13) ;
- la reconnaissance des établissements distincts pour l'élection des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d'entreprise (articles L. 2314-31 et L. 2322-5) ;
- la reconnaissance des établissements distincts et la répartition des sièges entre les différents établissements et collèges électoraux pour la constitution du comité central d'entreprise (article L. 2327-7).
Le juge judiciaire devient également compétent pour autoriser des dérogations aux conditions d'ancienneté requises pour être électeur (avoir au moins seize ans révolus, avoir travaillé au moins trois mois dans l'entreprise et jouir de ses droits civiques) et éligible (avoir au moins dix-huit ans et avoir travaillé au moins un an dans l'entreprise) aux élections des délégués du personnel (article L. 2314-20) et des représentants du personnel au comité d'entreprise (article L. 2324-18). La consultation des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, qui était obligatoire lorsque cette tâche était confiée à l'inspecteur du travail, est supprimée .
II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
La commission spéciale a adopté trois amendements rédactionnels ou de coordination de ses rapporteurs à cet article, qui n'a pas été modifié en séance publique.
III - La position de votre commission
La dichotomie actuelle en matière de contrôle de la mise en oeuvre de la représentation des salariés dans l'entreprise, qui confie à l'administration un rôle d'arbitre des désaccords organisationnels préélectoraux, a pu avoir sa justification à une époque où le principe même de la mise en place d'institutions représentatives du personnel pouvait être contesté et où les services de l'État devaient jouer un rôle de médiateur. Aujourd'hui, la situation a évolué : la légitimité de l'autorité judiciaire pour traiter de l'ensemble des questions portant sur les élections professionnelles, de leur préparation à la contestation de leurs résultats, est incontestable
L'état actuel du droit est source de complexité et la norme manque de lisibilité pour ceux à qui elle s'adresse. Sans être un frein au développement du dialogue social dans l'entreprise, elle ne le favorise pas. De nombreuses incohérences peuvent être relevées. Ainsi, comme le souligne l'étude d'impact annexée au projet de loi, si la Direccte peut bien répartir les catégories de personnel entre les collèges électoraux, c'est au juge qu'il appartient de décider à quel collège un salarié appartient. De plus, l'existence de deux voies de recours aurait pour conséquence de fragiliser les IRP nouvellement élues avec la possibilité de voir des élections annulées plusieurs années après leur déroulement.
Dans les faits, l'intervention des Direccte en cas de désaccord préélectoral reste limitée puisque, selon l'étude d'impact, 117 décisions d'arbitrage ont été rendues en 2012. Selon les informations communiquées à votre rapporteur par la Direccte Ile-de-France, l'inspection du travail a réalisé en 2014 à Paris 23 interventions pour régler un différend préélectoral dans une entreprise, tandis que le nombre de décisions prises, au niveau régional, pour ce motif, est compris entre 60 et 80 selon les années. La direction générale du travail (DGT) estime quant à elle que l'inspection du travail a pris en 2012, sur l'ensemble du territoire, 507 décisions relevant de la compétence transférée par le présent article.
Les moyens humains dégagés au sein de l'inspection du travail seront limités et absorbés par la charge croissante liée à l'instruction des recours hiérarchiques en matière de licenciement des salariés protégés. Il n'en reste pas moins que l'unification de la compétence proposée par cet article est une mesure de simplification qui doit être saluée.
Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification.
Article 88 (art. L. 3142-7 du code du travail) - Congés de formation économique et sociale ou de formation syndicale
Objet : cet article modifie la définition des organisations syndicales de salariés pouvant offrir des formations économiques, sociales ou syndicales aux salariés et en étend le champ afin de tenir compte des modifications apportées par la loi du 5 mars 2014.
I - Le dispositif proposé
Selon l'article L. 3142-7 du code du travail, tout salarié qui souhaite bénéficier d'une formation économique, sociale ou syndicale dispensée par un organisme rattaché à une organisation syndicale représentative au niveau national ou par un institut spécialisé peut obtenir un congé. Celui-ci est d'une durée maximale de douze jours par an et ne s'impute pas sur les congés payés.
