EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. 30 du code de procédure pénale) Attributions du ministre de la justice en matière de politique pénale

L'article 1 er du projet de loi modifie substantiellement l'article 30 du code de procédure pénale pour clarifier les compétences du garde des sceaux. Cet article constitue l'article unique du chapitre premier bis « Des attributions du garde des sceaux, ministre de la justice », du titre I er « Des autorités chargées de l'action publique et de l'instruction », du livre premier « De l'exercice de l'action publique et de l'instruction » de ce code.

L'article 30, tel que réécrit par le projet de loi, prévoit que le garde des sceaux « conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement » et veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République. À cette fin, il adresse au parquet « des instruction générales », mais ne peut lui adresser « aucune instruction dans des affaires individuelles ».

Il organise ensuite la publicité des actions menées par le ministre de la justice en matière de politique pénale. À cet effet, il prévoit que les instructions générales aux magistrats du parquet sont « rendues publiques » et que chaque année, le ministre publie « un rapport sur l'application de la politique pénale déterminée par le Gouvernement » et informe le Parlement par « une déclaration pouvant être suivie d'un débat, des conditions de mise en oeuvre de cette politique et des instructions générales ».

1. La conduite par le ministre de la justice de la politique pénale déterminée par le Gouvernement

L'article 1 er modifie le premier alinéa de l'article 30 du code de procédure pénale, en prévoyant que le garde des sceaux « conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement » 26 ( * ) .

La notion de « politique pénale » remplace ainsi celle de « politique d'action publique » , introduite dans la code de procédure pénale, à l'initiative de la commission des lois du Sénat, lors de l'examen de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi « Perben II ». Tentant de définir pour la première fois le rôle du garde des sceaux en matière d'action publique, le législateur avait préféré cette notion à celle de « politique pénale ».

Ce choix était inspiré des travaux de la commission de réflexion sur la justice, mise en place par le Président de la République en 1997, dirigée par M. Pierre Truche, alors premier président de la Cour de cassation.

Selon cette commission, le terme de « politique d'action publique » devait « être préféré à celui de « politique pénale » qui est trop réducteur car il laisse de côté toute l'activité civile, commerciale, sociale qui, par le retentissement qu'elle a parfois sur les équilibres d'une société, peut être d'une importance au moins égale à l'activité répressive. » 27 ( * )

Cependant, le législateur de 2004 n'était pas allé au bout de la logique développée par la commission Truche, en choisissant d'inscrire le terme de « politique d'action publique » dans le code de procédure pénale et non pas dans le code de l'organisation judicaire, le privant ainsi d'effet hors de la matière pénale. Les services du ministère de la justice ont d'ailleurs confirmé à votre rapporteur, qu'en matière civile ou commerciale, l'action du garde des sceaux n'était pas régie par un texte spécifique, mais découlait directement de l'article 5 de l'ordonnance de 1958 28 ( * ) .

Dès lors, puisque la notion de « politique d'action publique » ne concerne que l'action publique en matière pénale, elle apparaît plus réductrice que celle de « politique pénale ». L'étude d'impact annexée au projet de loi 29 ( * ) précise que « politique d'action publique est une notion «  trop restrictive pour désigner la politique du Gouvernement en matière de lutte contre la délinquance. Les réponses pénales peuvent en effet intervenir sans mise en mouvement de l'action publique ». La notion de « politique pénale » recouvre, quant à elle, trois dimensions différentes : l'application de l'opportunité des poursuites et la structuration de la réponse pénale, l'identification des contentieux prioritaires dans le ressort de la juridiction, la définition d'une action partenariale locale 30 ( * ) .

Votre rapporteur approuve donc pleinement la modification proposée par le projet de loi.

La préférence donnée par le texte à la notion de « politique pénale » traduit également la volonté du Gouvernement de clarifier les compétences respectives du garde des sceaux et du parquet . Le garde des sceaux conduit la politique pénale et le parquet met en oeuvre l'action publique.

L'utilisation de la notion de « politique d'action publique » entretenait une certaine confusion, puisqu'elle pouvait laisser penser que le garde des sceaux était susceptible d'intervenir directement dans l'exercice de l'action publique. Une telle conception était d'ailleurs celle retenue dans le projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale (n° 957), déposé à l'Assemblée nationale le 3 juin 1998 par Mme Élisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, qui prévoyait qu'exceptionnellement, le garde des sceaux pouvait saisir directement la juridiction pour mettre en mouvement l'action publique 31 ( * ) .

Le présent texte est donc en rupture avec cette conception. Il ressort de la lecture de l'exposé des motifs, qu'il a pour objet de définir de nouveaux rapports entre la chancellerie et les magistrats du ministère public, « de manière à restituer à la fois au garde des sceaux la responsabilité d'animer la politique pénale, et aux parquets le plein exercice de l'action publique ». Le ministre de la justice ne peut intervenir directement dans la mise en oeuvre de l'action publique. C'est d'ailleurs cette idée qui justifie également la suppression de la possibilité pour le garde des sceaux de donner des instructions dans des affaires individuelles aux procureurs généraux ( cf. infra ).

Enfin, la nouvelle rédaction renforce également la responsabilité du Gouvernement . Comme l'a exprimé la garde des sceaux, Mme Christiane Taubira, lors du débat en séance à l'Assemblée nationale, « aux termes de l'article 20 de la Constitution, il relève de la responsabilité du Gouvernement de conduire cette politique publique majeure qu'est la politique pénale » 32 ( * ) .

L'Assemblée nationale s'est inscrite dans cette perspective, en complétant l'article 30 du code de procédure pénale pour prévoir que le Gouvernement informe le Parlement, par une déclaration pouvant être suivie d'un débat, des conditions de mise en oeuvre de la politique pénale et des instructions générales adressées aux magistrats du ministère publique ( cf. infra ).

