II. DES POINTS DE DÉSACCORD PERSISTENT NÉANMOINS SUR PLUSIEURS DISPOSITIONS, DONT CERTAINS ESSENTIELS
A. LA PRISE EN COMPTE DE L'ARRIVÉE MASSIVE D'ETRANGERS SUR LE TERRITOIRE
Lors de l'examen du projet de loi en première lecture, notre Assemblée avait approuvé les dispositions de l'article 6, qui vise à permettre aux autorités de faire face à l'arrivée d'un groupe d'étrangers en dehors d'un point de passage frontalier en les autorisant à créer une zone d'attente spécialement dédiée à l'examen de la situation de ces personnes. Elle avait toutefois, à l'initiative de votre commission, encadré le dispositif afin d'insister sur son caractère exceptionnel et ainsi de mieux marquer la distinction entre le régime de l'entrée sur le territoire et celui du séjour irrégulier 2 ( * ) .
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale est revenue sur les précisions apportées par le Sénat, autorisant de ce fait la création de zones d'attente ad hoc à caractère pérenne.
En première lecture, le Sénat avait par ailleurs apporté un certain nombre d'améliorations rédactionnelles à l'article 7, qui vise à préciser les conditions dans lesquelles l'autorité administrative notifie ses droits à la personne maintenue en zone d'attente et la met en mesure de les exercer, en cas d'arrivée concomitante d'un nombre important d'étrangers.
Là aussi, l'Assemblée nationale est revenue sur plusieurs de ces améliorations rédactionnelles, sans pour autant véritablement en expliquer les raisons.
B. LA RÉFORME DU CONTENTIEUX DES MESURES D'ÉLOIGNEMENT
Le projet de loi tend à réformer le contentieux des mesures d'éloignement prononcées à l'encontre des étrangers en situation irrégulière. Celui-ci fait intervenir à la fois le juge administratif et le juge judiciaire, ce qui est source d'une certaine complexité. Ce constat est à l'origine de la création, le 30 janvier 2008, de la commission sur le cadre constitutionnel de l'immigration, présidée par M. Pierre Mazeaud, à la demande de M. Brice Hortefeux, alors ministre de l'immigration.
Rappelons que cette commission a constaté que les règles constitutionnelles ne permettaient pas d'unifier le contentieux de l'éloignement des étrangers. Cependant, elle a souligné que l'enchevêtrement actuel des procédures était à l'origine d'un encombrement de la justice administrative et d'une faible efficacité de la politique d'éloignement, avec un nombre important d'annulations juridictionnelles imputables à la complexité des procédures.
En outre, l'étude d'impact annexée au projet de loi fait état de l'exigence posée par l'article 15 de la directive « retour » d'un « contrôle juridictionnel accéléré de la rétention » et pose le constat de l'absence de celui-ci dans le droit en vigueur.
Dès lors, le Gouvernement a choisi une voie consistant, tout en préservant la dualité des juridictions, à décaler dans le temps l'intervention de l'une par rapport à l'autre.
Le projet de loi prévoit ainsi que le JLD n'interviendra plus qu'au terme d'un délai de cinq jours pour prolonger la rétention (il aura alors 24 heures pour se prononcer) et crée pour le contrôle juridictionnel de la rétention un recours spécifique en urgence devant le juge administratif, celui-ci devant être saisi en 48h et statuer en 72 heures.
Or, l'intervention de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, est ici une nécessité constitutionnelle . Selon le Conseil, cette intervention doit avoir lieu « dans le plus court délai possible ». Si un délai de 48 heures est conforme à la Constitution, un délai de 7 jours est, selon lui, excessif 3 ( * ) .
En première lecture, votre commission avait estimé que la fixation d'un délai de 5 jours avant l'intervention du juge judiciaire présentait un risque réel d'inconstitutionnalité. Elle avait adopté un amendement supprimant cette disposition et rétablissant par conséquent le délai de 48 heures. Cette position avait été confirmée en séance publique.
En seconde lecture, les députés ont rétabli le texte du gouvernement sur ce point.
* 2 Cette distinction a une incidence sur les conditions dans lesquelles l'étranger peut déposer une demande d'asile ainsi que sur le caractère, suspensif ou non, du recours qu'il peut exercer à l'encontre de la décision d'éloignement.
* 3 Décision n°79-109 DC du 9 janvier 1980.