Section 2
Dispositif de contrôle de l'application du droit du
travail
L'article 20 du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, déposé le 22 janvier 2014 sur le bureau de l'Assemblée nationale et devenu la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, prévoyait une profonde réforme de l'inspection du travail.
Outre une refonte de son organisation au niveau local, régional et national, ce texte créait de nouveaux dispositifs juridiques mis à disposition des agents de contrôle.
a) L'extension du dispositif d'arrêt de chantier
D'une part, le projet de loi renforçait considérablement le dispositif d'arrêt de chantier, qui devenait un arrêt temporaire de travaux ou d'activité à portée plus générale .
Le dispositif de l'arrêt de chantier s'est révélé très efficace pour lutter contre les risques de chute de hauteur, d'ensevelissement, ou liés aux opérations de confinement et de retrait de l'amiante. Créé en 1991, il a été utilisé 9 053 fois en 2011 et n'a pas généré de contentieux devant la Cour de cassation.
Le texte étendait ce dispositif à toutes les entreprises , et visait également l'ensemble des risques liés à l'amiante, ceux liés à des équipements de travail inappropriés ainsi que le risque électrique. L'obligation de procéder à un mesurage des valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP) avant de recourir à l'arrêt temporaire d'activité « risque chimique » était également supprimé, afin d'encourager l'utilisation de ce dispositif aujourd'hui tombé en désuétude ( sept utilisations seulement en 2011).
En outre, les contrôleurs du travail pouvaient arrêter eux-mêmes des activités ou des travaux et autoriser leur reprise, sans qu'il fût nécessaire d'obtenir une délégation de l'inspecteur du travail. Enfin, le recours contre une décision d'arrêt de travaux relevait de la compétence du juge administratif.
a) La création des sanctions administratives
D'autre part, le texte créait des sanctions administratives , afin de sanctionner plus rapidement les infractions élémentaires aux dispositions du code du travail.
Ces sanctions concernaient les infractions relatives :
- à la durée maximale du travail, au décompte du temps de travail et aux repos obligatoires ;
- au respect du salaire minimum ;
- aux règles d'hygiène et d'hébergement.
Afin de respecter le principe du contradictoire et les droits de la défense de l'employeur, le texte prévoyait deux filtres dans cette procédure :
- il revenait à l'autorité administrative compétente (autrement dit le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte)) de prononcer l'amende administrative, sur rapport motivé de l'agent de contrôle ;
- avant toute décision, l'administration devait informer par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée en portant à sa connaissance les manquements retenus et en l'invitant à présenter ses observations dans un délai d'un mois.
Le montant de l'amende était plafonné à 2 000 euros par manquement et par travailleur concerné , et pouvait même être doublé si un nouveau manquement était constaté dans un délai d'un an 485 ( * ) . L'autorité administrative chargée de fixer le montant de l'amende devait prendre en compte les circonstances et la gravité du manquement , le comportement de son auteur, ses ressources et ses charges. Le délai de prescription de l'action de l'administration était fixé à deux ans .
En outre, le projet de loi prévoyait que des amendes administratives pouvaient être prononcées si l'employeur ne respectait pas une décision d'arrêt temporaire de travaux ou d'activité ou une demande de vérification, d'analyse ou de mesurage 486 ( * ) .
Lors de l'examen du texte en séance publique le 20 février 2014, le Sénat a adopté les amendements de suppression de ces dispositions présentés par les groupes écologiste, UMP, UDI-UC et CRC, contre l'avis du rapporteur et du Gouvernement. L'opposition du Sénat à la réforme de l'inspection du travail a conduit le Gouvernement à en réaliser une partie par la voie réglementaire.
Le ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a en effet publié le 20 mars 2014 le décret n° 2014-359 relatif à l'organisation du système d'inspection du travail, qui reprend seulement les dispositions relatives à la réorganisation du système d'inspection du travail.