L'article 1 er laisse en revanche inchangée la seconde phrase du premier alinéa de l'article 30 qui impose au ministre de la justice de veiller à la cohérence de l'application de la politique pénale sur tout le territoire de la République. Le maintien de cette disposition est d'autant plus utile que l'article 2 modifie l'article 35 du code de procédure pénale pour permettre aux procureurs généraux de préciser, voire d'adapter, les instructions générales du ministre au contexte propre au ressort de leur cour d'appel ( cf. infra ).

2. Les moyens dont dispose le garde des sceaux pour la conduite de la politique pénale et son application cohérente sur le territoire

Dans une déclaration conjointe du 8 décembre 2009, le Conseil consultatif de juges européen 33 ( * ) et le Conseil consultatif de procureurs européens 34 ( * ) ont tenu à souligner que : « dans un État de droit, et lorsque le ministère public est hiérarchisé, l'efficacité des poursuites est, en ce qui concerne les procureurs, indissociable de la nécessité d'instructions transparentes émanant de l'autorité hiérarchique, de l'obligation de rendre compte et de la responsabilité ».

a) Les instructions générales aux magistrats du parquet

L'article 1 er modifie ensuite le deuxième alinéa de l'article 30 du code de procédure pénale. S'il ne revient pas sur la possibilité pour le ministre de la justice d'adresser aux magistrats des instructions générales, dans un souci de cohérence avec la modification de l'alinéa premier ( cf. supra ), il supprime néanmoins la précision selon laquelle ces instructions générales sont « d'action publique ». À l'initiative de l'Assemblée nationale, le texte prévoit désormais que ces instructions doivent être rendues publiques .

Dans le code de procédure pénale de 1958, seules étaient prévues les instructions dans des affaires individuelles. Ces dispositions étaient contenues à l'article 36, dans la section consacrée aux attributions du procureur général, puisqu'il n'existait pas de dispositions spécifiquement dédiées aux attributions du garde des sceaux.

Même si elles existaient déjà dans les faits, la référence aux instructions générales adressées aux magistrats du parquet résulte de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Elle était inspirée des travaux de la commission de réflexion sur la justice, présidée par M. Pierre Truche, qui estimait qu'il était souhaitable « d'inscrire le traitement individuel des contentieux (opportunité des poursuites) dans un cadre d'ensemble visant à une application cohérente de la loi, en fixant des priorités compte tenu des circonstances et en veillant au respect de l'égalité entre les citoyens » 35 ( * ) .

La suppression des mots « d'action publique » du deuxième alinéa de l'article 30 par le projet de loi élargit le champ d'intervention des instructions générales. Il couvre désormais toutes les composantes de la politique pénale, notamment la prévention.

Leur caractère « général » signifie seulement qu'elles ne concernent pas une ou plusieurs affaires identifiées. En revanche, elles peuvent tout à fait être spécialisées par domaine, territoire, matière...

Par exemple, le garde des sceaux peut prendre une circulaire de politique territoriale lorsqu'une partie du territoire est confrontée à un type de délinquance particulier, qui appelle une politique pénale plus ciblée 36 ( * ) . Ces circulaires peuvent également concerner des thématiques spécifiques comme la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, la détention des armes, la lutte contre les dérives sectaires... Enfin, elles ont aussi pour fonction de préciser l'interprétation à donner à la loi.

Comme le précise l'étude d'impact jointe au projet de loi 37 ( * ) , elles prennent la forme de circulaires générales de politique pénale, mais également de directives du directeur des affaires criminelles et des grâces par délégation du ministre, de commentaires de lois nouvelles, ou d'incitation à coopérer avec d'autres administrations. Le nombre de ces instructions est en augmentation régulière ces dernières années

Selon ce document, l'évolution ne s'expliquerait pas tant par les circulaires d'application accompagnant de nouvelles dispositions législatives, que par l'effet significatif des évolutions jurisprudentielles tant européennes que nationales (sur des questions telles que le droit des étrangers, le statut du parquet ou la garde à vue) et l'intervention de plus en plus prégnante des gardes des sceaux successifs dans la définition de la politique pénale.

Votre rapporteur tient ici à rappeler que s'il apparait légitime que le Gouvernement définisse les priorités de la politique pénale, il ne saurait pour autant fixer des règles nouvelles en matière de droit pénal, sans empiéter sur la compétence que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur. Ces instructions revêtent donc une valeur interprétative et non, normative .

L'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de sa commission des lois, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, a complété le deuxième alinéa de l'article 30 du code de procédure pénale par l'obligation de rendre publiques ces instructions générales, dans un souci de transparence à l'égard du citoyen et une volonté de lutter contre le soupçon pesant sur l'indépendance et l'impartialité de la justice.

Si les personnes entendues par votre rapporteur ont toutes salué les raisons qui ont motivé cet ajout, plusieurs d'entre elles se sont inquiétées des effets de cette publicité, lorsque les instructions portent sur des thématiques ciblées comme par exemple le terrorisme, le trafic de stupéfiants ou la criminalité organisée.

Cependant, dans les faits, ces instructions sont déjà largement diffusées actuellement.

En outre, comme l'ont relevé certains membre de votre commission, elles peuvent revêtir le caractère de documents administratifs, communicables en vertu de la loi du 17 juillet 1978 38 ( * ) .

La publicité des instructions générales sera également assurée par le rapport public annuel du garde des sceaux, prévu au dernier alinéa de l'article 30 du code de procédure pénale, dont la création résulte également des travaux de l'Assemblée nationale ( cf. infra ).

b) L'interdiction des instructions du ministre dans des affaires individuelles

L'article 1 er du projet de loi, non modifié sur ce point par l'Assemblée nationale, réécrit totalement le troisième alinéa de l'article 30 du code de procédure pénale pour interdire toute instruction donnée aux procureurs généraux par le garde des sceaux, dans des affaires individuelles .

