D. LA RÉFORME DES JURIDICTIONS
1. L'aboutissement d'un long processus
Le projet de loi portant réforme des juridictions financières, voulue par l'ancien Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, afin d'instituer un grand organisme public d'audit, d'évaluation et de contrôle et de prendre en compte les effets de la révision constitutionnelle de 2008, a été examiné par les commissions des lois et des finances de l'Assemblée nationale en septembre 2010.
Ce projet de loi initial reposait sur trois axes principaux : la rénovation des procédures de jugement des ordonnateurs et des gestionnaires publics (en supprimant la dualité actuelle de juridiction entre la Cour des comptes pour les comptables publics, et la Cour de discipline budgétaire et financière pour les ordonnateurs), la prise en compte des missions non juridictionnelles de la Cour des comptes (comme la certification des comptes publics ou l'évaluation des politiques publiques) et la réorganisation institutionnelle des juridictions financières .
Sur ce dernier point, le principe de l'unité organique de l'ensemble constitué par la Cour des comptes et les CRTC, ainsi que celui d'un regroupement des chambres en région avaient été retenus, visant à créer une Cour des comptes composée de chambres thématiques et de chambres régionales (qui auraient cessé d'être des juridictions autonomes) sur un ressort plus large. La question du nombre définitif de chambres régionales restait en suspens 33 ( * ) .
Néanmoins, en raison de l'encombrement du calendrier parlementaire, le projet de loi n'a pu être examiné en séance publique : il a donc été « démembré » afin que ses principales dispositions soient reprises dans la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles précitée.
Au cours de la discussion parlementaire, la portée de la réforme a été considérablement limitée par l'adoption d'amendements du Gouvernement supprimant tous les articles adoptés en commission ayant trait à la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) et au régime de responsabilité des ordonnateurs et des comptables.
Par ailleurs, votre rapporteur spécial rappelle que les dispositions du projet de réforme initial relatives à la certification et aux missions non juridictionnelles avaient, pour leur part, été adoptées dans la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 , qui avait également introduit la prorogation du dispositif dérogatoire de recrutement complémentaire des magistrats de CRTC.
Seul l'axe de réforme relatif à l'organisation structurelle des CRTC a pu voir le jour grâce à loi du 13 décembre 2011 précitée, qui, en son article 46, prévoit que le siège et le ressort de ces chambres sont fixés par décret en Conseil d'Etat sans que leur nombre puisse excéder vingt.
Le décret n° 2012-255 du 23 février 2012 relatif au siège et au ressort des chambres régionales des comptes a fixé le siège et le ressort des vingt CRC : quatorze en métropole 34 ( * ) , cinq en outre-mer 35 ( * ) et une en Corse 36 ( * ) .
2. Le chiffrage de la réforme
Les restructurations induites par ce regroupement de sept CRTC (pour atteindre le nombre de vingt) ont un surcoût prévisionnel estimé par la Cour des comptes à 6 millions d'euros en titre 2 pour les années 2012 et 2013, dont 4,6 millions d'euros pour la seule année 2013 . Ce surcoût résulte de la mise en oeuvre d'un dispositif financier d'accompagnement des départs volontaires pour les 200 agents et magistrats concernés par la fermeture de sites (indemnités de départ, prime de restructuration de service, complément spécifique de restructuration, indemnité d'accompagnement à la mobilité et aide à la mobilité du conjoint).
Une mission d'accompagnement a d'ailleurs été créée auprès du secrétaire général de la Cour afin de gérer ce processus d'accompagnement social ainsi que le reclassement des agents qui n'ont pas souhaité suivre le regroupement. Pour ces derniers, un accord avec le ministère de l'Economie et des finances prévoit leur reclassement au sein de la direction générale des finances publiques (DGFiP) avec prise en charge du différentiel de traitement par les juridictions financières pendant trois ans . Cette mission devrait être achevée au premier semestre 2013.
Hors titre 2 , le coût de la réforme porte essentiellement sur des dépenses immobilières et est estimé, par la Cour, à 6 millions d'euros en CP cumulés sur les années 2012 à 2015, dont l'essentiel a été supporté en 2012 (3 millions d'euros). Pour 2013, le surcoût est estimé à 1,9 million d'euros.
Au total, en CP cumulés, le surcoût de la réforme pourrait donc être évalué à 12 millions d'euros.
Si la Cour des comptes avait d'abord chiffré à 9 millions d'euros le projet de loi initial, elle avait estimé néanmoins que des économies devraient être réalisées à l'horizon de dix ans, dans la mesure où les regroupements interrégionaux permettraient de réduire les loyers et pourraient même conduire à revendre ou à réaffecter certaines propriétés de l'Etat. Elle avait en outre considéré que les mutualisations devraient entraîner une réduction de l'ordre d'une centaine d'effectifs et des surfaces nécessaires .
Aujourd'hui, votre rapporteur spécial souhaiterait connaître les estimations de la Cour sur l'impact net de cette réforme .
* 33 Si le projet de loi se fondait sur un scénario de six à dix chambres, le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, avait indiqué devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, le 7 juillet 2010, que les regroupements ne concerneraient que les chambres dont les effectifs étaient inférieurs à un seuil critique indispensable pour une bonne organisation des équipes de contrôle et des instances de délibéré. Il avait estimé qu'un nombre de douze à seize chambres régionales en métropole pourrait être atteint.
* 34 Arras, Bordeaux, Dijon, Epinal, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Noisiel, Orléans, Rennes, Rouen, Strasbourg et Toulouse.
* 35 Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion et Mayotte.
* 36 Bastia.