Représentante de l'Association Enfance et partage

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M. Jean-Pierre Michel , rapporteur. - L'association Enfance et partage promeut, comme la précédente, les droits des enfants. Peut-être aura-t-elle un point de vue différent...

Mme Isabelle Guillem, secrétaire générale de l'association Enfance et partage. - Nous défendons les droits des enfants depuis 35 ans. En 1988, nous avons créé le premier numéro vert d'écoute pour les situations de maltraitance. Les pouvoirs publics ont pris le relais avec le 119 ; tant mieux, les associations sont là pour montrer la voie. Nous avons une trentaine de psychologues et cinquante avocats spécialisés, car nous prodiguons aussi un accompagnement juridique et pouvons nous porter partie civile. Nous menons des actions de prévention dans les écoles. Dans ce cadre, nous avons créé un numéro « Allo parents bébé » en 2008 et proposons depuis peu un rendez-vous avec un psychologue aux personnes qui nous téléphonent de façon répétée, non pas pour les recevoir régulièrement sur la durée, mais pour les orienter vers d'autres professionnels.

Nous n'affichons aucune obédience politique, philosophique ou religieuse, notre souci est l'intérêt de l'enfant, que la convention de La Haye reconnaît comme étant « d'une importance primordiale ». Si le mariage relève de la liberté individuelle, ce n'est pas le cas de l'adoption. Nous sommes choqués, tout comme Dominique Baudis, le Défenseur des droits, que le projet de loi fasse de l'adoption une question secondaire découlant du mariage.

Notre position ne se fonde pas sur une expérience de terrain : lorsque l'on nous appelle pour un cas de maltraitance, nous ne posons pas de questions sur l'orientation sexuelle des parents.

En revanche, nous devons aux 40 000 à 100 000 enfants qui vivent dans des familles homoparentales un statut protecteur. Les enfants doivent être égaux, quel que soit le statut de leur parent. Distinguons bien le géniteur du parent. L'enfant a également le droit de savoir d'où il vient, or l'accès à l'origine n'est pas éclairci dans le texte. Le droit évolue, aujourd'hui on ne parle plus d'enfants « légitimes » ou « illégitimes ». Il est temps de tenir compte également des nouvelles parentalités.

Ne faisons pas non plus des parents biologiques des rivaux de parents adoptifs. Hier, la psychologue Sophie Marinopoulos, lors d'un colloque organisé par « Allo parents bébé » a insisté sur la construction psychologique de l'enfant, indissociable de la connaissance de son histoire, de ses origines.

Nous nous inquiétons de constater que la réponse contenue dans le projet de loi n'est pas adaptée à l'intérêt des enfants. Que le débat se déroule dans un climat passionnel, une atmosphère électrisée, ne nous étonne pas. Car on touche là, comme le disait fort bien hier Sylvain Meissonnier, « aux poutres maîtresses de l'architecture du sujet ». Comme lui, faisons le départ entre la polémique et le débat. Nous entendons porter un message de tolérance et d'humanité.

M. Jean-Pierre Michel , président . - Rassurez-vous : le Sénat n'est pas l'Assemblée nationale.

Mme Michelle Meunier , rapporteure pour avis . - Vous regrettez que l'adoption soit traitée comme une question secondaire : mais ce texte est consacré au mariage des personnes de même sexe... Comme l'association précédente, mais dans une perspective différente, vous demandez une réflexion globale sur l'adoption, qui dépasse le cadre du seul mariage.

Vous avez raison : il y a eu assez d'invectives !

Mme Isabelle Guillem . - Enfance et partage a créé un jeu pour faire découvrir aux enfants leurs droits dans les écoles : y figure le droit à une famille. Mais attention, on ne peut plus décrire la famille comme étant fondée par un papa et une maman, sinon des petits doigts se lèveront pour poser des questions, car la société a évolué !

Mme Virginie Klès . - Avez-vous constaté une explosion des appels sur votre numéro vert à la suite des outrances de ce débat médiatisé ?

Mme Isabelle Guillem . - Non. Les appels concernent de moins en moins des cas de maltraitance, de plus en plus des situations où l'enfant est objet ou otage du conflit parental. C'est plutôt cela, le sujet d'actualité.

M. Jean-Pierre Michel , rapporteur . - Je suis moi aussi en faveur de l'accès aux origines. La question se posera forcément si on légalise la PMA. Qu'en pensez-vous ?

Mme Isabelle Guillem . - Je pense qu'un enfant doit connaître la vérité sur la manière dont il est venu au monde. Il a besoin de savoir son histoire pour se construire. Voilà ma réponse de terrain.

M. Jean-Pierre Michel , rapporteur . - C'est aussi mon opinion.

Mme Virginie Klès . - Des origines à l'histoire, il y a un glissement sémantique. Ce n'est pas la même chose : nom et identité ne font pas une histoire. C'est cette dernière qui compte le plus !

Mme Michelle Meunier , rapporteure pour avis . - J'ajoute que ces histoires ne sont pas toutes heureuses, loin s'en faut. Oui à l'accès aux origines, mais n'oublions pas le droit pour les femmes d'accoucher sous X.

Mme Virginie Klès . - D'où l'importance de l'histoire !

M. Jean-Pierre Michel , rapporteur . - Merci. Demain, nous auditionnons les associations familiales.

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