PREMIÈRE PARTIE - LES GRANDES TENDANCES DE L'APD INTERNATIONALE ET FRANÇAISE

L'objectif final de la politique d'aide publique au développement (APD) consiste à réduire la pauvreté dans le monde, en favorisant le développement économique et humain des pays inscrits par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la liste des pays pouvant bénéficier de cette aide. Il s'agit en particulier de concourir à l'atteinte des « Objectifs du Millénaire pour le développement » des Nations Unies, ainsi que de protéger les biens publics mondiaux, tout en améliorant l'efficacité de l'aide ainsi apportée. Cette politique contribue également au rayonnement international de la France.

La mission « Aide publique au développement » constitue la principale des missions budgétaires contribuant à la politique menée en faveur des pays en développement. Elle est dotée par le présent projet de loi de finances (PLF) de 4,207 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 2,942 milliards en crédits de paiement (CP), soit près de 30 %, en CP, des dépenses totales de l'APD française prévues pour 2014 (10,3 milliards d'euros). Par rapport à la LFI pour 2013, cette dotation pour 2014 correspond à une augmentation des AE de 73 %, et à une diminution des CP de 6 %.

I. L'ÉVOLUTION DE L'APD INTERNATIONALE

A. UNE BAISSE, POUR LA DEUXIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE

1. Un volume d'aide à la baisse en 2012

En 2011, le montant total de l'aide publique au développement des pays du comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE était en baisse pour la première fois depuis 1997, abstraction faite des opérations exceptionnelles d'allègement de dette.

En 2012, cette diminution s'est poursuivie. D'après les données publiées par le CAD, en avril dernier, les apports nets (c'est-à-dire déduction faite des remboursements de prêts) d'aide publique au développement (APD) versés par les membres en 2012 se sont chiffrés à 125,6 milliards de dollars (contre 133,5 milliards de dollars en 2011), ce qui représente 0,29 % de leur revenu national brut (RNB) cumulé (contre 0,31 % en 2011).

Évolution depuis 2003 de l'APD nette totale des pays du CAD

(en millions de dollars)

Source : Commission des finances du Sénat à partir des données du CAD de l'OCDE

N.B. Les données en dollars constants tiennent compte de l'inflation et des fluctuations des taux de change.

Ce repli s'explique à nouveau par les conséquences de la crise financière et des turbulences dans la zone euro ; ainsi Angel Gurria, secrétaire général de l'OCDE, indiquait en avril que « la crise financière et les turbulences de la zone euro ont amené les gouvernements de nombreux pays à appliquer des mesures d'austérité et à amputer les budgets alloués à l'aide ».

Ainsi, la contribution de l'Espagne est en baisse de près de 50 % (soit une diminution de 2 milliards de dollars), après une baisse en 2011 de plus de 30 %. Celle de l'Italie diminue de près de 35 % (soit une diminution de 1,5 milliard de dollars), quand celles du Portugal, de la Belgique et de la Grèce baissent également sensiblement, de 13 % à 17 %.

À l'inverse, neuf pays ont accru leur aide : la Corée (+ 17,6 %), le Luxembourg (+ 9,8 %), l'Australie (+ 9,1 %), l'Autriche (+ 6,1 %), l'Islande (+ 5,7 %), la Suisse (+ 4,5 %), le Canada (+ 4,1 %), la Nouvelle-Zélande (+ 3 %) et la Norvège (+ 0,4 %).

Si l'on s'intéresse à la composition de l'APD, on observe que l'aide bilatérale affectée à des projets et programmes de développement - c'est-à-dire hors allègements de dette et aide humanitaire - a progressé de plus de 2 % (+ 1,64 milliard de dollars). À l'inverse, la baisse la plus importante provient des contributions aux institutions multilatérales, qui diminuent de 2,9 milliards de dollars. L'aide humanitaire et les dons nets au titre des remises de dettes diminuent respectivement de 1,4 milliard et de 2,7 milliards de dollars.

Composition de l'APD nette émanant des pays membres du CAD

(en milliards de dollars constants de 2011)

Source : Commission des finances du Sénat à partir des données du CAD de l'OCDE

L'APD bilatérale au profit de l'Afrique subsaharienne s'est élevée à 26,2 milliards de dollars, soit une diminution importante de 7,9 % en dollars constants par rapport à 2011. L'aide au continent africain dans son ensemble a été réduite de 9,9 %, pour atteindre 28,9 milliards de dollars, après une année 2011 marquée par accroissement de l'effort consenti au profit de l'Afrique du Nord dans le contexte du « printemps arabe ».

Les apports nets d'APD bilatérale au profit du groupe des pays les moins avancés (PMA) ont reculé de 12,8 % en dollars constants, pour s'établir à 26 milliards de dollars.