La proposition de loi relative aux pouvoirs de l'inspection du travail, déposée par le groupe socialiste, républicain et citoyen et apparentés, a été enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 27 mars 2014. À travers ses cinq articles, elle reprenait l'essentiel des dispositions de nature législative du projet de loi précité.
L'examen de cette proposition, engagé le 14 mai 2014, a cependant été interrompu pour des raisons liées à l'encombrement du calendrier parlementaire.
Le Gouvernement a fait le choix de relancer la réforme de l'inspection du travail en prévoyant, à l' article 85 du présent projet de loi, une habilitation à légiférer par ordonnance sur ce thème.
Article 85 - Habilitation du Gouvernement à réformer par ordonnance l'inspection du travail et à ouvrir un concours spécifique aux contrôleurs du travail pour accéder au corps des inspecteurs du travail
Objet : cet article autorise le Gouvernement à réformer par ordonnance l'inspection du travail afin notamment de renforcer ses prérogatives et de réviser l'échelle des peines en matière de droit du travail. Il l'autorise également à fixer par ordonnance les modalités du concours à l'attention des contrôleurs du travail qui souhaitent devenir inspecteurs.
I - Le dispositif proposé
Cet article autorise le Gouvernement à prendre deux ordonnances , dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution.
•
La première ordonnance
, qui
porte sur le
système d'inspection du travail
et
certaines sanctions prévues dans le code du travail, comprendra trois
volets.
Le premier volet vise à renforcer le rôle de surveillance et les prérogatives du système d'inspection du travail, à étendre et coordonner les différents modes de sanctions et à réviser l'échelle des peines en matière de droit du travail, notamment de santé et de sécurité au travail.
Le deuxième volet consiste à réviser la nature et le montant des peines et des sanctions applicables en cas d'entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel.
Le dernier volet a pour objet d'abroger les dispositions devenues sans objet et d'assurer la cohérence rédactionnelle au sein du code du travail et entre ce code et les autres codes.
•
La seconde habilitation
autorise
le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine
de la loi afin d'organiser l'accès au corps de l'inspection du travail
par la voie d'un
concours
réservé aux seuls
agents relevant du corps des
contrôleurs du travail
et
remplissant des conditions d'ancienneté.
Cette ordonnance s'inscrit dans la continuité de la mesure prévue dans la loi du 1 er mars 2013 portant création du contrat de génération 487 ( * ) , qui avait prévu un examen professionnel pendant trois ans à destination des contrôleurs du travail.
Le plan de transformation d'emploi
Le processus de transformation progressive des contrôleurs du travail (CT) en section en inspecteurs du travail (IT) a été lancé en 2013. Au 1 er janvier 2013, le corps de l'inspection du travail comptait 1 783 agents (1 245 inspecteurs du travail, 406 directeurs-adjoints du travail et 123 directeurs du travail), tandis que le corps des contrôleurs du travail regroupait 3 423 agents . L'essentiel des inspecteurs et contrôleurs du travail sont en poste dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte). Les sections d'inspection , qui sont l'échelon territorial d'intervention de l'inspection du travail, sont animées par 2 229 fonctionnaires de contrôle équivalents temps plein (ETP) : 790 ETP d'inspecteurs du travail, et 1 436 ETP de contrôleurs. En application de l'article 6 de la loi n° 2013-185 du 1 er mars 2013 portant création du contrat de génération et du décret n° 2013-511 du 18 juin 2013 fixant les modalités exceptionnelles de recrutement dans le corps de l'inspection du travail, ce sont 540 contrôleurs du travail sur trois ans qui, à l'issue d'un examen professionnel et d'une formation de six mois, deviendront inspecteurs du travail. Ce plan de transformation d'emploi s'est traduit en 2013 par la mise en oeuvre d'un examen professionnel d'inspecteur du travail (EPIT) dont les modalités ont été fixées par le décret précité du 18 juin 2013. En 2013, 1 161 contrôleurs du travail se sont inscrits à l'EPIT. La première promotion de 130 inspecteurs stagiaires est entrée en fonction en juin 2014 ( 205 sont attendus en 2015, comme en 2016). Source : commission spéciale du Sénat |
II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
Un amendement des rapporteurs thématiques et du rapporteur général, adopté en commission spéciale, a restreint le champ de l'habilitation, puisque la révision de l'échelle des peines prévue dans l'ordonnance ne doit plus porter de façon générale sur le droit du travail, mais est cantonnée aux sujets relatifs à la santé et à la sécurité .