La loi du 5 mars 2014 496 ( * ) a institué un fonds paritaire chargé du financement des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs. Ses ressources proviennent principalement d'une contribution des employeurs et d'une subvention de l'État. Il contribue au financement de la formation économique, sociale et syndicale des salariés appelés à exercer des fonctions syndicales (article L. 2135-11) en versant notamment ses crédits aux « organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel et [à] celles dont la vocation statutaire revêt un caractère national et interprofessionnel et qui recueillent plus de 3 % des suffrages exprimés », au niveau national, lors des dernières élections professionnelles, dès lors qu'elles organisent de telles formations (3° de l'article L. 2135-12).
En conséquence, l'article 88 du projet de loi modifie la rédaction de l'article L. 3142-7 du code du travail pour disposer que les stages et sessions de formation économique ou sociale ou de formation syndicale peuvent être dispensés par des centres non plus rattachés à des « organisations syndicales de salariés reconnues représentatives sur le niveau national » mais aux « organisations syndicales mentionnées au 3° de l'article L. 2135-12 ».
II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.
III - La position de votre commission
Jusqu'au 1 er janvier 2015, l'État apportait directement une aide financière à la formation économique, sociale et syndicale des salariés appelés à exercer des responsabilités syndicales et réalisée au sein de centres de formation rattachés aux organisations syndicales représentatives ou de douze instituts spécialisés agréés. En 2012, 46 127 stagiaires ont été formés, dont 42 497 par les syndicats. Encadrée par des conventions triennales, la dépense pour l'État a été, en 2013, de 22,79 millions d'euros , dont 21,45 millions ont bénéficié aux organisations syndicales et 1,33 million aux instituts du travail.
Depuis cette date, l'État ne verse plus directement de subventions aux organisations syndicales au titre de la formation. Les crédits qui y sont consacrés sont désormais destinés au fonds paritaire de financement du dialogue social, qui est ensuite chargé de les répartir entre les syndicats. Une première part est attribuée proportionnellement à l'audience obtenue par chacun d'entre eux, lors des élections professionnelles, au niveau national et interprofessionnel, tandis qu'une seconde part, qui ne peut être inférieure à 7,9 millions d'euros , est divisée équitablement entre toutes les organisations 497 ( * ) . Sur les 32 millions d'euros que l'État doit verser au fonds, 29 millions sont consacrés au financement de la formation économique, sociale et syndicale. Les instituts du travail continueront à percevoir environ 1,3 million d'euros.
La mesure proposée par cet article a pour effet de clarifier la loi en reconnaissant explicitement à deux organisations supplémentaires la possibilité d'offrir une formation économique, sociale ou syndicale à des salariés. En effet, le droit actuel ne vise que les organisations représentatives au niveau national, c'est-à-dire la CGT, la CFDT, FO, la CFE-CGC et la CFTC. Désormais, cette définition est étendue aux organisations ayant recueilli plus de 3 % des suffrages au niveau national lors de la dernière mesure de la représentativité syndicale. Deux sont concernées : l'Unsa (4,26 %) et Solidaires (3,47 %), tout en sachant que l'Unsa perçoit déjà, depuis au moins dix ans, des fonds à ce titre.
L'objet n'est pas ici de restreindre le droit à un congé de formation économique et sociale ou de formation syndicale. Il s'agit au contraire de tirer les conséquences de la loi du 5 mars 2014, qui a reconnu à ces deux syndicats la possibilité de bénéficier d'un financement de la part du fonds paritaire pour les formations qu'ils dispensent. La modification de l'article L. 3142-7 du code du travail réalisée par cet article ne constitue donc qu'une coordination .
Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification.
Article 89 (art. L. 2314-24 et L. 2324-22 du code du travail) - Transmission aux organisations syndicales des procès-verbaux des élections professionnelles
Objet : cet article rend obligatoire la transmission, par l'employeur, aux organisations syndicales présentes dans l'entreprise, des procès-verbaux des élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise.