2. Les évolutions anticipées

À plus long terme, selon les estimations de l'OCDE qui s'appuient sur les résultats d'un questionnaire préliminaire envoyé aux États membres de l'organisation internationale, l'aide programmable par pays (APP) pourrait augmenter (de 9 % en termes réels) en 2013 , du fait essentiellement des majorations prévues en Australie, en Allemagne, en Italie, en Suisse et au Royaume-Uni, ainsi que du fait d'augmentations des prêts consentis par des organismes multilatéraux.

Entre 2014 et 2016, le montant de l'aide devrait en revanche se stabiliser.

Ces perspectives ne permettront pas que l'objectif de volume total d'aide publique au développement soit atteint. En 2005, les pays développés s'étaient en effet engagés à intensifier leur effort d'APD, d'abord au sommet du G8 qui s'était tenu à Gleneagles, puis lors du sommet du « Millénaire + 5 » des Nations Unies, à New York. En vertu des engagements pris lors de ces sommets, et d'autres engagements souscrits par ailleurs, il s'agissait de porter l'aide de 80 milliards de dollars en 2004 à 130 milliards de dollars en 2010, aux prix constants de 2004. Quelques États ont revu depuis leurs objectifs à la baisse, mais l'essentiel demeure.

Entre 2004 et 2012, l'APD des pays du CAD a augmenté de près de 30 milliards de dollars. Toutefois, les objectifs de 2005 impliquent une hausse de 49 milliards de dollars, on constate donc un écart de 19 milliards de dollars entre les résultats atteints et les objectifs.

3. Le respect des objectifs du millénaire pour le développement

Le rapport des Nations Unies de 2013 sur le suivi des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) souligne plusieurs avancées importantes : les cibles relatives à la réduction de moitié de la pauvreté extrême et de la faim (OMD 1) et à la réduction de moitié de la proportion de personnes qui n'ont pas d'accès disponible à des sources d'eau potable améliorées (OMD 7) ont été atteintes dès 2010, soit cinq ans avant l'échéance de 2015.

Les conditions de vie de plus de 200 millions de personnes vivant dans des bidonvilles ont été améliorées (OMD 7), le climat commercial a continué de s'améliorer pour les pays en développement et les pays les moins avancés (OMD 8) et des progrès importants ont été réalisés dans la lutte contre le paludisme et la tuberculose (OMD 6).

Malgré ces avancées, le rapport met également en avant plusieurs chiffres qui restent alarmants. Les projections indiquent en effet qu'en 2015, plus de 600 millions de personnes dans le monde n'auront toujours pas accès à une eau potable améliorée et près d'un milliard vivront avec moins de 1,25 dollar par jour.

Par ailleurs, la faim continue d'être un défi mondial non résolu, la durabilité de l'environnement est sérieusement menacée et les actuelles diminutions de la mortalité maternelle et infantile demeurent très éloignées de la cible de 2015. Si le nombre d'enfants non scolarisés a été réduit de moitié entre 2000 et 2011, cette réduction s'est beaucoup ralentie et la cible d'une éducation primaire pour tous d'ici à 2015 ne sera certainement pas atteinte.

Le rapport rappelle que l'attention des pourvoyeurs de l'aide mondiale doit aussi porter sur les disparités faisant souvent obstacle à plus d'améliorations. En effet, les inégalités entre zones rurales et urbaines persistent, les enfants les plus pauvres sont plus susceptibles d'être non scolarisés et l'inégalité des sexes se maintient au niveau du pouvoir décisionnel.

Par ailleurs, le rapport 2013 souligne la difficulté de dresser un bilan exhaustif de l'évolution des OMD tant les situations intra et inter-pays suivent des trajectoires différentes. L'analyse de l'atteinte des OMD doit notamment tenir compte à la fois de la situation de départ des pays et des trajectoires amorcées. Enfin, les statistiques nationales cachent le plus souvent des inégalités importantes et négligent l'existence de poches de pauvreté.

L'Afrique subsaharienne est de loin la région où les progrès réalisés sont les plus insuffisants au regard des objectifs de 2015. D'après les projections actuelles, aucun des huit objectifs ne sera atteint d'ici à 2015 dans cette zone géographique malgré les progrès déjà réalisés.

L'Océanie est la deuxième région la plus en retard dans la réalisation de la plupart des objectifs. Il est aussi probable qu'aucun des huit objectifs ne sera atteint d'ici à 2015 dans cette région.

A contrario, l'Asie de l'est, suivi par l'Asie du sud-est et l'Afrique du nord ont réalisé des progrès très importants. Dans ces régions, la plupart des objectifs seront atteints en 2015 si les progrès se poursuivent.

Si la majorité des OMD en Amérique latine et aux Caraïbes est en passe d'être réalisée, les objectifs en termes de scolarisation et de santé maternelle doivent faire l'objet d'une attention particulière.

Synthèse des avancées dans l'atteinte des OMD par zone géographique et par OMD

Source : Tableau de suivi des OMD 2013, Nations Unies

Page mise à jour le

Partager cette page