ANNEXE I - AUDITION DE M. JEAN-MICHEL CASA, DIRECTEUR DE L'UNION EUROPÉENNE AU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET EUROPÉENNES
Lors de sa réunion du 17 février 2010, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a procédé à l'audition de M. Jean-Michel Casa, directeur de l'Union européenne au ministère des affaires étrangères et européennes, sur la politique étrangère de l'Union européenne au lendemain du traité de Lisbonne.
Après avoir rappelé les principales étapes de la carrière diplomatique de M. Jean-Michel Casa, M. Josselin de Rohan, président, s'est interrogé sur les nouveaux instruments de politique étrangère de l'Union européenne après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Il a notamment souhaité obtenir un éclairage particulier sur la mise en place du futur service européen pour l'action extérieure et sur la représentation de l'Union européenne, désormais dotée de la personnalité juridique, auprès des Etats tiers et des organisations internationales, notamment aux Nations unies.
M. Jean-Michel Casa, directeur de l'Union européenne au ministère des affaires étrangères et européennes, a rappelé que la création du service européen pour l'action extérieure (SEAE), prévue par l'article 27, paragraphe 3, du traité sur l'Union européenne, constituait une innovation majeure du traité de Lisbonne, à laquelle la France, qui avait joué un rôle important dans sa conception, était tout particulièrement attachée. Ce service européen pour l'action extérieure, parfois surnommé « service diplomatique commun », représente, en effet, un instrument essentiel pour renforcer la cohérence entre les relations extérieures de l'Union, les aspects externes des politiques mises en oeuvre par l'Union européenne et la politique étrangère conduite par les Etats membres. Une autre originalité tient à la composition de ce service qui, à terme, devra rassembler à parité des fonctionnaires compétents du secrétariat général du Conseil, de la Commission européenne, et des personnels détachés des services diplomatiques nationaux.
La présidence suédoise avait élaboré un rapport préparatoire sur la mise en place de ce service européen pour l'action extérieure, qui a été approuvé par les chefs d'Etat et de Gouvernement lors du Conseil européen d'octobre 2009 et qui constitue la base de travail. Le Conseil européen a souhaité une adoption de la décision relative à l'organisation et au fonctionnement de ce service avant la fin du mois d'avril au plus tard : un important travail reste à accomplir pour tenir cette échéance. Il est vrai que l'approbation de la composition de la Commission européenne par le Parlement européen, après les nombreuses auditions des commissaires désignés, a pris un certain temps. Par ailleurs, la mise en place de ce nouveau service original est d'une certaine complexité juridique et administrative et soulève des enjeux politiques importants. Néanmoins, dès l'approbation du collège, le nouveau Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Catherine Ashton, a confirmé que la mise en place du SEAE serait sa première priorité. Elle a constitué à cet effet un groupe de haut niveau, composé des principaux responsables administratifs de la Commission européenne, du secrétariat général du Conseil et des représentants du « trio » des trois présidences tournantes du Conseil (Espagne, Belgique, Hongrie).
A partir des travaux de ce groupe de travail, Mme Catherine Ashton devrait présenter un projet de décision relative à ce service dans les prochaines semaines. Ce projet sera soumis aux représentants permanents des Etats membres au sein du COREPER, puis au Conseil des ministres. Elle a également fait savoir qu'elle souhaitait débattre de la création de ce service avec le Parlement européen dès le mois de mars.
Si, en vertu du traité, la création de ce service nécessite une décision du Conseil prise à l'unanimité, sur proposition du Haut représentant, après approbation de la Commission européenne et après consultation du Parlement européen, il convient toutefois d'observer que les autres actes juridiques liés à la mise en place de ce service relèvent de la procédure législative ordinaire, c'est-à-dire de la procédure de codécision, qui place le Parlement européen sur un pied d'égalité avec le Conseil. Il s'agit, notamment, des actes relatifs à la modification du statut des fonctionnaires européens, à la modification du règlement financier et à la mise en place d'un budget propre à ce service, qui feront vraisemblablement partie d'un paquet global avec la décision relative à la création du service européen pour l'action extérieure.