Historiquement, dans le code de procédure pénale de 1958, le pouvoir d'instructions aux fins de poursuites ou de réquisitions écrites du garde des sceaux figurait à l'article 36. La loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale précisa que ces instructions devaient être écrites, et la loi n° 93-1013 du 24 août 1993 modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, qu'elles devaient être versées au dossier. La loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité transféra ces dispositions au dernier alinéa de l'article 30 du code de procédure pénale.

Dans sa rédaction actuelle, le dernier alinéa de l'article 30 du code de procédure pénale dispose que le garde des sceaux « peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance et lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes. »

Seules les instructions écrites et versées au dossier ayant pour objet d'engager ou de faire engager les poursuites sont donc admises. Le garde des sceaux ne peut enjoindre à un magistrat de ne pas poursuivre.

En revanche, cet article autorise les instructions écrites et versées au dossier ayant pour objet d'enjoindre au procureur général « de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes ». Le procureur pourrait alors, sur instruction du garde des sceaux, déposer des réquisitions écrites tendant à une décision de non-lieu du juge d'instruction, de relaxe ou d'acquittement devant une juridiction de jugement. Le parquet reste alors libre à l'audience, en application de l'article 5 de l'ordonnance précitée du 22 décembre 1958, d'indiquer oralement qu'il ne partage pas les réquisitions écrites, et de requérir une condamnation. Cette situation ne s'est, du reste, jamais produite dans les années récentes.

Dans les faits, ces instructions prévues par l'article 30 sont fort rares. Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, on en compte environ une dizaine par an.

Elles peuvent être données par le ministre au procureur général pour qu'il interjette appel d'une décision (dans une affaire de meurtre antisémite en 2009 par exemple) ou pour qu'il se pourvoie en cassation. En 2009, dans le cadre de la catastrophe aérienne du vol Rio-Paris, des instructions avaient été données aux fins de regroupement des plaintes à Paris. Au début de l'année 2012, trois instructions ont été données au procureur général de Paris aux fins d'enquête 39 ( * ) .

L'article 1 er du projet de loi envisage leur suppression. Il consacre ainsi une pratique qui avait cours entre 1997 et 2002, période durant laquelle les ministres de la justice, Mmes Élisabeth Guigou puis Marylise Lebranchu, avaient renoncé à la possibilité d'adresser des instructions dans des affaires individuelles, de quelque nature qu'elles soient. Dans sa circulaire précitée du 19 septembre 2012, la ministre de la justice, Mme Christiane Taubira, a indiqué qu'elle agirait de même. Elle n'a donc pas utilisé ces instructions depuis son entrée en fonction en mai 2012.

Votre rapporteur approuve la volonté du Gouvernement d'empêcher les immixtions du garde des sceaux dans la mise en oeuvre de l'action publique.

Cependant, il s'est interrogé sur l'impact réel d'une telle mesure. Selon plusieurs personnes entendues, le problème ne résiderait pas tant dans les instructions écrites prévues à l'article 30 du code de procédure pénale, que dans les instructions non écrites qui ne sont pas versées au dossier.

Dès lors, si cette interdiction présente une portée symbolique forte, elle reste néanmoins quelque peu théorique, car aucune disposition législative n'est susceptible d'empêcher efficacement, en l'absence de toute possibilité de contrôle, les éventuelles instructions informelles, résultant d'échanges verbaux ou téléphoniques.

Votre rapporteur a ensuite craint que la suppression des instructions dans les affaires individuelles ne prive le garde des sceaux d'un outil nécessaire à la conduite de sa politique pénale et à son application cohérente sur l'ensemble du territoire, celui-ci n'ayant plus à sa disposition que les instructions générales non contraignantes.

En 1997, la commission Truche, qui préconisait déjà l'interdiction des instructions du ministre de la justice dans les affaires individuelles soulignait justement la nécessité de « maintenir une autorité nationale chargée de réguler, y compris de façon autoritaire, l'exercice des poursuites au niveau local », pour éviter le risque « de voir les poursuites, ici ou là engagées alors qu'elles ne le seraient pas ailleurs, rompant l'égalité entre les citoyens, ou qui seraient inutiles et vexatoires parce que non fondées en droit ou qui risqueraient de troubler plus gravement l'ordre public qu'un classement » 40 ( * ) .

D'ailleurs, le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale en 1998 par la garde des sceaux de l'époque, Mme Élisabeth Guigou, qui supprimait les instructions dans les affaires individuelles, prévoyait en contrepartie, qu'exceptionnellement, le garde des sceaux pouvait saisir directement la juridiction pour mettre en mouvement l'action publique 41 ( * ) . Une telle solution ne peut être envisagée aujourd'hui, car elle serait contraire à l'esprit même du texte, qui est de réserver la mise en oeuvre de l'action publique aux magistrats du parquet.

Enfin, votre rapporteur a tenu également à relever que, selon les informations fournies par l'étude d'impact, depuis 2007, sur l'ensemble des instructions données par le garde des sceaux dans des affaires individuelles, près d'un tiers visait au regroupement des procédures auprès d'une même juridiction ou au dessaisissement d'une juridiction au profit d'une autre, spécialisée.

Comme plusieurs des personnes entendues, il s'est donc interrogé, alors même que les affaires concernant la santé, la pollution, le terrorisme par exemple, se multiplient, sur les moyens dont disposera le garde des sceaux pour assurer ces regroupements après l'entrée en vigueur de la loi.

Cependant, après un large débat au sein de votre commission, lors de sa réunion du 19 juin 2013, il est apparu à votre rapporteur que supprimer cette disposition priverait le texte d'une grande partie de sa portée .

De plus, en cas de manquement d'un procureur aux instructions générales, le garde des sceaux ne serait pas démuni de moyens d'action. Il disposera toujours de la voie disciplinaire pour assurer l'application de la politique pénale dont il a la responsabilité.

