III. UNE ADOPTION DE LA PROPOSITION DE LOI MALGRE LES RESERVES DE SON RAPPORTEUR

Votre rapporteur a constaté, au cours des nombreuses auditions qu'il a organisées, que les problématiques abordées par la proposition de loi étaient réelles et majeures pour les acteurs locaux, en particulier le financement des corporations d'artisans et la modernisation du cadastre d'Alsace-Lorraine. Toutefois, il a estimé que les solutions envisagées ne paraissent pas, en l'état, totalement abouties et nécessitent une réflexion complémentaire. Il n'a pas été suivi par la commission qui a adopté la proposition de loi en la complétant par un article additionnel proposé par M. André Reichardt.

A. MALGRÉ DE NOMBREUSES INTERROGATIONS ET DIFFICULTÉS...

1. Un financement des corporations d'artisans problématique

Tout en reconnaissant l'apport essentiel des corporations d'artisans au dynamisme économique des départements d'Alsace-Moselle, votre rapporteur estime que les nouvelles modalités de financement proposées par les articles 1 er à 3 soulèvent de nombreuses interrogations.

La décision précitée du Conseil constitutionnel du 30 novembre 2012 ne permet plus de laisser subsister, aujourd'hui, deux types de corporations. En effet, le juge constitutionnel a estimé, sans ambiguïté, que l'obligation d'affiliation à une corporation obligatoire méconnaissait la liberté d'entreprendre.

Si le Conseil constitutionnel n'a censuré que les seules dispositions relatives aux cotisations obligatoires et au recouvrement forcé de ces dernières, il est probable que d'autres dispositions du code local des professions spécifiques aux anciennes corporations obligatoires soient concernées. Il conviendrait par conséquent d'effectuer un examen des autres dispositions afin de déterminer si les sujétions sont toujours proportionnées à l'objectif poursuivi.

Au-delà de cet aspect, votre rapporteur estime que l'affectation d'une part de la taxe pour frais de chambres de métiers aux corporations renforcerait le caractère dérogatoire du régime applicable en Alsace-Moselle, ce qui serait contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon lequel, par sa décision précitée du 5 août 2011, à défaut de leur abrogation ou de leur harmonisation avec le droit commun, les dispositions de droit local « ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d'application n'est pas élargi ». L'affectation d'une imposition aux corporations d'Alsace-Moselle aménagerait le régime de ces dernières, dans un sens dérogatoire au droit commun, et non dans le but de procéder à une harmonisation.

2. Les problématiques soulevées par la nécessaire modernisation du cadastre alsacien-mosellan

Tout en partageant le souci des acteurs locaux de numériser les croquis cadastraux qui, en raison de leur importance en matière de droits immobiliers, souffrent actuellement d'une détérioration rapide, votre rapporteur constate que deux questions ne sont pas abordées par l'article 4 :

- celle du financement de l'extension des compétences de l'EPELFI ;

- celle des nouvelles modalités de gouvernance de l'EPELFI : si ce dernier relève de la tutelle du ministère de la justice, l'extension de ses missions à la modernisation du cadastre conduirait à un partage de la tutelle de l'établissement public avec le ministère des finances, le cadastre étant une compétence de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

3. Des interrogations sur le maintien de la taxe des riverains

Votre rapporteur n'a pu recueillir aucun élément relatif aux nombres de communes ayant mis en place la taxe des riverains ainsi que le niveau de ressources qu'elle représentait. Il a également constaté une absence de consensus sur la question de la pérennisation de cette taxe.

Par ailleurs, la pérennisation de la possibilité de cumul de la taxe de riverains avec la taxe locale d'aménagement soulève des difficultés constitutionnelles, le Conseil constitutionnel ayant indiqué, dans sa décision précitée du 5 août 2011, que les dispositions particulières de droit local ne « peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d'application n'est pas élargi » ce qui ne paraît pas être le cas en l'espèce.

4. Une nécessaire réflexion complémentaire sur la modernisation du travail dominical

Selon les éléments recueillis par votre rapporteur, les dispositions de l'article 8 pourraient entraver la mise en oeuvre d'accords locaux sur le travail dominical.

Votre rapporteur a pu constater, au cours de ses auditions, la conscience de l'attente grandissante des clients et la nécessité de dépoussiérer le droit local en la matière qui est bien présente à l'esprit des acteurs de la vie économique. Une évolution des dispositions applicables en la matière semble donc souhaitable, mais elle doit se faire dans le cadre d'une réflexion approfondie.

Les auditions que votre rapporteur a menées ont montré à la fois un fort attachement au régime local du repos dominical et des jours fériés, et une volonté de prendre le temps nécessaire pour le faire évoluer. En particulier, les différents représentants des artisans alsaciens 13 ( * ) ont indiqué préféré attendre la mise en oeuvre de l'accord signé le 6 janvier 2014, entre les organisations patronales et syndicales d'Alsace, sur les contreparties accordées aux salariés dans le cadre des dérogations au repos dominical dans le secteur du commerce. Cet accord devrait être prochainement étendu.


* 13 Chambre de métiers d'Alsace, Confédération de l'artisanat d'Alsace, Union des corporations artisanales du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

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