I - Le dispositif proposé
Lorsque des élections professionnelles se déroulent dans une entreprise, que ce soit pour désigner les délégués du personnel (DP) ou les membres de la délégation du personnel au comité d'entreprise (CE), un procès-verbal du résultat des élections doit être dressé par le bureau de vote. Il doit être transmis dans les quinze jours à l'inspecteur du travail (articles R. 2314-25 et R. 2324-21 du code du travail) ainsi qu'à l'organisme chargé par le ministère du travail de centraliser les résultats obtenus dans chaque entreprise afin de mesurer la représentativité des organisations syndicales au niveau national et interprofessionnel (article D. 2122-7).
L'article 89 du projet de loi complète ces obligations de transmission en prévoyant que l'employeur est tenu d'adresser une copie des procès-verbaux du scrutin pour les DP (article L. 2314-24) ou le CE (article L. 2324-22) aux organisations syndicales ayant présenté une liste ainsi qu'à celles ayant participé à la négociation du protocole d'accord préélectoral, et ce « dans les meilleurs délais ».
II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.
III - La position de votre commission
D'après l'étude d'impact annexée au projet de loi, cet article répond à une demande des organisations représentatives des salariés , qui se sont exprimées en ce sens au sein du Haut Conseil du dialogue social. L'information des acteurs du dialogue social dans l'entreprise s'en trouve renforcée, ainsi que la transparence des opérations électorales. Votre rapporteur s'interroge toutefois sur le caractère législatif de cette disposition , alors que c'est un décret qui fixe l'obligation de transmission du procès-verbal à l'inspecteur du travail.
Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification.
Article 90 (art. L. 4614-8 du code du travail) - Inscription d'office des consultations obligatoires à l'ordre du jour du CHSCT
Objet : cet article prévoit que les consultations du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) rendues obligatoires par une loi, une disposition réglementaire ou un accord collectif sont inscrites de plein droit à son ordre du jour.
I - Le dispositif proposé
Tout établissement comptant au moins cinquante salariés doit disposer d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), institution représentative du personnel (IRP) chargée de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des salariés , de contribuer à l'amélioration de leurs conditions de travail et de veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières (articles L. 4611-1 et L. 4612-1 du code du travail). Présidé par l'employeur, ses membres sont désignés par les délégués du personnel et les élus siégeant au comité d'entreprise.
L'article L. 4614-8 précise que « l'ordre du jour de chaque réunion est établi par le président et le secrétaire », ce dernier étant choisi parmi les représentants du personnel. Afin d'éviter qu'un désaccord entre eux ne bloque son fonctionnement ainsi que les projets de l'entreprise dont la réalisation est conditionnée à sa consultation, l'article 90 du projet de loi propose que les consultations qu'une disposition législative ou réglementaire ou qu'un accord collectif ont rendues obligatoires soient inscrites de plein droit à l'ordre du jour de la prochaine réunion du CHSCT, soit par son président, soit par son secrétaire.
II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
La commission spéciale a adopté un amendement rédactionnel de ses rapporteurs à cet article, qui n'a ensuite pas été modifié en séance publique.
III - La position de votre commission
Les dispositions de cet article s'inspirent du droit actuellement en vigueur pour le comité d'entreprise . En effet, depuis la loi du 18 janvier 2005 498 ( * ) , les consultations de cette IRP rendues obligatoires par la loi, le règlement ou un accord collectif doivent être inscrites de plein droit à son ordre du jour.
Le CHSCT doit être consulté dans de nombreux cas de figure , notamment avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (article L. 4612-8) ou sur tout projet d'introduction de nouvelles technologies et sur ses conséquences sur la santé et la sécurité des salariés (article L. 4612-9). Il rend également un avis sur les documents se rattachant à sa mission, comme le règlement intérieur (article L. 4612-12) et sur les conditions dans lesquelles les équipements de protection individuelle sont mis à disposition des salariés et utilisés (article R. 4323-97).
