EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
ARTICLE 61 bis (nouveau) -
Augmentation du produit de la taxe perçue
par la chambre
d'agriculture de Guyane
Commentaire : Le présent article fixe à 20 % le taux maximal d'augmentation du produit de la taxe perçue par la chambre d'agriculture de Guyane, pour la période comprise entre le 1 er janvier 2014 et le 31 décembre 2017, par dérogation au cinquième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural et de la pêche maritime.
I. LE DROIT EXISTANT
La taxe pour frais de chambres d'agriculture consiste en une imposition additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties . Cette taxe additionnelle au foncier non bâti, calculée sur la même base 37 ( * ) , est prévue par l'article 1604 du code général des impôts (CGI), dont le II pose le principe de la fixation annuelle du produit de la taxe par les chambres départementales d'agriculture.
Il est donc important de noter que le produit de l'impôt ne varie pas en fonction de l'assiette , mais à partir du montant de l'année n-1 et en fonction, le cas échéant, du pourcentage maximal d'augmentation autorisé . Cela peut donc conduire au fil des années, à creuser les écarts entre les produits de la taxe par département .
Chaque chambre départementale d'agriculture arrête en effet chaque année le produit de la taxe pour frais de chambres d'agriculture à recouvrer à son profit à partir de celui arrêté l'année précédente , augmenté, le cas échéant, dans les conditions fixées à l'article L. 514-1 du code rural et de la pêche maritime.
Le taux maximal de cette augmentation peut donc être revu chaque année par le Parlement, mais le soin de fixer ce taux est réservé aux lois de finances , comme le dispose l'article L. 514-1 précité dans son deuxième alinéa : « l'augmentation maximale du produit de la taxe que chaque chambre départementale d'agriculture peut inscrire à son budget est fixée chaque année en loi de finances ». La loi de finances pour 2011 a, de plus, mis fin au système de majoration exceptionnelle autorisée par le ministre 38 ( * ) .
En outre, parce que des écarts entre les produits de la taxe par département peuvent se creuser, la loi de finances pour 2011 a permis de pouvoir faire varier le taux plafond moyen national (appelé « taux pivot ») de 1,5 % d'une chambre à l'autre , sans qu'il soit supérieur à 3 % pour une chambre et sans qu'il conduise à dépasser l'augmentation globale pour les chambres . Le total des augmentations autorisées pour l'ensemble des chambres d'agriculture au titre d'une année ramené au montant total de la taxe additionnelle perçue l'année précédente ne peut en effet être supérieur au taux maximal autorisé en loi de finances pour l'année concernée.
La répartition différenciée des augmentations autorisées est proposée au ministre chargé de l'agriculture par l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), selon des critères assurant le maintien de la cohésion du réseau et la solidarité territoriale. Et c'est sur la base de ce tableau de répartition établi sur proposition de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture , que la décision est ensuite notifiée à chaque chambre par le ministre chargé de l'agriculture.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le dispositif proposé est dérogatoire aux règles de droit commun qui viennent d'être présentées. Le présent article, issu de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement présenté par le Gouvernement , propose ainsi de fixer à 20 % le taux maximal d'augmentation du produit de la taxe perçue par la chambre d'agriculture de Guyane, pour la période comprise entre le 1 er janvier 2014 et le 31 décembre 2017, par dérogation au cinquième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural et de la pêche maritime.
Il s'agit de répondre à la situation comptable et financière préoccupante de la chambre d'agriculture de Guyane : elle supporte des dettes à la fois vis-à-vis de personnes publiques (pour un million d'euros) et de fournisseurs (pour 400 000 euros). Ses dépenses totales (880 000 euros) sont contraintes alors que ses recettes certaines s'élèvent à 540 000 euros en 2013 (485 000 euros de taxe sur le foncier non bâti, 15 000 euros de subvention du conseil général pour la tenue des sessions et 40 000 euros de prestations diverses).
Au total, le déficit de cette chambre en 2013 est estimé à 340 000 euros et son endettement à environ 1,4 million d'euros .
Selon le Gouvernement, le rétablissement de l'équilibre financier de la chambre passe par un plan de redressement à travers un contrat d'objectifs et de performances , mais l'effort demandé serait toutefois insuffisant et nécessiterait, à titre exceptionnel, un relèvement pérenne de ses recettes . C'est pourquoi le présent article propose, pour une durée limitée à quatre ans, que le produit de la taxe pour frais de chambres d'agriculture prévue à l'article 1604 du code général des impôt ne soit pas soumis à la règle de plafonnement de sa progression annuelle fixée par l'article L. 514-1 du code rural et de la pêche maritime.
Une telle dérogation permettrait ainsi de faire progresser les ressources de la chambre d'agriculture de Guyane au maximum de 20 % par an pendant quatre ans , afin de lui donner les moyens d'assurer les missions de service public qui lui sont confiées.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Vos rapporteurs spéciaux déplorent que la chambre d'agriculture de Guyane en soit arrivée à une telle situation et demanderont des informations complémentaires au Gouvernement sur cette mauvaise gestion lors du débat en séance publique.
De plus, le dispositif proposé n'est pas satisfaisant au regard du respect du principe d'égalité : certes l'écart de progression entre les recettes fiscales des chambres d'agriculture est possible depuis 2011 mais doit s'inscrire dans une fourchette de 1,5 % autour d'un taux pivot qui est le taux plafond moyen national. Permettre à une chambre de déroger à cette règle générale créera un précédent qui risque de susciter d'autres demandes particulières émanant de telle ou telle chambre.
Enfin, en augmentant de 20 % le produit de la taxe sur le foncier non bâti perçu par la chambre d'agriculture de Guyane, il s'agira d'ajouter 97 000 euros par an sur quatre ans à un niveau annuel de recettes actuellement établi à 485 000 euros. La somme supplémentaire recueillie, soit 388 000 euros, sera loin de permettre le remboursement de 1,4 million de dettes : le plan de redressement qui sera mis en oeuvre devra donc être particulièrement drastique .
Toutefois, en dépit de ces critiques substantielles , vos rapporteurs spéciaux se déclarent favorables à la dérogation proposée par le présent article . Le sauvetage de cet établissement public est nécessaire et, dans un tel contexte, le dispositif proposé facilitera le travail de retour à l'équilibre de cette chambre en la faisant bénéficier de ressources supplémentaires. Le Préfet de Guyane, auquel le président de la chambre d'agriculture fera rapport annuellement, devra, en outre, veiller avec la plus grande rigueur au respect du plan de redressement.
Par ailleurs, vos rapporteurs spéciaux préconisent de dégager des moyens supplémentaire par la logique de mutualisation des moyens des chambres d'agriculture. Cette logique de mutualisation, qui s'est partiellement traduite dans le cadre régional, reste encore insuffisamment présente dans le fonctionnement général des chambres d'agriculture . Il s'agit d'un chantier auquel l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) devra se consacrer.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 37 Elle est donc supportée par tout propriétaire foncier qu'il soit ou non agriculteur. En Guyane, l'Etat est ainsi le premier propriétaire foncier.
* 38 A titre exceptionnel, le ministre chargé de l'agriculture pouvait autoriser une chambre départementale d'agriculture à dépasser l'augmentation fixée par la loi, compte tenu de la situation financière ainsi que des actions nouvelles mises en oeuvre ou des investissements à réaliser. Cette majoration ne pouvait être supérieure au double de l'augmentation fixée pour l'année.