II. LE PROJET DE LOI : UNE PREMIÈRE ÉTAPE VERS LA REDÉFINITION D'UNE POLITIQUE PÉNALE PLUS JUSTE ET PLUS EFFICACE
A. LE PROJET DE LOI DU GOUVERNEMENT
Composé initialement de 21 articles , le présent projet de loi s'appuie, pour une large part, sur les constats établis par la conférence de consensus et sur les préconisations formulées dans le rapport du « jury de consensus », remis au Premier ministre le 20 février 2013.
Principalement axé sur l'individualisation des peines, le renforcement de la lutte contre la récidive et l'amélioration de la prise en charge des auteurs d'infractions, il inclut également un volet consacré à la protection des victimes et à leurs droits tout au long de l'exécution des peines.
1. Un projet de loi axé sur l'individualisation des peines
S'inscrivant dans la continuité de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, le projet de loi comporte plusieurs dispositions tendant à décliner le principe d'individualisation des peines tout au long de la procédure judiciaire : l'article 1 er énonce les finalités et fonctions de la peine devant guider le juge tout au long du procès pénal, tandis que l'article 2 réaffirme le principe d'individualisation au stade du prononcé des peines et que l'article 11 décline la mise en oeuvre de ce principe au stade de l'exécution des peines.
En outre, l'article 5 abroge les « peines planchers », introduites par la loi du 10 août 2007 pour les récidivistes et étendues à certaines infractions commises hors état de récidive légale par la « LOPPSI » du 14 mars 2011, tandis que l'article 3 renforce l'obligation de motivation du choix d'une peine d'emprisonnement ferme non aménagée, y compris lorsque cette peine est prononcée à l'encontre d'une personne condamnée en état de récidive légale.
Par ailleurs, l'article 6 vise à prévoir que la révocation du sursis simple ne sera plus automatique mais devra, comme le SME, être décidée par la juridiction prononçant la nouvelle condamnation.
Enfin, afin de mettre le juge en mesure de prononcer une peine adaptée à la personnalité de l'auteur de l'infraction, l'article 4 crée une nouvelle possibilité d'ajournement du procès pénal afin de permettre, avant le prononcé de la sanction, la réalisation d'investigations complémentaires sur la personnalité et la situation sociale de la personne mise en cause. Selon l'exposé des motifs du projet de loi, la mise en oeuvre de cette nouvelle procédure impliquerait un recours accru au secteur associatif, prioritairement saisi des mesures d'investigations pré-sentencielles depuis l'entrée en vigueur de la loi du 27 mars 2012 de programmation relative à l'exécution des peines.
2. Une confiance accrue dans le milieu ouvert
S'appuyant sur les expériences conduites dans plusieurs pays étrangers 35 ( * ) et sur les recommandations du Conseil de l'Europe tendant au développement de la probation, les articles 8 et 9 du projet de loi créent une nouvelle peine, dite « de contrainte pénale », susceptible d'être prononcée pour des infractions punies de cinq ans d'emprisonnement au plus lorsque la personnalité de l'auteur justifie un accompagnement socio-éducatif renforcé.
Cette nouvelle peine pourrait être prononcée pour une durée de six mois à cinq ans et comprendrait une palette de mesures d'assistance, de contrôle et de suivi, ainsi que certaines obligations ou interdictions (exécution d'un stage, d'un TIG, réparation du dommage causé à la victime, injonction de soins, etc.).
Sa mise en oeuvre reposerait avant tout sur les juges de l'application des peines (JAP) et les conseillers d'insertion et de probation, à qui il appartiendrait d'évaluer la personnalité de la personne condamnée avant que le JAP ne fixe les obligations et interdictions par voie d'ordonnance.
La situation de l'intéressé ferait l'objet d'une réévaluation régulière, au moins d'une fois par an, afin de permettre, le cas échéant, une adaptation des mesures prononcées.
Inspirée du droit pénal des mineurs, cette nouvelle peine ne leur serait toutefois pas applicable, compte tenu de la grande souplesse dont bénéficient déjà les juridictions pour mineurs dans la détermination des mesures et sanctions applicables ( article 10 ).
3. Une volonté de limiter les « sorties sèches » et de favoriser la réinsertion des personnes détenues
Afin de limiter autant que possible les « sorties sèches », l'article 11 pose le principe du retour progressif à la liberté, tandis que l'article 16 crée une procédure de libération sous contrainte, susceptible d'être exécutée sous le régime de la semi-liberté, du placement sous surveillance électronique, du placement à l'extérieur ou de la libération conditionnelle.
La situation des personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à cinq ans devrait ainsi être obligatoirement examinée lorsqu'elles ont exécuté les deux tiers de leur peine, afin de décider, le cas échéant, une mesure de sortie encadrée.
A l'inverse, l'article 7 du projet de loi revient sur une des mesures essentielles de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, en ramenant de deux ans à un an pour les non-récidivistes, et de un an à six mois pour les récidivistes le quantum maximal d'emprisonnement permettant un aménagement de peine ab initio .
L'article 17 prévoit un examen obligatoire des longues peines aux deux tiers de leur exécution (au bout de 18 ans pour les personnes condamnées à la réclusion à perpétuité), afin d'envisager une libération conditionnelle à l'issue d'un débat contradictoire.
L'article 18 supprime quant à lui la procédure simplifiée d'aménagement de peine (PSAP) et la surveillance électronique de fin de peine (SEFIP), jugées complexes et peu efficaces.
Par ailleurs, l'article 12 modifie la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 de manière à mettre en exergue la coopération nécessaire entre l'administration pénitentiaire, les autres services de l'État et les collectivités territoriales, les associations et les personnes publiques ou privées afin que les personnes condamnées accèdent à l'ensemble de leurs droits et aux dispositifs de droit commun.
Les articles 13 et 14 visent à préciser, conformément aux recommandations de la conférence de consensus, les missions des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) et à clarifier leurs relations avec le juge de l'application des peines (JAP). Les personnels des SPIP doivent ainsi procéder à une évaluation régulière de la situation de la personne condamnée et de sa personnalité et veiller au respect des obligations qui lui sont imposées. En fonction de cette évolution, ils définissent les modalités de prise en charge des personnes condamnées. Ils en avisent le juge de l'application des peines et les mettent en oeuvre.
4. Droits des victimes et protection de la société
Enfin, l'article 11 reconnaît à la victime un certain nombre de droits au cours de l'exécution de la peine par l'auteur des faits, notamment celui de saisir l'autorité judiciaire de toute atteinte à ses intérêts, d'obtenir réparation de son préjudice ou d'être informée de la fin de l'exécution d'une peine privative de liberté. La nécessité de garantir sa tranquillité et sa sûreté serait expressément reconnue dans le code de procédure pénale.
Par ailleurs, afin d'améliorer le contrôle du respect par les personnes condamnées des obligations et interdictions qui leur ont été imposées par le juge, l'article 15 renforce les prérogatives de la police et de la gendarmerie en leur permettant, d'une part, de placer plus largement une personne en retenue et, d'autre part, de procéder à des visites domiciliaires (avec l'autorisation du juge) lorsqu'il est plausible qu'une personne détient des armes alors que cela lui est interdit.
Le fichier des personnes recherchées serait complété afin de permettre aux forces de l'ordre d'être mieux informées des obligations et interdictions pesant sur les personnes condamnées.
* 35 Voir à cet égard l'étude de législation comparée élaborée par les services du Sénat : http://www.senat.fr/lc/lc243/lc243_mono.html .