Il aura également la possibilité, en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale, dans sa rédaction en vigueur, comme « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire », de « donner avis sans délai au procureur de la République » s'il a connaissance, dans l'exercice de ses fonctions, d'un crime ou d'un délit.

Enfin, il conservera les attributions qu'il détient déjà puisque le texte ne revient pas sur la possibilité pour le ministre de demander par exemple un pourvoi dans l'intérêt de la loi (article 620 du code de procédure pénale), de former une demande de révision (article 623 du même code) ou une demande de réexamen suite à une condamnation de la France par la Cour européennes des droits de l'homme (art 626-2 du même code), d'intervenir dans les dossiers d'entraide judiciaire internationale, ou de mettre en mouvement l'action publique dans le cadre de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Parallèlement, le projet de loi renforce les attributions des procureurs généraux. Ceux-ci seront désormais les garants de l'application uniforme de la politique pénale au niveau local. L'article 2 du projet de loi prévoit à cet effet, qu'ils procéderont à l'évaluation de l'application par les procureurs de la République des instructions générales ( cf. infra ).

De même, l'article 36 du code de procédure pénale, précisé par votre commission, prévoit que les procureurs généraux conserveront la possibilité d'adresser des instructions concernant des affaires individuelles aux procureurs de la République, ces instructions ne faisant pas l'objet des mêmes critiques d'influence politique que celles données par le garde des sceaux aux procureurs généraux. Ils pourront donc leur enjoindre d'engager des poursuites ou de prendre des réquisitions conformes aux instructions générales ( cf. infra ).

Quant aux regroupements d'affaires, jusqu'alors traité par des instructions individuelles, la circulaire du 19 septembre 2012 précise que ces questions techniques, alors même qu'elles concernent des affaires particulières, identifiées, pourront être réglées par voie d'instructions générales.

Votre commission a préféré, en conséquence, s'en tenir au texte du Gouvernement sur ce sujet.

3. L'information par le garde des sceaux de la mise en oeuvre de la politique pénale

Outre la publicité des instructions générales ( cf. supra ), l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois, a complété l'article 30 du code de procédure pénale pour prévoir que le ministre de la justice publie tous les ans un rapport sur l'application de la politique pénale. Sur la base de ce rapport, il informe ensuite le Parlement par une déclaration pouvant être suivie d'un débat , des conditions de mise en oeuvre de cette politique et des instructions générales.

Le rapport de politique pénale existe déjà dans les faits. Depuis une dépêche du 8 novembre 1999, la direction des affaires criminelles et des grâces demande chaque année aux parquets généraux un rapport annuel de politique pénale ( cf. infra ). Elle en élabore ensuite la synthèse dans le rapport annuel de politique pénale du ministère de la justice dont la teneur est rendue publique. Le premier rapport annuel de politique pénale a été publié en avril 2000, il portait sur l'année 1999.

Votre rapporteur approuve pleinement cette initiative de l'Assemblée nationale qui va dans le sens d'une plus grande transparence quant à l'application de la politique pénale. Elle s'inscrit parfaitement dans le champ de l'article 20 de la Constitution, qui prévoit que le Gouvernement, chargé de déterminer et conduire la politique de la Nation, « est responsable devant le Parlement » et de l'article 24, en vertu duquel le Parlement « contrôle l'action du Gouvernement » et « évalue les politiques publiques ».

Cette nouvelle disposition a d'ailleurs fait l'objet d'un accueil favorable de la part de la garde des sceaux, Mme Christiane Taubira, qui estime que « le Gouvernement doit rendre des comptes devant le Parlement de l'application de la loi pénale qu'il lui a proposée et que le Parlement a choisi d'adopter. Sur la base de cette loi pénale, c'est le garde des sceaux qui doit définir les priorités et orientations, et veiller à la mise en oeuvre des moyens pour l'application de cette loi » 42 ( * ) .

Cependant, si le débat prévu est facultatif, la déclaration prend, quant à elle, la forme d'une obligation annuelle. Or, le législateur ordinaire ne peut lier à l'avance l'ordre du jour parlementaire, sans porter atteinte aux modalités de fixation de l'ordre du jour des assemblées, déterminées par l'article 48 de la Constitution.

En 2003, à l'occasion de l'examen de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, le Conseil constitutionnel avait censuré des dispositions prévoyant que la remise d'un rapport annuel donnait lieu à un débat 43 ( * ) .

De plus, la loi ne peut pas imposer à un ministre de faire une déclaration devant les assemblées. Cela découle de la lettre même de la Constitution qui dispose, à l'article 31, que les membres du Gouvernement sont entendus « quand ils le demandent ». L'article 50-1 fixe désormais le cadre précis dans lequel s'inscrivent ces déclarations du Gouvernement.

Pour éviter tout risque constitutionnel, votre rapporteur a donc proposé à votre commission de prévoir la transmission automatique du rapport de politique pénale au Parlement, de supprimer la déclaration du garde des sceaux et de rendre facultatif le débat sur ce rapport. Il appartiendra ainsi au Gouvernement et aux instances compétentes des deux assemblées de le rendre systématique.

Votre commission a adopté un amendement en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 1er bis A [nouveau] (intitulés du livre premier et du titre Ier du livre premier du code de procédure pénale) Mise en cohérence des intitulés du code de procédure pénale

Votre rapporteur estime que le Gouvernement n'est pas allé au bout de la démarche engagée de clarification des compétences respectives du ministre de la justice et des magistrats du parquet, en réservant à ceux-ci l'exercice de l'action publique, puisque, s'il modifie en profondeur l'article 30 du code de procédure pénale ( cf. article 1 er supra ), il n'en demeure pas moins placé au sein du titre I er « Des autorités chargées de l'action publique et de l'instruction », du livre premier « De l'exercice de l'action publique et de l'instruction » de ce code.

