Article 21 ter (art. L. 623-1 et L. 623-3 du CESEDA) Pénalisation des « mariages gris »
Cet article, introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale en première lecture, vise à punir les mariages dits « gris » de sept ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende.
En première lecture, votre commission avait considéré que l'actuelle infraction de mariage de complaisance prévue à l'article L. 623-1 du code des étrangers permettait déjà de punir de peines sévères (cinq ans d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende) les unions conclues dans l'unique but d'obtenir un titre de séjour ou la nationalité française - que les deux époux aient délibérément consenti à la fraude ou que l'un d'entre eux ait été abusé. En effet, en matière pénale, le principe selon lequel il n'y a point de délit sans intention de le commettre ne permet de sanctionner que la personne qui a eu l'intention de commettre l'infraction.
En outre, votre commission avait relevé que la disposition introduite par les députés soulevait un problème de cohérence de l'échelle des peines (en réprimant les mariages « gris » de peines équivalentes à celles encourues en matière de proxénétisme par exemple).
Enfin, votre commission avait souligné le risque de confusion que pourrait entraîner l'utilisation des termes « absence d'intention matrimoniale » : en effet, si le fait de contracter mariage dans l'unique but d'obtenir un titre de séjour ou la nationalité française traduit d'ores et déjà, aux termes de la jurisprudence du juge civil, un défaut d'intention matrimoniale, cette dernière notion a néanmoins un champ bien plus large et peut inclure des situations étrangères à la fraude au droit au séjour (unions conclues dans un but exclusivement patrimonial, etc.).
Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission avait souhaité inscrire le dispositif relatif aux « mariages gris » dans le cadre du droit en vigueur : sur proposition de votre rapporteur, votre commission avait complété la rédaction de l'incrimination de mariage de complaisance prévue à l'article L. 623-1 du code des étrangers pour préciser que les peines encourues sont également applicables lorsque l'étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint.
En deuxième lecture, la commission des lois de l'Assemblée nationale a souhaité rétablir les dispositions votées à cet article en première lecture. Elle a considéré « que les escroqueries aux sentiments réalisées par certains étrangers devaient être frappées de sanctions plus lourdes que celles actuellement en vigueur pour les mariages de complaisance, dans lesquels les deux parties ont pleinement conscience de procéder à une fraude ». Le rapporteur, M. Claude Goasguen, a estimé que « les dispositions retenues par le Sénat nient en effet le caractère aggravant que constitue la dissimulation de l'objet véritable de l'union contractée à l'époux français, qui, lui, est sincère » 16 ( * ) .
Votre commission estime pour sa part, pour les raisons évoquées ci-dessus, que le dispositif adopté par les députés, s'il devait être validé par le Conseil constitutionnel, ne pourrait aller qu'à l'encontre de l'intérêt des victimes - l'imprécision des termes employés et les difficultés probatoires qu'il ne manquerait pas d'engendrer risquant en effet d'entraîner un nombre important de relaxes.
Pour ces raisons, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur tendant à rétablir l'article 21 ter dans sa rédaction issue des travaux de notre Assemblée en première lecture.
Votre commission a adopté l'article 21 ter ainsi modifié .
* 16 Rapport précité, page 91.