B. CHOISIR LA DATE DE LA PREMIÈRE RÉUNION DU CONSEIL NATIONAL DE LA RÉSISTANCE ET RENDRE HOMMAGE À L'UNIFICATION POLITIQUE DE TOUS LES ACTEURS DE LA RÉSISTANCE PAR JEAN MOULIN
Le 27 mai 1943 se tenait, dans un appartement au premier étage du 48 rue du Four à Paris, la première réunion du Conseil de la Résistance 5 ( * ) . Chargé par le général de Gaulle de réaliser l'union, à l'échelle du territoire métropolitain, des principaux acteurs de la Résistance, Jean Moulin y réunit, sous sa présidence, des représentants des huit plus importants mouvements de résistance, des six grandes tendances politiques représentatives de la France non collaborationniste et de deux centrales syndicales. Cet événement constitue l'affirmation de son unité morale et politique, sous l'égide du fondateur de la France libre.
La composition du Conseil de la Résistance lors de sa réunion fondatrice
Le Conseil de la Résistance comptait, en plus de Jean Moulin qui en assurait la présidence, seize membres qui représentaient :
Huit mouvements de résistance parmi lesquels :
° cinq créés en zone occupée :
- Ceux de la Libération (Roger Coquoin) ;
- Ceux de la Résistance (Jacques Lecompte-Boinet) ;
- l'Organisation civile et militaire (OCM ; Jacques-Henri Simon) ;
- le Front national (Pierre Villon) ;
- Libération-nord (Charles Laurent) ;
° et trois originaires de la zone sud :
- Combat (Claude Bourdet) ;
- Franc-Tireur (Eugène Petit) ;
- Libération-sud (Pascal Copeau).
Six tendances politiques :
- la SFIO (André Le Troquer) ;
- le Parti communiste (André Mercier) ;
- les radicaux-socialistes (Marc Rucart) ;
- les démocrates populaires (Georges Bidault) ;
- l'Alliance démocratique (Joseph Laniel) ;
- la Fédération républicaine (Jacques Debû-Bridel).
Deux organisations syndicales :
- la CGT (Louis Saillant) ;
- la CFTC (Gaston Tessier).
Durant cette séance fondatrice de deux heures, le Conseil adopte à l'unanimité une résolution reconnaissant en de Gaulle la seule personne légitime pour gouverner la France. Premier organe représentatif réuni depuis le 10 juillet 1940, il proclame que c'est à de Gaulle que doit revenir le gouvernement car il a été « l'âme de la Résistance aux jours les plus sombres et [...] n'a cessé depuis le 18 juin 1940 de préparer en pleine lucidité et en pleine indépendance la renaissance de la Patrie détruite comme des libertés républicaines déchirées ». Fragilisé par la présence du général Giraud à Alger et le soutien que lui apportent les Etats-Unis, de Gaulle gagne par ce biais une légitimité politique incontestable et montre aux alliés qu'il bénéficie d'un large appui populaire.
Comme l'a souligné l'historien Jean-Pierre Azéma lors de son audition par votre rapporteur, cette unification politique des différentes formes de résistance constitue alors une première dans les pays occupés. Elle précède le développement de la résistance armée et des maquis, qui débute véritablement à partir de la seconde moitié de l'année 1943. De plus, elle assure une très bonne représentation de toutes les forces qui s'opposent à l'occupation et refusent la collaboration. C'est en partie pour ces raisons que la France n'a pas connu, à la Libération, de luttes violentes pour la prise du pouvoir qui ont pu parfois, comme en Yougoslavie ou surtout en Grèce, se muer en guerre civile.
De plus, par l'intermédiaire de Jean Moulin, cette réunion marque le rassemblement de la France libre et de la résistance intérieure. Malgré des cultures différentes, elles ne forment ce jour-là puis, ensuite, au sein du CNR, qu'un seul bloc. Résistant dès juin 1940 avant de rejoindre le général de Gaulle, Jean Moulin est bien l'homme de la synthèse, le trait d'union entre Londres et ceux qui agissent en France occupée.
Le 27 mai 1943 a donc constitué un moment clé de la structuration de la Résistance. Le principe même du CNR fut contesté et sa création est le résultat d'une longue négociation entre Moulin et les différents organismes participants. D'importants acteurs de la Résistance n'y furent pas associés. Il n'en constitue pas moins la consécration de l'union, sur un plan politique, des forces de celle-ci pour préparer le rétablissement de la souveraineté nationale. Choisir la date anniversaire de sa création comme journée nationale de la Résistance fait donc légitimement porter cet hommage sur toutes les résistances, quelles qu'aient pu être leurs différences.
* 5 Il prendra plus tard la dénomination de Conseil national de la Résistance.