Votre rapporteur a donc proposé à la commission des lois de tirer pleinement les conséquences du choix de la chancellerie de clarifier les compétences respectives du garde des sceaux et des magistrats, en réservant à ces derniers l'exercice de l'action publique, en modifiant ainsi les titres de ces deux divisions du code de procédure pénale : titre I er « Des autorités chargées de la conduite de la politique pénale, de l'action publique et de l'instruction », livre premier « De la conduite de la politique pénale, de l'exercice de l'action publique et de l'instruction ».

Votre commission a adopté un amendement en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 1 er bis A ainsi rédigé .

Article 1er bis (art. 31 du code de procédure pénale) La consécration du rôle de garant de l'intérêt général du parquet

Cet article résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale. Il consacre à l'article 31 du code de procédure pénale l'exigence d'impartialité à laquelle le ministère public est tenu dans l'exercice de ses fonctions.

Sur proposition de son rapporteur, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, la commission des lois avait initialement introduit dans le texte la référence aux « principes d'indépendance et d'impartialité » auxquels le parquet est tenu.

Par cet ajout, le rapporteur entendait donner le « signe d'une convergence, même relative, entre les approches constitutionnelles et conventionnelles concernant le rôle et le statut du « parquet à la française » » 44 ( * ) .

À la suite des travaux de la commission des lois, il a finalement retiré en séance le terme « d'indépendance », « afin de ne pas accentuer les questionnements que susciterait la précision de la notion d'indépendance par rapport au lien de subordination hiérarchique existant entre un membre du parquet et la chancellerie ». En revanche, la notion « d'impartialité » a été conservée.

Les personnes entendues par votre rapporteur se sont montrées divisées sur la question de l'introduction d'une telle mention dans le code de procédure pénale.

Selon les représentants de l'Union syndicale des magistrats et du Syndicat de la magistrature, cette inscription à l'article 31 du code de procédure pénale affaiblirait la loi, puisque l'impartialité est « consubstantielle » à la fonction même de magistrat. Affirmer le contraire risquerait d'être perçu, par les membres du parquet, comme une mesure de défiance.

En revanche, M. Jacques Beaume, pour la Conférence nationale des procureurs généraux et M. Robert Gelli, pour la Conférence nationale des procureurs de la République, se sont montrés très attachés à cette inscription, qui permettrait, selon eux, de lever le soupçon qui pèse, de manière trop souvent injustifiée, sur les fonctions de parquetiers.

Comme pour le principe d'indépendance, cette notion d'impartialité ne peut revêtir la même signification pour les magistrats du parquet que pour les magistrats du siège, puisqu'ils incarnent l'autorité de poursuite et sont soumis à une autorité hiérarchique supérieure.

Cependant, comme l'ont souligné tant M. Robert Gelli, que M. Jacques Beaume, le parquet n'est pas une partie au procès, ou du moins, pas une partie comme les autres 45 ( * ) . Il est porteur de l'intérêt général et le « héraut de la loi », pour reprendre l'expression utilisée par M. Jacques Beaume.

Cette position procédurale particulière lui impose de faire appel aux mêmes qualités de discernement, d'objectivité, d'analyse juridique pour décider de l'opportunité des poursuites, que celles exigées du juge lorsqu'il décide de condamner ou non.

Dans une déclaration conjointe du 8 décembre 2009, le Conseil consultatif de juges européen 46 ( * ) et le Conseil consultatif de procureurs européens 47 ( * ) ont souligné que « les procureurs doivent être indépendants et autonomes dans leur prise de décision et doivent exercer leurs fonctions de manière équitable, objective et impartiale ».

De plus, la fonction du ministère public n'est pas limitée à l'accusation, fonction qui cristallise les critiques de la Cour européenne des droits de l'homme. Il intervient également en matière de prévention de la délinquance ou de mise en oeuvre de mesures alternatives aux poursuites. Il joue un véritable rôle de protection de l'ordre public, tant en matière pénale, qu'en matière civile ou commerciale.

Même si la loi ne prévoit pas, comme pour les juges du siège, la possibilité d'écarter un magistrat du parquet dont l'impartialité serait mise en cause, puisque l'article 669 précise expressément que « les magistrats du ministère public ne peuvent être récusés », les magistrats du parquet, comme ceux du siège, encourent d'autres sanctions.

Le fait, par exemple, pour un représentant du ministère public d'accepter une affaire dans laquelle il a un intérêt personnel ou encore de prendre des décisions de poursuite ou de classement dans des procédures mettant en cause des personnes avec qui il est en relation d'affaires peut constituer un manquement à la déontologie, comme l'a déjà jugé le Conseil supérieur de la magistrature 48 ( * ) .

De même, dans ses attributions de direction de la police judiciaire, il ne peut écarter des éléments de preuve qui n'iraient pas dans le sens de l'accusation, sous peine de se voir reprocher une faute disciplinaire.

L'unité de l'autorité judiciaire et donc, la possibilité pour les magistrats de passer du siège au parquet, renforcent encore cette exigence d'impartialité. En effet, la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation 49 ( * ) en harmonie avec celle de la Cour européenne des droits de l'homme, invalide la décision prononcée en cas de confusion des fonctions de poursuite et de jugement ou d'instruction. L'invalidation est encourue non seulement lorsque les magistrats concernés sont à l'origine de la poursuite, mais encore, en vertu du principe d'indivisibilité du ministère public, lorsqu'ils ont occupé les fonctions du ministère public dans l'affaire concernée pendant la durée de la procédure.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur est favorable à l'inscription, à l'article 31 du code de procédure pénale, de la référence à l'impartialité des magistrats du parquet dans l'exercice de leurs fonctions, prévue par l'Assemblée nationale. Il a proposé à votre commission de consacrer également la référence au souci de l'intérêt général qui anime le parquet dans l'exercice de ses fonctions.

Votre commission a adopté un amendement en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 1 er bis ainsi modifié .

