3. Les dépenses fiscales : des instruments majeurs de politique économique dont il convient de maîtriser le rapport coût - efficacité

Les 84 dépenses fiscales dont l'objet principal contribue à la mission, et qui lui sont rattachées à ce titre, représentent 9,2 milliards d'euros, soit plus du quadruple du montant des crédits de paiement . En volume, il s'agit donc d'instruments majeurs de la politique économique. Toutefois, le paradoxe est que ces leviers d'intervention échappent en grande partie au champ d'action des responsables de programme.

De fait, malgré les recommandations réitérées de vos rapporteurs spéciaux tendant à l'instauration d'une évaluation systématique de la balance coût-avantage et de l'efficience de toutes les dépenses fiscales, peu de progrès ont été accomplis. Seulement deux dépenses fiscales font l'objet d'une évaluation au moyen d'un indicateur de performances :

- le suivi des engagements du « contrat d'avenir dans la restauration » dans le cadre de la baisse de la TVA ;

- l'impact des mesures fiscales en faveur de l'agence nationale pour les chèques-vacances.

Le tableau ci-dessous présente la répartition par programmes des 84 dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission.

Montant par programme des dépenses fiscales rattachées à titre principal
à la mission « Economie »

(en millions d'euros)

Programmes

Nombre de dépenses fiscales

Chiffrage pour 2010

Chiffrage pour 2011

Programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi »

74

8 007

7 982

Programme 223 « Tourisme »

6

1 170

1 200

Programme 220 « Statistiques et études économiques »

-

-

-

Programme 305 « Stratégie économique et fiscale »

4

18

18

Total

84

9 195

9 200

Source : d'après le projet annuel de performances « Economie » annexé au projet de loi de finances pour 2011

2010 correspond à la première application en année pleine du taux de TVA réduit à 5,5 % pour la restauration. Cette niche fiscale est évaluée à 3,13 milliards d'euros de pertes de recettes pour l'Etat. Il s'agit, en volume du premier poste des dépenses fiscales de la mission, soit le tiers du total de celles-ci.

Les dix principaux dispositifs fiscaux dérogatoires, qui présentent pour 2011 un coût supérieur ou égal à 200 millions d'euros, atteignent un montant cumulé de 7 434 millions d'euros. Les instruments économiques mis en oeuvre sont très divers : TVA à taux réduit, déduction d'impôt sur le revenu ou sur les sociétés, abattement sur les revenus, exonérations de taxes diverses.

Les dix dépenses fiscales dont le montant est supérieur
ou égal à 200 millions d'euros

(en millions d'euros)

Dépenses fiscales

Nombre de bénéficiaires

Chiffrage pour 2010

Chiffrage pour 2011

Taux de 5,5 % de TVA dans la restauration

Non déterminé

3 130

3 130

Taux de 5,5 % de TVA pour la fourniture de logement dans les hôtels

33 000 entreprises

900

930

Réduction d'impôt au titre des investissements au capital des PME

81 300 ménages

768

768

Crédit d'impôt sur certains revenus distribués de sociétés françaises ou étrangères

11 millions de ménages

610

645

Exonération partielle sous certaines conditions de droits de mutation à titre gratuit lors de la transmission d'entreprises exploitées sous la forme individuelle ou détenues sous forme sociale

Non déterminé

470

470

Régime du bénéfice mondial ou consolidé

4 entreprises

461

461

Abattement forfaitaire sur certains revenus distribués de sociétés françaises ou étrangères

9,8 millions de ménages

330

330

Abattement sur durée de détention applicable aux cessions de titres ou droits sur les dirigeants de PME partant à la retraite

2 156 ménages

270

270

Réduction d'impôt au titre de l'ensemble des souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital des sociétés

115 000

230

230

Exonération de gains de cessions de valeurs mobilisées réalisés dans le cadre d'un plan d'épargne en actions (PEA)

Non déterminé

200

200

Source : d'après le projet annuel de performances « Economie » annexé au projet de loi de finances pour 2011

Au chapitre de l'évaluation des niches fiscales, les projets annuels de performances annexés au projet de loi de finances n'apportent aucune plus value par rapport aux informations présentées dans le fascicule des voies et moyens consacrés aux dépenses fiscales.

C'est pourquoi, il conviendra de suivre avec une attention toute particulière les débats relatifs aux articles du projet de loi de finances pour 2011 qui concernent deux dépenses fiscales du programme 134, importantes par leur coût :

- l'article 4 propose la suppression du crédit d'impôt sur certains revenus distribués de sociétés françaises ou étrangères à compter de 2011 . Le gain pour l'Etat s'élèverait à 645 millions d'euros de recettes et mettrait fin à un « saupoudrage » du crédit d'impôt, qui relève de l'effet d'aubaine ;

- l'article 14 propose de recentrer la réduction d'impôt sur la fortune au titre des investissements réalisés dans les PME à compter de 2011 en excluant certains secteurs du bénéfice de la réduction d'impôt.

