EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé, pour la seconde fois, à examiner, à l'initiative de notre collègue Michel Magras, sénateur de Saint-Barthélemy, et de plusieurs de nos collègues, une proposition de loi organique conduisant à réformer le statut de la collectivité de Saint-Barthélemy 1 ( * ) .

Saint-Barthélemy est une collectivité d'outre-mer dotée de l'autonomie au sens de l'article 74 de la Constitution . Introduit par la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, son statut est fixé au livre II de la sixième partie du code général des collectivités territoriales 2 ( * ) .

Lors de son audition par votre rapporteur, l'auteur de la proposition de loi organique a présenté ce texte comme le fruit du travail de réflexion mené par la collectivité de Saint-Barthélemy à la suite de l'annonce par le précédent ministre des outre-mer, M. Victorin Lurel, d'une réforme statutaire commune à plusieurs collectivités ultramarines. Faute d'aboutissement de cette réflexion dans l'ensemble des collectivités concernées, M. Michel Magras a déposé la présente proposition de loi organique pour permettre au Parlement d'en débattre.

Ces modifications statutaires ont été proposées par le conseil territorial de Saint-Barthélemy dans un avis rendu le 20 décembre 2013. Consultée par le président du Sénat sur le texte inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée 3 ( * ) , comme l'impose l'article 74 de la Constitution et dans les conditions fixées à l'article L.O. 6213-3 du code général des collectivités territoriales, la collectivité a exprimé son soutien à la proposition de loi organique par la voie d'un avis rendu le 22 décembre 2014 par son conseil exécutif 4 ( * ) .

I. LE STATUT DE LA COLLECTIVITÉ DE SAINT-BARTHÉLEMY

Son isolement géographique et son histoire particulière ont conduit, à la suite de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, à l'ériger en collectivité d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution.

Présentation synthétique de la géographie
et de l'histoire de l'île de Saint-Barthélemy

L'île de Saint-Barthélemy se situe dans l'extrême nord-est de la mer des Caraïbes, à 25 kilomètres au sud-est de Saint-Martin, 230 kilomètres du nord-ouest de la Guadeloupe « continentale » et 6 500 kilomètres de Paris. Cette île montagneuse d'environ 21 kilomètres carrés - 25 kilomètres carrés avec ses îlets - culmine à 286 mètres. Elle compte près de 9 000 habitants.

Saint-Barthélemy est entrée, comme plusieurs autres îles de la Caraïbe, dans l'histoire de France au milieu du XVII ème siècle. Christophe Colomb l'a découverte en 1493 lors de son second voyage aux Antilles, et l'a baptisée en l'honneur de son frère Bartolomé. En 1648, l'île est occupée pour la première fois par les Français, sur ordre du commandeur Philippe de Longvilliers, seigneur de Poincy. En 1651, l'ordre de Malte prend possession de l'île. La France l'achète en 1674.

Saint-Barthélemy, qui ne produisait aucune richesse, fut rapidement considérée comme une possession inutile par la Couronne qui résolut de s'en défaire. L'île fut cédée, le 1 er juillet 1784, au roi de Suède, en échange de droits d'accès pour les navires français au port et aux entrepôts de Göteborg.

La Suède, petite puissance coloniale à l'échelle de la Caraïbe, en fit un port franc jouissant d'une exonération douanière et fiscale.

Ravagée par un cyclone puis par l'incendie de sa capitale en 1852, Saint-Barthélemy n'avait plus de ressources et ne présentait plus d'intérêt commercial. Le roi de Suède et de Norvège, Oscar II, décida de céder l'île à la France. Le traité de rétrocession de 1877 fut approuvé par une consultation des habitants de l'île et Saint-Barthélemy fut rattachée à la Guadeloupe le 16 mars 1878 après paiement par la France d'une somme dont le roi de Suède fit don à l'île.

Par un arrêté du 21 novembre 1878, le gouverneur de la Guadeloupe a fait bénéficier l'île de Saint-Barthélemy de dispositions analogues à celles accordées à Saint-Martin, notamment d'un régime de très large franchise commerciale, douanière et fiscale.

En 1946, à la suite de la loi de départementalisation, Saint-Barthélemy a été rattachée au département de la Guadeloupe, devenant l'une de ses communes. Depuis 1963, Saint-Barthélemy et Saint-Martin forment un arrondissement de la Guadeloupe.

À la suite de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, Saint-Barthélemy a exprimé le souhait d'une évolution statutaire en adoptant un projet relatif aux compétences de la collectivité d'outre-mer et à son organisation administrative. Le conseil municipal de Saint-Barthélemy a ainsi adopté à l'unanimité, le 8 août 2003, un projet d'évolution statutaire transmis au Gouvernement et tendant à substituer une collectivité d'outre-mer de la République à la région et au département de la Guadeloupe, ainsi qu'à la commune. Les élus de Saint-Barthélemy ont exprimé le souhait que cette collectivité, dotée d'une assemblée délibérante élue pour cinq ans et d'un conseil exécutif élu par l'assemblée parmi ses membres, exerce notamment des compétences en matière de fiscalité, d'urbanisme et d'accès au travail des étrangers.