Article 2 (art. 35 du code de procédure pénale) Compétences des procureurs généraux en matière de politique pénale

Cet article modifie l'article 35 du code de procédure pénale pour clarifier les attributions des procureurs généraux. Ils sont désormais tenus de préciser les instructions générales du garde des sceaux, et, le cas échéant, ils peuvent les adapter au contexte particulier de leur ressort. Leur obligation d'informer le ministre de la justice est également renforcée.

Cet article laisse inchangés le premier et le dernier alinéa de l'article 35. Le premier alinéa définit de manière générale le rôle du procureur général. Il « veille à l'application de la loi pénale » et « au bon fonctionnement des parquets » dans le ressort de la cour d'appel. Le dernier alinéa prévoit que le procureur général peut « requérir directement la force publique ».


La déclinaison régionale par les procureurs généraux des axes de la politique pénale nationale

Le deuxième alinéa de l'article 35 est profondément modifié par le projet de loi, pour préciser les compétences des procureurs généraux, en tant que garant de l'application de la politique pénale dans le ressort de la cour d'appel. Dans sa rédaction actuelle, cet alinéa prévoit que le procureur général anime et coordonne :

- l'action des procureurs de la République en matière de prévention et de répression des infractions à la loi pénale ;

- la conduite de la politique d'action publique par les parquets de son ressort.

Le projet de loi ne revient pas sur son rôle d'animation et de coordination de l'action des procureurs de la République en matière de prévention et de répression des infractions à la loi pénale.

En revanche, le texte du Gouvernement supprimait l'élargissement des attributions du procureur général à la prévention de la délinquance, précision apportée à l'article 35 du code de procédure pénale par la loi du 5 mars 2007 50 ( * ) . L'Assemblée nationale a rétabli cette disposition en commission des lois et lui a apporté une modification rédactionnelle en séance.

Outre les missions d'animation et de coordination, le texte prévoit explicitement que les procureurs généraux sont désormais chargés de décliner les orientations de la politique pénale générale, en fonction des particularismes de leur ressort . À cette fin, ils « précisent » et, le cas échéant, « adaptent » les instructions générales du garde des sceaux. Le texte distingue donc deux niveaux d'intervention du procureur. Il a l'obligation de préciser les instructions du ministre et la faculté de les adapter en cas de besoin

Cette nouvelle disposition est inspirée de l'article 2 du projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale qui avait été déposé à l'Assemblée nationale en 1998 par Mme Élisabeth Guigou, alors garde des sceaux. Elle a également été développée dans la circulaire de politique pénale de la garde des sceaux du 19 septembre 2012 51 ( * ) .

Selon les personnes entendues par votre rapporteur, telle était déjà la pratique. Le guide « principes directeurs parquets généraux », diffusé en 2008 par la direction des affaires criminelles et des grâces, dont un extrait est reproduit dans l'étude d'impact annexée au projet de loi, précisait que le procureur général doit s'efforcer d'accompagner les instructions du garde des sceaux, de « sa propre analyse et de ses propres instructions, aux fins de mise en oeuvre, sur le ressort de la cour d'appel, de cette politique d'action publique ».

Les procureurs généraux auront donc désormais explicitement la responsabilité de la mise en oeuvre des instructions générales avec la prise en compte des problématiques propres à leur ressort.

Ce renforcement du rôle des procureurs généraux et de leur responsabilité en tant que garants de la mise en oeuvre cohérente, au niveau local, des instructions générales, implique un pouvoir d'évaluation de l'action des procureurs de la République.

Les modalités de cette évaluation sont détaillées dans la circulaire du garde des sceaux du 19 septembre 2012. Les procureurs généraux disposent notamment :

- d'outils de suivi statistique, qui leur permettent d'assurer l'évaluation qualitative et quantitative de l'activité juridictionnelle et les délais de réponse pénale des parquets, d'apprécier la pertinence de la politique pénale mise en oeuvre au sein de leur ressort et d'évaluer les moyens nécessaires à son application ;

- du rapport annuel de politique pénale qui donne aux procureurs généraux l'occasion de demander un compte rendu sur la mise en oeuvre des priorités régionales qu'ils ont définies, et qui permet d'avoir une vision globale de la situation et des préoccupations des parquets du ressort ;

- du pouvoir d'inspection qui découle de l'article R. 312-68 du code de l'organisation judiciaire.


L'information renforcée du garde des sceaux par les procureurs généraux

L'article 2 du projet de loi modifie ensuite le troisième alinéa de l'article 35 du code de procédure pénale, pour prévoir une nouvelle obligation d'information du garde des sceaux par les procureurs généraux. L'Assemblée nationale a apporté deux modifications rédactionnelles à cette disposition.

Dans sa rédaction en vigueur, cet alinéa concerne les rapports adressés par les procureurs de la République au procureur général. Le projet de loi a transféré ces dispositions au sein de la section du code de procédure pénale consacrée aux attributions du procureur de la République ( cf. infra ) 52 ( * ) .

Le projet de loi prévoit que les procureurs généraux établiront désormais trois types de rapports :

- des rapports particuliers, soit d'initiative, soit à la demande du garde des sceaux ;

- un rapport annuel de politique pénale sur l'application de la loi et des instructions générales ;

- un rapport annuel sur l'activité et la gestion des parquets de son ressort.

Les rapports annuels de politique pénale des procureurs généraux ne sont pas une véritable nouveauté. Depuis une dépêche du 8 novembre 1999, la direction des affaires criminelles et des grâces les demande tous les ans. Elle indique aux parquets la trame générale de ces rapports, en précisant les points particuliers à traiter de façon plus précise. Elle en fait ensuite la synthèse dans le rapport annuel de politique pénale du ministère de la justice.

Votre rapporteur estime nécessaire ce renforcement de l'information du ministre de la justice par les parquets généraux.

Cette information remplit une double fonction. Elle permet au garde des sceaux de vérifier que la politique pénale est appliquée de manière cohérente sur l'ensemble du territoire, comme l'exige l'article 30 du code de procédure pénale. L'établissement de ces rapports est d'autant plus utile que le présent article donne compétence aux procureurs généraux d'adapter les instructions générales en fonction des circonstances locales, ce qui à l'évidence, ne saurait donner lieu à une « balkanisation » de la politique pénale.

