Rapport n° 450 (2009-2010) de M. Josselin de ROHAN , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 12 mai 2010

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N° 450

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 mai 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) comportant le texte de la commission sur la proposition de résolution européenne présentée par M. Josselin de ROHAN au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur le projet de décision du Conseil fixant l'organisation et le fonctionnement du service européen pour l' action extérieure (E 5220) et la proposition de règlement modifiant le règlement (CE, Euratom) n°1605/2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes en ce qui concerne le service européen pour l' action extérieure (E 5216),

Par M. Josselin de ROHAN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

433 (2009-2010)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Avec la mise en place du Président stable du Conseil européen et du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, la création du service européen pour l'action extérieure constitue une innovation majeure du traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1 er décembre 2009.

La création de ce service, souvent dénommé « service diplomatique commun », vise, en effet, à renforcer la cohérence et l'efficacité de la politique étrangère de l'Union européenne.

Le 25 mars dernier, la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et Vice-présidente de la Commission européenne, Mme Catherine Ashton, a présenté un projet de décision du Conseil fixant l'organisation et le fonctionnement du service européen pour l'action extérieure.

Ce document a été transmis le 7 avril à l'Assemblée nationale et au Sénat, au titre de l'article 88-4 de la Constitution.

Compte tenu de l'importance des enjeux soulevés par la mise en place de ce service, la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat a décidé de s'en saisir directement, le jour même de sa transmission au Parlement.

Sur proposition de votre rapporteur, elle a adopté une proposition de résolution sur les principaux aspects relatifs à ce service.

I. LE SERVICE EUROPÉEN POUR L'ACTION EXTÉRIEURE : UNE INNOVATION MAJEURE DU TRAITÉ DE LISBONNE POUR UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE DE L'UNION EUROPÉENNE PLUS COHÉRENTE ET PLUS EFFICACE

A. UNE INNOVATION MAJEURE DU TRAITÉ DE LISBONNE

La création du service européen pour l'action extérieure, souvent dénommé « service diplomatique commun », constitue une innovation majeure du traité de Lisbonne , entré en vigueur le 1er décembre 2009.

La création de ce service est prévue à l'article 27, paragraphe 3 , du traité sur l'Union européenne.

D'après cet article, « Dans l'accomplissement de son mandat, le Haut représentant s'appuie sur un service européen pour l'action extérieure. Ce service travaille en collaboration avec les services diplomatiques des États membres et est composé de fonctionnaires des services compétents du secrétariat général du Conseil et de la Commission ainsi que de personnel détaché des services diplomatiques nationaux. L'organisation et le fonctionnement du service européen pour l'action extérieure sont fixés par une décision du Conseil. Le Conseil statue sur proposition du haut représentant, après consultation du Parlement européen et approbation de la Commission » .

B. UN OUTIL ESSENTIEL AU SERVICE D'UNE POLITIQUE ÉTRANGÈRE DE L'UNION EUROPÉENNE PLUS COHÉRENTE ET PLUS EFFICACE

Le service européen pour l'action extérieure n'a pas vocation à se substituer aux diplomaties nationales . Chaque Etat membre conservera son propre ministère des affaires étrangères, son réseau diplomatique et consulaire, et continuera de mener sa politique étrangère. Les orientations en matière de politique étrangère commune continueront de relever des chefs d'Etat et de gouvernement au sein du Conseil européen et les décisions des ministres des affaires étrangères au sein du Conseil statuant en règle générale à l'unanimité.

L'objectif de ce service est, plus modestement, de renforcer la cohérence entre, d'une part, les différents instruments, moyens et aspects de l'action extérieure de l'Union européenne, qui sont actuellement dispersés entre le Conseil et la Commission européenne, et, d'autre part, entre la politique étrangère de l'Union européenne et celle conduite par les Etats membres.

Il s'agit également de favoriser l'émergence progressive d'une culture diplomatique européenne commune , en rapprochant les points de vue et en confrontant les différentes traditions diplomatiques nationales.

Cela explique la composition originale de ce service, qui devrait rassembler des fonctionnaires issus des services concernés de la Commission européenne, du secrétariat général du Conseil et des agents détachés des services diplomatiques nationaux.

C. UNE MISE EN PLACE DIFFICILE ET QUI RISQUE DE SE HEURTER À UNE FORTE OBSTRUCTION DE LA PART DU PARLEMENT EUROPÉEN

Selon la déclaration n°15 annexée au traité de Lisbonne, les travaux préparatoires relatifs à la création du service européen pour l'action extérieure devaient débuter dès la signature du traité.

La présidence suédoise avait élaboré un rapport préparatoire sur la mise en place de ce service, qui a été approuvé par les chefs d'Etat et de Gouvernement lors du Conseil européen d'octobre 2009.

Le Conseil européen avait souhaité une adoption de la décision relative à l'organisation et au fonctionnement de ce service avant la fin du mois d'avril. Toutefois, la création de ce service a pris un certain retard, en raison notamment de la mise en place de la nouvelle Commission européenne.

Dès sa nomination en qualité de Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Catherine Ashton, par ailleurs Vice-présidente de la Commission européenne, a indiqué que la création de ce service constituerait sa première priorité.

Elle a présenté, le 25 mars dernier, un projet de décision du Conseil fixant l'organisation et le fonctionnement du service européen pour l'action extérieure.

Après certaines modifications, ce texte a fait l'objet d'un accord politique lors de la réunion des ministres des affaires étrangères du 26 avril.

Si, en vertu du traité de Lisbonne, la création de ce service nécessite une décision du Conseil prise à l'unanimité, sur proposition du Haut représentant, après approbation de la Commission européenne et après simple avis du Parlement européen , il convient toutefois d'observer que les autres actes juridiques liés à la mise en place de ce service relèvent de la procédure législative ordinaire, c'est-à-dire de la procédure de codécision, qui place le Parlement européen sur un pied d'égalité avec le Conseil.

Il s'agit notamment des actes relatifs à la modification du statut des fonctionnaires européens, à la modification du règlement financier et à la mise en place d'un budget propre à ce service.

Le Parlement européen, qui est simplement consulté sur la décision relative à la création de ce service, réclame que ces différentes propositions fassent l'objet d'un « paquet global », ce qui aboutirait à lui conférer un droit de veto sur tous les aspects relatifs à la création de ce service.

La mise en place du service européen pour l'action extérieure est donc actuellement suspendue dans l'attente de l'attitude qu'adoptera le Parlement européen.

II. LES  PRINCIPAUX  ENJEUX  DES  NÉGOCIATIONS ACTUELLEMENT EN COURS AU NIVEAU EUROPÉEN

Quels sont les principaux enjeux des négociations menées actuellement au niveau européen ?

Comme l'a indiqué M. Jean-Michel Casa, directeur de l'Union européenne au ministère des affaires étrangères et européennes, lors de son audition devant votre commission, le 17 février 2010, les principaux enjeux portent sur la nature, le périmètre et la composition de ce service.

A. LA NATURE DU SERVICE EUROPÉEN POUR L'ACTION EXTÉRIEURE

Le premier enjeu porte sur la nature même de ce service.

Tous les États membres considèrent que le service européen pour l'action extérieure doit être un service sui generis , à équidistance de la Commission européenne et du Conseil.

Ce service serait, en effet, placé sous l'autorité du Haut représentant mais il devrait également pouvoir assister le Président du Conseil européen, ainsi que le Président et les membres de la Commission européenne, dans l'exercice de leurs fonctions respectives, mais aussi et surtout coopérer étroitement avec les Etats membres.

Pour sa part, le Parlement européen défend l'idée selon laquelle le futur service européen pour l'action extérieure devrait être intégré au sein de la Commission européenne , ce qui permettrait au Parlement européen d'exercer un contrôle étroit sur ce service 1 ( * ) .

Cette demande a toutefois fait l'objet d'un rejet unanime par les Etats membres.

Une autre question essentielle pour les Etats membres tient à l'autonomie de ce service en termes de budget et de gestion du personnel.

En effet, dans le cas contraire, le Parlement européen serait tenté d'utiliser l'arme du budget pour peser sur les orientations de la politique étrangère de l'Union européenne, alors même que les traités ne lui reconnaissent pas une telle compétence.

B. SON PÉRIMÈTRE

Un deuxième enjeu important porte sur le périmètre de ce service.

La France considère que le périmètre du futur service européen pour l'action extérieure devrait être le plus large possible afin de permettre au Haut représentant d'exercer pleinement son mandat.

En vertu du traité, le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, en sa qualité de vice-président de la Commission, a en effet la responsabilité de la coordination des aspects touchant aux relations extérieures au sein de la Commission européenne.

Cela s'applique en particulier à l'aide au développement et à la politique de voisinage, dans une certaine mesure à la politique commerciale, mais aussi à la réponse de l'Union européenne aux crises. La crise haïtienne, par exemple, a montré que si l'Union européenne a été, de loin, le premier contributeur en termes d'aide matérielle et financière, son action a souffert d'un manque de visibilité et de coordination.

Or, ces portefeuilles, y compris la réponse de l'Union européenne aux crises, ont été confiés à différents Commissaires européens par le Président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso.

Une conception large du service supposerait qu'il comprenne des directions géographiques, couvrant toutes les régions et tous les pays, y compris des pays bénéficiaires de l'aide au développement ou faisant l'objet de négociations d'adhésion, mais aussi des directions thématiques, comme par exemple une structure chargée de coordonner la réponse aux crises ou une direction chargée des relations avec les Nations unies.