Si le Parlement européen a donc son mot à dire à propos de la création de ce service, l'idée selon laquelle le futur service européen pour l'action extérieure devrait être intégré au sein de la Commission européenne, qui avait été notamment évoquée dans le rapport d'Elmar Brok, s'est toutefois heurtée à l'opposition unanime des Etats membres, qui ont insisté sur le caractère sui generis de ce service, distinct et équidistant de la Commission européenne et du secrétariat général du Conseil. Comme le souligne ainsi le rapport adopté par le Conseil européen, le SEAE devra disposer d'une autonomie en termes de budget administratif et de gestion du personnel.
M. Jean-Michel Casa, directeur de l'Union européenne au ministère des affaires étrangères et européennes, a ensuite présenté la position française concernant le périmètre, la structure et la composition de ce service.
Le service européen pour l'action extérieure devrait être un service sui generis placé sous l'autorité du Haut représentant mais qui devrait également pouvoir assister le président du Conseil européen, ainsi que le président et les membres de la Commission européenne, dans l'exercice de leurs fonctions respectives, mais aussi et surtout coopérer étroitement avec les Etats membres. La France souhaite que le Haut représentant soit assisté par un secrétaire général fort, à l'instar du secrétaire général du Conseil ou de la Commission. Il aura pour mission de faire fonctionner le service européen pour l'action extérieure au quotidien, notamment pendant les nombreux déplacements du Haut représentant à l'étranger.
Le périmètre du futur service européen pour l'action extérieure devrait être le plus large possible afin de permettre au Haut représentant d'exercer pleinement son mandat. En vertu du traité, le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, en sa qualité de vice-président de la Commission, a en effet la responsabilité de la coordination des aspects touchant aux relations extérieures au sein de la Commission européenne. Cela s'applique en particulier à l'aide au développement et à la politique de voisinage, dans une certaine mesure à la politique commerciale, mais aussi à la réponse de l'Union européenne aux crises, comme celle qu'a connue récemment Haïti, qui fait l'objet du nouveau portefeuille confié par le président de la Commission à la commission européenne bulgare. La crise haïtienne a en effet montré que si l'Union européenne a été, de loin, le premier contributeur en termes d'aide matérielle et financière, son action a souffert d'un manque de visibilité et de coordination.
Cette conception large du service suppose donc qu'il comprenne des directions géographiques, couvrant toutes les régions et tous les pays, y compris des pays bénéficiaires de l'aide au développement ou faisant l'objet de négociations d'adhésion, mais aussi des directions thématiques, comme par exemple une direction chargée de la réponse aux crises ou une direction chargée des relations avec les Nations unies.
Il est également très important que le service européen pour l'action extérieure comprenne une direction chargée de superviser la programmation stratégique des différents instruments financiers, comme l'instrument de préadhésion, l'instrument européen de voisinage et de partenariat, l'instrument de coopération et de développement ou le fonds européen de développement (FED), afin qu'il puisse jouer le rôle d'un chef de file dans l'élaboration des grandes orientations de ces fonds, même si leur gestion devrait continuer de relever de la Commission européenne.
Conformément au rapport adopté par le Conseil européen d'octobre 2009, les structures de la politique de sécurité et de défense commune et de gestion de crises, comme l'Etat-major de l'Union européenne, la direction « gestion des crises et planification », la « capacité civile de planification et de conduite » ou encore le « centre de situation » devraient faire partie du SEAE, tout en relevant directement de l'autorité du Haut représentant afin de préserver l'autonomie de leurs chaînes de commandement.
Le service devrait aussi comprendre un nombre limité de fonctions de soutien, en particulier en matière de sécurité, d'informatique ou de gestion des ressources humaines, tout en s'appuyant sur d'autres services, comme ceux de la Commission européenne ou du secrétariat général du Conseil, pour les services juridiques, de protocole ou de traduction par exemple, par souci d'efficacité et pour limiter les doubles emplois et donc les coûts. Enfin, ce service devrait bénéficier d'une autonomie budgétaire et administrative complète.