Ces rapports permettent ensuite au garde des sceaux d'évaluer l'efficacité de la politique pénale mise en oeuvre. Ils serviront de base au rapport annuel sur l'application de la politique pénale que le ministre publie chaque année, conformément au dernier alinéa de l'article 30 du code de procédure pénale, tel que modifié par le projet de loi. Comme l'avait souligné la commission de réflexion sur la justice en 1997 « la politique nationale se nourrit des informations venues des parquets et parquets généraux à l'occasion d'affaires particulières et par un rapport annuel. »


• L'information de l'ensemble des magistrats de la cour d'appel

L'Assemblée nationale a complété l'article 2 par un alinéa visant à prévoir à la fin de l'article 35 du code de procédure pénale, que le rapport annuel de politique pénale du procureur général est communiqué au premier président de la cour d'appel et fait l'objet d' un débat lors de l'assemblée générale suivante des magistrats du siège et du parquet.

Votre rapporteur reconnait le bien fondé d'un dispositif destiné à permettre aux magistrats du parquet de la juridiction, mais également aux magistrats du siège, de débattre de la politique pénale du Gouvernement, ce qui renforce la conception unitaire française de l'ordre judiciaire.

Cependant, il s'est interrogé sur l'opportunité d'introduire une telle disposition au sein du code de procédure pénale plutôt que dans le code de l'organisation judiciaire, qui fixe les règles relatives aux assemblées générales de magistrats.

De plus, ces règles n'apparaissent pas à votre rapporteur relever du domaine législatif. En effet, actuellement, les dispositions relatives à l'ordre du jour des assemblées générales de magistrats figurent dans la partie réglementaire du code de l'organisation judiciaire 53 ( * ) .

C'est pourquoi, il a proposé à votre commission de supprimer cet alinéa, et d'inviter le Gouvernement à prévoir ce dispositif par voie réglementaire.

Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur, tendant à supprimer le dernier alinéa de l'article 2.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 2 bis [nouveau] (art. 36 du code de procédure pénale) Précision du pouvoir d'instruction des procureurs généraux dans les affaires individuelles

Cet article, introduit dans le projet de loi à la suite de l'adoption par votre commission d'un amendement de son rapporteur, vise à préciser les contours des instructions dans des affaires individuelles que le procureur général peut donner aux procureurs de la République, en application de l'article 36 du code de procédure pénale.

Dans sa rédaction actuelle, le texte de l'article 36 est quasiment identique au dernier alinéa de l'article 30, relatif aux instructions que le garde des sceaux peut donner aux procureurs généraux dans des affaires individuelles. Ces instructions écrites et versées au dossier de la procédure ont pour objet d'enjoindre au procureur de la République « d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le procureur général juge opportunes ».

Le présent article ne remet pas en cause l'existence de ces instructions. En revanche, votre rapporteur a estimé nécessaire de remplacer l'appréciation en opportunité du procureur général, par une appréciation fondée sur le respect des instructions générales de politique pénale.

Cette modification va dans le sens de la clarification de la répartition des compétences voulue par le projet de loi, qui fait du procureur général le relais de la politique pénale au niveau régional et du procureur de la République l'autorité chargée d'apprécier l'opportunité des poursuites, conformément à l'article 40 du code de procédure pénale

Votre commission a donc adopté un amendement du rapporteur prévoyant que le procureur général peut enjoindre aux procureurs de la République de saisir la juridiction compétente de réquisitions écrites conformes aux instructions générales de politique pénale.

Votre commission a adopté l'article 2 bis ainsi rédigé .

Article 3 (art. 39-1 du code de procédure pénale) Compétences des procureurs de la République dans la mise en oeuvre de la politique pénale

Cet article insère un nouvel article après l'article 39 du code de procédure pénale. L'actuel article 39-1, non modifié, devient l'article 39-2.

Le nouvel article 39-1 précise les attributions des procureurs de la République dans la mise en oeuvre, au niveau local, de la politique pénale. Il organise également l'information du procureur de la République et de l'ensemble de la juridiction des conditions de son application dans le ressort du tribunal de grande instance.


• La prise en compte du contexte propre au ressort pour la mise en oeuvre de la politique pénale par les procureurs de la République

Le nouvel article 39-1 du code de procédure pénale est composé de trois alinéas. Le premier alinéa dispose que le procureur de la République met en oeuvre dans son ressort la politique pénale définie par les instructions générales , précisées et le cas échéant adaptées par le procureur général. Il les met en oeuvre en tenant compte du contexte propre au ressort du tribunal de grande instance. Cet alinéa a fait l'objet d'une modification rédactionnelle apportée par l'Assemblée nationale.

Le projet de loi pose ainsi la dernière pierre de sa nouvelle organisation. Le garde des sceaux conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement par le biais d'instructions générales. Le procureur général décline au niveau régional les grands axes de cette politique pénale en les précisant et en les adaptant si nécessaire au contexte propre au ressort de la cour d'appel. Le procureur de la République met en oeuvre les orientations générales du ministre, éventuellement précisées et adaptées par le procureur général, en tenant compte à son tour des circonstances propres au ressort de son tribunal de grande instance.

Si votre rapporteur approuve cette disposition. Il craint néanmoins que sa rédaction actuelle ne soit source de confusion, dans la mesure où il n'apparaît pas clairement que la prise en compte « du contexte propre au ressort » se rapporte à la mise en oeuvre de la politique pénale par le procureur de la République, et non à l'adaptation des instructions générales par le procureur général.

Votre commission a donc adopté un amendement rédactionnel de clarification présenté par votre rapporteur.


