Article 5 bis AA (nouveau) (Articles L. 34-9-1-1 et L. 34-9-1-2 [nouveaux] du code des postes et des communications électroniques) Encadrement des restrictions apportées par les équipementiers mobiles à la connexion de leurs terminaux à des réseaux de communications électroniques
Commentaire : cet article interdit aux constructeurs de téléphones mobiles d'empêcher l'utilisation par leurs équipements de certains réseaux de téléphonie mobile, sauf pour des raisons d'intérêt général et les contraint à informer les consommateurs de toute limitation qui y serait apportée de leur fait.
I° Le droit en vigueur
La directive du 9 mars 1999 dite « directive RTTE » 57 ( * ) , interdit à un opérateur mobile d'exclure de son réseau un équipement connectable . Transposée en droit français 58 ( * ) elle a trouvé sa traduction à l'article R. 20-22 du CPCE. Aux termes de ce dernier, « l'exploitant d'un réseau ouvert au public ne peut s'opposer au raccordement à son réseau des équipements terminaux conformes aux dispositions de l'article R. 20-10 et destinés à un usage adapté aux caractéristiques de son réseau ».
En revanche et à l'inverse, il n'existe pas , en l'état actuel, de principe général obligeant les fabricants de terminaux à les rendre compatibles avec l'ensemble des réseaux, ni à informer les consommateurs des éventuelles restrictions d'usage qui seraient de leur fait sur certains d'entre eux. Il est donc loisible à un équipementier, dans la limite où cela ne porte pas atteinte à la libre concurrence et ne remet pas en cause le bon fonctionnement du marché, de passer des accords d'exclusivité avec des opérateurs afin que l'un d'entre eux soit seul habilité à commercialiser le terminal, en le couplant avec une formule d'abonnement.
C'est d'ailleurs ce principe qu'a rappelé l'Autorité de la concurrence dans le contentieux ayant opposé Bouygues Télécom à Apple et Orange . En l'absence d'une législation réglant spécifiquement et a priori ce genre de pratiques, c'est le droit de la concurrence qui s'applique et qui, au cas par cas, doit déterminer si les paramètres de l'accord liant un constructeur de terminaux à un opérateur réseau sont, ou non, acceptables. Aussi l'Autorité de la concurrence a déterminé une série de critères permettant de juger de cette « acceptabilité » :
- la durée limitée de l'accord (trois mois, selon l'Autorité) ;
- le fait qu'il s'agisse de la « première présentation » d'un terminal ;
- le caractère risqué de la commercialisation de ce terminal ;
- l'existence de gains d'efficience pour l'opérateur, tirés de la commercialisation exclusive (provisoirement) du terminal, lui permettant d'amortir les investissements qu'il a réalisés en vue d'attirer les consommateurs et de leur faire bénéficier de tarifs avantageux.
II. Le texte adopté par votre commission
Cet article additionnel, résultant d'amendements de MM. Hervé Maurey et Daniel Dubois respectivement, pose une obligation réciproque à celle prévue par la directive, en encadrant les restrictions apportées par les équipementiers mobiles à la connexion de leurs terminaux à des réseaux de communications électroniques à deux niveaux :
- tout d'abord, aux termes de l'amendement de M. Hervé Maurey, en renforçant la transparence du marché des terminaux. Un nouvel article L. 34-9-1 est inséré à cet effet dans le CPCE, après l'article L. 34-9, qui régit les équipements terminaux de télécommunication.
Il y est ainsi prévu une obligation pour les fabricants de terminaux connectables aux réseaux de communications électroniques d'informer leurs utilisateurs « sur les limitations éventuellement imposées lors de leur utilisation pour des services » offerts sur ces réseaux.
Il doit être indiqué si ces limitations varient selon les réseaux et selon les prestataires de services considérés, afin que le consommateur ait une vision panoptique des restrictions auxquelles il pourrait être confronté selon les réseaux et les éditeurs d'usages auxquels il s'adresse.
Il doit également être précisé au consommateur s'il lui sera possible de conserver (en les transférant vers un autre support) les données personnelles qu'il a, au fil du temps, enregistrées dans son terminal (coordonnées de ses contacts, SMS et MMS, sons, images ...). En cas de changement d'opérateur mobile notamment, ceci permet de ne pas perdre l'ensemble des contenus numériques qui se sont accumulés, par création, copie ou téléchargement, dans les terminaux ;
- ensuite, et aux termes de l'amendement de M. Daniel Dubois, en empêchant les fabricants de terminaux mobiles de refuser l'accès de leurs appareils à certains opérateurs de téléphonie mobile.
A cet effet, il est inséré un nouvel article L. 34-9-2 interdisant aux fabricants d'équipements connectables aux réseaux de communications électroniques « de limiter ou de bloquer la possibilité d'utiliser leurs équipements pour accéder au réseau de certains exploitants de réseaux de réseaux de télécommunication ouverts au public et fournissant au public des services de communications électroniques ».
Deux exceptions, motivées par des considérations d'intérêt général, sont prévues : les cas ou cette limitation ou ce blocage sont demandés par les services de l'État pour les besoins de la défense nationale ou de la sécurité publique.
Cette mesure avait déjà été intégrée dans la proposition de loi de M. Daniel Marsin relative aux télécommunications, adoptée à l'unanimité par notre assemblée le 8 décembre 2010, dont elle constituait l'article 2.
Globalement, cet article devrait permettre d'améliorer l'interopérabilité des terminaux avec les différents réseaux. Celle-ci ouvrira à un consommateur en possession d'un terminal donné la certitude de pouvoir migrer vers tout réseau et, inversement, à un opérateur d'un réseau donné de pouvoir proposer une gamme de terminaux la plus large possible à ses clients actuels ou potentiels.
Votre commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé. |
* 57 Directive 1999/5/CE du Parlement européen et du Conseil concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications et la reconnaissance mutuelle de leur conformité.
* 58 Par l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 et le décret n° 2003-961 du 8 octobre 2003.