S'agissant de ses effectifs, le service européen pour l'action extérieure devrait comprendre entre 2000 et 3000 agents, selon que l'on y intègre ou non les agents des délégations de l'Union européenne, agents provenant à la fois des services compétents du secrétariat général du Conseil, de la Commission européenne ainsi que des Etats membres. A ce stade, seuls les chefs des délégations de l'Union européenne et les agents chargés de l'analyse politique devraient faire partie du service. Certains agents devraient en revanche continuer de relever de la Commission européenne, par exemple lorsqu'ils sont chargés de la politique commerciale. Si, dans un premier temps, les fonctionnaires issus de la Commission européenne et du secrétariat général du Conseil devaient être les plus disponibles, le personnel provenant des Etats membres devrait, lorsque le service aura atteint sa pleine capacité, représenter plus du tiers des effectifs, y compris au sein du personnel diplomatique des délégations de l'Union européenne.
Le Parlement européen a réclamé récemment de pouvoir être associé à la nomination des chefs de délégation de l'Union européenne ou des représentants spéciaux, en procédant à leur audition préalablement à leur désignation, sur le modèle du Sénat américain, mais cette demande a été rejetée par les Etats membres et par le Haut représentant, qui devrait détenir seul le pouvoir de nomination. Ainsi, trente deux postes de chefs de délégation devraient être proposés l'été prochain (dans des pays comme la Chine, le Brésil, l'Afghanistan ou Haïti), dont la moitié à pourvoir par des diplomates des Etats membres. Le ministère des affaires étrangères et européennes a d'ailleurs entrepris de constituer un « vivier » des meilleurs diplomates français, afin que notre pays soit bien représenté au sein du futur service européen pour l'action extérieure et parmi ces chefs de délégations.
Si le rapport adopté par le Conseil européen prévoit que le service européen pour l'action extérieure devra entretenir des relations avec le Parlement européen, il est vrai que la question se posera à l'avenir du rôle des parlements nationaux, par exemple lors du lancement d'opérations militaires ou de gestion de crises de l'Union européenne.
M. Jean-Michel Casa, directeur de l'Union européenne au ministère des affaires étrangères et européennes, a évoqué, en conclusion, la question de la représentation de l'Union européenne auprès des pays tiers et des organisations internationales.
En ce qui concerne la représentation de l'Union européenne dans les pays tiers, dès l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne et conformément à ses dispositions, les anciennes délégations de la Commission européenne sont devenues des délégations de l'Union européenne, ayant vocation à représenter non seulement la Commission européenne mais l'ensemble de l'Union, sous l'autorité du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Toutefois, en vertu d'un accord avec la présidence espagnole du Conseil, seules 53 délégations se sont vu, à ce stade, reconnaître dans un premier temps un rôle de coordination et de représentation en reprenant à compter du 1er janvier les fonctions exercées jusque là par les ambassades du pays exerçant la présidence tournante du Conseil.
En effet, la présidence espagnole a souhaité, dans cette phase transitoire, conserver un rôle de représentation à certaines de ses ambassades situées dans des pays avec lesquels sont prévus prochainement des sommets de l'Union européenne, comme les pays d'Amérique latine ou la Russie par exemple. A terme, toutefois, les délégations de l'Union européenne exerceront les fonctions de représentation de l'Union dans l'ensemble des pays tiers, y compris les fonctions exercées jusqu'à présent par les ambassades bilatérales du pays exerçant la présidence tournante du Conseil. Il conviendra également de trouver des solutions ad hoc pour les pays tiers où la Commission européenne ne disposait pas de représentations, comme la Mongolie par exemple. Il sera, par ailleurs, nécessaire de s'interroger sur l'avenir des représentants spéciaux désignés sous l'empire du traité précédent. Certains de ces postes de Haut représentant devraient être fusionnés avec ceux de chefs de délégation de l'Union européenne, mais d'autres pourraient conserver leur mandat, comme par exemple le représentant spécial de l'Union européenne au Proche-Orient.