Trois amendements identiques ont été adoptés en séance publique et suppriment la possibilité pour le Gouvernement de réviser, par voie d'ordonnance, la nature et le montant des peines et des sanctions applicables en cas d'entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel 488 ( * ) .
En effet, un amendement du Gouvernement, qui a créé l'article 85 bis , a été adopté au même moment pour inscrire directement dans le projet de loi la suppression de la peine d'emprisonnement en cas de délit d'entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel.
III - La position de votre commission
Sur proposition de votre rapporteur, la commission spéciale a adopté un amendement de suppression de la première habilitation demandée par le Gouvernement, visant à réformer le système d'inspection du travail .
Sur la forme, le Parlement est rarement favorable aux habilitations à légiférer par ordonnance. En outre, l'ordonnance devrait reprendre l'essentiel des dispositions de l'article 20 du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, qui a déjà été rejeté par le Sénat. Enfin, une proposition de loi dite « Robiliard », reprenant l'essentiel de l'article 20 précité, a été adoptée par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale le 14 mai 2014, mais n'a pas été examinée en séance publique.
Votre rapporteur déplore le choix du Gouvernement de recourir à une habilitation à légiférer par ordonnance, dans la mesure où le Parlement est informé depuis plus d'un an de ses intentions en matière de réforme de l'inspection du travail. En effet, il aurait été plus cohérent d'insérer dans le présent projet de loi le texte de la proposition de loi relative aux pouvoirs de l'inspection du travail issu des travaux de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, ou de poursuivre l'examen de cette dernière au Parlement. Le Gouvernement justifie le choix de légiférer par ordonnance par la nécessité de poursuivre la réflexion afin de respecter le droit européen et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), et notamment celle reposant sur l'article 4 du protocole n° 7 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Cet article stipule que « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État ». La Cour a eu l'occasion le 20 mai 2014 489 ( * ) d'appliquer ce principe, dit « non bis in idem », jugeant que si une sanction administrative ou pénale a été prononcée, aucune poursuite ne peut plus être engagée pour les mêmes faits . Or, les sanctions administratives prévues initialement par le Gouvernement concernaient les infractions à la durée maximale du travail, au respect du salaire minimum et aux règles d'hygiène et d'hébergement, tout en conservant la possibilité pour l'agent de l'inspection du travail de poursuivre ces infractions par la voie pénale, comme c'est le cas aujourd'hui.
Sur le fond, des inquiétudes ont été exprimées sur les points suivants : montant trop élevé des sanctions administratives, garanties procédurales insuffisantes pour mettre en oeuvre ces sanctions et les transactions pénales, droit de communication des documents accordé aux inspecteurs du travail insuffisamment encadré . Or, le recours à une ordonnance ne permettrait pas de dissiper ces craintes légitimes.
Votre rapporteur a, en revanche, souhaité conserver la seconde demande d'habilitation relative aux concours spécifique ouvert aux contrôleurs du travail.
Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.
Article 85 bis (art. L.2316-1, L. 2328-1, L. 2328-2, L. 2346-1, L. 2355-1, L. 2365-1, L. 2335-1, L. 2375-1, L. 4742-1 du code du travail) - Réforme du délit d'entrave relatif à une institution représentative du personnel (IRP)
Objet : cet article additionnel, introduit par un amendement du Gouvernement, modifie la définition du délit d'entrave relatif aux institutions représentatives du personnel (IRP). Il double l'amende mais supprime la peine d'emprisonnement d'un an pour toute personne qui porte ou tente de porter atteinte à l'exercice régulier des fonctions d'une IRP.
