B. DÉLAIS DE MISE EN CONFORMITÉ ET SANCTIONS
1. Une entrée en vigueur progressive
La proposition de loi prévoit une mise en oeuvre progressive, avec une entrée en vigueur du quota de 40 % six ans après la promulgation (article 9). Elle prévoit toutefois un palier de 20 % dans les trois ans pour les seules sociétés cotées, écartant ainsi le périmètre des sociétés anonymes de plus de 250 salariés et 50 millions d'euros de chiffre d'affaires. En cas de vacance au sein du conseil avant le délai de trois ans, lorsqu'un sexe n'est pas représenté, des nominations doivent être effectuées pour y remédier.
La durée de six ans coïncide avec la durée légale maximale du mandat d'administrateur.
Ces délais de mise en oeuvre sont similaires à celle prévues par la proposition de loi de l'Assemblée nationale.
2. Quelles sanctions en cas de composition irrégulière ?
Outre la sanction de nullité des délibérations en cas de composition irrégulière du conseil dans le cadre de son fonctionnement habituel, la proposition de loi prévoit dans le cadre de la période transitoire la nullité des nominations qui contreviennent à la règle des 20 % puis des 40 %. Cette nullité entraîne la nullité des délibérations auxquelles ont pris part les membres nommés irrégulièrement.
Votre rapporteur s'est interrogé sur le caractère proportionné mais également opérant de cette sanction, ainsi que sur sa combinaison avec la sanction de nullité de toutes les délibérations après la période transitoire.
C. LIMITER LE CUMUL DES MANDATS SOCIAUX ?
Alors que la proposition de loi transmise par l'Assemblée nationale ne prévoit qu'un objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes, assorti de délais et de sanctions, la proposition de loi de notre collègue Nicole Bricq a souhaité s'appuyer, pour parvenir plus concrètement à cet objectif, sur une plus forte limitation du cumul des mandats sociaux. En effet, en libérant des postes dans les conseils d'administration ou les conseils de surveillance, des règles plus strictes de cumul de mandats sociaux devraient permettre plus aisément de donner davantage de place aux femmes. Selon notre collègue, ces règles permettraient également de réduire l'endogamie des conseils et de renforcer l'indépendance de leurs membres en limitant les risques de conflit d'intérêts. Force est d'observer, à cet égard, que 20 % des mandataires sociaux des sociétés du CAC 40 concentrent 43 % des droits de vote dans les conseils du fait du cumul des mandats.
Ce raisonnement se limite toutefois au nombre de mandats sociaux qui peuvent être simultanément cumulés, sans prendre en compte les mandats successifs, c'est-à-dire le cumul dans le temps, ni la durée elle-même des mandats. De plus, ces règles plus strictes affecteraient aussi les femmes qui détiennent actuellement plusieurs mandats d'administrateur ou sont membres de plusieurs conseils de surveillance.
Hors le cas des administrateurs personnes morales, sous réserve de dispositions concernant les sociétés contrôlées, le texte limite à trois le nombre de mandats d'administrateur ou de membre d'un conseil de surveillance ou d'un directoire susceptibles d'être cumulés, quel que soit le lieu du siège de la société, qu'elle soit cotée ou non (article premier). Il ajoute qu'une même personne ne peut exercer simultanément plus d'un mandat de président du conseil d'administration, directeur général, président du directoire, membre du directoire, directeur général unique ou président du conseil de surveillance.
Actuellement, sauf dispositions spécifiques concernant les sociétés contrôlées ou non cotées, il peut être cumulé simultanément jusqu'à cinq mandats d'administrateur ou de membre de conseil de surveillance. De plus, il peut être cumulé au total jusqu'à cinq mandats de directeur général, membre du directoire, directeur général unique, administrateur ou membre du conseil de surveillance, étant entendu qu'une même personne ne peut cumuler plus d'un mandat de directeur général et plus d'un mandat de membre du directoire ou de directeur général unique. A cet égard, il semble exister une contradiction dans la proposition de loi concernant le mandat de membre du directoire.
Un délai de trois mois est accordé aux mandataires sociaux concernés pour se mettre en conformité avec les nouvelles règles de cumul, sous peine de démission d'office de tous leurs mandats et d'invalidité de toutes les délibérations auxquelles ils ont pris part (article 3). Votre rapporteur s'est interrogé sur la sévérité de ces sanctions.
Par ailleurs, la proposition de loi prohibe le cumul des fonctions de président du conseil d'administration, directeur général, membre du directoire ou président du conseil de surveillance dans une entreprise privée avec les mêmes fonctions dans une entreprise du secteur public (article 4).
Votre rapporteur a observé que cette question avait déjà été soumise au Sénat, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi présentée par notre collègue Yvon Collin (n° 8, 2009-2010), adoptée le 18 novembre 2009. Le Sénat a adopté ce texte dans une version modifiée selon laquelle la nomination à des fonctions de président du conseil d'administration, de directeur général, de membre du directoire ou de président du conseil de surveillance dans une entreprise publique concurremment à des fonctions similaires dans une entreprise du secteur privé est soumise à l'avis préalable de l'agence des participations de l'État. Le Sénat s'est ainsi déjà prononcé sur cette question.
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Ayant à examiner prochainement la proposition de loi, transmise par l'Assemblée nationale, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle (n° 223, 2009-2010), votre commission a souhaité réunir l'initiative de nos collègues députés, conduits par M. Jean-François Copé et Mme Marie-Jo Zimmermann, et celle de notre collègue Nicole Bricq, de façon à pouvoir les étudier conjointement dans un esprit constructif.
En outre, il lui a semblé préférable et plus logique de poursuivre la navette engagée par la proposition de loi transmise par l'Assemblée nationale, en lui joignant la proposition de loi de notre collègue, plutôt que d'adopter une proposition distincte.
Aussi votre commission vous propose-t-elle, à ce stade, dans l'attente de l'inscription à l'ordre du jour du Sénat de la proposition de loi émanant de l'Assemblée nationale, d'adopter une motion de renvoi en commission de la proposition de loi.