La France souhaite également que le service européen pour l'action extérieure joue le rôle de chef de file dans l'élaboration des grandes orientations stratégiques des différents instruments financiers de l'Union européenne , comme l'instrument européen de voisinage et de partenariat, l'instrument de coopération et de développement ou le fonds européen de développement, même si leur gestion annuelle et leur mise en oeuvre devraient continuer de relever de la Commission européenne.

La Commission européenne s'est toutefois montrée réticente à l'idée de confier ce rôle de chef de file au service européen pour l'action extérieure, en ce qui concerne la programmation stratégique des instruments financiers. Elle plaide pour que le travail du service soit réalisé sous le contrôle et la supervision des Commissaires européens compétents.

Rappelons que l'aide publique au développement de l'Union européenne représente 2,2 milliards d'euros, alors que le budget de la politique étrangère et de sécurité commune est de l'ordre de seulement 280 millions d'euros.

En définitive, le compromis trouvé lors du Conseil du 26 avril prévoit que le service européen pour l'action extérieure aura la responsabilité d'établir, en coopération avec les services compétents de la Commission, les propositions relatives à la programmation stratégique des instruments financiers, sous l'autorité du Haut représentant. En ce qui concerne le fonds européen de développement, l'instrument de financement de la coopération au développement et l'instrument européen de voisinage, ce travail sera opéré également sous la supervision et le contrôle des Commissaires européens compétents. Ce rôle de chef de file conféré au service pour la programmation pluriannuelle des instruments financiers permettra de renforcer la cohérence entre les priorités politiques de l'Union européenne et la définition des orientations de son aide financière.

Concernant les structures de la politique de sécurité et de défense commune et de gestion de crises , comme l'Etat-major de l'Union européenne, la direction « gestion des crises et planification », la « capacité civile de planification et de conduite » ou encore le « centre de situation », elles devraient faire partie du service européen pour l'action extérieure, mais elles relèveraient directement de l'autorité du Haut représentant, en sa seule qualité de Haut représentant, afin de préserver la spécificité de leur fonctionnement et leurs procédures, ainsi que l'autonomie de leurs chaînes de commandement.

Enfin, ce service devrait aussi comprendre un nombre limité de fonctions de soutien , en particulier en matière d'informatique ou de gestion des ressources humaines, tout en s'appuyant sur d'autres services, comme ceux de la Commission européenne ou du secrétariat général du Conseil, pour les services de traduction par exemple, par souci d'efficacité et pour limiter les doubles emplois et donc les coûts.

C. L'ORGANIGRAMME ET LA RÉPARTITION DES EFFECTIFS ENTRE LA COMMISSION EUROPÉENNE, LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DU CONSEIL ET LES ÉTATS MEMBRES

Enfin, le troisième enjeu porte sur l'organigramme et la répartition des postes entre la Commission européenne, le Secrétariat général du Conseil et les Etats membres.

S'agissant de ses effectifs , le service européen pour l'action extérieure devrait comprendre plusieurs milliers d'agents, au sein de l'administration centrale à Bruxelles, mais aussi dans les délégations de l'Union européenne auprès des pays tiers et des organisations internationales.

Ces agents proviendraient à la fois des services compétents du Secrétariat général du Conseil, de la Commission européenne ainsi que des Etats membres.

Tous ces agents bénéficieraient des mêmes droits et obligations et d'une égalité de traitement.

Si, dans un premier temps, les fonctionnaires issus de la Commission européenne et du secrétariat général du Conseil devaient être les plus nombreux, le personnel provenant des Etats membres devrait, au plus tard lorsque le service aura atteint sa pleine capacité, représenter au moins un tiers des effectifs.

Toutefois, le poids de chaque institution et des Etats membres au sein de ce service a fait l'objet de fortes discussions. La Commission souhaitait ainsi obtenir un certain nombre de postes clefs.

Les nouveaux Etats membres et les « petits » pays insistaient pour leur part sur l'équilibre géographique dans le choix des nominations et la représentation de l'ensemble des pays membres.

Une autre question sensible a porté sur le mode de désignation des chefs de délégation de l'Union européenne auprès des pays tiers et des organisations internationales.

Le Parlement européen a réclamé de pouvoir être associé à la nomination des chefs de délégation de l'Union européenne ou des représentants spéciaux, en procédant à leur audition préalablement à leur désignation, sur le modèle du Sénat américain.

Cette demande a toutefois été rejetée par les Etats membres.

Pour sa part, la Commission européenne a également réclamé d'avoir son mot à dire dans la procédure de sélection des chefs de délégation, notamment sur la capacité des candidats en matière de gestion financière.

Lors du Conseil « Affaires générales » du 26 avril, les Etats membres ont accepté l'idée que la Commission européenne puisse se prononcer sur les compétences des candidats envisagés pour exercer les missions qu'ils pourraient conduire pour le compte de la Commission, mais il a été précisé, dans une déclaration de la Commission européenne, qu'en cas d'opinion négative sur un candidat, cette dernière devrait présenter un avis dûment motivé, ce qui préserve le pouvoir de nomination du Haut représentant.

De manière générale, lors de ce Conseil, les Etats membres ont marqué leur accord sur les procédures de recrutement des agents du service européen pour l'action extérieure, qui reposent sur le principe d'un recrutement fondé sur le mérite, tout en prenant en compte l'équilibre de représentation géographique et l'équilibre entre les hommes et les femmes.

Les représentants de la Commission européenne, du Secrétariat général du Conseil et des Etats membres seront impliqués dans ces procédures de recrutement. Un projet de déclaration de la Haute représentante, qui sera adopté avec la décision, précise la procédure de nomination qu'elle entend appliquer au service européen pour l'action extérieure et prévoit notamment un comité consultatif sur les nominations, composé de représentants des Etats membres, de la Commission et du Secrétariat général du Conseil, et chargé d'assister le Haut représentant.

Enfin, la France souhaiterait que le Haut représentant soit assisté par un Secrétaire général , à l'instar du secrétaire général du Conseil ou de la Commission. Ce Secrétaire général aurait pour mission de faire fonctionner le service pour l'action extérieure au quotidien, notamment pendant les nombreux déplacements du Haut représentant à l'étranger.

Le fait que ce Secrétaire général puisse représenter le Haut représentant devant le Parlement européen est toutefois contesté par ce dernier, qui souhaite que cette représentation soit assurée à un niveau politique.

Les Etats membres ont marqué, lors du Conseil du 26 avril, leur accord sur un texte qui prévoit l'institution d'un poste de secrétaire général exécutif, assisté de deux secrétaires généraux adjoints. Le Secrétaire général exécutif serait notamment chargé d'assurer le bon fonctionnement du service et sa coordination.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

Afin que le Sénat puisse se prononcer sur ce sujet essentiel, votre Rapporteur a présenté une proposition de résolution , fondée sur l'article 88-4 de la Constitution, qui a été adoptée par la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat.

Cette proposition de résolution vise à inciter le Gouvernement à oeuvrer au sein du Conseil afin que soient pris en compte les principes suivants.

A. UN ORGANE SUI GENERIS DISTINCT DE LA COMMISSION ET DU CONSEIL ET DISPOSANT D'UNE COMPLÈTE AUTONOMIE EN MATIÈRE BUDGÉTAIRE ET DE GESTION DU PERSONNEL

Le service européen pour l'action extérieure doit être un service sui generis , à équidistance de la Commission européenne et du Conseil.

La politique étrangère commune et la politique de sécurité et de défense commune sont des politiques de nature intergouvernementale relevant de la responsabilité des Etats membres. Ces politiques ne peuvent donc pas être intégrées au sein de la Commission européenne.

Dans cette optique, ce service doit disposer d'une complète autonomie en matière budgétaire et en termes de gestion du personnel.

B. POUR UN PÉRIMÈTRE LE PLUS LARGE POSSIBLE

Afin de permettre au Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité d'exercer pleinement la coordination des différents aspects des relations extérieurs au sein de la Commission européenne, le périmètre de ce service devrait être le plus large possible et inclure notamment les aspects relatifs à l'élargissement, à la politique de voisinage, ainsi que la définition des orientations de l'aide au développement.

En particulier, ce service devrait se voir reconnaître, sous l'autorité du Haut représentant, un rôle de chef de file dans l'élaboration des orientations stratégiques des instruments financiers extérieurs de l'Union européenne, et notamment de l'aide au développement.

Il est, en effet, essentiel de renforcer la cohérence de l'ensemble des instruments en matière de relations extérieures de l'Union européenne.

Les structures politico-militaires devraient également être intégrées au sein de ce service, tout en relevant directement du Haut représentant, en sa seule qualité de Haut représentant, et en conservant une certaine autonomie , afin de préserver leurs chaînes de commandement.

C. LES PARLEMENTS NATIONAUX DOIVENT POUVOIR ENTRETENIR DES RELATIONS ÉTROITES AVEC LE SERVICE EUROPÉEN POUR L'ACTION EXTÉRIEURE

La politique étrangère reste une politique de nature intergouvernementale relevant des gouvernements des Etats membres.

Les traités européens ne confèrent pas de compétence au Parlement pour intervenir dans l'action du service européen pour l'action extérieure ni pour approuver le choix des chefs de délégation de l'Union européenne dans les pays tiers ou auprès des organisations internationales.

La déclaration n°14 annexée au traité de Lisbonne stipule d'ailleurs expressément que « les dispositions concernant la politique étrangère et de sécurité commune ne confèrent pas de nouveaux pouvoirs à la Commission de prendre l'initiative de décisions ni n'accroissent le rôle du Parlement européen » .

