II. LA POURSUITE DE LA POLITIQUE CONVENTIONNELLE FRANÇAISE EN MATIÈRE D'ASSISTANCE FISCALE
A. LA DÉFINITION FRANÇAISE DE L'ETAT NON COOPÉRATIF
1. De la lutte contre les régimes à fiscalité privilégiée au combat contre l'opacité fiscale
La France a complété la notion de régime fiscal privilégié défini à l'article 238 A du code général des impôts (CGI) par une définition des Etats et territoires non coopératifs (ETNC) lui permettant ainsi de disposer de sa propre liste de paradis fiscaux.
En effet, l'article 238 A du CGI dispose que « les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies . ». Il convient de relever que cette définition ne prend en compte que la situation particulière du contribuable. Elle fait abstraction de la coopération fiscale en matière d'échange de renseignements.
Mettant en oeuvre une forte volonté politique de lutte contre les paradis fiscaux, la loi de finances rectificative de 2009 17 ( * ) a donc introduit dans le code général des impôts un nouvel article 238-0-A qui énonce que « sont considérés comme non coopératifs, à la date du 1 er janvier 2010, les Etats et territoires non membres de la Communauté européenne dont la situation au regard de la transparence et de l'échange d'informations en matière fiscale a fait l'objet d'un examen par l'Organisation de coopération et de développement économiques et qui , à cette date, n'ont pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative permettant l'échange de tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties, ni signé avec au moins douze Etats ou territoires une telle convention . »
2. La mise à jour de la liste française des Etats et Territoires non coopératifs
Puis, en application de cet article, elle a établi une liste de dix-huit Etats répondant à cette définition, dans un arrêté en date du 12 février 2010 18 ( * ) .
Liste établie par la France des Etats et territoires non coopératifs au 12 février 2010
Anguilla |
Guatemala |
Nioué |
Belize |
Les îles Cook |
Panama |
Brunei |
Les îles Marshall |
Les Philippines |
Le Costa Rica |
Le Liberia |
Saint-Christophe-et-Niévès |
La Dominique |
Montserrat |
Sainte-Lucie |
Grenade |
Nauru |
Saint-Vincent-et-les-Grenadines |
Source : Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat
La liste des Etats non coopératifs est régulièrement mise à jour afin de retirer les Etats ou territoires :
- qui ont nouvellement conclu avec la France une convention d'assistance administrative permettant d'échanger tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale ;
- qui n'ont pas conclu une telle convention mais dont le Forum mondial sur la transparence et l'échange d'informations en matière fiscale considère qu'ils répondent aux standards de l'OCDE .
En revanche, sont ajoutés à la liste les Etats et territoires :
- qui, bien qu'ayant conclu une convention d'assistance, n'ont pas mis en oeuvre ses stipulations, ne permettant pas ainsi à l'administration fiscale d'obtenir les renseignements nécessaires ;
- qui n'ont pas conclu une telle convention et ne sont pas considérés par le Forum comme respectant les standards de l'OCDE.
La liste a été mise à jour le 14 avril 2011 19 ( * ) . Saint-Christophe et Niévès ainsi que Sainte-Lucie en ont été retirés.
Parmi les Etats et territoires qui figurent sur la liste française et avec lesquels aucun accord permettant l'échange de renseignements n'a encore été conclu, la direction de la législation fiscale a précisé à votre rapporteur que :
- « le Guatemala doit au préalable modifier sa législation interne de façon à pouvoir donner sa pleine effectivité à un tel accord ;
- les négociations progressent lentement avec les îles Marshall, Nauru et Nioué, qui ne constituent, en tout état de cause, pas des enjeux significatifs pour la France ».
Votre rapporteur relève que les îles Turques et Caïques ont été ajoutées dans l'attente de l'entrée en vigueur de l'accord 20 ( * ) signé le 18 septembre 2009. Selon la direction de la législation fiscale, « les motifs expliquant le délai de ratification par les îles Turques et Caïques ne sont pas connus ». Soulignant l'instabilité politique du territoire, elle indique que le Royaume-Uni a partiellement suspendu la Constitution de ces îles transférant ainsi certains pouvoirs au gouverneur.
Quant au sultanat d' Oman , son inscription sur la liste de l'OCDE est fondée sur l'article 238-0-A qui dispose que « Y sont ajoutés [...] les Etats et territoires qui n'ont pas conclu avec la France de convention d'assistance administrative permettant l'échange de tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties et auxquels la France avait proposé , avant le 1 er janvier de l'année précédente, la conclusion d'une telle convention ».
Votre rapporteur constate que la France et le sultanat d'Oman sont liés par une convention en vue d'éviter les doubles impositions, en date du 1 er juin 1989 et modifiée le 22 octobre 1996. Cependant, cette convention ne contient pas de clause relative à l'échange de renseignements. En réponse aux interrogations de votre rapporteur sur la perspective de la conclusion d'un tel avenant, la direction de la législation fiscale a précisé que « Oman n'a pas conclu avec la France une convention permettant l'échange de renseignements [...] malgré une demande en ce sens formulée par la France. [...] On peut cependant espérer que l'inscription sur la liste relance efficacement les négociations ». Votre rapporteur appelle de ses voeux un dénouement rapide des négociations afin de remédier à l'absence de dispositions en matière de coopération administrative.
Il tient, à cet égard, à rappeler que la politique conventionnelle se forge dans un environnement particulièrement incertain, dans lequel les rapports de force déterminent l'issue finale de ces « contrats entre Etats » .
De ce point de vue, il estime que les négociations en cours menées par la France, les accords conclus, ainsi que la politique entreprise afin de les rendre effectifs, répondent aux préoccupations nationales de promouvoir la coopération fiscale internationale.
Cependant, il tient à souligner également la difficulté de l'exercice qui consiste à mener une politique de lutte contre la fraude fiscale internationale, sans menacer les échanges commerciaux français . A cet égard, il insiste sur la nécessité, pour nos entreprises, de pouvoir anticiper les évolutions afférentes au caractère coopératif, ou non, des Etats dans lesquels elles opèrent. Il fait valoir l'intérêt qu'il pourrait y avoir à envoyer un signal positif aux Etats qui ont commencé à prendre des engagements à l'endroit de notre pays.
Sans remettre en cause le principe d'une liste unique posé à l'article 238-0 A du CGI, votre rapporteur estime donc souhaitable que la publication de la liste soit accompagnée de précisions données par l'administration sur les efforts que sont susceptibles d'avoir récemment déployés certains des Etats ou territoires qui figurent sur cette liste. L'existence d'un accord d'échange de renseignements signé avec la France, quoique non encore entré en vigueur, mériterait, par exemple, d'être signalée ou rappelée.
* 17 Cf. Article. 22 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.
* 18 Arrêté du 12 février 2010 pris en application du deuxième alinéa du 1 de l'article 238-0 A du code général des impôts.
* 19 Cf . Arrêté du 14 avril 2011 pris en application du 2 de l'article 238-0 A du code général des impôts.
* 20 Cf. V de l'article 22 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.