• L'information du procureur général par les procureurs de la République de son ressort

Le deuxième alinéa du nouvel article 39-1, dans la rédaction proposée par le projet de loi, organise la transmission d'informations des procureurs de la République vers le procureur général.

Il reprend en partie les dispositions qui sont actuellement prévues par le troisième alinéa de l'article 35 du code de procédure pénale, en vertu desquelles le procureur de la République adresse au procureur général :

- des rapports particuliers qu'il établit à son initiative ou sur demande du procureur général ;

- un rapport annuel sur l'activité et la gestion de son parquet ainsi que sur l'application de la loi.

Le projet de loi transpose à l'identique le dispositif qu'il a prévu pour la remontée d'information du procureur général vers le garde des sceaux . En plus des rapports particuliers, le procureur de la République adresse au procureur général :

- un rapport annuel de politique pénale sur l'application de la loi et des instructions générales ;

- un rapport annuel sur l'activité et la gestion de son parquet.

Cette disposition est le dernier maillon de la chaîne d'information mise en place par le projet de loi. Le procureur de la République adresse des rapports au procureur général, qui en fait la synthèse dans un rapport annuel au garde des sceaux, qui reprend à son tour les éléments fournis pour produire son propre rapport public annuel et informer le Parlement.


• L'information de l'ensemble des magistrats du tribunal de grande instance

Enfin, le troisième alinéa de l'article 39-1 a été introduit par l'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de sa commission des lois.

Par parallélisme avec l'article 2, il prévoit que le procureur de la République communique le rapport annuel de politique pénale qu'il établit au président du tribunal de grande instance et fait l'objet d'un débat lors de l'assemblée générale suivante des magistrats du siège et du parquet.

Pour les mêmes raisons que celles évoquées à l'article 2, votre rapporteur estime qu'une telle disposition aurait davantage sa place au sein du code de l'organisation judiciaire, dans sa partie réglementaire 54 ( * ) .

Votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur supprimant cet alinéa.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 4 Application de la loi sur l'ensemble du territoire de la République

Cet article prévoit l'application de la loi à l'ensemble du territoire de la République et par conséquent, aux collectivités d'outre-mer.

Votre commission estime que pour étendre l'application d'une disposition, il est préférable d'énumérer expressément les collectivités visées par cette extension, à savoir, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et les îles Wallis et Futuna.

Elle a adopté un amendement rédactionnel en ce sens.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié .


* 26 L'Assemblée nationale n'a pas apporté de modification à cet alinéa.

* 27 Rapport de la commission de réflexion sur la justice, La Documentation française, 1997, p. 29.

* 28 L'article 5 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature dispose que « les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice. À l'audience, leur parole est libre ».

* 29 Étude d'impact annexée au projet de loi n° 845, relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d'action publique, déposé à l'Assemblée nationale le 27 mars 2013, p.22.

* 30 Politique pénale et management des juridictions ou la politique pénale comme composante du projet de juridiction, Camille Miansoni, AJ Pénal 2012, p.448.

* 31 La discussion parlementaire de cette réforme fut interrompue en 1999, après une lecture dans chaque assemblée, en raison du refus du Président de la République de mener à son terme, en saisissant le Congrès, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, qui tendait à renforcer l'indépendance statutaire du parquet, et qui était considérée par le Gouvernement comme faisant un « tout » avec la réforme du code de procédure pénale.

* 32 Compte rendu des débats, Assemblée nationale, 2 è séance du mercredi 29 mai 2013.

* 33 Avis n° 12 (2009).

* 34 Avis n° 4 (2009).

* 35 Rapport précité p.23.

* 36 Par exemple, la circulaire du 23 novembre 2012 pour l'agglomération marseillaise et pour la Corse.

* 37 Cf. étude d'impact p.8.

* 38 Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.

* 39 Dans une affaire de meurtre d'un enfant, des expertises psychiatriques de l'accusé avaient été diffusées sur internet. Ces faits étaient susceptibles de caractériser les délits de violation du secret professionnel, d'interdiction de publier des actes de procédure, d'interdiction de diffuser des éléments d'identité d'un mineur victime. Dans une autre affaire, des vidéos susceptibles de caractériser le délit de provocation et apologie du terrorisme avaient été diffusées. Enfin, dans le troisième cas, le mis en cause se vantait sur un site internet de réaliser des enlèvements d'enfants à l'étranger.

* 40 Rapport précité p. 33.

* 41 Projet de loi n° 957 précité, dont la discussion fut interrompue en 1999, après une lecture dans chaque assemblée.

* 42 Compte rendu des débats de l'Assemblée nationale, 2 è séance du mercredi 29 mai 2013.

* 43 Conseil constitutionnel, décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 « Loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité ». Le Conseil constitutionnel a confirmé sa jurisprudence dans la décision n° 2010-608 DC du 24 juin 2010 « Loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental ».

* 44 Rapport n° 1047 de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, sur le projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d'action publique, p.60.

* 45 Par exemple, dans la décision n° 2011-190 QPC du 21 octobre 201, le Conseil constitutionnel a rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle, « le ministère public n'est pas dans une situation identique à celle de la personne poursuivie ou de la partie civile ».

* 46 Avis n° 12 (2009).

* 47 Avis n° 4 (2009).

* 48 CSM-parquet, 21 décembre 1994 et 30 mai 1996.

* 49 Dans un arrêt du 22 mars 1860, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait censuré une décision prise par un magistrat ayant, dans la même affaire, requis l'ouverture de l'information puis siégé au sein de la juridiction de jugement.

* 50 Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

* 51 Circulaire du 19 septembre 2012 de politique pénale de Mme la garde des sceaux, NOR : JUSD1235192C.

* 52 Article 39-1 (nouveau), section 3 du Chapitre II, du titre I er , du livre I er du code de procédure pénale.

* 53 Cf. article R. 312-51 du code de l'organisation judiciaire.

* 54 Cf. article R. 212-44 du code de l'organisation judiciaire.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page