D. L'ACTUALITÉ DES VALEURS DU CONSEIL NATIONAL DE LA RÉSISTANCE
La postérité du CNR, en plus de la place qu'il occupe dans le processus d'unification politique de la Résistance, tient très largement au Programme d'action de la Résistance qu'il adopte à l'unanimité le 15 mars 1944. Au-delà du plan d'action immédiate visant à assurer la défaite de l'occupant et la coordination de toutes les forces résistantes, il esquisse, par la présentation de mesures à appliquer dès la libération du territoire, les principes auxquels le prochain gouvernement démocratique de la France devra se soumettre.
S'articulant autour du rétablissement des libertés individuelles et collectives et de l'adoption de profondes réformes économiques et sociales, il inspira fortement l'action du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) sur ce point, à partir de l'automne 1945, avec notamment les nationalisations des principales banques et de la distribution d'électricité et de gaz. Si, ensuite, sa mise en oeuvre directe ne fut pas retenue, il fut une référence constante dans les grandes réformes de l'après-guerre et les travaux d'élaboration de la Constitution de la Quatrième République.
C'est essentiellement dans les domaines économiques et sociaux qu'il constitue une rupture majeure avec la situation prévalant avant le conflit. Il appelle à l'institution d'un véritable droit au travail, accompagné d'un droit au repos, à la reconstitution d'un syndicalisme indépendant et influent dans l'organisation de la vie économique et sociale, à l'instauration d'un régime de sécurité sociale assurant à tous des moyens d'existence ainsi que d'un système de retraite pour les vieux travailleurs. Il appelle également à la consécration d'une société reposant sur le mérite et d'un accès égal de chacun à l'éducation et à la culture, afin que « les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer ».
Tous ces principes sont présents dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : droit à l'emploi (alinéa 5), liberté syndicale (alinéa 6), principes généraux de la sécurité sociale et de la solidarité nationale (alinéas 10, 11 et 12), gratuité de l'enseignement et égalité d'accès à la culture (alinéa 13). Ils sont donc toujours d'actualité et ont une valeur normative qui s'impose à toutes les lois. Le préambule de 1946 fait en effet partie du bloc de constitutionnalité défini par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 juillet 1971 12 ( * ) et auquel il se réfère depuis cette date.
Le combat mené par la Résistance pour la rénovation de la société française sur des bases nouvelles, qu'elle a elle-même entrepris de définir, est devenu une référence universelle, invoquée de toutes parts par des forces politiques et même parfois détournée à des fins partisanes. Il s'agit là d'une contradiction avec l'esprit même du CNR, qui reposait sur l'union de toutes les forces politiques et syndicales en lutte contre l'occupation et la collaboration.
S'il ne faut pas nier les tensions qui ont existé au sein du CNR et les contestations qui ont existé sur le principe de sa création et sur sa composition, les valeurs dont il est porteur, sur le plan de l'engagement personnel pour la République comme de la construction d'une société plus juste, sont toujours à la racine de notre contrat social. Dans une période où celui-ci est fragilisé par d'importantes difficultés économiques et que l'attachement à la citoyenneté recule dans certains territoires, elles doivent toujours être promues comme un facteur de progrès, ce qu'elles n'ont jamais cessé d'être. La journée nationale de la Résistance doit donc être le moment où toute la communauté nationale se rassemble pour rappeler l'importance de ces principes fondateurs.
* 12 Conseil constitutionnel, décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association.