Enfin, la question complexe de la représentation de l'Union européenne auprès des organisations internationales nécessite un examen au cas par cas. Le remplacement par l'Union européenne, désormais dotée de la personnalité juridique, de la Communauté européenne, qui ne disposait souvent que d'un statut de simple observateur, devrait s'accompagner d'un renforcement de son statut auprès de certaines organisations internationales. Ce pourrait être notamment le cas aux Nations unies, où il existe deux représentations, l'une du secrétariat général du Conseil, l'autre de la Commission. La Communauté européenne ne disposait que d'un statut d'observateur : on pourrait envisager de conférer à l'Union européenne un statut comparable à celui d'un « quasi-Etat », pour s'exprimer au nom de l'Union en tant que telle.
M. Josselin de Rohan, président, a souhaité avoir des précisions sur les dispositions qui seront prévues en matière de statut des agents du futur service européen pour l'action extérieure, notamment leur traitement et leur carrière et leur mode de nomination. Il s'est également interrogé sur la coordination entre ce service et les diplomaties nationales et le risque de création d'une vingt-huitième diplomatie.
M. Jean-Michel Casa, directeur de l'Union européenne au ministère des affaires étrangères et européennes, a indiqué que, à ce stade, une révision du statut des fonctionnaires européens était envisagée afin de garantir au personnel détaché des Etats membres le statut d'agent temporaire, qui leur garantirait les mêmes droits et obligations qu'aux fonctionnaires issus de la Commission et du Conseil, et notamment une égalité de traitement. L'objectif est en effet d'attirer des personnes dotées des plus hautes qualités. En revanche, se posera la question des effets de ce détachement sur la carrière des fonctionnaires concernés, mais ce sujet relève de la compétence de chaque Etat.
Le Haut représentant sera l'autorité investie du pouvoir de nomination, mais les recrutements devraient s'effectuer sur la base d'une procédure associant les Etats membres.
Chaque Etat membre devra veiller à être bien représenté au sein du service européen pour l'action extérieure mais aussi dans les délégations de l'Union européenne. Dans l'attente de la décision établissant le service, la procédure de désignation des chefs de délégation des 32 postes qui seront ouverts cet été devrait être une procédure spécifique, inspirée de la procédure de recrutement de la Commission, mais avec la participation des Etats membres.
Afin d'éviter le risque d'une multiplication des diplomaties, il est primordial que le service européen pour l'action extérieure entretienne des relations étroites tant avec la Commission européenne qu'avec les Etats membres, et que le Haut représentant pour les affaires étrangères et européennes joue pleinement son rôle, à la fois de vice président de la Commission européenne chargé de la coordination des aspects extérieurs mais aussi pleinement de président du Conseil Affaires étrangères.
Par ailleurs, c'est aussi pour favoriser l'émergence d'une culture diplomatique commune que les diplomates issus des Etats membres devront être bien représentés au sein de ce service, dans une proportion d'au moins un tiers.
Si la présidence espagnole du Conseil continue actuellement à exercer un rôle en matière de représentation extérieure, cette situation est transitoire et, à l'avenir, la présidence tournante n'exercera en principe plus de compétences dans ce domaine lors des Sommets bilatéraux. Le Haut représentant a, en effet, pour vocation de conduire la politique étrangère de l'Union, même si le traité prévoit que le président du Conseil européen représente, à son niveau, l'Union européenne et que le président de la Commission européenne a également un rôle à jouer dans ce domaine.
M. Christian Cambon a indiqué que, depuis l'adoption du traité de Lisbonne, l'Union donnait l'impression d'avoir « disparu des radars », comme l'a montré la réponse à la situation en Haïti. Il a souhaité avoir des précisions concernant la définition des orientations, la prise de décision, la gestion et le contrôle de l'aide au développement, en estimant que l'essentiel était de parvenir à un système garantissant l'efficacité des fonds européens.