Dans ce contexte, il est surprenant que le rapport de la présidence suédoise prévoie que le service européen pour l'action extérieure devra entretenir « des contacts de travail étroit » avec le Parlement européen et qu'il devrait comprendre un bureau chargé des relations avec le Parlement européen, sans que soient mentionnés les Parlements nationaux.

Comme l'a indiqué le Secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes, M. Pierre Lellouche, lors de son audition au Sénat, le 2 février dernier, « les Parlements nationaux devraient jouer totalement leur rôle et faire entendre leur voix » à propos de ce service.

C'est la raison pour laquelle il paraît indispensable que les Parlements nationaux puissent entretenir des contacts étroits avec le service européen pour l'action extérieure afin de pouvoir être pleinement informés de la politique étrangère de l'Union européenne.

D. LA FRANCE DOIT ÊTRE SUFFISAMENT REPRÉSENTÉE AU SEIN DU SERVICE ET LA PLACE DU FRANÇAIS GARANTIE

Enfin, étant donné l'importance de ce service, il semble nécessaire d'inciter le Gouvernement à oeuvrer au sein du Conseil afin que la France soit bien représentée au sein de ce service , et cela à tous les échelons, et à veiller à la place du français , qui est l'une des deux langues de travail en matière diplomatique.

*

Au bénéfice de ces observations, votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a adopté la proposition de résolution, dont le texte est reproduit ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le rapport de la présidence suédoise concernant les lignes directrices relatives au Service européen pour l'action extérieure (doc. 14930/09) approuvé par le Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009,

Vu le projet de décision du Conseil fixant l'organisation et le fonctionnement du service européen pour l'action extérieure (texte E 5220),

Vu la proposition de règlement modifiant le règlement (CE, Euratom) n°1605/2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes en ce qui concerne le service européen pour l'action extérieure (texte E 5216),

Considérant que la mise en place du service européen pour l'action extérieure revêt une importance majeure pour le renforcement de la cohérence et de l'efficacité de la politique étrangère et de sécurité de l'Union européenne ;

Rappelant que ce service doit être placé sous l'autorité du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, mais aussi assister le Président du Conseil européen, le Président et les membres de la Commission et coopérer étroitement avec les diplomaties des Etats membres ;

Rappelant que la politique étrangère commune demeure une politique de nature intergouvernementale et la déclaration n°14 annexée au traité de Lisbonne, selon laquelle « les dispositions concernant la politique étrangère et de sécurité commune ne confèrent pas de nouveaux pouvoirs à la Commission de prendre l'initiative de décisions ni n'accroissent le rôle du Parlement européen ».

Considérant que les traités ne confèrent pas de compétence spécifique au Parlement européen pour intervenir dans l'action du service européen pour l'action extérieure ni pour se prononcer sur la désignation des chefs de délégation ou des représentants spéciaux de l'Union européenne ;

Jugeant indispensable que les parlements nationaux puissent entretenir des relations étroites avec le service européen pour l'action extérieure ; Regrettant vivement que le rapport de la présidence suédoise ne mentionne que les contacts de travail qui devraient être établis entre ce service et le Parlement européen ;

Demande au Gouvernement d'oeuvrer au sein du Conseil afin que soient pris en compte les principes suivants :

- le service européen pour l'action extérieure doit être un organe sui generis de l'Union européenne, équidistant de la Commission européenne et du Conseil, et disposant d'une complète autonomie en matière budgétaire et en termes de gestion des ressources humaines ;

- le périmètre de ce service devrait être le plus large possible et inclure notamment l'élargissement, la politique de voisinage et l'aide au développement ; le service doit se voir reconnaître, sous l'autorité du Haut représentant, un rôle de chef de file dans la préparation de l'élaboration des orientations stratégiques des instruments financiers extérieurs de l'Union européenne, et notamment de l'aide au développement ;

- les structures de la politique de sécurité et de défense commune et de gestion de crises devraient également faire partie de ce service, tout en relevant directement de l'autorité du Haut représentant, en sa seule qualité de Haut représentant, afin de préserver l'autonomie de leurs chaînes de commandement ;

- le service européen pour l'action extérieure devrait comprendre des fonctions chargées des relations avec les Parlements de l'Union européenne, c'est-à-dire avec le Parlement européen et les Parlements nationaux ;

- la France doit être suffisamment représentée au sein du service européen pour l'action extérieure, et cela à tous les échelons, et la place du français doit être garantie, en tant que langue de travail au sein de ce service et comme constituant une véritable langue de travail et de communication avec les citoyens de l'Union européenne, comme avec les pays tiers et les organisations internationales.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 5 mai 2010, la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat a entendu une communication de M. Josselin de Rohan, président , sur le service européen pour l'action extérieure.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. Robert del Picchia - J'approuve totalement votre proposition de résolution.

Comme on peut le constater lors des réunions interparlementaires, par exemple dans le cadre de l'assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, il existe une tendance au sein du Parlement européen à vouloir se saisir de tous les sujets et d'exclure les parlementaires nationaux des questions européennes.

M. Daniel Reiner - J'ai écouté avec une grande attention votre communication tout à fait intéressante. Avant de nous prononcer sur le contenu de la proposition de résolution que vous nous présentez, nous souhaiterions toutefois disposer d'un délai afin d'étudier dans le détail les propositions qui nous sont soumises.

M. Josselin de Rohan, président - Conformément aux dispositions du règlement du Sénat, la commission aura à se prononcer lors d'une prochaine réunion sur les amendements éventuels qui pourront être présentés et sur le texte de la proposition de résolution.

M. Jean-Louis Carrère - Quel sera le délai-limite pour présenter des amendements ?

M. Josselin de Rohan, président - La commission se réunira mercredi 12 mai pour l'examen des amendements éventuels et du texte de la proposition de résolution. Le délai-limite pour le dépôt des amendements sera fixé au mardi 11 mai à midi.

M. Jean-Pierre Chevènement - Je suis partagé entre deux sentiments. D'un côté, on envisage la création d'un service pour se substituer à une véritable politique étrangère commune de l'Union européenne. A défaut d'une volonté, on crée un organisme. Les grands Etats membres de l'Union européenne n'ont pas la même politique étrangère. En ce qui concerne la défense, certains sont neutres, d'autres sont atlantistes et rares sont ceux qui affichent l'ambition d'une véritable défense européenne autonome.

Avec ce service européen pour l'action extérieure, on renouvelle l'erreur qui a été faite pour la monnaie unique et dont on voit aujourd'hui les effets. On ne peut que constater là encore un défaut de conception initiale.

En créant ce service, on ouvre, en effet, la boite de pandore.

Le Parlement européen cherche à s'approprier le contrôle de ce service et de la politique étrangère. Cela est inadmissible. La Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe a clairement rappelé, dans son arrêt du 30 juin 2009 sur la loi d'approbation du traité de Lisbonne, la nature du Parlement européen, qui « n'est pas un organe représentatif d'un peuple européen souverain ». Il est donc inenvisageable de confier au Parlement européen une compétence qu'il n'a pas. En ce sens, j'approuve votre proposition de résolution. Toutefois, je reste partagé car je suis très réservé sur la création du service européen pour l'action extérieure.

M. Josselin de Rohan, président - Le traité de Lisbonne vise précisément à renforcer la cohérence et l'efficacité de la politique étrangère de l'Union européenne. Le service européen pour l'action extérieure n'a pas vocation à remplacer les diplomaties nationales. Il s'agit de favoriser la coordination des politiques étrangères des Etats membres, afin que l'Union européenne parle davantage d'une seule voix. Il ne s'agit pas de construire une politique supranationale qui remplacerait les diplomaties nationales ou qui s'imposerait à elles. La politique étrangère commune ne sera suffisamment forte et crédible que si elle repose sur les politiques étrangères des Etats membres. C'est la raison pour laquelle il est indispensable que ce service entretienne des relations étroites avec les diplomaties nationales et que les diplomates des Etats membres soient suffisamment nombreux au sein de ce service.

M. Jacques Blanc - Nous avons été nombreux à regretter l'absence de visibilité de l'Union européenne à Haïti. Le traité de Lisbonne apporte des réponses à cet égard, avec la mise en place du service européen pour l'action extérieure.

Le traité de Lisbonne ne modifie cependant pas la nature de la politique étrangère et de sécurité commune, qui reste une politique de nature intergouvernementale.

Le Parlement européen, qui a vu ses pouvoirs augmenter avec le traité de Lisbonne, cherche -de manière assez logique d'ailleurs- à grignoter d'autres pouvoirs et à étendre son champ d'action.

Toutefois, face à cette attitude, il est indispensable de rappeler le rôle des parlements nationaux, non pas pour freiner la construction européenne, mais au contraire, parce que je suis persuadé que c'est en associant davantage les parlements nationaux que l'on pourra réellement progresser sur ces sujets.

L'arrêt de la Cour de Karlsruhe sur la loi d'application du traité de Lisbonne a donné lieu à un débat et à un rapport au sein de la commission des affaires européennes.

Je considère d'ailleurs que, sur ces questions, les parlements nationaux devraient pouvoir débattre collectivement, que ce soit au niveau des commissions des affaires étrangères ou bien des commissions des affaires européennes.

Je souscris donc, pour ma part, à votre proposition de résolution.

Je suis attentif en particulier à la place qui sera réservée à la politique de voisinage au sein du futur service européen pour l'action extérieure, compte tenu du rôle croissant de cette politique, qu'il s'agisse de l'Union pour la Méditerranée, du partenariat oriental ou encore de la Synergie Mer Noire.

Enfin, il me paraît indispensable d'insister, comme vous le faites, sur la place de la langue française, compte tenu du recul de l'usage de notre langue au sein des institutions européennes au profit de l'anglais.

