EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Dans un contexte de raréfaction de la ressource budgétaire, les élus locaux souhaitent une optimisation du fonctionnement des services publics locaux, en réintégrant leur gouvernance tout en cherchant à bénéficier du savoir-faire du secteur privé. Les entreprises sont également à la recherche de nouveaux modes de coopération avec les collectivités territoriales et leurs groupements.
Les contrats de partenariat ont démontré leurs limites, tandis que les formes traditionnelles de gestion des services publics - délégation de service public ou affermage - ne répondent pas entièrement aux nouvelles attentes. Aussi apparaît-il nécessaire de mettre en place un nouveau mode de gestion, qui permette à la fois de concilier maintien de l'influence de la personne publique et compétence de la personne privée.
La présente proposition de loi, déposée par nos collègues MM. Jean-Léonce Dupont et Hervé Marseille et les membres du groupe Union des Démocraties et Indépendants - Union centriste, tend à la mise en place d'une nouvelle entité mixte, la société d'économie mixte contrat (SEM contrat), complétant ainsi la panoplie des outils dont disposent les collectivités territoriales pour assumer leurs compétences, avec les SEM locales et les sociétés publiques locales notamment. Votre commission a souhaité joindre à l'examen de cette proposition de loi celles, identiques, déposées par nos collègues, MM. Daniel Raoul 1 ( * ) , président de la commission des affaires économiques, et Antoine Lefèvre 2 ( * ) .
Cette nouvelle forme de partenariat public-privé institutionnel (PPPI), appellation de niveau communautaire, répond aux aspirations aussi bien des élus locaux que des entreprises, comme a pu le constater votre rapporteur au cours de ses auditions. La proposition de loi introduit dans notre droit un instrument qui, dans plusieurs autres États membres de l'Union européenne, permet la constitution d'une entité mixte, composée d'une personne publique et d'au moins une personne privée, chargée d'exécuter, par contrat, une opération unique. La principale caractéristique de cette entité est l'organisation d'une seule procédure de mise en concurrence, non pas pour l'attribution du contrat à la société, mais pour le choix de la personne privée qui participera à la future entité. Dans ce cadre, la personne privée doit faire la preuve de sa capacité à apporter un capital suffisant au sein de l'entité mixte mais également de son expertise technique, opérationnelle et budgétaire permettant de répondre aux attentes et aux besoins de la collectivité publique pour la réalisation d'une opération.
Cette innovation sur le moment de la mise en concurrence doit toutefois respecter les exigences communautaires en matière d'égalité de traitement, de transparence et de publicité des procédures, comme l'ont rappelé la commission européenne et la Cour de justice des communautés européennes qui ont confirmé la validité de ce dispositif tout en l'assortissant de certains garde-fous.
Si un tel outil répond à un besoin évident et reconnu des collectivités territoriales et des entreprises, il s'avère indispensable d'en assurer la sécurité juridique afin de permettre aux différents acteurs de se saisir pleinement de cet outil, indispensable pour la qualité des politiques publiques locales et des services publics locaux.
I. LA SEM CONTRAT : UN OUTIL UTILISÉ EN EUROPE ET RECONNU PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE
A. LE DÉVELOPPEMENT DE LA SEM CONTRAT EN EUROPE
Plusieurs exemples de partenariats public-privé institutionnels se sont développés au cours des dernières années en Europe, principalement en Espagne, en Italie, en Allemagne ou encore en Suède.
Bien que les législations en vigueur ou les pratiques nationales soient différentes, des caractéristiques communes peuvent néanmoins être identifiées.
1. Les caractéristiques des SEM contrat
L'actionnaire public comme l'actionnaire privé sont, en général, uniques au sein de l'entité mixte. Il est recouru à cette formule pour des projets d'une certaine envergure nécessitant une capitalisation et des investissements substantiels, principalement dans les métiers de l'environnement (eau, énergie, déchets) et, dans une moindre mesure, dans les transports publics.
La société est créée pour des contrats de longue durée (de 20 à 50 ans), celle-ci étant dissoute à la fin du contrat. Dans un certain nombre de cas, avant la liquidation de la société, celle-ci amortit le montant du capital privé sur la durée du contrat en alimentant un fonds de reversement, utilisé pour rembourser l'actionnaire privé de son capital à l'extinction du contrat.
2. Les modalités de gouvernance
Les différentes expériences aujourd'hui existantes reflètent le souci des partenaires publics et privés de parvenir à un équilibre entre eux.
Ainsi, la participation au capital de l'entité mixte de la personne publique n'est jamais inférieure au seuil de minorité de blocage, qui est différent selon les pays. La présidence des organes délibérant est toujours assurée par un élu, quelle que soit la part détenue par la personne publique. La personne privée, quant à elle, assure la gestion financière de la société.
Les règles de gouvernance du PPPI sont systématiquement précisées par des clauses pouvant être intégrées aux statuts de la société et non pas par l'actionnaire privé seul.
3. Une mise en concurrence pour la sélection de l'actionnaire privé
Par ailleurs, le choix de l'actionnaire privé s'opère à la suite d'un appel d'offre unique comprenant un volet activité (contrat) et un volet gouvernance (statut et éventuel pacte d'actionnaires).
La répartition des compétences entre les actionnaires ainsi que les règles de fonctionnement de la société (droits de vote, modes de rémunération, compétences des organes de gouvernance et de direction) sont fixées de manière précise dans le cadre de cet appel d'offre. Ces éléments sont ensuite déterminés, soit dans les statuts de la société, soit dans un pacte d'actionnaires.
Les PPPI peuvent nouer un seul ou plusieurs contrats. Dans ce deuxième cas, la société mixte peut, en plus du contrat initial avec sa collectivité de référence, conclure d'autres contrats avec cette dernière et assurer la gestion d'autres services en qualité de délégataire pour d'autres collectivités territoriales ou de prestataires pour des clients privés. La société dispose alors de la faculté de constituer des filiales. En Espagne, la législation a évolué afin de ne permettre à ces sociétés de mettre en oeuvre qu'un seul contrat.
* 1 Proposition de loi n° 78 (2013-2014).
* 2 Proposition de loi n° 80 (2013-2014).