I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale
Le 1° du présent article modifie le contour du délit d'entrave relatif aux délégués du personnel .
L'article L. 2316-1 du code du travail prévoit que le fait de porter ou de tenter de porter atteinte à la libre désignation des délégués du personnel ou à l'exercice régulier de leurs fonctions est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros.
Le projet de loi apporte deux modifications à cet article :
- il maintient la peine d'emprisonnement d'un an uniquement pour l'entrave à la libre désignation des délégués du personnel, tout en doublant l'amende correspondante (7 500 euros) ;
- il double également l'amende pour toute personne qui porte ou tente de porter atteinte à l'exercice régulier de leurs fonctions, mais supprime la peine d'emprisonnement.
Par coordination, le 2° procède à des modifications analogues dans la définition du délit d'entrave relatif au comité d'entreprise et à toutes les structures assimilables 490 ( * ) . Le 4° modifie dans le même sens l'article L. 2335-1 , qui décline le délit d'entrave aux comités de groupe , tandis que le 5° apporte des modifications similaires à l'article L. 4742-1 , relatif au délit d'entrave à l'action des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
Le 3° prévoit que le fait de ne pas établir et de soumettre annuellement le bilan social au comité d'entreprise ou d'établissement dans les entités employant plus de 300 salariés ne sera plus puni par une peine d'emprisonnement , tout en doublant l'amende correspondante 491 ( * ) .
II - La position de votre commission
Votre rapporteur constate que la réforme du délit d'entrave aux institutions représentatives du personnel proposée par cet article, consistant en une suppression partielle de la peine d'emprisonnement, n'est pas conforme à l'engagement du Président de la République de remplacer les peines de prison actuelles par des sanctions financières.
En effet, lors du second Conseil stratégique de l'attractivité organisé le 19 octobre 2014, le Président de la République déclarait que « les peines pénales associées au délit d'entrave, qui parfois même pouvaient être des peines de prisons qui n'étaient bien sûr jamais prononcées mais qui néanmoins pouvaient inquiéter, seront remplacées par des sanctions financières », afin de « donner davantage confiance aux investisseurs étrangers ».
C'est pourquoi votre commission spéciale, sur proposition de votre rapporteur, a adopté un amendement supprimant la peine d'emprisonnement qui était maintenue pour le délit d'entrave à la constitution d'une institution représentative du personnel. En contrepartie, l'amende afférente à ce délit est portée de 7 500 à 15 000 euros.
Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.
Article 86 (art. 155 B du code général des impôts) - Réforme du régime des impatriés
Objet : cet article complète le régime fiscal des « impatriés » afin de prévoir qu'il s'applique également lorsque la personne bénéficiaire change d'emploi à l'intérieur de la même entreprise ou du même groupe, pourvu que son poste reste établi en France.
I - Le dispositif proposé
Comme le rappelle l'évaluation préalable annexée au présent projet de loi, « le régime des impatriés vise à faciliter le recrutement de cadres étrangers à fort potentiel par les entreprises françaises en exonérant notamment la prime d'impatriation , pour un montant forfaitaire évalué à 30 % de la rémunération, ainsi que le surcroît de rémunération liée à l'impatriation elle-même. Les personnes impatriées bénéficient en outre d'une exonération temporaire d'impôt sur la fortune des biens situés hors de France ». Il est applicable pour une période de cinq ans .
Évolution du nombre de bénéficiaires et du coût du régime des impatriés
ANNÉE |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
Nombre de bénéficiaires |
7 350 |
7 270 |
8 430 |
8 600 |
9 070 |
9 840 |
11 070 |
Coût (en millions d'euros) |
40 |
50 |
70 |
80 |
110 |
115 |
135 |
Gain moyen annuel par bénéficiaire (en euros) |
5 442 |
6 878 |
8 304 |
9 302 |
12 128 |
11 687 |
12 195 |
Source : évaluation préalable annexée au présent projet de loi
Le régime des impatriés est codifié à l'article 155 B du code général des impôts, qui prévoit qu'il s'applique aux salariés « appelés de l'étranger à occuper un emploi dans une entreprise établie en France ».