M. Christian Poncelet - Je m'interroge sur l'inclusion des aspects liés à l'élargissement au sein du service européen pour l'action extérieure. Est-ce que ce service aura son mot à dire à propos des négociations d'adhésion avec des pays candidats et est-ce qu'il pourra recommander l'ouverture ou la clôture de négociations ?

M. Josselin de Rohan, président - D'après le rapport de la présidence suédoise, les aspects relatifs à l'élargissement et aux négociations d'adhésion ne devraient pas relever du service européen pour l'action extérieure mais demeurer de la compétence de la Commission européenne car l'élargissement n'est pas considéré comme une politique externe de l'Union européenne.

En tout état de cause, le service européen pour l'action extérieure n'aura pas un rôle décisionnel, mais il sera uniquement chargé de préparer les décisions, qui resteront du ressort des institutions politiques, c'est-à-dire, selon les cas, de la Commission européenne, du Conseil des ministres ou bien du Conseil européen.

* *

*

Réunie à nouveau le 12 mai 2010, la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a procédé à l'examen du présent rapport.

M. Josselin de Rohan, président - Je ne reviendrai pas sur le projet de création du service européen pour l'action extérieure, que je vous avais exposé en détail lors de notre précédente réunion du 5 mai dernier.

Lors de cette réunion, je vous avais présenté une proposition de résolution européenne, afin que le Sénat puisse prendre position sur les principaux enjeux soulevés par la création de ce service.

A l'issue du délai fixé pour le dépôt des amendements sur cette proposition de résolution, je constate qu'aucun amendement n'a été déposé sur ce texte.

Je vous proposerai donc de l'adopter sans modification.

M. Robert Badinter - La mise en place du service européen pour l'action extérieure constitue un sujet important qui soulève de réelles difficultés avec nos collègues députés membres du Parlement européen.

J'aurais d'ailleurs souhaité que ce sujet fasse l'objet d'une réunion commune avec les membres de la commission des affaires européennes, même si de nombreux membres de notre commission sont également membres de la commission des affaires européennes et s'il revient à la commission des affaires étrangères et de la défense de se prononcer en dernier ressort sur l'adoption de cette proposition de résolution.

Concernant le texte même de la proposition de résolution européenne, je souhaiterais vous faire part de quelques observations formelles.

A l'alinéa 9, la phrase selon laquelle « le Parlement européen ne dispose d'aucune légitimité pour exercer un contrôle d'opportunité sur l'action du service européen pour l'action extérieure » pourrait être précisée, étant donné qu'elle se réfère à la notion délicate de « légitimité ». Je vous proposerai donc de la remplacer par la formulation suivante : « considérant que les traités ne confèrent pas de compétence spécifique au Parlement européen pour intervenir dans le fonctionnement du service européen pour l'action extérieure ».

Nous sommes à un moment charnière pour l'Union européenne et ses Etats membres. Si nous en étions restés au respect formel de l'intergouvernemental, les décisions qui ont été prises le week-end dernier pour défendre l'euro ne l'auraient pas été. Nous sommes dans une période de renforcement de l'Union.

Je pense également souhaitable, d'un point de vue grammatical, de remplacer dans cet alinéa la conjonction « et » par « ni ».

M. Josselin de Rohan, président - C'est une question très politique. Le Parlement européen désire accroître son pouvoir politique sur la décision et l'exécution de la politique étrangère commune à travers son pouvoir budgétaire en appuyant un rattachement à la Commission et en combattant l'idée d'un organisme sui generis. Il en va de même de son exigence d'auditionner les responsables des délégations avant leur nomination. Il souhaite enfin une prédominance des fonctionnaires de la Commission dans la composition du service, ce qui reviendrait - du fait de la part réservée aux diplomates d'origine des Etats membres - à limiter à la portion congrue la part des fonctionnaires issus du Conseil. Face à cela, il est important de réaffirmer que la politique étrangère commune ne pourra exister que s'il y a accord unanime des Etats.

J'en viens à présent à votre première observation. La création du service européen pour l'action extérieure est une question qui relève directement de notre commission et la procédure d'examen de cette proposition de résolution est conforme au règlement de notre assemblée.

A la demande du président de la commission des affaires européennes, notre collègue Jean Bizet, je présenterai la semaine prochaine une communication sur le projet de création du service européen pour l'action extérieure devant les membres de la commission des affaires européennes, notamment dans l'optique de la réunion conjointe avec les membres de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale et les députés français au Parlement européen, qui aura lieu le 26 mai prochain et dont l'un des thèmes à l'ordre du jour porte précisément sur cette question.

Même si je regrette que vous n'ayez pas déposé d'amendement sur le texte de la proposition de résolution avant l'expiration du délai limite, je suis toutefois disposé à prendre en compte vos observations qui me paraissent fondées.

J'accepte donc volontiers de modifier le texte dans le sens de vos remarques, sous réserve de remplacer le terme de « fonctionnement » par celui d'« action », étant donné qu'il ne s'agit pas de remettre en cause le contrôle budgétaire du Parlement européen mais le contrôle politique qu'il souhaite se voir attribuer sur l'action du service européen pour l'action extérieure.

M. Robert Badinter - Je suis d'accord pour prendre en compte votre observation et modifier le texte de ma proposition d'amendement en conséquence.

Il ne s'agit pas en effet de remettre en cause le rôle du Parlement européen en matière budgétaire ni son droit d'être informé sur l'action du service européen pour l'action extérieure.

La récente crise de l'euro a démontré la nécessité de renforcer l'intégration européenne et de dépasser la coopération intergouvernementale.

Ainsi, il ne me paraît pas choquant que le Parlement européen puisse procéder à l'audition des candidats désignés pour être les chefs des délégations de l'Union européenne dans les pays tiers ou auprès des organisations internationales.

M. Josselin de Rohan, président - Je ne partage pas votre point de vue. La politique étrangère et de sécurité de l'Union européenne ne sera réellement crédible et efficace que si elle s'appuie sur les diplomaties des Etats membres. Si le service européen pour l'action extérieure apparaît comme un instrument aux mains d'une seule institution, il existe un risque sérieux que les diplomaties nationales ne s'impliquent pas dans ce service. Il est donc très important, à mes yeux, que le service européen pour l'action extérieure soit réellement un service sui generis, équidistant de la Commission européenne et du Conseil et qu'il coopère étroitement avec les Etats membres. Si le service européen pour l'action extérieure devait être intégré au sein de la Commission européenne, comme le réclame le Parlement européen, cela affaiblirait inévitablement le lien avec les Etats membres.

Le Parlement européen a réclamé de pouvoir être associé à la procédure de nomination des chefs de délégation ou des représentants spéciaux de l'Union européenne, en procédant à leur audition préalablement à leur désignation, sur le modèle du Sénat américain. Toutefois, cette demande a été unanimement rejetée par les Etats membres et par le Haut représentant. En effet, cela reviendrait à reconnaître au Parlement européen un droit de veto de nature politique dans le choix des chefs de délégation ou des représentants spéciaux. Or, le pouvoir de nomination doit appartenir au Haut représentant.

Par ailleurs, il est important de veiller à ce que les diplomates nationaux soient suffisamment représentés au sein de ce service, par rapport aux fonctionnaires issus de la Commission européenne.

M. Robert del Picchia - Certains de nos collègues députés européens, à l'image de M. Elmar Brok, ne cachent pas leur volonté de renforcer leurs prérogatives au détriment de celles des Parlements nationaux.

M. Jacques Blanc - Il me paraît important de rappeler les stipulations des traités, de souligner le rôle des Parlements nationaux, tout en évitant d'être désobligeant vis-à-vis du Parlement européen.

La formulation proposée par notre collègue M. Robert Badinter, telle que modifiée par le président de la commission, me semble donc préférable.

Après l'avis favorable du rapporteur, et sous réserve d'une modification, l'amendement présenté par M. Robert Badinter, est adopté par la commission.

A l'alinéa 12, la commission est saisie d'une demande de précision.

M. Didier Boulaud - Je m'interroge sur la rédaction de l'alinéa 12. Que faut-il entendre exactement par la phrase selon laquelle ce service devrait se voir reconnaître une « complète autonomie » en matière budgétaire et en termes de gestion des ressources humaines ? Est-ce que cela remet en cause le rôle du Parlement européen en matière budgétaire ?

M. Josselin de Rohan, président - Pour les Etats membres, et comme il est indiqué dans le texte de notre résolution, ce service doit être un service sui generis, équidistant de la Commission européenne et du Conseil. Pour ce faire, il doit disposer d'une autonomie en matière budgétaire et en termes de gestion des ressources humaines. Il devrait donc disposer d'un statut similaire à celui d'une institution et d'un budget autonome au sein du budget général de l'Union européenne. En effet, dans le cas contraire, le Parlement serait tenté d'utiliser l'arme du budget pour peser sur les orientations de la politique étrangère de l'Union européenne, alors même que les traités ne lui reconnaissent pas une telle compétence. Il est toutefois évident que cette autonomie ne signifie pas qu'il n'est soumis à aucun contrôle budgétaire. Celui-ci est exercé naturellement par le Parlement européen dans le cadre des dispositions prévues par les traités européens.

A l'alinéa 13, la commission est saisie de plusieurs observations.

Mme Catherine Tasca - Je m'interroge, pour ma part, sur la phrase figurant à l'alinéa 13 relative au périmètre du futur service européen pour l'action extérieure d'après laquelle « ce service doit se voir reconnaître, sous l'autorité du Haut représentant, un véritable rôle de chef de file dans l'élaboration des orientations stratégiques des instruments financiers extérieurs de l'Union européenne, et notamment de l'aide au développement ».

