II. UN PROJET DE LOI ÉQUILIBRÉ

S'il s'inspire des propositions contenues dans la lettre commune adressée au Premier ministre, le projet de loi tient compte également des critiques qui ont pu être formulées à leur encontre. Il veille, en particulier, à ne pas introduire de nouvelles dispositions trop contraignantes pour les TPE, qui ont déjà été fragilisées, ces deux dernières années, par la grave crise économique qu'a traversée notre pays.

A. UN DISPOSITIF SOUPLE ET PEU CONTRAIGNANT

Le Gouvernement propose, d'une part, d'organiser une élection sur sigle pour apprécier l'audience des organisations syndicales, d'autre part, d'autoriser la création, là où les partenaires sociaux le souhaiteront, de commissions paritaires pour les TPE.

1. Une élection sur sigle

Pour mesurer l'audience des syndicats auprès des salariés des TPE, un scrutin serait organisé, tous les quatre ans, au niveau régional . A l'occasion de ce scrutin, les salariés voteraient non pour élire des candidats mais en faveur d'une étiquette syndicale.

Les contraintes supportées par les entreprises seraient réduites au minimum dans la mesure où ce scrutin aurait lieu par voie électronique et par correspondance.

Dans le secteur agricole, ce sont les résultats des élections aux chambres départementales d'agriculture qui seraient pris en compte, ce qui éviterait d'organiser un nouveau scrutin.

Le choix d'une élection sur sigle s'explique par la décision de rendre facultative la création des commissions paritaires.

2. Des commissions paritaires facultatives

Les partenaires sociaux seraient libres d'instaurer, par voie d'accord collectif, des commissions paritaires pour les TPE qui couvriraient un secteur géographique donné.

Ces commissions auraient pour missions :

- d'assurer un suivi de l'application des conventions et accords collectifs ;

- d'apporter une aide en matière de dialogue social aux salariés et employeurs des TPE.

L'accord instituant la commission paritaire déterminerait également sa composition en tenant compte, pour les représentants des salariés, des résultats obtenus par les syndicats lors du scrutin organisé dans les TPE.

Il est à noter que ces commissions paritaires pour les TPE auraient des pouvoirs moins étendus que ceux actuellement reconnus aux commissions paritaires locales, visées aux articles L. 2234-1 et suivants du code du travail. Ces commissions locales peuvent en effet conclure des accords collectifs d'intérêt local, créateurs de normes, ce que ne pourront faire les commissions pour les TPE.

B. UN COMPROMIS ENTRE DES ATTENTES DIVERGENTES

Ce texte suscite des critiques nombreuses mais souvent contradictoires.

1. Des critiques contradictoires

a) Un texte trop timoré ?

La CGT, la CFDT et la CFTC demandent que la création des commissions paritaires soit obligatoire sur l'ensemble du territoire et que les salariés des TPE votent pour les candidats appelés à y siéger. Elles déplorent que les salariés des TPE n'aient pas la possibilité d'élire de représentants, à la différence de ceux employés dans les entreprises de plus de onze salariés.

La CFE-CGC défend une position plus nuancée : elle se réjouit d'abord que le scrutin distingue un collège « cadres » et un collège « non-cadres » ; elle considère ensuite que ce projet constitue une première étape qui ouvrira la voie à de prochaines réformes. Le projet de loi prévoit d'ailleurs la remise d'un rapport, deux ans après l'organisation de la première élection dans les TPE, pour dresser un bilan et envisager d'éventuelles adaptations.

b) Un texte trop audacieux ?

Le Medef, au contraire, juge que le texte est inutile : d'une part, le dialogue qui existe au quotidien, dans les TPE, entre le chef d'entreprise et ses salariés, rendrait superflue la création de nouvelles structures de concertation ; d'autre part, la mesure de l'audience syndicale dans les TPE serait artificielle dans la mesure où les syndicats y sont, dans les faits, très peu implantés.

La CGPME est favorable à l'organisation d'un scrutin pour mesurer l'audience syndicale dans les TPE mais est, en revanche, hostile à la création des commissions paritaires, en dépit de leur caractère facultatif. Elle redoute que des personnes extérieures aux TPE s'immiscent dans les relations entre le chef d'entreprise et ses salariés.

Parmi les syndicats de salariés, FO, qui n'était pas signataire de la lettre commune adressée au Premier ministre, défend une position originale en refusant la création d'une nouvelle élection propre aux TPE. Elle estime en effet que le problème de la mesure de l'audience syndicale pourrait être résolu à moindres frais, en combinant par exemple les résultats des élections professionnelles avec ceux des élections prud'homales. FO redoute, par ailleurs, que l'élection sur sigle transforme le rôle du mouvement syndical en le rapprochant de celui des organisations politiques.

2. Un bon compromis

Votre commission partage le point de vue exprimé par le président du Sénat, Gérard Larcher, lors de la conférence de presse qu'il a donnée le 5 mai 2010 : « on a l'impression qu'au moment où on est prêts à faire une avancée, il y a d'un côté ceux qui pensent que c'est trop, d'autres qui trouvent que c'est trop peu. Ce texte est un progrès ».

Le Gouvernement, soucieux de concilier des exigences contradictoires, a élaboré un texte de compromis qui ne mérite pas les critiques acerbes dont il fait parfois l'objet. Il faut d'ailleurs rappeler que l'UPA, l'UNAPL 2 ( * ) et la FNSEA 3 ( * ) , qui comptent dans leurs rangs un très grand nombre de TPE, soutiennent ce projet.

Son adoption n'aurait pas pour effet de multiplier les élus du personnel ou les délégués syndicaux dans les TPE. Il ne prévoit ni d'abaisser le seuil d'effectif requis pour l'élection des délégués du personnel, ni de modifier les règles relatives à la désignation des délégués syndicaux.

La crainte de voir les membres des commissions paritaires s'immiscer dans la vie des entreprises paraît aussi largement infondée. Le temps et les moyens limités dont ils disposeront ne leur en laisseraient sans doute guère le loisir. De plus, leurs pouvoirs seront bien circonscrits : ils pourront certes donner des conseils, rassembler des informations sur les difficultés d'application de telle ou telle convention collective, mais ne seront habilités ni à effectuer des contrôles dans les entreprises, ni à venir y négocier des accords collectifs.

D'ailleurs, la vingtaine de commissions paritaires locales créées sur le fondement de l'article L. 2234-1 du code du travail ont su trouver leur place, sans venir perturber le fonctionnement des entreprises. En Corse, la commission créée à l'initiative du Medef et de la CGPME, dans le secteur de l'hôtellerie-restauration s'est par exemple penchée sur le problème de l'emploi saisonnier. La commission créée en 2007 dans le Gers, dans laquelle siègent toutes les organisations patronales, s'est intéressée à l'insertion professionnelle des handicapés et à l'emploi des jeunes, en faisant connaître les bonnes pratiques. En Rhône-Alpes, la commission paritaire des géomètres-experts apporte une aide à la conciliation en cas de conflit social lorsque les parties le souhaitent. Pourquoi les commissions paritaires pour les TPE ne parviendraient-elles pas, elles aussi, à fonctionner à la satisfaction de tous ?

Enfin, comme cela a été indiqué, les contraintes supportées par les entreprises seront réduites au minimum. C'est en réalité l'administration de l'Etat qui assumera la tâche la plus lourde puisqu'elle devra établir les listes électorales, organiser le scrutin et agréger les résultats pour déterminer la représentativité des syndicats par branche ou par secteur géographique.

* 2 Union nationale des professions libérales.

* 3 Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles.

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