CHAPITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AUX MISSIONS
DU SERVICE PUBLIC PÉNITENTIAIRE DANS LE SUIVI
ET LE CONTRÔLE DES PERSONNES CONDAMNÉES

Article 13
(art. 712-1 du code de procédure pénale)
Relations entre le service pénitentiaire d'insertion et de probation et les juridictions de l'application des peines

Le présent article propose de préciser les relations entre les JAP et les SPIP.

Rappelons que les relations entre les juridictions de l'application des peines et le service pénitentiaire d'insertion et de probation prennent aujourd'hui et depuis 1999 la forme du « mandat judiciaire », qui exclut toute autorité directe des premières sur le second.

Actuellement, la seule disposition législative faisant une allusion indirecte au service pénitentiaire d'insertion et de probation et à ses relations avec les magistrats chargés de l'application des peines figure à l'article 712-1 du code de procédure pénale qui précise que « Le juge de l'application des peines et le tribunal de l'application des peines constituent les juridictions de l'application des peines du premier degré qui sont chargées, dans les conditions prévues par la loi, de fixer les principales modalités de l'exécution des peines privatives de liberté ou de certaines peines restrictives de liberté, en orientant et en contrôlant les conditions de leur application . ».

D'autres mentions figurent dans la partie réglementaire du code de procédure pénale.

Le décret n°2011-1876 du 14 décembre 2011 a modifié les articles D. 575 à D. 577 relatifs aux attributions respectives du juge d'application des peines, des autres magistrats mandants et du SPIP.

L'article D. 577 précise ainsi que « au sein de chaque juridiction, le juge de l'application des peines, le procureur de la République et les autres magistrats mandants déterminent les orientations générales relatives à l'exécution des mesures confiées au service pénitentiaire d'insertion et de probation ainsi que celles relatives à l'exécution des peines privatives de liberté, et évaluent ensuite leur mise en oeuvre . ».

L'article D. 577 précise en outre que « Le juge de l'application des peines, le procureur de la République et les autres magistrats mandants communiquent, le cas échéant, pour chaque dossier dont le service est saisi, des instructions particulières relatives à la finalité de la mesure et au contenu des obligations à respecter. ».

Une circulaire d'application 108 ( * ) a précisé la notion d'instructions particulières du JAP et de finalité de la mesure. Elle a en particulier précisé que la détermination de la fréquence à laquelle un condamné pouvait être convoqué par le SPIP relevait exclusivement de la compétence de celui-ci. Or, le Conseil d'État, par une décision du 13 février 2013, a annulé partiellement la circulaire, considérant que la fréquence de la convocation des condamnés devant le SPIP constituait « l'une des caractéristiques essentielles de l'exécution des peines qui relève, en dernier ressort, des juridictions de l'application des peines ».

Le jury de la conférence de consensus, quant à lui, estime que les articulations entre le JAP et le SPIP doivent être clarifiées. Ainsi, le SPIP « doit être chargé du suivi des justiciables du début (évaluation présententielle) à la fin et de la coordination de la prise en charge après condamnation, en milieu ouvert ou fermé, avec l'ensemble des acteurs . ».

Le JAP doit pour sa part « fixer, sur proposition du SPIP, le contenu d'une mesure de probation ou les aménagements d'une peine privative de liberté, statue sur le incidents, décide éventuellement du renforcement ou de la levée des obligations posées dans ce cadre ».

Afin de remédier à ces difficultés en tenant compte des préconisations de la conférence de consensus, le présent article propose d'indiquer que les juridictions d'application des peines « sont avisées, par les services d'insertion et de probation, des modalités de prise en charge des personnes condamnées, définies et mises en oeuvre par ces services. Elles peuvent faire procéder aux modifications qu'elles jugent nécessaires au renforcement du contrôle de l'exécution de la peine ».

Les relations réciproques entre les juridictions de l'application des peines et les SPIP sont ainsi clairement définies, les modalités concrètes de ces relations devant être précisées par décret.

Votre commission a adopté l'article 13 sans modification .

