III. UNE PRIME POUR FAVORISER LE PARTAGE DES PROFITS

La prime créée par l'article premier du projet de loi trouve son origine dans le rapport commandé par le Président de la République à Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), sur le partage de la valeur ajoutée et des profits, ainsi que sur les écarts de rémunérations .

Le rapport, rendu public en mai 2009, constate tout d'abord que la part de la rémunération des salariés dans la répartition de la valeur ajoutée en France est restée relativement stable, autour de 65 % depuis la deuxième moitié des années 80, avec toutefois de fortes disparités selon la taille et le secteur des entreprises. Elle s'élève ainsi à 67 % dans les PME, contre 56 % dans les entreprises de plus de cinq mille salariés. Et si elle atteint 81 % dans la construction, ce niveau n'est que de 62 % dans l'industrie.

Le rapport indique également que le choix d'une protection sociale de haut niveau explique en grande partie la progression « extrêmement faible » des salaires nets depuis le début des années 90. Sur une longue période, la masse salariale a évolué pratiquement au même rythme que l'activité, mais la part d'activité perçue par le 1 % de salariés les mieux rémunérés est, elle, passée de 5,5 % à 6,5 % entre 1996 et 2006. « Ceci a contribué au sentiment de déclassement relatif du salarié médian, progressivement rejoint par le bas de l'échelle et fortement distancé par l'extrémité haute de cette même échelle », précise le rapport.

Celui-ci analyse enfin la suggestion, souvent avancée, d'une répartition égale des bénéfices entre les entreprises (investissements), les actionnaires (dividendes) et les salariés (intéressement et participation), et conclut qu'elle parait difficile à mettre en oeuvre. Elle est en effet loin de correspondre à la situation actuelle puisque la proportion est estimée à 57 % pour l'investissement, 36 % pour les actionnaires et 7 % pour les salariés. Il faut toutefois souligner que la part des dividendes distribués à quasiment doublé depuis dix ans. Sur la période récente, cette progression des dividendes a été accompagnée d'une baisse de la part des investissements autofinancés.

A la suite de la remise de ce rapport, les partenaires sociaux ont été invités à se saisir de la question ; ils l'ont inscrite à leur ordre du jour dès le mois de juin 2009. Elle n'a toutefois pas encore reçu de réponse et son champ a, depuis, été limité aux modalités d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel sur la création et le partage de la valeur ajoutée.

La prime créée par l'article premier s'inscrit donc dans ce contexte. Elle a plusieurs caractéristiques :

- elle s'imposera lorsqu'une société aura attribué à ses associés ou actionnaires des dividendes en augmentation par rapport à la moyenne de ceux versés au cours des deux exercices précédents ;

- elle sera obligatoire pour les entreprises de plus de cinquante salariés et facultative sous ce seuil ;

- elle s'appliquera dans les groupes : toutes les entités du groupe devront attribuer une prime si les dividendes augmentent dans la société de tête ;

- elle devra bénéficier à l'ensemble des salariés des entreprises concernées mais pourra, comme la participation, être modulée en fonction du montant des salaires ou de l'ancienneté ;

- le dispositif sera négocié dans chaque entreprise ; en cas d'impossibilité de conclure un accord, la prime pourra être attribuée par décision unilatérale de l'employeur ;

- elle ne pourra se substituer à aucune augmentation de rémunération prévue par ailleurs ;

- son régime social est aligné sur celui de l'intéressement et de la participation : sous un plafond de 1 200 euros, elle sera exonérée de cotisations patronales et salariales de sécurité sociale mais assujettie à la CSG (7,5 %), à la CRDS (0,5 %) et au forfait social (6 %). Par ailleurs, comme l'intéressement et la participation, l'exonération dont la prime bénéficiera ne sera pas compensée aux organismes de sécurité sociale ;

- enfin, ce dispositif est conçu comme une mesure pérenne qui s'appliquera pour toute attribution de dividendes décidée à compter du 1 er janvier 2011. Une « clause de rendez-vous » est prévue pour permettre d'éventuelles adaptations législatives au regard de son application.

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, la mesure pourrait concerner 4 millions de salariés . Ceux-ci recevraient en moyenne une prime de 700 euros , ce qui représenterait un apport global brut aux salariés et à l'économie de près de 2,8 milliards d'euros .

Sur la base de ces estimations, la prime rapporterait, en 2011, 375 millions d'euros aux finances sociales , dont 170 millions au titre du forfait social. En revanche, elle aurait un impact négatif sur les finances de l'Etat, se traduisant par des pertes au titre de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés. En 2011, cette perte de recettes serait de 395 millions d'euros et de plus de 640 millions d'euros à partir de 2012. Globalement, en régime de croisière, la perte nette pour l'ensemble des finances publiques atteindrait 300 à 350 millions d'euros par an.

Il s'agit donc bien d'une nouvelle « niche » . Votre commission le regrette car la priorité, aujourd'hui, est, comme l'indique le rapport annexé au projet de loi, la préservation des ressources publiques afin de respecter la trajectoire du retour à l'équilibre que notre pays s'est fixée dans la dernière loi de programmation des finances publiques.

Il faut espérer qu'en permettant l'injection de plusieurs milliards dans notre économie, elle contribue à dynamiser la croissance. Dans sa dernière note de conjoncture, l'Insee envisage d'ailleurs un apport positif de cette prime sur le niveau des salaires du second semestre de l'année 2011. Votre commission souhaite qu'il en soit bien ainsi.

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