Je souhaiterais avoir des éclaircissements sur la nature exacte des attributions qui pourraient être confiées au service européen pour l'action extérieure dans ce domaine.

M. Josselin de Rohan, président - Ce sujet a fait l'objet de difficiles négociations entre les Etats membres et la Commission européenne.

En effet, les Etats membres, à l'image de la France, souhaitent que le service européen pour l'action extérieure joue le rôle de chef de file dans l'élaboration des grandes orientations stratégiques des différents instruments financiers de l'Union européenne, comme le fonds européen de développement par exemple, même si leur gestion annuelle et leur mise en oeuvre devraient continuer de relever de la Commission.

La Commission européenne s'est toutefois montrée réticente à l'idée de confier ce rôle de chef de file au service européen pour l'action extérieure. Elle a plaidé pour que le travail de ce service soit réalisé sous le contrôle et la supervision des Commissaires européens compétents, à l'image du Commissaire européen chargé de l'aide au développement.

En définitive, le compromis trouvé lors du Conseil du 26 avril prévoit que le service européen pour l'action extérieure aura la responsabilité d'établir, en coopération avec les services compétents de la Commission, les propositions relatives à la programmation stratégique des instruments financiers, sous l'autorité du Haut représentant. En ce qui concerne le fonds européen de développement, l'instrument de financement de la coopération au développement et l'instrument européen de voisinage, ce travail sera opéré également sous la supervision et le contrôle des Commissaires européens compétents.

Ce rôle de chef de file conféré au service européen pour l'action extérieure pour la programmation pluriannuelle des instruments financiers permettra de renforcer la cohérence entre les priorités politiques de l'Union européenne et la définition des orientations de son aide financière.

M. Robert Badinter - L'adjectif « véritable » me paraît superflu.

M. Jacques Blanc - Ne serait-il pas souhaitable de préciser que ce rôle de chef de file ne joue que pour la phase de préparation des orientations stratégiques et que la définition de ces orientations reste du ressort des instances politiques ?

Après l'avis favorable du rapporteur, la commission adopte l'amendement présenté par M. Robert Badinter et celui présenté par M. Jacques Blanc.

M. Michel Billout - Je voudrais rendre compte de la position des sénateurs membres du groupe Communiste, Républicain et Citoyen sur votre proposition de résolution.

Je rappelle que les membres de notre groupe s'étaient prononcés contre la ratification du traité de Lisbonne, que vous avez soutenu.

Nous partageons un certain nombre de préoccupations que vous avez exprimé dans votre proposition de résolution, telles que la nécessité pour ce service de disposer d'une complète autonomie en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines, le rappel que la politique étrangère et de sécurité commune reste de nature intergouvernementale et qu'à ce titre il ne doit pas y avoir de contrôle d'opportunité du Parlement européen sur l'action du service européen pour l'action extérieure, ainsi que la nécessité d'établir des contacts étroits entre ce service et les Parlements nationaux, afin que ceux-ci soient informés de la politique étrangère de l'Union.

Toutefois, notre divergence, et elle est fondamentale, porte sur l'opportunité même de créer ce service européen pour l'action extérieure.

Comme on peut le voir à propos de la crise économique ou de la crise de l'euro, les institutions européennes ne fonctionnent pas de manière efficace.

Par ailleurs, les Etats membres ne sont pas prêts à renoncer à leur politique étrangère au profit d'une politique étrangère de l'Union européenne ni à se mettre d'accord sur des positions communes.

Enfin, dans le contexte budgétaire actuel, on peut s'interroger sur l'opportunité de mettre en place un nouvel organisme, comptant entre 4 000 et 8 000 agents.

Pour ces raisons, les membres du groupe Communiste, Républicain et Citoyen voteront contre l'adoption de la proposition de résolution.

A l'issue de ce débat, la commission adopte le texte de la proposition de résolution ainsi modifié, les membres du Groupe socialiste ne prenant pas part au vote et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen votant contre.

ANNEXE I - AUDITION DE M. JEAN-MICHEL CASA, DIRECTEUR DE L'UNION EUROPÉENNE AU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET EUROPÉENNES

Lors de sa réunion du 17 février 2010, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a procédé à l'audition de M. Jean-Michel Casa, directeur de l'Union européenne au ministère des affaires étrangères et européennes, sur la politique étrangère de l'Union européenne au lendemain du traité de Lisbonne.

Après avoir rappelé les principales étapes de la carrière diplomatique de M. Jean-Michel Casa, M. Josselin de Rohan, président, s'est interrogé sur les nouveaux instruments de politique étrangère de l'Union européenne après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Il a notamment souhaité obtenir un éclairage particulier sur la mise en place du futur service européen pour l'action extérieure et sur la représentation de l'Union européenne, désormais dotée de la personnalité juridique, auprès des Etats tiers et des organisations internationales, notamment aux Nations unies.

M. Jean-Michel Casa, directeur de l'Union européenne au ministère des affaires étrangères et européennes, a rappelé que la création du service européen pour l'action extérieure (SEAE), prévue par l'article 27, paragraphe 3, du traité sur l'Union européenne, constituait une innovation majeure du traité de Lisbonne, à laquelle la France, qui avait joué un rôle important dans sa conception, était tout particulièrement attachée. Ce service européen pour l'action extérieure, parfois surnommé « service diplomatique commun », représente, en effet, un instrument essentiel pour renforcer la cohérence entre les relations extérieures de l'Union, les aspects externes des politiques mises en oeuvre par l'Union européenne et la politique étrangère conduite par les Etats membres. Une autre originalité tient à la composition de ce service qui, à terme, devra rassembler à parité des fonctionnaires compétents du secrétariat général du Conseil, de la Commission européenne, et des personnels détachés des services diplomatiques nationaux.

La présidence suédoise avait élaboré un rapport préparatoire sur la mise en place de ce service européen pour l'action extérieure, qui a été approuvé par les chefs d'Etat et de Gouvernement lors du Conseil européen d'octobre 2009 et qui constitue la base de travail. Le Conseil européen a souhaité une adoption de la décision relative à l'organisation et au fonctionnement de ce service avant la fin du mois d'avril au plus tard : un important travail reste à accomplir pour tenir cette échéance. Il est vrai que l'approbation de la composition de la Commission européenne par le Parlement européen, après les nombreuses auditions des commissaires désignés, a pris un certain temps. Par ailleurs, la mise en place de ce nouveau service original est d'une certaine complexité juridique et administrative et soulève des enjeux politiques importants. Néanmoins, dès l'approbation du collège, le nouveau Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Catherine Ashton, a confirmé que la mise en place du SEAE serait sa première priorité. Elle a constitué à cet effet un groupe de haut niveau, composé des principaux responsables administratifs de la Commission européenne, du secrétariat général du Conseil et des représentants du « trio » des trois présidences tournantes du Conseil (Espagne, Belgique, Hongrie).

A partir des travaux de ce groupe de travail, Mme Catherine Ashton devrait présenter un projet de décision relative à ce service dans les prochaines semaines. Ce projet sera soumis aux représentants permanents des Etats membres au sein du COREPER, puis au Conseil des ministres. Elle a également fait savoir qu'elle souhaitait débattre de la création de ce service avec le Parlement européen dès le mois de mars.

Si, en vertu du traité, la création de ce service nécessite une décision du Conseil prise à l'unanimité, sur proposition du Haut représentant, après approbation de la Commission européenne et après consultation du Parlement européen, il convient toutefois d'observer que les autres actes juridiques liés à la mise en place de ce service relèvent de la procédure législative ordinaire, c'est-à-dire de la procédure de codécision, qui place le Parlement européen sur un pied d'égalité avec le Conseil. Il s'agit, notamment, des actes relatifs à la modification du statut des fonctionnaires européens, à la modification du règlement financier et à la mise en place d'un budget propre à ce service, qui feront vraisemblablement partie d'un paquet global avec la décision relative à la création du service européen pour l'action extérieure.

Si le Parlement européen a donc son mot à dire à propos de la création de ce service, l'idée selon laquelle le futur service européen pour l'action extérieure devrait être intégré au sein de la Commission européenne, qui avait été notamment évoquée dans le rapport d'Elmar Brok, s'est toutefois heurtée à l'opposition unanime des Etats membres, qui ont insisté sur le caractère sui generis de ce service, distinct et équidistant de la Commission européenne et du secrétariat général du Conseil. Comme le souligne ainsi le rapport adopté par le Conseil européen, le SEAE devra disposer d'une autonomie en termes de budget administratif et de gestion du personnel.

M. Jean-Michel Casa, directeur de l'Union européenne au ministère des affaires étrangères et européennes, a ensuite présenté la position française concernant le périmètre, la structure et la composition de ce service.

Le service européen pour l'action extérieure devrait être un service sui generis placé sous l'autorité du Haut représentant mais qui devrait également pouvoir assister le président du Conseil européen, ainsi que le président et les membres de la Commission européenne, dans l'exercice de leurs fonctions respectives, mais aussi et surtout coopérer étroitement avec les Etats membres. La France souhaite que le Haut représentant soit assisté par un secrétaire général fort, à l'instar du secrétaire général du Conseil ou de la Commission. Il aura pour mission de faire fonctionner le service européen pour l'action extérieure au quotidien, notamment pendant les nombreux déplacements du Haut représentant à l'étranger.

