III. UNE JUSTICE PÉNALE DES MINEURS ERRATIQUE

Le projet de loi inclut, enfin, deux séries de dispositions et d'engagements concernant la justice pénale des mineurs, sur lesquels notre Assemblée est invitée à se prononcer moins d'un mois après l'entrée en vigueur de la dernière réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 (loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants).

Ces engagements portent, d'une part, sur la réduction des délais de prise en charge par les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) des mineurs délinquants faisant l'objet d'une mesure de milieu ouvert, et, d'autre part, sur l'accroissement du nombre de places offertes par le dispositif des centres éducatifs fermés (CEF) - le volet pédopsychiatrique de ce dispositif ayant, en outre, vocation à être renforcé.

A. UNE COHÉRENCE ET UNE LISIBILITÉ DE LA JUSTICE PÉNALE DES MINEURS MISE À MAL PAR L'ACCUMULATION DE RÉFORMES SUCCESSIVES

S'il est adopté, le présent projet de loi modifiera l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante pour la huitième fois depuis juin 2007 . Au cours des seules années 2010 et 2011, cinq réformes de cette ordonnance sont intervenues, les deux dernières datant respectivement du 10 août 2011 (loi n°2011-939 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs) et du 26 décembre 2011 (loi précitée visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants).

Plus encore qu'en toute autre matière, cette instabilité des normes pénales applicables aux mineurs ne peut que nuire à leur efficacité et à leur mise en oeuvre par les professionnels de la justice des mineurs, qui peinent à se les approprier.

Sur le fond, l'accumulation erratique des réformes intervenues au cours des années récentes a progressivement mis à mal les principes sur lesquels est fondée l'ordonnance du 2 février 1945 - primauté de l'éducatif sur le répressif, atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l'âge, spécificité de la procédure pénale applicable aux mineurs, particulièrement s'agissant des mineurs âgés entre 16 et 18 ans - sans que, pour autant, ces modifications ne paraissent avoir un quelconque effet sur la délinquance des mineurs.

Les chiffres souvent avancés par le Gouvernement à ce sujet doivent d'ailleurs être interprétés avec la plus grande précaution. Sans doute, le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie a-t-il augmenté de 20% entre 2002 et 2010, passant de 180 382 faits constatés en 2002 à 216 243 en 2010. Toutefois, de l'avis général des professionnels de la justice des mineurs, cette augmentation résulte pour une part d'une « juridictionnalisation » croissante d'incidents qui, auparavant, trouvaient une résolution dans le cadre de la famille ou de l'école. En outre, cette évolution est moindre que celle constatée chez les majeurs : sur la période 2002-2010, la part des mineurs dans la délinquance globale a légèrement diminué, passant de 19,9% en 2002 à 18,8% en 2010.

Ce constat ne doit pas pour autant conduire votre commission à se satisfaire de cette situation.

Toutefois, elle constate que l'objectif - constamment affiché au cours des années récentes par le Gouvernement - de lutte contre la délinquance des mineurs s'est en réalité traduit, par delà les discours et les modifications législatives incessantes, par une diminution des moyens budgétaires alloués à la protection judiciaire de la jeunesse .

Sur la période 2008-2011, cette dernière a subi une diminution continue de ses crédits, passés de 809 millions d'euros à 758 millions d'euros sur la période, et une suppression de 540 emplois 18 ( * ) , alors même que le nombre de mineurs qui lui ont été confiés par l'autorité judiciaire n'a cessé d'augmenter (+6,75% sur la période 2008-2010, +44% entre 2002 et 2010).

Cette restriction des moyens accordés aux professionnels compétents pour prendre en charge les mineurs délinquants s'est par ailleurs accompagnée de réformes importantes. En particulier, la PJJ a désormais abandonné toute compétence en matière de protection de l'enfance en danger - cette dernière relevant désormais de façon exclusive de la compétence des conseils généraux - , alors même que, très souvent, les adolescents les plus en souffrance relèvent des deux dispositifs et gagneraient à bénéficier d'une continuité de prise en charge.

C'est dans ce contexte général que les deux mesures détaillées dans le rapport annexé au présent projet de loi et relatives à la justice pénale des mineurs doivent être examinées.


* 18 Voir notamment l'avis budgétaire n°112 - tome XIV (2011-2012) de notre collègue Nicolas Alfonsi, consacré aux crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2012 à la protection judiciaire de la jeunesse. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a11-112-14/a11-112-14.html .

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