Article 14 (art. 13 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire) - Définition des missions des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP)

Le présent article vise à compléter la définition du rôle des services pénitentiaires d'insertion et de probation qui figure à l'article 13 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

Celle-ci prévoit actuellement que « les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation sont chargés de préparer et d'exécuter les décisions de l'autorité judiciaire relatives à l'insertion et à la probation des personnes placées sous main de justice, prévenues ou condamnées.

« A cette fin, ils mettent en oeuvre les politiques d'insertion et de prévention de la récidive, assurent le suivi ou le contrôle des personnes placées sous main de justice et préparent la sortie des personnes détenues ».

Votre rapporteur souhaite souligner au préalable le rôle important que les SPIP auront dans l'application du présent texte. Les remarques faites par notre collègue Jean-René Lecerf à ce sujet dans l'avis budgétaire « administration pénitentiaire » de la commission des lois dans le cadre de l'examen de la loi de finances pour 2014 sont toujours d'actualité (cf. l'encadré ci-dessous).

Un préalable essentiel : le renforcement substantiel des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP)

« Sans préjuger de la position qui sera la sienne lors de l'examen par le Parlement de ce projet de loi, votre rapporteur relève qu'en tout état de cause, le renforcement des prises en charge en milieu ouvert, même à droit constant, repose nécessairement sur un renforcement très substantiel des services pénitentiaires d'insertion et de probation.

« Nombre de ceux-ci sont en effet à l'heure actuelle dans une situation préoccupante.

« Sans doute le nombre de conseillers d'insertion et de probation a-t-il augmenté régulièrement au cours des dernières années, passant de 1 957 ETPT au 1er janvier 2008 à 2 856 ETPT au 1 er janvier 2013, soit une augmentation de 46 % en cinq ans. Toutefois, cette hausse n'a pas permis de compenser, d'une part, l'augmentation de la population pénale sur la même période et, d'autre part, l'alourdissement des missions confiées aux SPIP par le législateur.

« À l'heure actuelle, le ratio théorique de nombre de mesures rapporté au nombre de conseillers d'insertion et de probation est d'environ 90, mais ce ratio ne tient compte ni des disparités territoriales, ni des temps de travail effectifs (temps partiels, etc.) ni de l'organisation des services (certains conseillers sont affectés au traitement de problématiques spécifiques et se voient donc confier un nombre inférieur de mesures à suivre).

« À la date de sa visite dans les établissements pénitentiaires d'Aix-Luynes, d'Angers, de Longuenesse et de Dunkerque, il a ainsi été indiqué à votre rapporteur que le ratio « nombre de mesures par CIP » des SPIP dont relevait l'établissement atteignait respectivement 150, 110, 200 et 140 - alors même que le Conseil de l'Europe préconise de ne pas dépasser 60 mesures par conseiller. Par comparaison, toutes proportions gardées, le nombre de mineurs suivis par un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse en milieu ouvert est d'environ 25 (...).

« Comme l'observe également M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport annuel pour 2012, « la charge importante qui pèse sur beaucoup [de conseillers d'insertion et de probation], en diminuant les possibilités de dialogue avec les personnes dont ils ont la charge, accroît les délais d'intervention et diminue leur efficacité, augmente les solutions mécaniques, voire expéditives, source de mécontentements et de frustrations, bref crée les conditions de nouvelles tensions dans le monde carcéral, source de difficultés supplémentaires et de nouveaux découragements ».

« Alors que l'étude d'impact annexée à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 estimait nécessaire de réduire de 80 à 60 le nombre de dossiers suivis par chaque conseiller d'insertion et de probation, ce qui supposait la création de 1 000 postes supplémentaires, seuls environ un tiers d'entre eux ont été créés entre 2010 et 2012.

« C'est pourquoi votre rapporteur salue l'effort engagé par le Gouvernement pour augmenter significativement le nombre de conseillers d'insertion et de probation et diminuer corrélativement la charge de travail de chacun d'entre eux. Après 63 créations de postes en 2013, le présent projet de loi de finances prévoit la création de 300 emplois de conseillers en 2014, accompagnés de 100 emplois « support », dont 30 encadrants, 10 psychologues et 10 assistants sociaux ».