Il est donc tout à fait souhaitable, aux yeux de votre rapporteur, qu'un défaut d'inscription à l'ordre du jour en raison de tensions entre le président et le secrétaire du CHSCT ne puisse bloquer une consultation obligatoire et entraver la bonne marche de l'entreprise. Toutefois, votre rapporteur partage le point de vue exprimé lors de son audition par Jean-Emmanuel Ray, professeur de droit du travail à l'École de droit de la Sorbonne, selon lequel il s'agit d'une mesure qui semble aller de soi. Le juge des référés ne devrait pas aujourd'hui avoir à statuer sur des questions d'inscription de consultations obligatoires à l'ordre du jour du CHSCT. Il est regrettable que des tensions réelles persistent dans les entreprises et que le dialogue social y manque parfois tant de maturité qu'il faille que la loi précise de tels détails afin que le juge des référés du tribunal d'instance n'ait plus à trancher ce type de litiges.
Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification.
Article 91 (art. L. 2323-4 du code du travail) - Information du comité d'entreprise par le biais de la base de données économiques et sociales
Objet : cet article prévoit que les informations fournies par l'employeur au comité d'entreprise pour formuler ses avis pourront être mises à disposition au sein de la base de données économiques et sociales.
I - Le dispositif proposé
Le code du travail confie au comité d'entreprise une mission générale d'information et de consultation concernant l'organisation et le fonctionnement de l'entreprise - en particulier sur les projets de restructuration et de compression des effectifs, la formation professionnelle et l'apprentissage, ainsi que lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. Pour lui permettre de formuler un avis motivé , le comité d'entreprise « dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations » (article L. 2323-4 du code du travail).
Transposant l'accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 499 ( * ) , la loi du 14 juin 2013 500 ( * ) a institué, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, une base de données économiques et sociales dans laquelle figure « un ensemble d'informations que l'employeur met à disposition du comité d'entreprise » (article L. 2323-7-2). Par ce biais, le comité d'entreprise dispose des éléments d'information contenus dans les rapports qui doivent lui être transmis de manière récurrente par l'employeur.
L'article 91 du projet de loi tire les conséquences de la mise en place de ce nouvel outil, déjà obligatoire dans les entreprises d'au moins trois cents salariés et qui le sera en juin 2015 pour celles dont l'effectif est compris entre cinquante et trois cents salariés, en fixant une dérogation au principe général selon lequel les informations dont dispose le comité d'entreprise lui sont transmises « par écrit » par l'employeur. Il indique, en modifiant l'article L. 2323-4, qu'elles peuvent le cas échéant lui être mises à disposition par le biais de la base de données. En revanche, pour les consultations liées à des événements ponctuels, un envoi par écrit reste obligatoire.
II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.
III - La position de votre commission
Il s'agit ici d'une mise en cohérence du code du travail avec les modifications apportées en 2013 par la loi relative à la sécurisation de l'emploi afin que le droit soit conforme à la pratique qui est en train de s'installer dans les entreprises grâce à la base de données économiques et sociales. Outil de rationalisation des obligations des employeurs et d'amélioration de l'information des représentants du personnel, cette base de données constitue une avancée importante en faveur de la qualité du dialogue social dans l'entreprise. Mais il faut qu'elle tienne compte des spécificités des entreprises en employant moins de trois cents salariés. Votre rapporteur soutient donc son développement afin qu'elle puisse se substituer, si les partenaires sociaux dans l'entreprise le décident, à la plupart des envois d'information sous forme papier au comité d'entreprise.
Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification.
* 493 Source : Insee Analyses n° 2, décembre 2011.
* 494 Source : Dares Analyses, Les relations professionnelles au début des années 2010 : entre changements institutionnels, crise et évolutions sectorielles, avril 2013, n° 26.
* 495 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, art. 23.
* 496 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, article 31.
* 497 Selon les règles fixées par le décret n° 2015-87 du 28 janvier 2015 relatif au financement mutualisé des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs.
* 498 Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, article 77.
* 499 Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés, article 12.
* 500 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, article 8.