M. Yves Pozzo di Borgo s'est interrogé sur l'état d'avancement des négociations sur le nouvel accord de partenariat entre l'Union européenne et la Russie, notamment en matière énergétique.
Mme Josette Durrieu a regretté l'absence de l'Union européenne sur le dossier du Proche-Orient, en raison des divisions entre les Etats-membres, et s'est demandé si la mise en place du service européen pour l'action extérieure permettrait réellement de surmonter ces divisions et d'aboutir à ce que l'Union européenne parle d'une seule voix.
Elle a également estimé que les parlements nationaux avaient un rôle essentiel à jouer en matière de politique étrangère et de défense, qui demeure une matière intergouvernementale. Elle a rappelé le rôle important joué par l'assemblée parlementaire de l'Union de l'Europe occidentale, seule enceinte permettant aux parlements nationaux de débattre ensemble des questions de sécurité et de défense, en s'interrogeant sur son avenir.
Mme Catherine Tasca s'est demandé si l'on ne mettait pas trop d'espoir dans la mise en place du service européen pour l'action extérieure pour la détermination des positions communes en matière de politique étrangère.
Elle a également fait part de ses interrogations au sujet de l'aide au développement en estimant que l'essentiel à ses yeux était de garantir la cohérence, la visibilité et l'efficacité de cette politique compte tenu de son importance.
Enfin, elle s'est interrogée au sujet de la place et de l'usage du français au sein du futur service européen pour l'action extérieure alors que la nouvelle haute représentante ne semble pas totalement maîtriser le français.
M. Jean-Pierre Chevènement s'est demandé si l'idée de conférer un statut renforcé, équivalent à celui d'un Etat, à l'Union européenne au sein des Nations unies, alors que l'Union européenne n'est pas un Etat, ne pourrait pas avoir d'éventuelles implications négatives, notamment sur le siège permanent de la France au sein du Conseil de sécurité, que certains pays pourraient remettre en cause en s'appuyant sur ce motif.
Ayant fait observer que Mme Catherine Ashton était sans cesse sollicitée par le Parlement européen, il a émis le souhait que la commission des affaires étrangères puisse l'entendre prochainement.
Enfin, il a fait part de ses interrogations au sujet de l'attraction du régime de rémunérations et des primes accordées aux agents du service européen pour l'action extérieure, en émettant la crainte que notre diplomatie se voie amputée de ses meilleurs éléments.
En réponse, M. Jean-Michel Casa, directeur de l'Union européenne au ministère des affaires étrangères et européennes, a apporté les précisions suivantes :
- pour beaucoup d'Etats membres, y compris le Royaume-Uni ou l'Allemagne, l'aide au développement se distingue de la politique étrangère. Ils estiment ainsi que cette politique doit rester au premier chef du ressort de la Commission. La France estime cependant qu'afin d'assurer une meilleure visibilité, une plus grande cohérence et une réelle efficacité de l'aide au développement, il faut confier au Haut représentant la mission de définir les grandes orientations stratégiques, la Commission continuant d'assurer la gestion des instruments de coopération ;
- les relations avec la Russie constituent un bon exemple de l'insuffisante coordination des diplomaties nationales et des différents aspects de la politique extérieure de l'Union, à l'image de l'énergie par exemple, et l'objectif de la création du service européen pour l'action extérieure vise précisément à rapprocher en amont les points de vue entre les Etats membres ;
- précisément, les négociations sur le nouvel accord de partenariat entre l'Union européenne et la Russie n'ont que peu progressé jusqu'à présent, car elles achoppent sur le volet commercial, étant donné que la question de l'adhésion de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce est toujours en suspens ; alors que la principale attente des Européens tient au volet énergétique, la partie russe demande, pour sa part, la levée de l'obligation de visas. Par contre, l'attitude de la Russie sur la question iranienne a évolué dans le sens d'une meilleure coopération et de l'adoption de sanctions plus fortes ;