Enfin, il reste un effort tout particulier d'évaluation de la dépense fiscale dans le cas de la restauration. L'application du taux réduit de TVA à 5,5 % à la restauration 4 ( * ) , à l'exception des ventes de boissons alcooliques, s'est d'emblée inscrit dans un contexte particulier : celui de la contrepartie apportée par les professionnels sur la base d'un « contrat d'avenir de la restauration » 5 ( * ) comptant des engagements en matière de croissance de l'emploi dans le secteur, de montant des investissements et d'évolution de l'indice des prix de la restauration.

Fin 2009, à la même époque, le bilan de la mesure paraissait mitigé. La réalisation effective de l'objectif de baisse des prix dans la restauration était alors infirmée par les constats de l'INSEE 6 ( * ) et le conseil des prélèvements obligatoires avait émis de fortes réserves sur le fait que l'engagement à embaucher 40 000 nouveaux salariés de la restauration en deux ans soit respecté 7 ( * ) .

Après plus d'un an de mise en oeuvre, le Gouvernement présente un bilan moins négatif de l'application du dispositif :

- en matière d'emploi, entre juillet 2009 et juin 2010, près de 30 000 emplois nets auraient été créés, soit une croissance des effectifs de 3,2 %, supérieure au taux de croissance de l'emploi dans le secteur tertiaire marchand 8 ( * ) ;

- en matière sociale, le contrat d'avenir, signé le 15 décembre 2009 et applicable depuis le 1 er mars 2010, prévoit une augmentation moyenne de la grille de salaires de 5 % avec pour objectif de redistribuer un milliard d'euros aux 800 000 salariés de la restauration ;

- en ce qui concerne la baisse des prix, le Gouvernement reconnaît que ce critère a été le moins suivi d'effet, puisque moins d'un restaurateur sur deux a respecté l'engagement contenu dans le contrat d'avenir. Toutefois une baisse de 1,7 % des prix de la restauration en euros constants juin 2009 a été constatée au deuxième semestre 2009. Les prévisions pour 2010 font état d'une contraction des prix de 0,7 % et, en 2011, de 0,3 %.

Enfin, sur le quatrième volet du contrat d'avenir, touchant les investissements, aucune donnée ne permet de dresser un bilan.

Comme vient de le montrer l'analyse effectuée sur une niche fiscale emblématique, l'appréciation du rapport coût - efficacité d'une mesure fiscale demeure délicate et s'agissant plus particulièrement des mesures de réduction de TVA, il devient prioritaire de s'interroger, au-delà du bienfondé économique de la mesure, sur les moyens de consolider les recettes de l'Etat en envisageant le cas échéant un rehaussement du taux réduit de TVA.


* 4 Le Conseil des ministres de l'Union européenne a autorisé, le 10 mars 2009, l'instauration de taux réduits de TVA dans de nouveaux secteurs dont la restauration. L'article 22 de la loi n° 2009-888 du 2 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques a instauré un taux de TVA de 5,5 % dans la restauration à compter du 1er juillet 2009, contre 19,6 % précédemment.

* 5 Lors des Etats généraux de la restauration du 28 avril 2009, un contrat d'avenir d'une durée de trois ans a été signé entre l'Etat et les neuf organisations professionnelles représentatives du secteur. Les organisations professionnelles signataires se sont engagées :

- à une baisse des prix de 11,8 % sur au moins sept produits ;

- à créer 40 000 emplois supplémentaires en deux ans, qui se décomposent en 20 000 créations supplémentaires d'emplois pérennes et 20 000 jeunes supplémentaires en alternance, en plus des embauches annuelles habituelles qui sont estimées à 15 000 ;

- à engager des négociations sur les salaires et à investir dans la mise aux normes des équipements et dans l'amélioration de l'accueil.

* 6 Les prix sont restés stables dans les restaurants en septembre par rapport au mois précédent et ont baissé de 0,3 % dans les cafés (INSEE, indices des prix à la consommation de septembre 2009).

* 7 Conseil des prélèvements obligatoires « Les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée » (octobre 2009). Ce rapport a été réalisé à la demande du président de la commission des finances du Sénat en application de l'article L. 351-3 du code des juridictions financières. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, président du conseil des prélèvements obligatoires, a remis cette étude à la commission des finances lors de l'audition du 7 octobre 2009 (compte rendu disponible sur le site internet du Sénat : http://www.senat.fr/bulletin/20091005/fin.html#toc10).

* 8 Source : projet annuel de performances 2011 de la mission « Economie »

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