Source : Rapport budgétaire n° 162 - tome XII (2013-2014) de M. Jean-René Lecerf sur les crédits alloués à l'administration pénitentiaire par le projet de loi de finances pour 2014

.

Sur la période 2013-2015, le nombre de créations d'emplois devrait s'élever à 1 000, le Gouvernement ayant indiqué sa volonté de parvenir à un ratio de 40 mesures par conseiller. Le respect de cet engagement, indispensable pour améliorer la lutte contre la récidive et oeuvrer à la réinsertion des personnes condamnées, paraît d'autant plus nécessaire que la situation des établissements pénitentiaires demeure extrêmement préoccupante.

Le présent article complète ainsi l'article 13 de la loi pénitentiaire par un troisième alinéa prévoyant que les SPIP « procèdent à l'évaluation régulière de la situation des personnes condamnées et définissent, au vu de ces évaluations, le contenu et les modalités de leur prise en charge ».

L'inscription de la notion d'évaluation des personnes condamnées dans l'article 13 est d'abord cohérente avec l'article 11 du présent projet de loi qui propose d'inscrire à l'article 707 du code de procédure pénale, relatif aux principes qui doivent guider l'exécution de la peine, que le régime d'exécution des peines « est adapté au fur et à mesure de l'exécution de la peine en fonction de l'évolution de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée, qui font l'objet d'évaluations régulières ».

Cette notion est également mise en avant par le rapport du jury de la conférence de consensus. Le jury estime ainsi qu' « avec la tendance à la généralisation des évaluations des personnes lors de leur parcours judiciaire, se pose le problème de la crédibilité de ces travaux. En effet, dans la plupart des juridictions, les conditions de réalisation des enquêtes d'évaluation les rendent souvent peu fiables et peu efficaces ». Ainsi, « les coefficients de valeur prédictive positive (c'est-à-dire la probabilité de manifester réellement un comportement problématique, lorsque le résultat de l'évaluation est positif) restent globalement modestes ».

L'administration pénitentiaire utilisait depuis 2012 un outil d'évaluation dénommé « diagnostic à visée criminologique » (DAVC), devant permettre de déterminer les modalités de prise en charge du condamné par le SPIP. Le DAVC est constitué d'un « diagnostic initial » comportant cinq étapes et d'un « diagnostic évolutif » permettant d'apporter des modifications à l'évaluation initiale selon l'évolution de la personne durant l'exécution de la peine. Le personnel d'insertion et de probation doit effectuer cette évaluation dans un délai d'un mois en milieu fermé et de trois mois en milieu ouvert, puis définir des « axes de travail ». Selon le jury de la conférence de consensus, Le DAVC « ne constitue pas un véritable outil d'évaluation, mais plutôt une grille d'informations. La trame d'entretien a été conçue sur la base des pratiques recueillies auprès de professionnels de terrain et ne permet pas d'établir de lien de causalité entre les informations recueillies et leur signification en termes de risque de récidive, ni de déterminer clairement l'intervention à privilégier ».

Prenant acte de grandes difficultés de mise en oeuvre, la garde des Sceaux a annoncé l'abandon du DAVC en juillet 2013. Une mission de l'inspection des services pénitentiaires, chargée de procéder à un état des lieux de l'utilisation du DAVC et des pratiques d'évaluation des personnes placées sous main de justice, a conclu en novembre 2013 à une très faible utilisation du DAVC par les services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Dès lors, l'élaboration de nouveaux outils est nécessaire sur la base des analyses criminologiques françaises et internationales pertinentes. La direction de l'administration pénitentiaire a mis en place à cette fin un groupe de travail sur le développement des nouvelles modalités d'évaluation des personnes placées sous main de justice.

Votre commission a adopté l'article 14 sans modification .


* 108 Circulaire DAP/DACG du 16 décembre 2011 NOR JUSK 1140065C.

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