Le périmètre du futur service européen pour l'action extérieure devrait être le plus large possible afin de permettre au Haut représentant d'exercer pleinement son mandat. En vertu du traité, le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, en sa qualité de vice-président de la Commission, a en effet la responsabilité de la coordination des aspects touchant aux relations extérieures au sein de la Commission européenne. Cela s'applique en particulier à l'aide au développement et à la politique de voisinage, dans une certaine mesure à la politique commerciale, mais aussi à la réponse de l'Union européenne aux crises, comme celle qu'a connue récemment Haïti, qui fait l'objet du nouveau portefeuille confié par le président de la Commission à la commission européenne bulgare. La crise haïtienne a en effet montré que si l'Union européenne a été, de loin, le premier contributeur en termes d'aide matérielle et financière, son action a souffert d'un manque de visibilité et de coordination.

Cette conception large du service suppose donc qu'il comprenne des directions géographiques, couvrant toutes les régions et tous les pays, y compris des pays bénéficiaires de l'aide au développement ou faisant l'objet de négociations d'adhésion, mais aussi des directions thématiques, comme par exemple une direction chargée de la réponse aux crises ou une direction chargée des relations avec les Nations unies.

Il est également très important que le service européen pour l'action extérieure comprenne une direction chargée de superviser la programmation stratégique des différents instruments financiers, comme l'instrument de préadhésion, l'instrument européen de voisinage et de partenariat, l'instrument de coopération et de développement ou le fonds européen de développement (FED), afin qu'il puisse jouer le rôle d'un chef de file dans l'élaboration des grandes orientations de ces fonds, même si leur gestion devrait continuer de relever de la Commission européenne.

Conformément au rapport adopté par le Conseil européen d'octobre 2009, les structures de la politique de sécurité et de défense commune et de gestion de crises, comme l'Etat-major de l'Union européenne, la direction « gestion des crises et planification », la « capacité civile de planification et de conduite » ou encore le « centre de situation » devraient faire partie du SEAE, tout en relevant directement de l'autorité du Haut représentant afin de préserver l'autonomie de leurs chaînes de commandement.

Le service devrait aussi comprendre un nombre limité de fonctions de soutien, en particulier en matière de sécurité, d'informatique ou de gestion des ressources humaines, tout en s'appuyant sur d'autres services, comme ceux de la Commission européenne ou du secrétariat général du Conseil, pour les services juridiques, de protocole ou de traduction par exemple, par souci d'efficacité et pour limiter les doubles emplois et donc les coûts. Enfin, ce service devrait bénéficier d'une autonomie budgétaire et administrative complète.

S'agissant de ses effectifs, le service européen pour l'action extérieure devrait comprendre entre 2000 et 3000 agents, selon que l'on y intègre ou non les agents des délégations de l'Union européenne, agents provenant à la fois des services compétents du secrétariat général du Conseil, de la Commission européenne ainsi que des Etats membres. A ce stade, seuls les chefs des délégations de l'Union européenne et les agents chargés de l'analyse politique devraient faire partie du service. Certains agents devraient en revanche continuer de relever de la Commission européenne, par exemple lorsqu'ils sont chargés de la politique commerciale. Si, dans un premier temps, les fonctionnaires issus de la Commission européenne et du secrétariat général du Conseil devaient être les plus disponibles, le personnel provenant des Etats membres devrait, lorsque le service aura atteint sa pleine capacité, représenter plus du tiers des effectifs, y compris au sein du personnel diplomatique des délégations de l'Union européenne.

Le Parlement européen a réclamé récemment de pouvoir être associé à la nomination des chefs de délégation de l'Union européenne ou des représentants spéciaux, en procédant à leur audition préalablement à leur désignation, sur le modèle du Sénat américain, mais cette demande a été rejetée par les Etats membres et par le Haut représentant, qui devrait détenir seul le pouvoir de nomination. Ainsi, trente deux postes de chefs de délégation devraient être proposés l'été prochain (dans des pays comme la Chine, le Brésil, l'Afghanistan ou Haïti), dont la moitié à pourvoir par des diplomates des Etats membres. Le ministère des affaires étrangères et européennes a d'ailleurs entrepris de constituer un « vivier » des meilleurs diplomates français, afin que notre pays soit bien représenté au sein du futur service européen pour l'action extérieure et parmi ces chefs de délégations.

Si le rapport adopté par le Conseil européen prévoit que le service européen pour l'action extérieure devra entretenir des relations avec le Parlement européen, il est vrai que la question se posera à l'avenir du rôle des parlements nationaux, par exemple lors du lancement d'opérations militaires ou de gestion de crises de l'Union européenne.

M. Jean-Michel Casa, directeur de l'Union européenne au ministère des affaires étrangères et européennes, a évoqué, en conclusion, la question de la représentation de l'Union européenne auprès des pays tiers et des organisations internationales.

En ce qui concerne la représentation de l'Union européenne dans les pays tiers, dès l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne et conformément à ses dispositions, les anciennes délégations de la Commission européenne sont devenues des délégations de l'Union européenne, ayant vocation à représenter non seulement la Commission européenne mais l'ensemble de l'Union, sous l'autorité du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Toutefois, en vertu d'un accord avec la présidence espagnole du Conseil, seules 53 délégations se sont vu, à ce stade, reconnaître dans un premier temps un rôle de coordination et de représentation en reprenant à compter du 1er janvier les fonctions exercées jusque là par les ambassades du pays exerçant la présidence tournante du Conseil.

En effet, la présidence espagnole a souhaité, dans cette phase transitoire, conserver un rôle de représentation à certaines de ses ambassades situées dans des pays avec lesquels sont prévus prochainement des sommets de l'Union européenne, comme les pays d'Amérique latine ou la Russie par exemple. A terme, toutefois, les délégations de l'Union européenne exerceront les fonctions de représentation de l'Union dans l'ensemble des pays tiers, y compris les fonctions exercées jusqu'à présent par les ambassades bilatérales du pays exerçant la présidence tournante du Conseil. Il conviendra également de trouver des solutions ad hoc pour les pays tiers où la Commission européenne ne disposait pas de représentations, comme la Mongolie par exemple. Il sera, par ailleurs, nécessaire de s'interroger sur l'avenir des représentants spéciaux désignés sous l'empire du traité précédent. Certains de ces postes de Haut représentant devraient être fusionnés avec ceux de chefs de délégation de l'Union européenne, mais d'autres pourraient conserver leur mandat, comme par exemple le représentant spécial de l'Union européenne au Proche-Orient.

Enfin, la question complexe de la représentation de l'Union européenne auprès des organisations internationales nécessite un examen au cas par cas. Le remplacement par l'Union européenne, désormais dotée de la personnalité juridique, de la Communauté européenne, qui ne disposait souvent que d'un statut de simple observateur, devrait s'accompagner d'un renforcement de son statut auprès de certaines organisations internationales. Ce pourrait être notamment le cas aux Nations unies, où il existe deux représentations, l'une du secrétariat général du Conseil, l'autre de la Commission. La Communauté européenne ne disposait que d'un statut d'observateur : on pourrait envisager de conférer à l'Union européenne un statut comparable à celui d'un « quasi-Etat », pour s'exprimer au nom de l'Union en tant que telle.

M. Josselin de Rohan, président, a souhaité avoir des précisions sur les dispositions qui seront prévues en matière de statut des agents du futur service européen pour l'action extérieure, notamment leur traitement et leur carrière et leur mode de nomination. Il s'est également interrogé sur la coordination entre ce service et les diplomaties nationales et le risque de création d'une vingt-huitième diplomatie.

M. Jean-Michel Casa, directeur de l'Union européenne au ministère des affaires étrangères et européennes, a indiqué que, à ce stade, une révision du statut des fonctionnaires européens était envisagée afin de garantir au personnel détaché des Etats membres le statut d'agent temporaire, qui leur garantirait les mêmes droits et obligations qu'aux fonctionnaires issus de la Commission et du Conseil, et notamment une égalité de traitement. L'objectif est en effet d'attirer des personnes dotées des plus hautes qualités. En revanche, se posera la question des effets de ce détachement sur la carrière des fonctionnaires concernés, mais ce sujet relève de la compétence de chaque Etat.

Le Haut représentant sera l'autorité investie du pouvoir de nomination, mais les recrutements devraient s'effectuer sur la base d'une procédure associant les Etats membres.

Chaque Etat membre devra veiller à être bien représenté au sein du service européen pour l'action extérieure mais aussi dans les délégations de l'Union européenne. Dans l'attente de la décision établissant le service, la procédure de désignation des chefs de délégation des 32 postes qui seront ouverts cet été devrait être une procédure spécifique, inspirée de la procédure de recrutement de la Commission, mais avec la participation des Etats membres.

Afin d'éviter le risque d'une multiplication des diplomaties, il est primordial que le service européen pour l'action extérieure entretienne des relations étroites tant avec la Commission européenne qu'avec les Etats membres, et que le Haut représentant pour les affaires étrangères et européennes joue pleinement son rôle, à la fois de vice président de la Commission européenne chargé de la coordination des aspects extérieurs mais aussi pleinement de président du Conseil Affaires étrangères.

Par ailleurs, c'est aussi pour favoriser l'émergence d'une culture diplomatique commune que les diplomates issus des Etats membres devront être bien représentés au sein de ce service, dans une proportion d'au moins un tiers.

Si la présidence espagnole du Conseil continue actuellement à exercer un rôle en matière de représentation extérieure, cette situation est transitoire et, à l'avenir, la présidence tournante n'exercera en principe plus de compétences dans ce domaine lors des Sommets bilatéraux. Le Haut représentant a, en effet, pour vocation de conduire la politique étrangère de l'Union, même si le traité prévoit que le président du Conseil européen représente, à son niveau, l'Union européenne et que le président de la Commission européenne a également un rôle à jouer dans ce domaine.

M. Christian Cambon a indiqué que, depuis l'adoption du traité de Lisbonne, l'Union donnait l'impression d'avoir « disparu des radars », comme l'a montré la réponse à la situation en Haïti. Il a souhaité avoir des précisions concernant la définition des orientations, la prise de décision, la gestion et le contrôle de l'aide au développement, en estimant que l'essentiel était de parvenir à un système garantissant l'efficacité des fonds européens.

M. Yves Pozzo di Borgo s'est interrogé sur l'état d'avancement des négociations sur le nouvel accord de partenariat entre l'Union européenne et la Russie, notamment en matière énergétique.

Mme Josette Durrieu a regretté l'absence de l'Union européenne sur le dossier du Proche-Orient, en raison des divisions entre les Etats-membres, et s'est demandé si la mise en place du service européen pour l'action extérieure permettrait réellement de surmonter ces divisions et d'aboutir à ce que l'Union européenne parle d'une seule voix.

Elle a également estimé que les parlements nationaux avaient un rôle essentiel à jouer en matière de politique étrangère et de défense, qui demeure une matière intergouvernementale. Elle a rappelé le rôle important joué par l'assemblée parlementaire de l'Union de l'Europe occidentale, seule enceinte permettant aux parlements nationaux de débattre ensemble des questions de sécurité et de défense, en s'interrogeant sur son avenir.

Mme Catherine Tasca s'est demandé si l'on ne mettait pas trop d'espoir dans la mise en place du service européen pour l'action extérieure pour la détermination des positions communes en matière de politique étrangère.

Elle a également fait part de ses interrogations au sujet de l'aide au développement en estimant que l'essentiel à ses yeux était de garantir la cohérence, la visibilité et l'efficacité de cette politique compte tenu de son importance.

Enfin, elle s'est interrogée au sujet de la place et de l'usage du français au sein du futur service européen pour l'action extérieure alors que la nouvelle haute représentante ne semble pas totalement maîtriser le français.

M. Jean-Pierre Chevènement s'est demandé si l'idée de conférer un statut renforcé, équivalent à celui d'un Etat, à l'Union européenne au sein des Nations unies, alors que l'Union européenne n'est pas un Etat, ne pourrait pas avoir d'éventuelles implications négatives, notamment sur le siège permanent de la France au sein du Conseil de sécurité, que certains pays pourraient remettre en cause en s'appuyant sur ce motif.

Ayant fait observer que Mme Catherine Ashton était sans cesse sollicitée par le Parlement européen, il a émis le souhait que la commission des affaires étrangères puisse l'entendre prochainement.

Enfin, il a fait part de ses interrogations au sujet de l'attraction du régime de rémunérations et des primes accordées aux agents du service européen pour l'action extérieure, en émettant la crainte que notre diplomatie se voie amputée de ses meilleurs éléments.

En réponse, M. Jean-Michel Casa, directeur de l'Union européenne au ministère des affaires étrangères et européennes, a apporté les précisions suivantes :

- pour beaucoup d'Etats membres, y compris le Royaume-Uni ou l'Allemagne, l'aide au développement se distingue de la politique étrangère. Ils estiment ainsi que cette politique doit rester au premier chef du ressort de la Commission. La France estime cependant qu'afin d'assurer une meilleure visibilité, une plus grande cohérence et une réelle efficacité de l'aide au développement, il faut confier au Haut représentant la mission de définir les grandes orientations stratégiques, la Commission continuant d'assurer la gestion des instruments de coopération ;

- les relations avec la Russie constituent un bon exemple de l'insuffisante coordination des diplomaties nationales et des différents aspects de la politique extérieure de l'Union, à l'image de l'énergie par exemple, et l'objectif de la création du service européen pour l'action extérieure vise précisément à rapprocher en amont les points de vue entre les Etats membres ;

- précisément, les négociations sur le nouvel accord de partenariat entre l'Union européenne et la Russie n'ont que peu progressé jusqu'à présent, car elles achoppent sur le volet commercial, étant donné que la question de l'adhésion de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce est toujours en suspens ; alors que la principale attente des Européens tient au volet énergétique, la partie russe demande, pour sa part, la levée de l'obligation de visas. Par contre, l'attitude de la Russie sur la question iranienne a évolué dans le sens d'une meilleure coopération et de l'adoption de sanctions plus fortes ;

- au Proche-Orient, il est vrai que l'Union européenne, qui représente le premier contributeur à l'Autorité palestinienne, ne joue pas un rôle à la hauteur de celui des Etats-Unis, qui demeurent le principal acteur du processus de paix, même si les positions des pays européens se sont beaucoup rapprochées ces dernières années, comme le montrent par exemple les conclusions adoptées par le Conseil en décembre 2009. L'Union européenne pourrait pourtant jouer un rôle important dans le cadre d'un règlement global du conflit et dans sa mise en oeuvre, par exemple en apportant des garanties européennes en matière de sécurité, avec l'envoi d'une mission de sécurité sur le terrain, un rôle pilote sur la question des réfugiés ou sur le contrôle des frontières, une aide à la construction d'un état palestinien. L'action du SEAE et l'action du Haut représentant devraient donner plus de visibilité à l'Europe ;

- l'avenir de l'assemblée parlementaire de l'Union de l'Europe occidentale est devenu incertain depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, même s'il faut reconnaître que c'est la seule assemblée interparlementaire qui joue un rôle en matière de sécurité et de défense. Le Parlement européen a vu ses prérogatives renforcées avec le traité de Lisbonne. Ces pouvoirs pourraient se renforcer au fur et à mesure que la politique de sécurité et de défense va s'européaniser. Mais les parlements nationaux ont également un rôle à jouer ; étant donné que le traité de Lisbonne est muet sur ce sujet, à la différence de ce qui existe par exemple pour le contrôle de la subsidiarité, il faudra peut-être inventer ; certains ont ainsi évoqué une Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) en matière de défense ;

- la création du service européen pour l'action extérieure ne suffira évidemment pas à elle seule à aboutir à une diplomatie commune ; les décisions continueront en effet de relever des ministres des affaires étrangères des Etats membres, réunis dans le Conseil des Affaires étrangères, sous la présidence du Haut représentant ; la mise en place de ce service devrait toutefois favoriser l'émergence progressive d'une culture diplomatique commune en permettant un rapprochement des points de vue et une plus grande unité d'action ;

- si, dans un premier temps, le service européen pour l'action extérieure devait comprendre une proportion significative de fonctionnaires issus du secrétariat général du Conseil et de la Commission européenne, progressivement, la part des diplomates issus des Etats membres est appelée à s'accroître afin d'atteindre au moins un tiers des effectifs ;

- au sein de l'assemblée générale des Nations unies, la Communauté européenne ne disposait, jusqu'à présent, que d'un statut d'observateur, soit un statut inférieur à celui, par exemple, de l'Autorité palestinienne, et il semble logique de renforcer ce statut, non pas en l'alignant sur celui des Etats, mais en allant vers un statut intermédiaire afin de permettre au représentant de l'Union d'exprimer, avec une visibilité suffisante, des positions communes, à l'image du rôle que jouait jusqu'à présent l'Etat qui exerçait la présidence tournante du Conseil ; en revanche, s'agissant du Conseil de sécurité des Nations unies, les dispositions du traité de Lisbonne sont très claires puisqu'elles prévoient explicitement que les Etats concernés conservent l'ensemble de leurs prérogatives, tout en leur permettant d'exprimer davantage les positions de l'Union européenne ;

- le régime de rémunération des fonctionnaires européens est d'ores et déjà beaucoup plus attractif que celui des diplomaties nationales et il est important que le service européen pour l'action extérieure puisse attirer des personnes de qualité ;

- si le Haut représentant est investi du pouvoir de nomination, les Etats membres devront participer au processus de recrutement mais les modalités concrètes ne sont pas encore fixées ;

- la France est soucieuse du respect du multilinguisme et de la place du français dans les institutions et organes européens. Un important programme de formation au français est mis en oeuvre à destination des nouveaux membres de la Commission, de leurs cabinets mais également des principaux titulaires de postes de direction au sein de la Commission notamment. Cette offre de formation au français a par exemple été proposée à Mme Catherine Ashton. Pour mémoire, le français est, avec l'anglais, l'une des deux langues de travail dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité.

ANNEXE II -
AUDITION DE M. PIERRE LELLOUCHE, SECRÉTAIRE D'ÉTAT CHARGÉ DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Lors de sa réunion du 2 février 2010, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a procédé à l'audition de M. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes, a souligné qu'il fallait comprendre la mise en place des nouvelles institutions européennes au regard de l'histoire de la construction européenne. Il a estimé que l'Union européenne rentrait dans une troisième phase de son histoire : après l'étape de la réconciliation franco-allemande et du réarmement de l'Allemagne au sein de l'Union européenne, après l'étape de la réunification du continent européen, de l'élargissement et de la modernisation des institutions, elle entre dans une phase qui est celle de l'affirmation de l'Europe dans la mondialisation. Il a déclaré que le principal enjeu de cette étape était la capacité de l'Europe à préserver son système de valeur et son modèle social dans un contexte où la hiérarchie des puissances était en passe d'être bouleversée. Comment l'Europe va-t-elle peser et exister dans ce monde globalisé ? Il a souligné que les Etats européens avaient besoin des institutions européennes pour faire face à de nombreux défis tels que la crise économique mondiale et la crise de la sécurité avec les évènements de Géorgie ou la fragilité de la paix aux périphéries de l'Europe.

Il a ensuite fait observer que la conférence de Copenhague sur le climat, en décembre 2009, avait été pour l'Union européenne un révélateur et peut-être un tournant historique de la même portée qu'en son temps la crise de Suez de 1956. A Copenhague, la négociation s'est, en effet, conclue sans les Européens dont la position, pourtant fondée et unie, s'est heurtée au mur des intérêts nationaux, chinois et américains et à l'indifférence des Etats émergents comme le Brésil ou l'Inde. Soulignant que les risques de déclassement de l'Europe étaient réels, il a affirmé qu'aucun des grands sujets d'actualité n'était à la mesure d'un Etat et maintenant que l'Europe s'était dotée d'institutions viables, il fallait une volonté politique pour ce qui apparaît de plus en plus comme un rendez-vous avec l'histoire.

M. Pierre Lellouche a indiqué que l'Union européenne était rentrée dans une phase d'installation du nouveau système institutionnel issu du Traité de Lisbonne. Il a affirmé que les autorités françaises étaient très vigilantes sur l'articulation des différentes institutions et leur mise en place qui suscitaient quelques inquiétudes. Evoquant une question posée par l'ancien secrétaire d'Etat américain, Henri Kissinger : « l'Europe, quel numéro de téléphone ? », il a fait valoir que l'Union européenne était aujourd'hui constituée de quatre pôles. Le premier, qui constitue le coeur des institutions, est le Conseil européen et son président permanent, M. Herman Van Rompuy. Le rôle du président du Conseil est de faire émerger un consensus au sein du Conseil et d'assurer le suivi de ses décisions. La réunion d'un conseil extraordinaire sur l'emploi et la sortie de crise constitue un premier résultat tangible car c'est la première fois que les chefs d'Etat de l'Union européenne vont tenter de bâtir des politiques communes en faveur de l'emploi à un moment où de part et d'autre de l'Atlantique, le taux de chômage a atteint plus de 10 %.

Il a ensuite insisté sur le rôle qui revient au Conseil des affaires générales dans la nouvelle architecture européenne. Aux termes du Traité de Lisbonne, ce conseil a un rôle politique de préparation des conseils européens, de coordination et de suivi des décisions prises. Il a fait observer que le conseil des affaires générales, qui se réunit chaque mois, doit être une enceinte de débats politiques en relation étroite avec le président du Conseil européen, et non un super Coreper.

Le deuxième pôle de pouvoir au sein de l'Union européenne est désormais le Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui est également la vice-présidente de la Commission. Son rôle est de fabriquer du consensus entre les politiques étrangères des Etats. Il a estimé que cette double appartenance du poste occupé par Mme Catherine Ashton devrait permettre une meilleure coordination entre les Etats membres du Conseil et l'action extérieure de la Commission européenne, qui dispose des moyens financiers pour les politiques communes, comme par exemple l'énergie ou l'aide au développement.

Il a espéré que cette nouvelle architecture mette fin à des situations où l'action de la Commission s'est développée sans concertation avec les Etats, comme en Afghanistan ou à Sarajevo. L'exemple du peu de visibilité de l'Union à Haïti montre tout l'intérêt que l'impulsion politique donnée par le Haut représentant et le Conseil soit relayée par l'action extérieure de la Commission. Il a souligné la nécessité de mettre en place en Europe une force de réaction rapide dont l'Europe discute en vain depuis des années. Il a indiqué que les membres du Conseil de l'Union européenne devraient, à l'avenir, faire preuve de plus de réactivité politique s'ils veulent que l'action de l'Europe soit plus visible sur la scène internationale.

M. Pierre Lellouche a ensuite évoqué la mise en place du service européen pour l'action extérieure (SEAE), organisme sui generis dont le statut des personnels est différent de celui des fonctionnaires de la Commission. Il a indiqué qu'en ce qui concerne le recrutement, les autorités françaises seront particulièrement attentives à ce que l'égalité de traitement entre les fonctionnaires de la Commission, ceux du Conseil européen et les diplomates nationaux soit effective. La structure, les missions et la taille de ce service sont en cours de discussion. Il importe donc d'être attentif au risque de se voir mis devant le fait accompli.

A titre d'exemple, il a évoqué les enjeux autour des nominations des « ambassadeurs » de l'Union européenne. Il a rappelé que, depuis le 1 er janvier, les délégations de la Commission ont laissé la place à des délégations de l'UE, qui ont repris les fonctions de la présidence dans 55 Etats tiers. Il a considéré qu'il ne devait pas y avoir de monopole de la Commission sur la désignation des « ambassadeurs » de l'Union européenne. Il a indiqué que pour la France, les nominations déjà effectuées ne sauraient être que transitoires. Les décisions concernant le futur SEAE seront prises par ceux qui ont la légitimité, c'est-à-dire par les Etats.

Si le Parlement européen revendique un contrôle de l'action extérieure de l'Union et du SEAE par l'intermédiaire de son pouvoir budgétaire, M. Pierre Lellouche a souligné que les parlements nationaux devaient jouer totalement leur rôle et faire entendre leur voix.

Le secrétaire d'Etat a ensuite évoqué les parlementaires français membres du Parlement de l'Union. Il a indiqué qu'ils étaient de plus en plus présents et coordonnés. Il a souligné que les autorités françaises étaient très vigilantes sur l'utilisation de la langue française, observant que les francophones, rassemblés au sein d'un groupe à l'initiative de la France, constituaient 350 des 700 membres du Parlement.

Il a ensuite fait valoir que le couple franco-allemand restait le meilleur moteur de la construction européenne. Il a estimé que la France et l'Allemagne avaient traversé avec succès l'épreuve de la crise et s'apprêtaient à définir, à l'occasion du prochain conseil des ministres franco-allemand qui se réunira le 4 février prochain en formation plénière, les objectifs de leur coopération pour les dix années à venir. Il a précisé que, avec son collègue Werner Hoyer, il avait fait des propositions au Président de la République et à la chancelière fédérale. Le secrétaire d'Etat a rappelé que, lorsque la France et l'Allemagne n'arrivent pas à définir des positions communes, comme ce fut le cas lors de l'éclatement de la fédération yougoslave, les conséquences pouvaient être imprévisibles.

M. Pierre Lellouche a conclu en soulignant que la totalité des problèmes auxquels les Européens sont confrontés dépassent l'échelle des Etats et justifient que l'on construise une Europe politique forte. Il a fait observer que l'Europe ne constituerait plus que 6 % des habitants de la planète dans vingt ans. Il a jugé que l'Europe risquait d'être marginalisée si elle ne prend pas son destin en mains.

(...)

ANNEXE III - DISPOSITIONS DU TRAITÉ DE LISBONNE RELATIVES AU SERVICE EUROPÉEN POUR L'ACTION EXTÉRIEURE

Article 27, paragraphe 3 du traité sur l'Union européenne

Dans l'accomplissement de son mandat, le haut représentant s'appuie sur un service européen pour l'action extérieure. Ce service travaille en collaboration avec les services diplomatiques des États membres et est composé de fonctionnaires des services compétents du secrétariat général du Conseil et de la Commission ainsi que de personnel détaché des services diplomatiques nationaux. L'organisation et le fonctionnement du service européen pour l'action extérieure sont fixés par une décision du Conseil. Le Conseil statue sur proposition du haut représentant, après consultation du Parlement européen et approbation de la Commission.

Déclaration n° 13 sur la politique étrangère et de sécurité commune annexée au traité de Lisbonne

La Conférence souligne que les dispositions du traité sur l'Union européenne portant sur la politique étrangère et de sécurité commune, y compris la création de la fonction de haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et la mise en place d'un service pour l'action extérieure, ne portent pas atteinte aux responsabilités des États membres, telles qu'elles existent actuellement, pour l'élaboration et la conduite de leur politique étrangère ni à leur représentation nationale dans les pays tiers et au sein des organisations internationales.

La Conférence rappelle également que les dispositions régissant la politique de sécurité et de défense commune sont sans préjudice du caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense des États membres.

Elle souligne que l'Union européenne et ses États membres demeureront liés par les dispositions de la Charte des Nations unies et, en particulier, par la responsabilité principale incombant au Conseil de sécurité et à ses États membres du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Déclaration n° 14 sur la politique étrangère et de sécurité commune annexée au traité de Lisbonne

En plus des règles et procédures spécifiques visées à l'article 11, paragraphe 1, du traité sur l'Union européenne, la Conférence souligne que les dispositions concernant la politique étrangère et de sécurité commune, y compris pour ce qui est du Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ainsi que du service pour l'action extérieure, n'affecteront pas la base juridique existante, les responsabilités ni les compétences de chaque État membre en ce qui concerne l'élaboration et la conduite de sa politique étrangère, son service diplomatique national, ses relations avec les pays tiers et sa participation à des organisations internationales, y compris l'appartenance d'un État membre au Conseil de sécurité des Nations unies.

La Conférence note par ailleurs que les dispositions concernant la politique étrangère et de sécurité commune ne confèrent pas de nouveaux pouvoirs à la Commission de prendre l'initiative de décisions ni n'accroissent le rôle du Parlement européen.

La Conférence rappelle également que les dispositions régissant la politique de sécurité et de défense commune sont sans préjudice du caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense des États membres.

Déclaration n° 15 annexée au traité de Lisbonne

La Conférence déclare que, dès la signature du traité de Lisbonne, le secrétaire général du Conseil, Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, la Commission et les États membres devraient entamer les travaux préparatoires relatifs au Service européen pour l'action extérieure.

* 1 Résolution du Parlement européen du 22 octobre 2009 sur les aspects institutionnels de la mise en place du service européen pour l'action extérieure

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