Le projet adopté par le conseil municipal de Saint-Martin, le 31 juillet 2003, prévoyait la possibilité pour la nouvelle collectivité d'intervenir dans le domaine de la loi en matière fiscale, sous réserve des impositions sociales qui resteraient de la compétence de l'État. Il formait le dessein d'une assemblée délibérante élue pour cinq ans et d'un conseil exécutif élu par l'assemblée parmi ses membres et responsable devant elle.

Mettant en oeuvre les articles 72-4 et 73 de la Constitution, M. Jacques Chirac, président de la République, a décidé d'organiser, le 7 décembre 2003, la consultation des habitants de Saint-Barthélemy sur l'évolution institutionnelle et statutaire de l'île.

Préalablement à ces consultations décidées sur proposition du Gouvernement, a eu lieu le 7 novembre 2003, au Sénat puis à l'Assemblée nationale, une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat sans vote.

Lors de cette première application des dispositions de l'article 72-4, second alinéa, de la Constitution, tous les orateurs ont approuvé le principe de la consultation des électeurs de Saint-Barthélemy. Lors de la consultation organisée le 7 décembre 2003, 95,51 % des suffrages exprimés ont approuvé la transformation en collectivité d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution.

La collectivité de Saint-Barthélemy a remplacé en 2007 la commune de Saint-Barthélemy, auparavant rattachée au département et à la région de Guadeloupe. Cette collectivité relève depuis lors de l'article 74 de la Constitution, et non plus de l'article 73 de la Constitution qui intéresse les départements d'outre-mer. Elle exerce les compétences anciennement exercées par la commune, le département et la région de la Guadeloupe ainsi que celles spécifiquement attribuées par le législateur organique.

Sous réserve des adaptations prévues par le pouvoir législatif ou règlementaire, les lois et règlements s'appliquent de plein droit à Saint-Barthélemy, à l'exception des règles en matière de droit d'asile et d'entrée et séjour des étrangers.

Cette collectivité dispose d'un conseil territorial qui est l'assemblée délibérante. Il est composé de 19 membres élus pour cinq ans au scrutin de liste à la représentation proportionnelle au sein d'une circonscription unique. La liste arrivée en tête obtient un tiers des sièges, ce qui assure une majorité stable au sein de la collectivité.

Particularité de cette collectivité, le conseil territorial élit en son sein un conseil exécutif. Le conseil exécutif est composé de sept membres : le président, quatre vice-présidents et deux membres. Après l'élection du président du conseil territorial, les autres membres sont élus par le conseil territorial. Sous réserve des compétences propres du président du conseil territorial, ce conseil est l'organe exécutif dont le fonctionnement est collégial. Il comprend les différentes composantes représentées au sein du conseil territorial.

Un conseil économique, social et culturel assiste « à titre consultatif » le conseil territorial. Ses membres sont désignés pour cinq ans pour représenter les groupements professionnels, les syndicats, les organismes et les associations qui concourent à la vie économique, sociale ou culturelle de Saint-Barthélemy ainsi que les associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de l'environnement. Il comprend également des personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence en matière d'environnement et de développement durable.

Le conseil économique, social et culturel est consulté notamment sur la préparation du plan d'aménagement et de développement durable de la collectivité, sur les orientations générales de son projet de budget ainsi que sur les projets de délibération ayant un caractère économique, social ou culturel. Il peut donner son avis de sa propre initiative ou à la demande du représentant de l'État.

Le représentant de l'État est le préfet de la Guadeloupe, assisté d'un préfet délégué qui exerce, par une large délégation, la direction effective des services de l'État à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy. Les services de l'État sont regroupés au sein d'une délégation unique implantée à Saint-Martin, dénommée préfecture de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

Dans le cadre de la collectivité de Saint-Barthélemy, un sénateur est élu tandis que le député est élu par les habitants de Saint-Barthélemy et Saint-Martin.


* 1 Le statut de Saint-Barthélemy a été modifié par la loi organique n° 2010-93 du 25 janvier 2010 tendant à permettre à Saint-Barthélemy d'imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans.

* 2 Le statut de la collectivité de Saint-Barthélemy est quasi-identique à celui de la collectivité de Saint-Martin qui a connu un processus d'autonomisation similaire et a été créée par la même loi organique.

* 3 Le président du Sénat a consulté la collectivité par l'intermédiaire du représentant local de l'État auquel il a adressé un courrier en date du 11 décembre 2015 ; la collectivité a accusé réception de cette demande de consultation le 11 décembre 2014.

* 4 L'article LO 6213-3 du code général des collectivités territoriales ne permet pas au conseil exécutif de se prononcer en lieu et place du conseil territorial lorsque l'avis sollicité porte « sur les projets ou propositions de loi organique relatifs au statut de la collectivité », ce qui est le cas en l'espèce. Toutefois, cet avis a, en tout état de cause, été implicitement rendu le 11 janvier 2015, soit avant son adoption par le Sénat, première assemblée saisie, comme l'exige les dispositions organiques.

Page mise à jour le

Partager cette page