En l'état actuel du droit, le bénéfice du régime est donc perdu si, au cours des cinq années d'application dudit régime, le salarié change d'emploi, y compris à l'intérieur de la même entreprise ou du même groupe .
Le présent article complète donc l'article 155 B du code général des impôts afin de préciser que « le bénéfice du régime d'exonération est conservé en cas de changement de fonctions, pendant la durée [de cinq ans] , au sein de [la même entreprise] établie en France ou au sein d'une autre entreprise établie en France appartenant au même groupe ».
Cette disposition sera applicable aux changements de fonction intervenus à compter de la publication de la présente loi.
II - La position de votre commission
Le régime fiscal des impatriés fait partie des outils dont la France dispose en matière d'attractivité des grandes entreprises, nécessaire au maintien des sièges sociaux sur notre territoire. Le comité « Guillaume », mis en place en 2011 pour évaluer les dépenses fiscales, avait relevé que ce régime « rencontre un succès important ».
Il est toutefois regrettable qu'une interprétation trop restrictive conduise à le priver de son plein effet. De fait, il est très probable que, sur une durée de cinq ans, un cadre supérieur soit appelé à changer de fonctions au sein de son entreprise, ce qui le conduirait à perdre le bénéfice du régime.
Le présent article retient donc une approche pragmatique favorable à l'emploi très qualifié .
Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification .
Article 86 bis (art. L. 312-1 et L. 312-1-3 du code monétaire et financier) - Droit au compte
Objet : cet article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, vise à rendre plus efficace la procédure du droit au compte.
I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale
Le « droit au compte bancaire » est régi par l'article L. 312-1 du code monétaire et financier qui dispose que « toute personne physique ou morale domiciliée en France, dépourvue d'un compte de dépôt, a droit à l'ouverture d'un tel compte dans l'établissement de crédit de son choix . Toute personne physique de nationalité française résidant hors de France, dépourvue d'un compte de dépôt, bénéficie également du droit à l'ouverture d'un tel compte dans l'établissement de crédit de son choix ».
Si un établissement refuse d'ouvrir un compte, la personne concernée peut saisir la Banque de France qui désigne d'office un établissement, qui doit alors ouvrir un compte dans un délai de trois jours.
Par ailleurs, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), l'organe de surveillance des banques, peut sanctionner les établissements qui ne mettent pas en oeuvre la législation relative au droit au compte. C'est ainsi que LCL et la Société générale ont récemment été condamnés à un blâme et à une sanction pécuniaire de 2 millions d'euros par la commission des sanctions de l'ACPR.
Afin de rendre encore plus effective la procédure de droit au compte, le présent article complète l'article L. 312-1 du code monétaire et financier en indiquant que l'ACPR est systématiquement et immédiatement informée par la Banque de France lorsque celle-ci a connaissance d'un refus d'ouverture de compte . Le présent article effectue également une coordination à l'article L. 312-1-3 du code monétaire et financier.
L'ACPR peut ensuite mettre en oeuvre les mesures adéquates, y compris par le biais de son pouvoir disciplinaire, pour que l'établissement respecte ses obligations .
II - La position de votre commission
Le présent article répond à une double préoccupation .
D'abord, il entend améliorer la procédure du droit au compte pour les personnes en situation d'exclusion bancaire.
Ensuite, et comme l'a souligné en séance publique notre collègue député Frédéric Lefebvre, il vise également la situation des Français établis hors de France, en particulier aux États-Unis, pour lesquels certains établissements ont décidé de clôturer unilatéralement leurs comptes ouverts en France 492 ( * ) , en violation de la législation du droit au compte.
Bien évidemment, l'information systématique de l'ACPR ne signifie pas qu'une procédure de sanction sera engagée. De même, l'Autorité n'a pas vocation à traiter chaque dossier individuel. Il s'agit plutôt de lui permettre d'identifier les réseaux bancaires dont les pratiques seraient contraires à la législation.