- au Proche-Orient, il est vrai que l'Union européenne, qui représente le premier contributeur à l'Autorité palestinienne, ne joue pas un rôle à la hauteur de celui des Etats-Unis, qui demeurent le principal acteur du processus de paix, même si les positions des pays européens se sont beaucoup rapprochées ces dernières années, comme le montrent par exemple les conclusions adoptées par le Conseil en décembre 2009. L'Union européenne pourrait pourtant jouer un rôle important dans le cadre d'un règlement global du conflit et dans sa mise en oeuvre, par exemple en apportant des garanties européennes en matière de sécurité, avec l'envoi d'une mission de sécurité sur le terrain, un rôle pilote sur la question des réfugiés ou sur le contrôle des frontières, une aide à la construction d'un état palestinien. L'action du SEAE et l'action du Haut représentant devraient donner plus de visibilité à l'Europe ;
- l'avenir de l'assemblée parlementaire de l'Union de l'Europe occidentale est devenu incertain depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, même s'il faut reconnaître que c'est la seule assemblée interparlementaire qui joue un rôle en matière de sécurité et de défense. Le Parlement européen a vu ses prérogatives renforcées avec le traité de Lisbonne. Ces pouvoirs pourraient se renforcer au fur et à mesure que la politique de sécurité et de défense va s'européaniser. Mais les parlements nationaux ont également un rôle à jouer ; étant donné que le traité de Lisbonne est muet sur ce sujet, à la différence de ce qui existe par exemple pour le contrôle de la subsidiarité, il faudra peut-être inventer ; certains ont ainsi évoqué une Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) en matière de défense ;
- la création du service européen pour l'action extérieure ne suffira évidemment pas à elle seule à aboutir à une diplomatie commune ; les décisions continueront en effet de relever des ministres des affaires étrangères des Etats membres, réunis dans le Conseil des Affaires étrangères, sous la présidence du Haut représentant ; la mise en place de ce service devrait toutefois favoriser l'émergence progressive d'une culture diplomatique commune en permettant un rapprochement des points de vue et une plus grande unité d'action ;
- si, dans un premier temps, le service européen pour l'action extérieure devait comprendre une proportion significative de fonctionnaires issus du secrétariat général du Conseil et de la Commission européenne, progressivement, la part des diplomates issus des Etats membres est appelée à s'accroître afin d'atteindre au moins un tiers des effectifs ;
- au sein de l'assemblée générale des Nations unies, la Communauté européenne ne disposait, jusqu'à présent, que d'un statut d'observateur, soit un statut inférieur à celui, par exemple, de l'Autorité palestinienne, et il semble logique de renforcer ce statut, non pas en l'alignant sur celui des Etats, mais en allant vers un statut intermédiaire afin de permettre au représentant de l'Union d'exprimer, avec une visibilité suffisante, des positions communes, à l'image du rôle que jouait jusqu'à présent l'Etat qui exerçait la présidence tournante du Conseil ; en revanche, s'agissant du Conseil de sécurité des Nations unies, les dispositions du traité de Lisbonne sont très claires puisqu'elles prévoient explicitement que les Etats concernés conservent l'ensemble de leurs prérogatives, tout en leur permettant d'exprimer davantage les positions de l'Union européenne ;
- le régime de rémunération des fonctionnaires européens est d'ores et déjà beaucoup plus attractif que celui des diplomaties nationales et il est important que le service européen pour l'action extérieure puisse attirer des personnes de qualité ;
- si le Haut représentant est investi du pouvoir de nomination, les Etats membres devront participer au processus de recrutement mais les modalités concrètes ne sont pas encore fixées ;
- la France est soucieuse du respect du multilinguisme et de la place du français dans les institutions et organes européens. Un important programme de formation au français est mis en oeuvre à destination des nouveaux membres de la Commission, de leurs cabinets mais également des principaux titulaires de postes de direction au sein de la Commission notamment. Cette offre de formation au français a par exemple été proposée à Mme Catherine Ashton. Pour mémoire, le français est, avec l'anglais, l'une des deux langues de travail dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité.