AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi soumis au Sénat vise à adapter la législation nationale au droit de l'Union européenne en matière de santé. Ses dispositions sont peu nombreuses et de nature technique ou de portée restreinte. En effet, en raison de l'examen concomitant du projet de loi relatif à la consommation les mesures susceptibles d'avoir un impact économique plus significatif, notamment celles concernant la vente de lentilles de contact y ont été intégrée.
Cinq textes européens font l'objet de mesures de transposition :
- la directive 2011/24/UE dite « soins transfrontaliers » ;
- le règlement n°1223/2009 relatif aux produits cosmétiques ;
- la directive 2011/62/UE relative à la prévention de l'introduction dans la chaîne d'approvisionnement légale de médicaments falsifiés;
- la directive 2012/26/UE modifiant la directive 2001/83/CE en ce qui concerne la pharmacovigilance ;
- la directive d'exécution 2012/52/UE établissant des mesures visant à faciliter la reconnaissance des prescriptions médicales établies dans un autre État membre.
Adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 16 janvier 2014, ce texte sera examiné au Sénat, en séance publique, le 13 février prochain. Ce calendrier resserré s'explique par le souci du Gouvernement d'éviter que la France soit condamnée en raison de son retard de transposition de certaines directives. En effet, depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, les pouvoirs de sanction de la Cour de justice de l'Union européenne ont été renforcés : celle-ci peut condamner les Etats membres à payer des astreintes journalières et des amendes, dont le montant peut se chiffrer en dizaines de millions d'euros, dès qu'elle constate qu'ils ont manqué à leur obligation de transposition. En l'occurrence les directives 2011/24, 2012/26 et 2012/52 devaient toutes trois être transposées avant la fin du mois d'octobre 2013.
Le travail de mise en conformité du droit national aux textes européens apporte en l'occurrence peu d'évolutions notables par rapport aux pratiques actuelles. Outre le respect des obligations de la France, les dispositions contenues dans le projet de loi permettront de clarifier l'état du droit et, ainsi, de renforcer la sécurité de ceux qui ont recours aux soins ou aux produits de santé.
Le droit européen, en effet, n'impose pas, comme on l'entend parfois de manière systématique ou aveugle une ouverture à la concurrence des prestations de santé d'une part, qui seraient considérées comme un simple service, des produits de santé d'autre part, dont les enjeux en termes de sécurité seraient minimisés. S'il est vrai que le droit européen reste d'abord le droit du marché intérieur, donc un droit de la concurrence, la sécurité des citoyens de l'Union est une préoccupation constante des instances européennes. Cet objectif se traduit par la mise en place de mécanismes d'harmonisation ou d'unification des contrôles. Il peut être mis en oeuvre par des instances créées à cet effet, comme l'agence européenne du médicament, mise en place en 1995 et chargée des autorisations de mise sur le marché, du contrôle et, si nécessaire, du retrait de ces produits dont l'évaluation est conduite par les laboratoires nationaux de référence, dont ceux de l'agence nationale du médicament et des produits de santé. Il se traduit également au travers des normes européennes, directives et règlement, comme la directive 2011/62/UE destinée à lutter contre la contrefaçon de médicaments ou les directives de 2001 et 2012 sur la pharmacovigilance. De plus, les exigences européennes amènent parfois un renforcement des exigences de sécurité pour l'usager des soins médicaux. L'obligation d'assurance civile professionnelle pour l'ensemble des prestataires de soins, imposée par la directive 2011/24, renforce les garanties des personnes faisant appel aux chiropracteurs ou aux ostéopathes, qui n'étaient jusqu'à présent pas couvert par cette obligation, limité en droit national aux seuls professionnels de santé.
Dans le cadre du droit européen un certain nombre d'évolutions qui peuvent paraître en rupture avec les pratiques française, ainsi la vente en ligne de produits de santé, sont une adaptation nécessaire non seulement aux enjeux commerciaux mais aussi aux impératifs de sécurité. Si la France entend garantir effectivement la sécurité des citoyens elle doit, dans une économie mondialisée, permettre l'apparition d'une offre de produits de santé sur internet qui présente toute les garanties en termes de qualité, de contrôle et d'approvisionnement des produits. De ce point de vue, le droit européen n'impose pas la fin des mécanismes de contrôle et de protection conçus par la France. Les directives européennes laissent systématiquement le choix aux Etats membres des moyens de transposition et n'interviennent pas sur l'organisation du système de soins qui relève de la seule compétence des Etats membres. Ainsi, la France a choisi, conformément à notre législation nationale, de limiter aux seuls pharmaciens d'officine la possibilité de vendre en ligne des médicaments non soumis à prescription. De même, elle a adopté l'interprétation la plus large de l'obligation imposée aux laboratoires pharmaceutiques par la directive 2012/26/UE de justifier le retrait d'un médicament d'un des marchés européens.
Le droit européen permet aussi la diffusion libre d'entraves à la concurrence des produits français dans des secteurs particulièrement importants de notre économie, comme la cosmétique, troisième poste excédentaire de notre balance commerciale. Les entreprises françaises du secteur, dont deux tiers de la production est liée à l'exportation, sont attachées à l'uniformité des règles européennes qu'a apportée le règlement 1223/2009. Il convient de souligner que ce règlement a également apporté un renforcement des exigences en matière de justification de l'innocuité des produits cosmétiques.
Ainsi dans le domaine de la santé, comme dans celui du commerce, les objectifs du droit européen coïncident avec ceux du droit national. L'ensemble des professionnels concernés par ce texte ont d'ailleurs manifesté lors de leur audition par votre rapporteur leur satisfaction quant à son contenu.
Les modifications apportées par l'Assemblée nationale ayant permis de lever les incertitudes rédactionnelles présentes dans le texte et apporté, sur plusieurs points, des compléments importants en matière de sécurité des patients, votre commission vous propose d'adopter sans modification le projet de loi soumis à votre examen.