Ce dispositif a surtout une vertu préventive en signalant aux établissements de crédit qu'ils ne peuvent échapper à leurs obligations en matière de droit au compte.
Votre commission spéciale a adopté cet article sans modification .
Article 86 ter - Rapport sur le crédit d'impôt famille
Objet : cet article, introduit par l'Assemblée nationale, demande un rapport au Gouvernement sur le crédit d'impôt famille.
I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale
Le crédit d'impôt famille est prévu par l'article 244 quater F du code général des impôts. Le crédit d'impôt est accordé aux entreprises qui financent des crèches pour leurs salariés, à hauteur de 50 % des sommes engagées pour leur création et leur fonctionnement. Il s'élève à 25 % des dépenses engagées lorsque l'entreprise verse une aide financière à la garde d'enfants. Son montant est plafonné à 500 000 euros.
D'après le rapport sur les Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2015, le crédit d'impôt famille a concerné 6 190 entreprises en 2013, représentant un coût pour l'État de 59 millions d'euros .
Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue députée Catherine Coutelle et de plusieurs membres du groupe socialiste, avec un double avis de sagesse de la commission et du Gouvernement, demande qu'un rapport soit remis au Parlement, dans un délai de six mois, sur le crédit d'impôt famille et « formulant, le cas échéant, des propositions d'amélioration de ce dispositif ».
II - La position de la commission
La demande de nos collègues députés sur le crédit d'impôt famille est pour le moins floue et ne semble pas être motivée par la nécessité de régler un problème identifié .
Au vu de ces éléments et conformément à la position établie par vos rapporteurs, votre commission a adopté un amendement de suppression du présent article. En l'espèce, il sera toujours loisible aux commissions compétentes de se saisir du crédit d'impôt famille et, plus généralement, de la question des modes de garde à l'occasion de l'examen du prochain projet de loi de finances ou du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Votre commission spéciale a supprimé cet article .
* 485 Les infractions précitées liées à la durée du travail et celles relatives au respect du Smic sont actuellement sanctionnées pénalement par des amendes prévues pour les contraventions de la 3 ème à la 5 ème classe (450 à 1 500 euros), multipliées par le nombre de salariés concernés.
* 486 Dans le premier cas, l'amende était plafonnée à 10 000 euros par travailleur concerné par le manquement, dans le second cas, elle ne pouvait pas dépasser 10 000 euros, quel que soit le nombre de travailleurs concernés.
* 487 Loi n° 2013-185 du 1 er mars 2013 portant création du contrat de génération, art. 6.
* 488 Ces amendements ont été présentés par :
- le rapporteur général et les rapporteurs thématiques ;
- des députés du groupe SRC ;
- des députés du groupe écologiste.
* 489 CEDH, 20 mai 2014, n os 37394/11, Glantz c/ Finlande, et 758/11, Hakka c/ Finlande.
* 490 Il en va ainsi :
- du comité d'établissement et du comité central d'entreprise (art. L. 2328-1 du code du travail) ;
- du comité d'entreprise européen (art. L. 2346-1 du même code) ;
- du comité d'une société européenne (art. L. 2355-1 du même code) ;
- du comité d'une société coopérative européenne (art. L. 2365-1 du même code) ;
- du comité d'une société issue d'une fusion transfrontalière (art. L. 2375-1 du même code) ;
- et du groupe spécial de négociation relatif à ces différentes structures.
* 491 Art. L. 2328-2 du code du travail.
* 492 La nouvelle législation fiscale américaine dite « FATCA » oblige les banques du monde entier à transmettre à l'administration fiscale américaine toutes les données relatives aux comptes détenus hors des États-Unis par des résidents américains. La mise en oeuvre de la législation « FATCA » étant très coûteuse, certains établissements français ont préféré clôturer les comptes des résidents américains, y compris de nationalité française.