II. LES TAUX RÉDUITS DE TVA : DES NICHES FISCALES COÛTEUSES QU'IL EST NÉCESSAIRE D'ENCADRER
A. LES NICHES FISCALES LES PLUS COÛTEUSES PORTENT SUR LA TVA
Ainsi que l'indiquait votre rapporteur général lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011, « 504 dépenses fiscales sont recensées en 2011 , dont 453 ayant un impact budgétaire au cours de l'exercice » 5 ( * ) .
Cette dépense fiscale est essentiellement concentrée sur l'impôt sur le revenu (51 % du coût) et la TVA (26 %) , ainsi que le met en évidence le tableau ci-après.
La dépense fiscale par
impôt
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les annexes budgétaires
Par ailleurs, parmi les vingt-et-un dispositifs présentant chacun un coût supérieur ou égal au milliard d'euros, on retrouve cinq mesures ayant trait à la TVA ( Cf. tableau ci-après).
Les dépenses fiscales les plus coûteuses en 2011
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les annexes budgétaires
Selon les estimations communiquées à votre commission des finances par le Gouvernement, sur la base de l'année 2009 un point d'augmentation de la TVA rapporte 0,4 milliard d'euros pour le taux super-réduit, 2,3 milliards d'euros pour le taux réduit et 5,8 milliards d'euros pour le taux normal 6 ( * ) .
B. UN ENCADREMENT COMMUNAUTAIRE STRICT MAIS INSATISFAISANT
Le livre vert relève qu'un « système de TVA reposant sur une large base, de préférence avec un taux unique, constituerait à peu de chose près l'idéal d'une taxe à la consommation permettant de réduire au minimum les coûts de conformité. Toutefois, dans l'Union européenne, le taux normal ne couvre qu'environ deux tiers de la consommation totale, le tiers restant faisant l'objet de différentes exonérations ou de taux réduits. Dans les États membres de l'Union qui sont également membres de l'OCDE, les recettes effectives de la TVA représentent seulement 55% des recettes moyennes qui pourraient théoriquement être perçues si l'ensemble de la consommation finale était imposée au taux normal. D'autres pays de l'OCDE, comme le Japon, la Corée du Sud ou la Suisse, ont un système de TVA plus efficace, puisque ce chiffre s'y élève à environ 73% ».
Cet « idéal » ne pouvant être atteint, les dérogations au taux normal sont strictement encadrées par le droit communautaire. La directive TVA 2006/112/CE du 28 novembre 2006, modifiée par la directive 2009/47/CE du 5 mai 2009 sur les taux réduits, prévoit un taux normal fixé au minimum à 15 % et dont le maximum observé actuellement (25 %) résulte d'un engagement passé entre les Etats membres. Elle autorise, en outre, un ou deux taux réduits pouvant être appliquées aux biens et services énumérés dans une liste limitative (l'annexe III de la directive de 2006) et étant nécessairement supérieurs à 5 %. Par ailleurs, plusieurs exceptions visent à tenir compte de dispositions nationales antérieures à l'entrée en vigueur de la directive. Elles concernent une majorité d'Etats membres et renvoient à :
- des taux dits « parking » , pour les livraisons de biens et de services taxés à un taux réduit avant le 1 er janvier 1991 mais ne figurant pas à l'annexe III ;
- des taux super-réduits concernant des livraisons de biens et services taxés à un taux inférieur à 5 %, lorsque ce régime existait avant le 1 er janvier 1991 ;
- diverses dérogations permettant de prendre en compte certaines particularités géographiques (Corse, départements d'outre-mer, île d'Helgoland...).
A l'intérieur de cette architecture d'ensemble, il convient de relever que la directive du 5 mai 2009 a permis, sur une base permanente, l'utilisation facultative de taux réduits de TVA pour certains secteurs de main-d'oeuvre de services locaux, y compris les services de restauration (à la demande de la France), pour lesquels il n'existe pas de risque de concurrence déloyale entre les prestataires de services dans différents Etats membres.
L'annexe III recense dix huit catégories de biens et de prestations de services éligibles aux taux réduits. La révision de cette liste est possible, mais elle ne peut aboutir qu'au terme d'une procédure longue et complexe . En application de l'article 100 de la directive du 28 novembre 2006 précitée, le champ d'application du taux réduit de TVA doit être revu tous les deux ans. La Commission européenne remet alors un rapport, sur la base duquel le Conseil de l'Union européenne réexamine le champ d'application des taux réduits. Le Conseil peut, sur proposition de la Commission, et en statuant à l'unanimité, décider de modifier la liste des biens et services figurant à l'annexe III. L'histoire récente a toutefois montré une certaine réticence de la Commission à modifier l'annexe III de la directive de façon pérenne. Elle lui préfère fréquemment l'ouverture de dérogations ponctuelles, souvent sectorielles.
L'élément essentiel d'appréciation, dans le cadre d'une modification de la liste limitative de biens et de prestations de services éligibles aux taux réduits, consiste dans la notion de risque de distorsion de concurrence . La Commission européenne concentre en effet son étude sur le fonctionnement du marché intérieur et sur les effets éventuellement perturbateurs que pourrait avoir le passage à un taux réduit.
Au total, cette procédure comporte toutefois plusieurs motifs d'insatisfaction . D'une part, elle incite les gouvernements à avoir recours à un double langage en prenant des engagements au niveau national tout en sachant qu'il y aura blocage au niveau communautaire. D'autre part, elle crée de l'incertitude dans les secteurs économiques concernés compte tenu des délais très longs. Enfin, elle peut engendrer des « coûts cachés » puisque l'accord unanime des Etats membres ne peut généralement être obtenu sans concessions sur d'autres sujets.
Votre commission des finances a souhaité souligner dans la présente proposition de résolution ces motifs d'insatisfaction, qui lui apparaissent comme autant d'éléments essentiels et à prendre en compte dans le cadre d'une réflexion d'ensemble sur le recours aux taux réduits de TVA par les Etats membres .
* 5 Rapport général n° 111 (2010-2011).
* 6 Toutefois, le Gouvernement précise qu' « il est vraisemblable qu'une telle mesure aurait un effet négatif important sur le pouvoir d'achat des ménages et ce faisant sur les quantités consommées. Ce calcul est par conséquent assez théorique ».